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06/02/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0543.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 février 2018, P.17.0543.N


N° P.17.0543.N
E. D.V.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Vincent Van Britsom, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 avril 2017 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.


II. LA DÉCISION DE LA COUR

Su

r le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 204 du Code d&apos...

N° P.17.0543.N
E. D.V.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Vincent Van Britsom, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 avril 2017 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuant en degré d'appel.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 204 du Code d'instruction criminelle : le jugement attaqué déclare, à tort, la demanderesse déchue de son appel en raison, d'une part, de motifs contradictoires et, d'autre part, de la description imprécise des griefs formulés ; les juges d'appel n'ont pas tenu compte, ou dans une mesure insuffisante, du moment auquel il a été interjeté appel, avec toutes les incertitudes auxquelles la demanderesse s'est vue confrontée.

2. Le droit à l'accès à un tribunal, garanti par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, n'empêche pas les États membres d'assortir l'introduction de recours de conditions, pour autant que celles-ci servent un objectif légitime et qu'il existe une proportion raisonnable entre les conditions imposées et l'objectif poursuivi.

Ces conditions ne peuvent avoir pour conséquence de porter substantiellement atteinte au droit d'introduire un recours. Dans le cadre de leur application, le juge ne peut faire preuve ni d'un formalisme excessif tel qu'il soit porté atteinte au caractère équitable de la procédure, ni d'une souplesse exagérée telle que les conditions imposées en perdent leur objet.

3. L'article 204 du Code d'instruction criminelle dispose :
« À peine de déchéance de l'appel, la requête indique précisément les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement et est remise, dans le même délai et au même greffe que la déclaration visée à l'article 203. Elle est signée par l'appelant, son avocat ou tout autre fondé de pouvoir spécial. Dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à la requête. (...). Un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé à cette fin. (...) ».

Le formulaire de griefs visé par l'article 204, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle a été établi par l'arrêté royal du 18 février 2016 portant exécution de l'article 204, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle.

4. Il ressort de ces dispositions et de leur genèse légale que :

- en instaurant l'obligation d'indiquer précisément les griefs élevés contre le jugement rendu en première instance, le législateur a pour but de voir traitées plus efficacement les affaires pénales en degré d'appel et veut particulièrement éviter une charge de travail et des frais inutiles en ne soumettant plus à la juridiction d'appel des décisions non contestées ;
- l'obligation d'indiquer précisément les griefs contraint l'appelant à réfléchir à l'opportunité d'interjeter appel et à ses conséquences, et l'intimé peut immédiatement discerner quelles décisions du jugement rendu en première instance sont contestées et sur quoi devra porter sa défense en appel ;
- toutes les parties qui interjettent un appel principal ou accessoire se voient dans l'obligation, à peine de déchéance dudit appel, de préciser les points du jugement rendu en première instance qu'il y aurait lieu de modifier, sans devoir toutefois indiquer les arguments en faveur des modifications visées ;
- le formulaire de griefs type est surtout destiné à ceux qui n'ont ni avocat ni une grande instruction afin qu'ils prennent conscience de la portée de l'acte d'appel et de la faculté de le limiter, et pour leur permettre de préciser les points sur lesquels il y a lieu de modifier la décision rendue en première instance ;
- le but de l'utilisation du formulaire de griefs ne peut être de cocher systématiquement tous les griefs, dès lors que l'objectif poursuivi par le législateur ne peut, de ce fait, être atteint.

Il résulte de ce qui précède que l'obligation imposée à un appelant par l'article 204 du Code d'instruction criminelle d'indiquer précisément, à peine de déchéance de l'appel, les griefs élevés contre la décision dont appel, est conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Un grief au sens de l'article 204 du Code d'instruction criminelle est l'indication spécifique par l'appelant d'une décision distincte du jugement entrepris, dont il demande la réformation par le juge d'appel. Il appartient à la juridiction d'appel d'apprécier souverainement en fait si, dans sa requête ou dans le formulaire de griefs, l'appelant a indiqué de manière suffisamment précise ses griefs élevés contre le jugement entrepris, comme le requiert l'article 204 du Code d'instruction criminelle. Aux fins de cette appréciation, le juge peut avoir égard au fait que des griefs sans lien avec le jugement entrepris ont été cochés.

6. Le jugement attaqué constate notamment que, dans le formulaire de griefs, la demanderesse a coché les griefs 2.1 à 2.5 en matière civile (2. Action civile, 2.1 recevabilité, 2.2 lien causal, 2.3 évaluation du dommage (montant), 2.4 intérêts et 2.5 autres), alors que le premier juge n'a statué sur quelque action civile que ce soit, qu'il n'est aucunement question de lien causal, d'évaluation du dommage ou d'intérêts et que les intérêts civils n'ont été réservés d'office que conformément à l'article 4 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale.

7. Par ces motifs, le jugement attaqué peut légalement décider que la demanderesse n'a pas rempli l'obligation qui lui incombe d'indiquer précisément ses griefs et il justifie légalement la décision de déclarer, sur cette base, la demanderesse déchue de son appel.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

8. Pour le surplus, le moyen est dirigé contre des motifs surabondants et est irrecevable.

Le contrôle d'office

9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du six février deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0543.N
Date de la décision : 06/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-02-06;p.17.0543.n ?

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