N° C.17.0386.F
B. D. B., anciennement dénommée B. B., société anonyme,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre
1. J. L. U. G. et
2. L. S. S.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 1er mars 2017 par le tribunal de commerce du Brabant wallon, statuant en degré d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 18 septembre 2015.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la troisième branche :
Il est contradictoire, d'une part, de condamner la demanderesse « à payer aux [défendeurs] la somme de 22.914,43 euros, à titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce » au motif que les défendeurs sont « en droit d'obtenir une indemnité pour la perte de leur fonds de commerce, à charge de [la demanderesse] », d'autre part, de « dire pour droit que, par le paiement de cette indemnité, la [demanderesse] acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le [...] jugement [attaqué] vaudra titre à cet égard ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur le second moyen :
Quant aux deux branches réunies :
La sanction en cas d'abus de droit lors de l'exercice de droits contractuels consiste à imposer l'exercice normal de ces droits ou à réparer le dommage résultant de cet abus.
Lorsque l'exercice abusif de droits concerne l'application d'une clause contractuelle, la réparation peut consister à priver le créancier du droit de se prévaloir de la clause.
Après avoir constaté que « la convention prévoit, en cas de violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif suivi d'une rupture du contrat, le paiement d'une indemnité équivalente à 20 p.c. de la valeur du nombre de caisses minimum à acheter à multiplier par le nombre d'années qui restent à courir », le jugement attaqué considère que, « cependant, en raison de l'attitude fautive prérappelée de [la demanderesse], ayant entraîné la rupture fautive de la convention par les [défendeurs], le tribunal considère que ladite sanction serait excessive et partant déraisonnable ».
Le jugement attaqué, qui considère ainsi, sans être critiqué, que, dans les circonstances qu'il relève, le fait d'invoquer la clause pénale procède d'un abus de droit, décide légalement de ne pas appliquer cette clause.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.
Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du premier moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu'il condamne la demanderesse à payer aux défendeurs la somme en principal de 22.914,43 euros à titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce, qu'il dit pour droit que, par le paiement de cette indemnité, la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement attaqué vaudra titre à cet égard, et qu'il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de commerce de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du deux février deux mille dix-huit par le président de section Martine Regout, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal M. Delange M. Regout
Requête
POURVOI EN CASSATION
POUR : La société anonyme B. D. B., anciennement dé¬nommée B. B.,
Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me Hu¬guette Geinger, avocat à la Cour de Cassation soussignée, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait élection de domicile,
CONTRE : 1. J. L. U. G.,
2. L. S.,
Défendeurs en cassation,
* * *
A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, composant la Cour de Cassation,
Messieurs,
Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de déférer à la censure de Votre Cour le jugement, rendu le 1er mars 2017 par la cinquième chambre du Tribunal de Commerce du Brabant wallon (A/15/02039 et A/16/00746).
* * *
FAITS ET RETROACTES
Par convention du 30 septembre 1997 la demanderesse donna aux défendeurs en location un immeuble à usage de débit de boissons, situé à ..., chaussée ..., ainsi que le fonds de commerce, exploité sous l'enseigne « ... ».
Par acte authentique du 7 octobre 1997 les consorts B.-V., à savoir les précédents locataires de l'immeuble, leur cédèrent le fonds de commerce, exploité en cet immeuble pour le prix de 700.000,- francs.
Par lettre recommandée du 24 décembre 1998 la demanderesse reprochait aux défendeurs d'avoir violé la clause d'approvisionnement exclusif. En janvier 2001 une nouvelle violation fut constatée.
En sa lettre du 29 janvier 2001 la demanderesse s'en plaignait et concluait : « Pour notre part, vous pouvez vous en aller directement et nous rendre les clés du café. Nous voulons éviter que, par votre faute, nous serions confrontés à des intrigues dans nos cafés ».
Par lettre du 14 mai 2002 les défendeurs informaient la demanderesse qu'ils souhaitaient quitter les lieux et rendre les clés. Ils proposaient de résilier le bail au 31 décembre 2002 et de comparaître devant le Magistrat cantonal afin de faire acter cette résiliation anticipée.
La demanderesse refusa cette proposition
Sur ce les défendeurs quittèrent l'immeuble en octobre 2002.
Ils portèrent la contestation devant le Juge de paix du canton de Mouscron-Comines-Warneton et demandèrent qu'il soit dit pour droit que le bail avait été résilié au 31 octobre 2002 et que la demanderesse soit condamnée au paiement d'une indemnité pour la perte du fonds de commerce ainsi qu'au paiement d'autres dommages et intérêts.
La demanderesse forma une demande reconventionnelle, tendant notamment au paiement d'arriérés de loyers et à une indemnité de rupture.
Les défendeurs poursuivaient en même temps devant le Tribunal de première instance de Tournai à l'encontre des consorts B.-V. l'annulation du contrat de cession et la restitution du prix. Par jugement du 27 janvier 2005 le Tribunal de première instance de Tournai déclara cette demande non fondée. Ce jugement fut confirmé en grande partie en degré d'appel par un arrêt, rendu le 3 mars 2008 par la Cour d'appel de Mons.
Par jugement du 12 mars 2012 le Juge de Paix du Canton de Mouscron-Comines-Warneton dit la demande principale recevable mais non fondée, la demande reconventionnelle recevable et partiellement fondée, condamna solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 247,89 euros à titre d'indemnité pour infraction à la clause d'approvisionnement exclusif, ainsi qu'au paiement d'une somme de 7.365,36 euros à titre d'indemnité pour concurrence déloyale, à majorer des intérêts légaux et ordonna la réouverture des débats quant à la date à laquelle les défendeurs avaient quitté les lieux et quant à l'indemnité pour rupture du contrat.
Les défendeurs interjetèrent appel de cette décision. La demande¬resse forma un appel incident.
Par jugement du 6 février 2014 le Tribunal de commerce de Tournai déclara l'appel recevable et partiellement fondé, réforma le jugement dont ap¬pel, sauf en ce qu'il déclara les demandes principale et reconventionnelle recevables et en ce qu'il condamna les défendeurs à payer à la demanderesse la somme de 247,89 euros, à majorer des intérêts au taux légal depuis le 24 février 2005, pour le surplus dit pour droit que le bail a été valablement résilié à la date du 31 octobre 2002, condamna la demanderesse à payer aux défendeurs la somme de 11.324,78 euros, majorée des intérêts judiciaires, au titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce, ainsi que la somme de 7.498,78 euros, majorée des intérêts judiciaires, représentant la moitié du coût d'aménagement des étages de l'immeuble loué, débouta les parties du surplus de leurs de¬mandes respectives, condamna chacune des parties à la moitié des dépens des deux instances et renvoya la cause au rôle général quant à ce.
La demanderesse a introduit un pourvoi en cassation contre cette décision.
Par l'arrêt du 18 septembre 2015 Votre Cour a cassé le jugement attaqué en tant qu'il décidait que le bail a été valablement résilié à la date du 31 octobre 2002, qu'il déboutait la demanderesse de ses demandes de résolution du bail et de condamnation des défendeurs à une indemnité de relocation et à des dommages et intérêts pour rupture fautive du bail, qu'il statuait sur les demandes des défendeurs d'indemniser pour la perte de leur fonds de commerce et du coût d'aménagement des étages de l'immeuble et qu'il statuait sur les dépens, et renvoyait la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de commerce de Nivelles, siégeant en degré d'appel.
Par jugement du 1er mars 2017 le Tribunal de commerce du Brabant wallon joignait les causes inscrites sous les numéros de RG A/15/02039 et A/16/00746, recevait les appels principal et incident, confirmait le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les défendeurs à payer à la demanderesse la somme de 247,89 euros à titre d'indemnité pour infraction à la clause d'approvisionnement exclusif, à majorer des intérêts légaux à dater du 24 février 2005, pour le surplus, statuant par voie de dispositions nouvelles et, en partie, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, condamnait la demanderesse à payer aux défendeurs la somme de 22.914,43 euros à titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce, majorée des intérêts judiciaires, disait pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard, condamnait les défendeurs solidairement à payer à la demanderesse la somme de 7.365,36 euros à titre d'indemnité de relocation, à majorer des intérêts judiciaires, condamnait solidairement les défendeurs à payer à la demanderesse la somme de 3.682,68 euros à titre d'indemnité pour concurrence déloyale, majorée des intérêts judiciaires, déboutait les parties de leurs demandes respectives pour le surplus et compensait las frais et dépens des deux instances.
La demanderesse estime pouvoir présenter les moyens, développés ci-après, à l'encontre de ce dernier jugement.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales et principe général violés
- article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
- articles 702, 3°, 807, 1042 et 1138, 2°,3° et 4° du Code judiciaire,
- articles 1101, 1106, 1108, 1142, 1146, 1147, 1150, 1151, 1319, 1320, 1322, 1582, 1583, 1591, 1592 et 1741 du Code civil, articles 1142, 1146, 1147, 1149, 1150, 1151 et 1741 du Code civil,
- article 3, alinéa 3, de la loi du 30 avril 1951 relative aux baux commerciaux,
- principe général du droit, dit principe dispositif
Décision attaquée
Par le jugement entrepris du 1er mars 2017 le Tribunal de commerce du Brabant wallon, statuant par voie de dispositions nouvelles et, en partie, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, condamne la demanderesse à payer aux défendeurs la somme de 22.914,43 euros à titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce, majorée des intérêts judiciaires, et dit pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard. Cette décision repose sur les considérations suivantes :
« 1. Quant à la résiliation du bail à la date du 31 octobre 2002
Au regard des faits de la cause, il ne saurait être décidé que le contrat de bail a été valablement résilié le 30 octobre 2002.
B. n'a pas marqué son accord sur ladite résiliation avant l'expiration du triennat en cours, sauf pour les (défendeurs) à trouver un repreneur.
Les (défendeurs) n'ont pu raisonnablement déduire de la teneur - certes abrupte - du courrier du 29 janvier 2001 qu'ils étaient autorisés à résilier unilatéralement le contrat, quand bon leur semblait.
Comme le premier juge l'a décidé, le bail n'a pu prendre fin, au plus tôt qu'à la date du 30 septembre 2003, conformément au congé légalement notifié par les (défendeurs) suivant leur courrier recommandé du 19 mars 2003.
(...)
2. Quant à l'indemnité pour perte du fonds de commerce exploité dans les lieux loués.
Nonobstant le fait que le Contrat de bail et la convention intitulée Contrat de prêt d'argent - Annexe au Contrat de location comportaient une clause indiquant expressément que B. était propriétaire du fonds de commerce, il semble que les (défendeurs) n'aient découvert la prétention de B. sur la propriété du fonds de commerce qu'à la suite de son courrier du 22 février 2001 adressé aux autorités communales de Mouscron.
L'insistance dont B. a fait preuve, par la suite, quant à la propriété du fonds de commerce a pu légitimement induire les (défendeurs) en erreur et renforcer leur conviction qu'ils avaient été trompés par les époux B.-V.. Ils agiront d'ailleurs prioritairement à l'encontre de ces derniers en annulation de la vente du fonds de commerce.
Cette situation a pu pousser les (défendeurs), convaincus de ne pas être propriétaire du fonds de commerce litigieux, à rechercher un autre établissement à exploiter et à quitter les lieux prématurément. Ils n'ont pas purement et simplement abandonné leur fonds de commerce.
De son côté, B., alors qu'elle n'en était pas propriétaire, a continué à exploiter le fonds de commerce - en le donnant vraisemblablement location à un nouvel exploitant - et à en retirer les bénéfices.
Les (défendeurs) sont donc en droit d'obtenir une indemnité pour la perte de leur fonds de commerce, à charge de B.
Ils réclament, à ce titre, la valeur d'achat dudit fonds de commerce indexée, comme suit :
EUR 17.352,55 x (indice du mois de décembre 2015) 175,21 = 24.324,67 EUR
(indice du mois d'octobre 1997) 124,99
Ce faisant, les (défendeurs) réclament non pas une indemnité pour manque à gagner mais le prix d'achat du fonds de commerce. Ils renoncent donc à la propriété du fonds de commerce pour l'avenir et entérinent implicitement la cession du fonds de commerce à B.
Il appert, par ailleurs que les (défendeurs) ont exploité ledit fonds de commerce jusqu'au 31 octobre 2002 et que, par conséquent, il y a lieu d'indexer le prix d'achat en prenant comme indice de base, l'indice du mois d'octobre 2002.
Partant, B. sera condamnée à verser aux (défendeurs) une somme de :
EUR 17.352,55 x (indice du mois de janvier 2017) 180,04 = 22.914,43 EUR »
(indice du mois d'octobre 2002) 136,34
Griefs
Première branche
En vertu des articles 702, 3°, 1042 et 1138, 3°, du Code judiciaire ainsi que du principe général du droit, dit principe dispositif, il appartient à la partie demanderesse, à l'exclusion du juge, de préciser l'objet de sa demande.
L'article 1138, 2°, du Code judiciaire interdit au juge de faire droit sur des choses non demandées.
Il ne peut pas davantage modifier d'office la cause de la demande, à savoir l'ensemble des faits ou actes invoqués par le demandeur à l'appui de la demande.
En l'occurrence, il apparaît de la lecture des conclusions de synthèse des défendeurs que ceux-ci poursuivaient la condamnation de la demanderesse à les indemniser des préjudices qu'ils avaient subis par la faute alléguée de la demanderesse (page 16 de leurs conclusions de synthèse).
Ils postulaient notamment la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 24.324,67 euros, majorée des intérêts au taux légal depuis le 1er octobre 1997 jusqu'au jour du parfait paiement, et ce à titre de dommages et intérêts.
Si cette somme correspondait au prix officiel du fonds de commerce, constaté dans l'acte reçu le 7 octobre 1997 par le notaire S. , ils affirmaient toutefois clairement qu'ils ne réclamaient pas le remboursement d'un prix, mais bien des dommages et intérêts (page 18 des conclusions de synthèse).
Ils ne déclaraient pas davantage vouloir céder la propriété du fonds de commerce à la demanderesse.
Partant, le juge d'appel qui décide que « les (défendeurs) réclament non pas une indemnité pour manque à gagner mais le prix d'achat du fonds de commerce » et condamne la demanderesse au paiement du prix d'achat indexé du fonds de commerce, a fait de la sorte droit sur une chose non demandée, à savoir l'entérinement d'une cession du fonds moyennant le paiement du prix d'achat, les défendeurs réclamant au contraire une indemnisation des préjudices qu'ils avaient subis en raison du comportement prétendument fautif de la demanderesse (violation des articles 702, 3°, 1042 et 1138, 2° et 3° du Code judiciaire ainsi que du principe général du droit, dit principe dispositif). Par ailleurs, en désignant comme cause de la demande des défendeurs une cession du fonds de commerce, alors que les défendeurs invoquaient comme cause de leur demande le comportement fautif de la demanderesse, le juge d'appel a modifié d'office la cause de la demande des défendeurs (violation de l'article 807 du Code judiciaire). Enfin, en considérant que « les (défendeurs) réclament non pas une indemnité pour manque à gagner mais le prix d'achat du fonds de commerce », alors que dans leurs conclusions de synthèse ils affirmaient clairement et sans aucune ambiguïté réclamer une indemnité des préjudices subis en raison de la faute alléguée de la demanderesse et non le remboursement ou le paiement du prix d'achat du fonds de commerce, le juge d'appel a méconnu la foi due auxdites conclusions en y lisant une affirmation qui n'y figure pas (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Deuxième branche
Toute cession d'un bien suppose un accord entre deux parties au moins, à savoir un acheteur et un vendeur, portant sur la cession d'un bien, autrement dit sur le droit de propriété, contre un prix déterminé ou déterminable.
Aux termes de l'article 1582, premier alinéa, du Code civil la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. L'article 1583 du Code civil dispose qu'elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Il s'ensuit que la vente est par essence un contrat synallagmatique, les contractants s'obligeant réciproquement l'un envers l'autre (article 1101 du Code civil) et un contrat à titre onéreux, assujettissant chacune des parties à donner ou à faire quelque chose (article 1106 du Code civil), et suppose le consentement de celui qui s'oblige sur un objet certain qui forme la matière de l'engagement (article 1108 du Code civil), personne ne pouvant être obligée d'acquérir contre sa volonté le bien d'autrui.
Aux termes de l'article 1591 du Code civil le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. Aux termes de l'article 1592 du Code civil il peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point vente. Cette dernière hypothèse suppose à nouveau l'accord des parties.
En contrepartie du prix le vendeur s'engage à livrer la chose vendue.
En l'occurrence, le tribunal constate, d'une part, que les défendeurs « renoncent (...) à la propriété du fonds de commerce pour l'avenir et entérinent implicitement la cession du fonds de commerce à B. », ce qu'il déduit du fait que les défendeurs réclament le prix d'achat du fonds de commerce, adapté à l'index du mois de décembre 2015.
D'autre part, le tribunal dit pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard.
La décision ne contient toutefois aucune considération, dont il ressort que la demanderesse aurait exprimé la volonté de se rendre acquéreur, moyennant un prix à déterminer par le juge, du fonds de commerce, à supposer que celui appartienne encore aux défendeurs.
Bien au contraire, la demanderesse a fait observer en ses conclusions à la page 10 que les défendeurs avaient quitté de leur propre volonté, sans respecter les délais contractuels et/ou sans son accord, le ..., abandonnant le fonds de commerce et, partant, renonçant à leur droit de propriété sur ledit fonds.
Partant, au vu des constatations du jugement entrepris, dont il ne ressort nullement que la demanderesse se serait engagée à acheter le fonds de commerce ..., à supposer que celui-ci appartienne encore aux défendeurs, ni qu'elle en ait jamais exprimé l'intention, et, partant, qu'une convention serait intervenue à ce sujet entre les parties, le juge d'appel n'a pas pu condamner légalement la demanderesse au paiement de la somme de 22.914,43 euros et dire pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard (violation des articles 1101, 1106, 1108, 1582, 1583, 1591 et 1592 du Code civil).
Troisième branche
En vertu de l'article 149 de la Constitution toute décision doit être motivée.
La contradiction entre les motifs ou l'ambiguïté dans les motifs équivaut à une absence de motivation.
La décision qui contient des dispositions contradictoires n'est pas davantage régulièrement rendue, ainsi qu'il ressort de l'article 1138, 4°, du Code judiciaire.
En l'occurrence, le juge d'appel considère, d'une part, que « les (défendeurs) sont (...) en droit d'obtenir une indemnité pour la perte de leur fonds de commerce, à charge de B. » D'autre part, il estime qu'en réclamant la valeur d'achat dudit fonds de commerce indexée, « ils ne réclament non pas une indemnité pour manque à gagner mais le prix d'achat du fonds de commerce. Ils renoncent donc à la propriété du fonds de commerce pour l'avenir ». Enfin, le tribunal décide de condamner la demanderesse à payer aux défendeurs la somme de 22.914,43 euros à titre d'indemnité pour perte du fonds de commerce, majorée des intérêts judiciaires, et dit pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard.
Cette décision est entachée de contradiction dans les motifs, dans la mesure où, d'une part, elle considère que les défendeurs réclamaient le prix d'achat du fonds de commerce, renonçant à la propriété du fonds de commerce pour l'avenir, et leur accorde le prix d'achat indexé, soit la somme de 22.914,43 euros, décidant que la demanderesse acquiert le fonds de commerce avec effet rétroactif au 1er novembre 2002, mais où, d'autre part, dans le dispositif de la décision entreprise elle accorde aux défendeurs la somme précitée à titre d'indemnité pour la perte du fonds de commerce, et non à titre de prix d'achat, et, partant n'est pas régulièrement motivée (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994).
De même la décision entreprise est entachée d'une contradiction entre ses dispositions, dans la mesure où, d'une part, elle entérine l'existence d'une cession du fonds de commerce à la demanderesse moyennant le paiement du prix d'achat du fonds de commerce indexée de 22.914,43 euros, mais, d'autre part, déclare accorder aux défendeurs la somme précitée à titre d'indemnité pour la perte du fonds de commerce, et non à titre de prix d'achat, et, partant, n'a pas été régulièrement rendue (violation de l'article 1138, 4° du Code judiciaire).
A tout le moins, dans la mesure où la décision entreprise laisse incertaine si la somme de 22.914,43 euros représente le prix d'achat du fonds de commerce, en quel cas la décision a été illégalement rendue pour les motifs exposés dans la deuxième branche, ou bien une indemnisation du préjudice causé par un comportement fautif de la demanderesse, la décision est ambiguë, et, partant, irrégulièrement motivée (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994).
Quatrième branche
Aux termes des articles 1142, 1146 et 1147 du Code civil tout man¬quement contractuel se résout par des dommages et intérêts, à savoir ceux qui étaient prévus ou prévisibles lors de la conclusion du contrat (article 1150 du Code civil) et qui sont une suite immédiate et directe du manquement contrac¬tuel (article 1151 du Code civil), les dommages et intérêts comprenant la perte que le créancier a éprouvée et le gain dont il a été privé (article 1149 du Code civil).
La circonstance qu'une partie ait commis une faute n'exclut point que la partie cocontractante ait également commis une faute en relation causale avec le dommage allégué.
Le cas échéant, il y aura lieu au partage des responsabilités, chaque partie devant supporter une partie du dommage.
En l'occurrence, la décision entreprise retient dans le chef de la demanderesse, dont l'insistance quant à son droit de propriété du fonds de commerce a, selon le tribunal, pu légitimement induire les défendeurs en erreur et qui a pu les pousser à rechercher un autre établissement à exploiter et à quitter les lieux prématurément, une faute.
Cette insistance, qui aurait induit en erreur les défendeurs, justifie selon le juge d'appel la condamnation de la demanderesse au paiement d'une indemnité équivalant à la valeur d'achat indexé du fonds de commerce.
Le tribunal constate toutefois également une faute dans le chef des défendeurs qui ont résilié unilatéralement le contrat de bail dans l'irrespect des dispositions du contrat de bail et des dispositions légales, à savoir l'article 3, alinéa 3, de la loi du 30 avril 1951, qui dispose que le preneur peut mettre fin au bail en cours, à l'expiration de chaque triennat, moyennant un préavis de six mois, par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée à la poste, et qui, partant, sont restés en défaut d'exécuter leurs obligations.
Il ne ressort toutefois d'aucune constatation du jugement entrepris qu'aucune relation causale n'existe entre cette résiliation fautive du contrat de bail et la perte du fonds de commerce, autrement dit que sans la résiliation fautive du contrat de bail les défendeurs auraient également perdu ledit fonds de commerce.
Partant, le tribunal n'a pas pu décider légalement, sans méconnaître les règles relatives à la réparation du dommage contractuel, selon lesquelles chaque personne, dont la faute a contribué à la naissance d'un dommage, doit contribuer à sa réparation, et, en particulier, celles relatives à la causalité, que la demanderesse était seule tenue à supporter le poids de la réparation de la perte du fonds de commerce, alors qu'il ne ressort d'aucune constatation du jugement entrepris que sans la faute commise par les défendeurs, à savoir la résiliation fautive du contrat, le fonds de commerce se serait également perdu (violation des articles 1142, 1146, 1147, 1149, 1150, 1151 et 1741 du Code civil, et 3, alinéa 3, de la loi du 30 avril 1951 relative aux baux commerciaux).
DEVELOPPEMENTS
1. Selon leurs conclusions de synthèse les défendeurs poursuivaient la condamnation de la demanderesse à les indemniser des préjudices qu'ils avaient subis par la faute alléguée de la demanderesse (page 16).
Ils postulaient notamment la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 24.324,67 euros, majorée des intérêts au taux légal depuis le 1er octobre 1997 jusqu'au jour du parfait paiement, et ce à titre de dommages et intérêts. Si cette somme correspondait au prix officiel du fonds de commerce, constaté dans l'acte reçu le 7 octobre 1997 par le notaire S., ils affirmaient toutefois clairement qu'ils ne réclamaient pas le remboursement d'un prix, mais bien des dommages et intérêts (page 18 des conclusions de synthèse).
Par contre, le juge d'appel décide que « les (défendeurs) réclament non pas une indemnité pour manque à gagner mais le prix d'achat du fonds de commerce » et condamne la demanderesse au paiement du prix d'achat indexé du fonds de commerce. Ce faisant, il modifie d'office l'objet et la cause de leur demande et méconnaît en outre la foi due à ces conclusions.
2. Le tribunal condamne la demanderesse au paiement de la somme de 22.914,43 euros, soit la valeur d'achat du fonds de commerce et dit pour droit que par le paiement de cette indemnité la demanderesse acquiert le fonds de commerce, avec effet rétroactif au 1er novembre 2002 et que le jugement vaudra titre à cet égard.
Toutefois, il ne ressort d'aucune constatation du jugement entrepris que la demanderesse se serait engagée à acheter ledit fonds de commerce.
3. A tout le moins le jugement entrepris est entaché de contradiction dans les motifs et entre ses dispositions, dans la mesure où, d'une part, il considère que les défendeurs réclamaient le prix d'achat du fonds de commerce, renonçant à la propriété du fonds de commerce pour l'avenir, et leur accorde le prix d'achat indexé, soit la somme de 22.914,43 euros, décidant que la demanderesse acquiert le fonds de commerce avec effet rétroactif au 1er novembre 2002, mais où, d'autre part, dans le dispositif il accorde aux défendeurs la somme précitée à titre d'indemnité pour la perte du fonds de commerce, et non à titre de prix d'achat, et, partant n'est pas régulièrement motivée.
La décision n'est pas non plus exempte d'une certaine ambiguïté.
4. Enfin, dans la mesure où elle accorde une indemnité pour préjudice, la décision entreprise viole les dispositions relatives à la responsabilité contractuelle, dès lors qu'elle n'exclut pas l'existence d'un lien causal entre le dommage allégué et la faute retenue dans le chef des défendeurs.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales et principe général du droit violés
- articles 1134, 1226, 1229 premier alinéa, 1230 et 1231, § 1er, du Code civil,
- principe général du droit de l'exécution de bonne foi
Décision attaquée
Par le jugement entrepris du 1er mars 2017 le Tribunal de commerce du Brabant wallon, statuant par voie de dispositions nouvelles et, en partie, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, condamne les défendeurs solidairement à payer à la demanderesse la somme de 7.365,36 euros à titre d'indemnité de relocation, à majorer des intérêts judiciaires, ainsi que la somme de 3.682,68 euros à titre d'indemnité pour concurrence déloyale, majorée des intérêts judiciaires, mais déboute la demanderesse de sa demande pour le surplus, à savoir de la demande de condamner les défendeurs au paiement de la somme de 14.912 euros au titre d'indemnité pour rupture du contrat, à majorer des intérêts légaux à dater du 24 février 2005, ce après avoir considéré que :
« 1. Quant à la résiliation du bail à la date du 31 octobre 2002
Au regard des faits de la cause, il ne saurait être décidé que le contrat de bail a été valablement résilié le 30 octobre 2002.
B. n'a pas marqué son accord sur ladite résiliation avant l'expiration du triennat en cours, sauf pour les (défendeurs) à trouver un repreneur.
Les (défendeurs) n'ont pu raisonnablement déduire de la teneur - certes abrupte - du courrier du 29 janvier 2001 qu'ils étaient autorisés à résilier unilatéralement le contrat, quand bon leur semblait.
Comme le premier juge l'a décidé, le bail n'a pu prendre fin, au plus tôt qu'à la date du 30 septembre 2003, conformément au congé légalement notifié par les (défendeurs) suivant leur courrier recommandé du 19 mars 2003.
(...)
3. Quant à l'indemnité pour infraction à la clause d'approvisionnement exclusif
En cas de violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif, la convention prévoit le paiement d'une indemnité forfaitaire de 10.000 BEF (soit 247,89 EUR) à titre de pénalité (article C.4 du contrat de bail).
Les (défendeurs) n'ont jamais contesté les actes de violation de la clause d'approvisionnement exclusif décrits par B. dans son courrier du 29 janvier 2001.
Par conséquent, ce chef de demande sera déclaré fondé et les (défendeurs) seront condamnés à payer la somme de 247,89 EUR à B.
(...)
5. Quant à l'indemnité pour rupture de contrat
La convention prévoit, en cas de violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif suivi d'une rupture du contrat, le paiement d'une indemnité équivalente à 20 % de la valeur du nombre de caisse minimum à acheter à multiplier par le nombre d'années qui restent à courir (article C.4 du contrat de bail).
Cependant, en raison de l'attitude fautive pré-rappelée de B., ayant entraîné la rupture fautive de la convention par les (défendeurs), le tribunal considère que ladite sanction serait excessive et partant déraisonnable.
Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande ».
Griefs
Première branche
Aux termes de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Il s'ensuit que les conventions lient autant les parties que le juge, qui ne peut libérer une des parties de ses obligations légalement contractées.
En l'occurrence, le juge d'appel constate que l'article C.4 du contrat de bail, liant les parties, disposait qu'en cas de violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif suivi d'une rupture du contrat, une indemnité équivalente à 20 % de la valeur du nombre de caisses minimum à acheter à multiplier par le nombre d'années qui restent à courir serait due.
Elle constate également que l'obligation d'approvisionnement exclusif a effectivement été violée et que cette violation a été suivie d'une rupture du contrat.
Il s'ensuit que les conditions prévues par l'article C.4 du contrat de bail étaient réunies.
Cette disposition s'applique, nonobstant les fautes, dont se serait rendue coupable la demanderesse.
Partant, en décidant qu' « il ne sera (...) pas fait droit à ce chef de demande » en raison de l'attitude fautive de la demanderesse, « ayant entraîné la rupture fautive de la convention par les (défendeurs) », alors que la faute des défendeurs est avérée ainsi que la rupture subséquente du contrat de bail, le tribunal, refusant d'appliquer la clause légalement souscrite, méconnaît la force obligatoire du contrat (violation de l'article 1134 du Code civil).
Deuxième branche
Aux termes de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Le principe, consacré par l'alinéa 3 de cette disposition, en vertu duquel la convention doit être exécutée de bonne foi, interdit à une partie d'abuser du droit qui lui est conféré par la convention.
Aux termes de l'article 1226 du Code civil la clause pénale est celle par laquelle une personne s'engage à payer, en cas d'inexécution de la convention, une compensation forfaitaire pour le dommage éventuellement subi par suite de ladite inexécution.
L'article 1229, premier alinéa, du Code civil dispose que la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale.
Selon l'article 1230 du Code civil, soit que l'obligation primitive contienne, soit qu'elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n'est encourue que lorsque celui qui s'est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en demeure.
Aux termes de l'article 1231, § 1er, du Code civil le juge peut, d'office ou à la demande du débiteur, réduire la peine qui consiste dans le paiement d'une somme déterminée lorsque cette somme excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l'inexécution de la convention. En cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer une somme inférieure à celle qui aurait été due en l'absence de clause pénale.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions qu'à moins que le juge ne constate que le montant convenu excède manifestement le dommage potentiel que les parties pouvaient envisager lors de la conclusion du contrat, la clause lie les parties et le juge, lequel devra accorder l'indemnité convenue lorsque les conditions sont remplies.
Cette règle ne souffre exception qu'au cas où il est constaté que le créancier a abusé de son droit, en quel cas la sanction de l'abus de droit consiste dans la neutralisation des effets du caractère abusif de l'utilisation du droit dans le cas d'espèce soumis au juge. Cette sanction n'est pas la déchéance totale de ce droit, mais seulement la réduction de celui-ci à son usage normal ou la réparation du dommage que son abus a causé.
En l'occurrence, le juge d'appel considère la sanction consistant en une indemnité équivalente à 20 % de la valeur du nombre de caisse minimum à acheter à multiplier par le nombre d'années qui restent à courir serait due, excessive et, partant, déraisonnable au motif que l'attitude fautive de la demanderesse a entraîné la rupture fautive de la convention par les défendeurs.
Si cette considération pouvait justifier, le cas échéant, la décision de réduire le droit à une indemnité à son usage normal, notamment en réduisant l'indemnité réclamée en ayant égard à la part de responsabilité de la demanderesse dans la naissance du dommage, elle ne peut toutefois aucunement justifier, au vu des manquements constatés dans le chef des défendeurs, la décision de refuser à la demanderesse toute indemnité du chef de ces manquements.
Partant, le tribunal qui considère qu' « en raison de l'attitude fautive pré-rappelée de B., ayant entraîné la rupture fautive de la convention par les (défendeurs) », « ladite sanction », à savoir l'indemnité convenue à l'article C.4 du contrat de bail, « serait excessive et partant déraisonnable » et déboute la demanderesse de sa demande de ce chef en sa totalité, et ce nonobstant les manquements relevés dans le chef des défendeurs, n'a pas légalement motivé sa décision, faisant ainsi une mauvaise application du principe de l'exécution de bonne foi des contrats (violation de l'article 1134, troisième alinéa, du Code civil, ainsi que du principe général du droit de l'exécution de bonne foi), et méconnaissant la force obligatoire du contrat (violation des articles 1134, 1226, 1229 premier alinéa, 1230 et 1231, § 1er, du Code civil).
DEVELOPPEMENTS
1. La décision entreprise méconnaît la force obligatoire du contrat en décidant qu' « il ne sera (...) pas fait droit à ce chef de demande » en raison de l'attitude fautive de la demanderesse, « ayant entraîné la rupture fautive de la convention par les (défendeurs) ».
En effet, il fut explicitement convenu qu'en cas de violation de l'obligation d'approvisionnement exclusif suivi d'une rupture du contrat, une indemnité équivalente à 20 % de la valeur du nombre de caisse minimum à acheter à multiplier par le nombre d'années qui restent à courir serait due.
Dès lors que les conditions étaient remplies, cette indemnité était due, sous peine de violation de la force obligatoire du contrat.
2. Par ailleurs, à supposer que le tribunal ait retenu un abus de droit, encore cette constatation ne pouvait point justifier la décision de lui refuser toute indemnité du chef des manquements constatés. En effet, la sanction de l'abus de droit consiste dans la neutralisation des effets du caractère abusif de l'utilisation du droit dans le cas d'espèce soumis au juge. Cette sanction n'est pas la déchéance totale de ce droit, mais seulement la réduction de celui-ci à son usage normal ou la réparation du dommage que son abus a causé (Cass. 16 décembre 1982, Pas. 1983, I, 472 ; Cass. 18 février 1988, Pas. 1988, I, n° 375 ; Cass. 11 juin 1992, Pas. 1992, I, 898).
Or, en l'espèce le tribunal se borne à décider que l'indemnité réclamée serait excessive, sans toutefois réduire le droit à l'indemnité conventionnelle à son usage normal, notamment en la réduisant en ayant égard à la part de responsabilité de la demanderesse dans la naissance du dommage.
PAR CES CONSIDERATIONS
Conclut pour la demanderesse l'avocat à la Cour de Cassation soussignée, qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugement entre¬pris, renvoyer la cause et les parties à un autre tribunal de commerce ; dépens comme de droit.
Bruxelles, le 16 juin 2017.