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13/02/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1023.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 février 2018, P.17.1023.N


N° P.17.1023.N
I. LE PROCUREUR FÉDÉRAL,
demandeur en cassation,

II. ÉTAT TURC, représenté par le ministre des Affaires étrangères de la République de Turquie,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain,

les deux pourvois contre

1. S. U.,
inculpé,
(...)
30. ROJ, société anonyme,
inculpée,
Me Stijn De Meulenaer, avocat au barreau de Gand,
(...)
32. STERK PRODUCTIONS, société anonyme,
inculpée,
Me Stijn De Meulenaer, avocat au barreau de Gand,
(...)
42. A. K.,


inculpé,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 14 sept...

N° P.17.1023.N
I. LE PROCUREUR FÉDÉRAL,
demandeur en cassation,

II. ÉTAT TURC, représenté par le ministre des Affaires étrangères de la République de Turquie,
partie civile,
demandeur en cassation,
Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain,

les deux pourvois contre

1. S. U.,
inculpé,
(...)
30. ROJ, société anonyme,
inculpée,
Me Stijn De Meulenaer, avocat au barreau de Gand,
(...)
32. STERK PRODUCTIONS, société anonyme,
inculpée,
Me Stijn De Meulenaer, avocat au barreau de Gand,
(...)
42. A. K.,
inculpé,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 14 septembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur I invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
Le 9 février 2018, une note telle que visée à l'article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire a été déposée au greffe de la Cour au nom des défendeurs 2, 3, 4, 11, 17, 30 et 32.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la demande formulée par les défendeurs 2, 3, 4, 11, 17, 30 et 32 concernant les conclusions du ministère public près la Cour :

1. Les défendeurs soutiennent que compte tenu des circonstances concrètes de l'affaire, la manière dont le ministère public a conclu oralement est insuffisante pour garantir une contradiction effective et que, par conséquent, la Cour doit réserver la cause jusqu'à ce que cette contradiction soit garantie ou ne pas avoir égard aux conclusions orales du ministère public.
2. Il ne résulte ni de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont le respect doit être apprécié au regard de la procédure pénale prise dans son ensemble, ni de toute autre disposition ou de tout autre principe général du droit que le ministère public près la Cour est tenu de conclure par écrit ou de communiquer aux parties le compte rendu écrit ou les notes préparatoires de ses conclusions orales.

3. Il ne suit pas davantage des circonstances spécifiques de l'affaire relevées par les défendeurs, entre autres l'audibilité défectueuse des conclusions orales pour les défendeurs, la technicité de la matière traitée, le nombre élevé de moyens invoqués par les demandeurs I et II, la rareté de la jurisprudence de la Cour concernant les questions juridiques complexes examinées et le grand nombre de pages des mémoires rédigés par les parties, que le droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la Convention, et les droits de la défense exigent que les défendeurs reçoivent des conclusions écrites ou un compte rendu écrit des conclusions orales. En effet :
- si le ministère public près la Cour remet, en toute indépendance, un avis sous la forme de conclusions considérées comme faisant autorité, cet avis, qui émane d'une instance qui n'est pas partie au procès, ne lie cependant la Cour en aucune façon ;
- quand bien même l'audibilité des conclusions orales du ministère public n'aurait pas été idéale, cette circonstance concerne toutes les parties et également la Cour, même en tenant compte de la distance séparant les bancs des conseils des parties de l'endroit où le ministère public a pris place ;
- en entendant ces conclusions, la Cour a compris que, conformément au défaut de motivation invoqué dans les mémoires déposés par les demandeurs I et II, le ministère public avisait de casser l'arrêt en ce qui concerne le non-lieu pour les préventions A et B et que, conformément à l'illégalité invoquée dans le mémoire du demandeur II, de casser le non-lieu prononcé pour la prévention E ;
- pour le surplus, la Cour a compris de ces conclusions orales que le ministère public avisait de rejeter le moyen invoqué par le demandeur I relativement à la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, de rejeter, s'agissant des préventions C et D, les moyens de cassation pour les défendeurs concernés vu l'insuffisance de griefs constatée et, en ce qui concerne la défenderesse 32, de déclarer irrecevables les pourvois des demandeurs I et II en l'absence de signification valable ;
- les défendeurs ont eu la possibilité de réagir par un mémoire en réponse aux moyens invoqués dans les mémoires des demandeurs I et II et donc également à ces moyens qui, selon le ministère public en ses conclusions orales, devaient donner lieu à cassation ;
- il ressort de la note déposée par les défendeurs qu'ils ont effectivement eu la possibilité de réagir à ce que soutenait le ministère public en ses conclusions orales.

La demande des défendeurs est rejetée.

Sur la recevabilité des pourvois I et II

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi :

4. La défenderesse 32 allègue que les pourvois des demandeurs I et II sont irrecevables au motif qu'ils n'ont pas été signifiés au mandataire ad hoc désigné pour elle.

5. Il ressort du texte et de la finalité de l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, qui vise à garantir l'indépendance de la personne morale, que seul le mandataire ad hoc est habilité à représenter la personne morale dans l'action publique exercée contre elle. Pour être régulier, le pourvoi dirigé contre une personne morale pour laquelle un mandataire ad hoc a été désigné doit donc être signifié à ce mandataire ad hoc.

6. Il appert des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, sur requête du demandeur I, Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles, a été désigné, par décision du juge d'instruction du 6 novembre 2015, mandataire ad hoc pour la défenderesse 32 en vue de la représenter dans cette procédure pénale. Il ne ressort pas de ces pièces que le mandataire ad hoc a été déchargé de sa mission. Il n'est pas établi que les actes de pourvoi des demandeurs I et II ont été signifiés, en ce qui concerne la défenderesse 32, à ce mandataire ad hoc.
7. La fin de non-recevoir des pourvois des demandeurs I et II est accueillie en ce qui concerne la défenderesse 32.

8. Dans la mesure où ils se rapportent à la défenderesse 32, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens des demandeurs I et II.

Sur les moyens du demandeur I :

Sur le deuxième moyen :

9. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 27, § 1er, de la loi du [10] avril 2014 modifiant diverses dispositions en vue d'établir un registre national des experts judiciaires et établissant un registre national des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : la procédure est nulle du fait que l'interprète F. D. a prêté, à l'audience publique du 27 juin 2017, le serment énoncé à l'article 282 abrogé du Code d'instruction criminelle et non le serment obligatoire visé à l'article 27 de la loi du [10] avril 2014, qui doit être prêté à l'issue de la mission ; le demandeur I s'étant trouvé dans l'impossibilité d'opposer cette nullité avant la clôture des débats, cette irrégularité ne peut être couverte par l'arrêt.

10. Le serment prêté par un interprète est régulier, même s'il n'est pas énoncé littéralement dans les termes prescrits à l'article 27 de la loi du 10 avril 2014, pour autant qu'il ait la même signification que le serment prescrit et impose à l'interprète les mêmes obligations.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

11. Il ressort du procès-verbal de l'audience du 27 juin 2017 que l'interprète n'a pas prêté le serment visé à l'article 27 de la loi du 10 avril 2014, mais le serment tel que prescrit par l'article 282 du Code d'instruction criminelle, dans sa version applicable jusqu'au 1er juin 2017.

Bien que leur formulation ne soit pas identique, ces deux serments ont la même portée et imposent à l'interprète les mêmes obligations.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
Sur les moyens du demandeur II
(...)
Sur le cinquième moyen :

Quant à la première branche :

36. Le moyen, en cette branche, est pris de la violation de l'article 145, § 3bis, de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques : l'arrêt conclut, sur la base des définitions du réseau de communications électroniques et du service de communications électroniques que donne la loi précitée, que les programmes de radiodiffusion et de télévision ne tombent pas sous le champ d'application de cette disposition pénale, sans vérifier cependant s'il peut s'agir d'autres moyens de communication.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen :

37. La défenderesse 30 allègue que le demandeur II ne peut invoquer cette illégalité parce qu'elle ne touche pas à l'ordre public et qu'elle critique une décision de l'arrêt qui est conforme à la décision du premier juge contre laquelle aucune critique n'a été élevée.

38. La circonstance que les juges d'appel, à l'instar du premier juge, auraient interprété erronément les notions définissant le champ d'application d'une disposition pénale, sans qu'une partie civile qui s'est pourvue en cassation contre un arrêt de non-lieu ait soulevé ce point devant les juges d'appel, n'empêche pas cette partie civile d'invoquer cette illégalité devant la Cour.

La fin de non-recevoir est rejetée.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

39. L'article 145, § 3bis, de la loi du 13 juin 2005 punit la personne qui utilise un réseau ou un service de communications électroniques ou d'autres moyens de communications électroniques afin d'importuner son correspondant ou de provoquer des dommages.

L'arrêt qui décide le non-lieu pour les faits visés à cette prévention au motif que les programmes de radiodiffusion et de télévision ne relèvent pas des notions de réseau de communications électroniques ou de service de communications électroniques, sans examiner s'il ne s'agit pas d'autres moyens de communication électronique, ne justifie pas légalement cette décision.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant à la seconde branche :

40. Le moyen, en cette branche, a la même portée que le quatrième moyen, en sa seconde branche, du demandeur I et doit être rejeté pour les motifs énoncés en réponse à cette branche.

Le contrôle d'office pour le surplus

41. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant que :
- il ordonne le non-lieu pour les faits faisant l'objet des préventions A en ce qui concerne les défendeurs 1 à 6, 8 à 16 et 18 (réquisitoire du demandeur I du 15 décembre 2014 - FD.35.98.54/2009 - OR 30/09) et 37, 38 et 42 (réquisitoire du demandeur I du 11 juin 2015 - FD.35.98.634/06 - OR 113/08 - FD.35.98.502/07 - OR 121/08) et B en ce qui concerne les défendeurs 1, 7, 17, 19 à 31 et 33 à 36 (réquisitoire du demandeur I du 15 décembre 2014 - FD.35.8.54/2009 - OR 30/09) et 39 à 41 (réquisitoire du demandeur I du 11 juin 2015 - FD.35.98.634/06 - OR 113/08 - FD.35.98.502/07 - OR 121/08) ;
- il ordonne le non-lieu pour les faits faisant l'objet de la prévention E en ce qui concerne la défenderesse 30 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne l'État belge à un quart des frais du pourvoi I ;
Condamne le demandeur II à un quart des frais du pourvoi II ;
Réserve le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du treize février deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1023.N
Date de la décision : 13/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-13;p.17.1023.n ?

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