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07/02/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0100.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 février 2018, P.18.0100.F


N° P.18.0100.F
M. M.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Stanislas Eskenazi, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.



II. LA DÉCISION

DE LA COUR

Sur l'ensemble du deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la ...

N° P.18.0100.F
M. M.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Stanislas Eskenazi, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur l'ensemble du deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Constitution, 41 du Code d'instruction criminelle, 1er, 2° et 3°, et 3 de la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations et 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Le demandeur reproche à l'arrêt de considérer que le mandat d'arrêt décerné contre lui est régulier, alors que le constat des indices sérieux de culpabilité visés par le juge d'instruction et par les juges d'appel fait suite à une perquisition illégale. Selon le moyen, la perquisition exécutée au domicile du demandeur est irrégulière dès lors que les policiers qui ont accompli ce devoir n'ont pas d'abord recueilli son consentement.

L'article 1er, alinéa 2, de la loi du 7 juin 1969 dispose :
« Aucune perquisition ni visite domiciliaire ne peut être faite dans un lieu non ouvert au public avant cinq heures du matin et après neuf heures du soir.
L'interdiction prévue à l'alinéa premier ne s'applique pas : [...]
3° en cas de réquisition ou de consentement de la personne qui a la jouissance effective du lieu [...] ; ».

En application de l'article 3 de la loi du 7 juin 1969, le consentement visé à l'article 1er, alinéa 2, 3°, de cette loi doit être donné par écrit, préalablement à la perquisition ou à la visite domiciliaire.

Selon l'arrêt, les policiers se sont présentés au domicile du demandeur dans le cadre d'un dossier « enfant en danger », en l'espèce sa fille, qu'ils accompagnaient pour « voir les conditions de vie chez son père » ; lorsque le demandeur a ouvert la porte après avoir entendu la voix de sa fille, celle-ci est entrée et les policiers ont sollicité l'autorisation d'en faire autant, ce qu'ils firent après que le demandeur s'est reculé pour ouvrir la porte encore plus largement, laissant ainsi de la place aux policiers pour passer. La décision ajoute que le demandeur a refusé la visite domiciliaire mais a tout de même montré spontanément le contenu de son dressoir et la cuisine. Enfin, les juges d'appel ont précisé qu'il semblait que les policiers étaient « intervenus dans le cadre de leur mission et qu'en raccompagnant l'enfant chez son père, et après avoir été invités de manière implicite (non verbale) mais certaine [à] entrer dans la partie privative de l'immeuble, ils aient été convaincus de visu [...] de la pertinence d'une perquisition en flagrant délit ».

Il ne se déduit pas de ces énonciations que le demandeur ait admis la présence des policiers dans son domicile ni qu'il ait consenti par écrit à la visite domiciliaire avant l'entrée de ceux-ci.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur l'ensemble du troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Constitution, 41 du Code d'instruction criminelle, 1er, 2° et 3°, et 3 de la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations et 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Selon le demandeur, la perquisition exécutée à son domicile après vingt-et-une heures et avant cinq heures est irrégulière aux motifs qu'aucun crime ou délit flagrant n'a au préalable été constaté.

L'article 1er, alinéa 2, de la loi du 7 juin 1969 dispose :
« Aucune perquisition ni visite domiciliaire ne peut être faite dans un lieu non ouvert au public avant cinq heures du matin et après neuf heures du soir.
L'interdiction prévue à l'alinéa premier ne s'applique pas : [...]
2° lorsqu'un magistrat ou un officier de police judiciaire se transporte sur les lieux pour constater un crime ou délit flagrant ; [...] ».

Conformément aux articles 32, 36 et 41 du Code d'instruction criminelle et à l'article 1er, alinéa 2, 2°, précité, le procureur du Roi et l'officier de police judiciaire peuvent procéder à une visite domiciliaire en cas de flagrant crime ou délit. Cette visite domiciliaire peut être effectuée à n'importe quelle heure, sans le consentement de la personne intéressée et sans mandat de perquisition.

La constatation de l'état de flagrance doit précéder la perquisition et cette dernière ne peut être justifiée par le constat a posteriori du flagrant délit. Il n'y a pas de flagrant délit si l'on se fonde seulement sur des présomptions et des indices qu'une infraction pourrait avoir été commise.

Le délit flagrant est celui qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il est apprécié souverainement par le juge du fond, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement en déduire l'existence.

Selon l'arrêt, les policiers se sont présentés au domicile du demandeur dans le cadre d'un dossier « enfant en danger », en l'espèce sa fille. Il n'aurait pas répondu aux coups frappés à la porte de son appartement et l'enfant, qui accompagnait les policiers, s'est signalée de son plein gré, le demandeur ouvrant ensuite la porte. Les juges d'appel ont relevé que l'enfant était entrée, que les policiers avaient sollicité l'autorisation d'en faire autant, ce qu'ils firent après que le demandeur a reculé pour ouvrir la porte. L'arrêt précise encore qu'une fois à l'intérieur de l'appartement, les policiers ont constaté l'état singulier du demandeur, agité et confus, qu'ils ont senti l'odeur de stupéfiants et constaté la présence d'une poudre blanche sur un ordinateur portable et qu'ils ont procédé à une perquisition en flagrant délit.

De ces constatations, les juges d'appel n'ont pu déduire que l'état de flagrance, justifiant selon eux la visite domiciliaire, avait été constaté préalablement à l'entrée des policiers dans le domicile du demandeur.

Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision que les indices sérieux de culpabilité qu'il relève et visés au mandat d'arrêt ont été recueillis à la suite d'une perquisition régulière, menée en flagrant délit.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur le quatrième moyen :

Le demandeur allègue que les investigations dont il a fait l'objet n'ont pu prendre appui, contrairement à ce que l'arrêt décide, sur l'article 6bis de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques, à défaut d'indices sérieux justifiant l'accomplissement d'un tel devoir.

Cet article dispose :
« Les officiers de police judiciaire et les fonctionnaires ou agents désignés à cette fin par le Roi, peuvent visiter les officines, magasins, boutiques et lieux quelconques affectés à la vente ou à la délivrance des substances visées dans la présente loi, pendant les heures où ils sont ouverts au public. [...]
Ils peuvent, à toute heure, visiter les locaux qui servent à la fabrication, à la préparation, à la conservation ou à l'entreposage de ces substances.
Ils sont investis des mêmes pouvoirs à l'égard des locaux où il est fait usage, en présence de mineurs d'âge, des substances visées à l'article 2bis, § 1er. »

La visite d'un domicile sur la base de l'article 6bis précité requiert l'existence préalable d'indices sérieux et objectifs d'une infraction relative à la détention illicite de stupéfiants.

Nonobstant la circonstance que le juge constate souverainement les faits dont il déduit l'existence de tels indices, il appartient à la Cour de vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement déduire cette conséquence et s'il a régulièrement motivé sa décision à cet égard.

Les juges d'appel ont considéré qu'en l'espèce, l'enfant avait préalablement relaté à sa mère, laquelle en avait informé les verbalisateurs, de la présence d'une chambre dans l'appartement de son père dont l'accès lui était interdit, mais dans laquelle elle avait aperçu la présence « d'une balance et de sacs avec des produits dedans ».

Cette seule considération ne permet pas à la Cour de déterminer les raisons ayant amené la juridiction d'appel à conclure à l'existence préalable d'indices sérieux et objectifs d'infraction, de sorte que la Cour est dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de légalité qui lui est confié.

Ce faisant, les juges d'appel n'ont ni régulièrement motivé ni légalement justifié leur décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du sept février deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0100.F
Date de la décision : 07/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-07;p.18.0100.f ?

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