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31/01/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0035.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 janvier 2018, P.18.0035.F


N° P.18.0035.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège,

contre

M. I. S.,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Guillaume Lys et Patrick Huget, avocats au barreau de Bruxelles.



I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le

4 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant comme juridiction...

N° P.18.0035.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège,

contre

M. I. S.,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Guillaume Lys et Patrick Huget, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d'un arrêt de la Cour du 20 décembre 2017.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de la foi due à des rapports d'organisations non gouvernementales (ONG) et à un courrier du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) déposé devant la chambre du conseil pour affirmer que la situation générale au Soudan est préoccupante.

Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, en d'autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.

Dans la mesure où il ne se réfère pas au rapport d'Amnesty International visé au moyen, l'arrêt ne saurait violer la foi qui lui est due.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Dans la mesure où il ne précise pas le ou les autres rapports d'ONG dont la foi aurait été violée par les juges d'appel, le moyen est irrecevable à défaut de précision.
Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir violé la foi due au courrier du CGRA déposé devant la chambre du conseil, en énonçant que « le Soudan est soumis à une situation générale qui demeure préoccupante en raison de violations persistantes de droits de l'homme, situation dont il n'est pas contesté qu'elle est étayée par de nombreux rapports circonstanciés émanant d'ONG, ainsi que d'un taux très élevé de demandeurs d'asile ou de ressortissants soudanais auxquels une protection subsidiaire est accordée ».

Le demandeur fait valoir que le courrier du CGRA expose que seuls les ressortissants soudanais provenant de trois régions délimitées, à savoir le Darfour, les Etats du Nil bleu et le Korofan du Sud, pourront bénéficier de la protection subsidiaire et que ceux appartenant à une ethnie non arabe bénéficieront de la qualité de réfugié.

Par l'énonciation critiquée au moyen, l'arrêt, qui par ailleurs s'appuie sur d'autres sources d'information, ne donne pas de cet acte une interprétation inconciliable avec ses termes.

A cet égard, le moyen manque également en fait.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'obligation de motivation.

Le moyen soutient que les juges d'appel n'ont pas légalement ordonné la levée de la mesure de rétention au motif que le demandeur n'a pas examiné le risque, pour le défendeur, de subir des tortures ou un traitement inhumain ou dégradant en cas d'éloignement vers le Soudan dès lors que ce dernier est resté en défaut d'apporter le moindre commencement de preuve d'existence d'un tel risque, que ce soit au niveau de la situation généralisée au Soudan ou au niveau de sa situation personnelle.
Le contrôle de légalité de la mesure administrative porte sur la validité formelle de l'acte, notamment quant à l'existence de sa motivation, ainsi que sur sa conformité tant aux règles de droit international ayant des effets directs dans l'ordre interne, qu'à la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Précisé à l'article 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, ce contrôle ne permet pas aux juridictions d'instruction de se prononcer sur l'opportunité de l'acte.

L'éloignement d'un étranger et la mesure privative de liberté prise à cette fin peuvent aboutir à une situation tombant sous l'application de l'article 3 de la Convention s'il existe des raisons sérieuses de craindre qu'après son éloignement ou en raison de celui-ci, l'étranger risque de subir soit la torture soit des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Dès lors, lorsqu'un étranger invoque un tel risque, la juridiction d'instruction doit en apprécier l'existence, ce contrôle ressortissant à celui de la légalité et non de l'opportunité de la mesure privative de liberté.

En tant qu'il est fondé sur la prémisse vainement alléguée au premier moyen de l'inexistence d'un climat général de violence au Soudan, le moyen est irrecevable.

Dans la mesure où il revient à soutenir que le demandeur ne serait tenu à un examen du risque invoqué par un étranger de subir des traitements contraires à l'article 3 de la Convention que lorsque celui-ci a introduit une demande d'asile, le moyen manque en droit.

Après avoir constaté que le défendeur est ressortissant soudanais et que son rapatriement devait se faire vers son pays d'origine, l'arrêt considère que, eu égard aux informations connues, soit une situation générale au Soudan qui demeure préoccupante en raison de violations persistantes des droits de l'homme, situation dont il n'est pas contesté qu'elle est étayée par de nombreux rapports circonstanciés émanant d'ONG, et en considération d'un taux très élevé de reconnaissance des demandeurs d'asile ou de ressortissants soudanais auxquels une protection subsidiaire est accordée, il appartenait au demandeur de faire préalablement les vérifications nécessaires, notamment au regard de l'article 3 de la Convention.

Par cette considération qui n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Le demandeur reproche en substance aux juges d'appel de dire que le défendeur n'a pas eu l'occasion effective de faire valoir son point de vue et d'être entendu en temps utile alors que l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980 et l'article 3 de la Convention ne prévoient pas une telle audition.

L'arrêt motive toutefois essentiellement la libération du défendeur en raison du fait que les informations recueillies quant à la situation alarmante au Soudan ne pouvaient justifier l'absence de vérification préalable du risque de violation de l'article 3 de la Convention, en cas de retour du défendeur dans ce pays.

Critiquant des motifs surabondants de l'arrêt, le moyen est, à cet égard, irrecevable à défaut d'intérêt.

Le moyen est également pris de la violation de la foi due aux actes, en l'espèce de celle due à l'audition du défendeur par l'Office des étrangers le 7 septembre 2017.

L'arrêt reste légalement justifié par la considération que le caractère alarmant de la situation au Soudan ne pouvait justifier l'absence de vérification de risque de traitement inhumain ou dégradant encouru par le défendeur en cas de retour dans ce pays.

Partant, le moyen est, à cet égard, également irrecevable à défaut d'intérêt.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0035.F
Date de la décision : 31/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-31;p.18.0035.f ?

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