Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.16.1161.N
D. S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me David Verreckt, avocat au barreau d'Anvers,
contre
INSPECTEUR URBANISTE RÉGIONAL, compétent pour le territoire de la Région flamande,
demandeur en réparation,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 octobre 2016 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le second moyen :
(...)
Quant à la deuxième branche :
7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 146, alinéa 1er, 6°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire et 6.1.1, alinéa 1er, 6°, du Code flamand de l'aménagement du territoire : l'arrêt décide, à tort, que le fait de continuer à utiliser, en violation des prescriptions d'affectation, des résidences de week-end converties ou destinées à l'occupation permanente peut relever de la notion de poursuite au sens de ces dispositions ; par poursuite au sens des dispositions précitées s'entend la continuation de la commission d'infractions aux plans d'aménagement et règlements établis conformément aux dispositions du décret du Conseil flamand du 22 octobre 1996 relatif à l'aménagement du territoire.
8. L'article 146, alinéa 1er, 6°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 et l'article 6.1.1, alinéa 1er, 6°, du Code flamand de l'aménagement du territoire punissent la commission d'une infraction aux plans d'aménagement et règlements qui ont été établis conformément aux dispositions du décret du Conseil flamand du 22 octobre 1996 relatif à l'aménagement du territoire et qui restent en vigueur aussi longtemps et dans la mesure où ils ne sont pas remplacés par de nouvelles prescriptions, après la date d'entrée en vigueur du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999, la poursuite ou le maintien de cette infraction, de quelque façon qu'il soit.
9. L'utilisation non autorisée contraire aux prescriptions d'affectation ne constitue pas une infraction continue, à savoir une infraction consistant en une situation illicite ininterrompue et perpétuée par l'auteur. Des actes d'utilisation contraire aux prescriptions d'affectation constituent, chacun pris séparément, une infraction instantanée dans la mesure où ils ont des implications territoriales. Divers actes d'utilisation peuvent constituer une seule infraction continuée en raison de l'unité d'intention. Le fait de poser des actes d'utilisation d'une résidence de week-end dans une zone destinée à la récréation de jour et/ou à la récréation avec séjour relève donc de la notion de poursuite au sens de l'article 146, alinéa 1er, 6°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 et de l'article 6.1.1, alinéa 1er, 6°, du Code flamand de l'aménagement du territoire.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
(...)
Quant à la quatrième branche :
12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 99, § 1er, alinéa 1er, 5°, a), 146, alinéa 1er, 1°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, 4.2.1, 5°, a), et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire : l'arrêt ne pouvait déclarer le demandeur coupable du chef des préventions F1, F2, G1 et G2 ; il résulte de la combinaison des dispositions décrétales susmentionnées et de la terminologie qui y est employée que le pouvoir décrétal a voulu soumettre à une obligation d'autorisation le simple fait d'utiliser, d'aménager ou d'équiper avec une certaine régularité, un terrain pour l'entreposage de matériaux et non la situation dans laquelle une construction érigée sans l'autorisation urbanistique requise est ensuite utilisée pour l'entreposage de matériaux, matériels ou déchets ; en effet, dans ce cas, le terrain n'est pas utilisé, aménagé ou équipé pour l'entreposage de matériaux, mais il s'agit d'une construction préalablement érigée déjà existante ; statuer autrement est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ; l'utilisation de façon générale d'une habitation ou d'une autre construction après la modification de sa fonction sans l'autorisation préalable requise doit être considérée comme une infraction de perpétuation qui n'est plus punissable en vertu de l'article 6.1.1, alinéa 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire lorsqu'elle est commise en zone non vulnérable d'un point de vue spatial.
Il est demandé de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « Les articles 6.1.1, alinéa 1er, 1°, et 4.2.1, 5°, a), du Code flamand de l'aménagement du territoire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution et le principe d'égalité et de non-discrimination qu'ils comportent, s'ils sont interprétés en ce sens qu'il y a lieu de considérer l'utilisation de façon générale d'un terrain pour l'entreposage de toutes sortes de matériaux, matériels ou déchets comme l'exécution ou la commission de l'infraction définie auxdites dispositions décrétales, même lorsque cela se produit en zone vulnérable d'un point de vue spatial, alors qu'il y a lieu de considérer l'utilisation de façon générale d'une habitation ou d'une autre construction après que celle-ci a été érigée ou que sa fonction a été modifiée sans l'autorisation préalable requise comme une infraction de perpétuation non punissable en vertu de l'article 6.1.1, alinéa 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire lorsqu'elle est commise en zone non vulnérable d'un point de vue spatial ? »
13. Les articles 99, § 1er, alinéa 1er, 5°, a), et 146, alinéa 1er, 1°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 et les articles 4.2.1, 5°, a), et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire punissent l'utilisation, l'aménagement et l'équipement de façon générale d'un terrain pour l'entreposage de toutes sortes de matériaux, matériels ou déchets.
Il ne résulte pas de la combinaison de ces dispositions, de la terminologie qui y est employée et des travaux préparatoires que, lorsque une construction est préalablement érigée ou établie sur le terrain visé sans autorisation urbanistique, en violation des articles 99, § 1er, alinéa 1er, 1°, et 146, alinéa 1er, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 ou des articles 4.2.1, 1°, et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, et que le terrain où se trouve cette construction non autorisée est ensuite utilisé de façon habituelle pour l'entreposage de toutes sortes de matériaux, matériels ou déchets, une autorisation urbanistique ne soit pas requise pour l'utilisation de façon habituelle de ce terrain aux fins de cet entreposage.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
14. Les articles 99, § 1er, alinéa 1er, 5°, a), et 146, alinéa 1er, 1°, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 et les articles 4.2.1, 5°, a), et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire punissent l'utilisation, l'aménagement ou l'équipement de façon habituelle sans autorisation urbanistique préalable d'un terrain pour l'entreposage de toutes sortes de matériaux, matériels ou déchets.
Par les termes ‘utilisation de façon habituelle', le décret ne vise pas une obligation d'autorisation pour l'entreposage fortuit de matériaux, matériels ou déchets, mais pour une utilisation du terrain avec une certaine régularité et qui doit durer un certain temps. Il y a infraction aussitôt que l'utilisation de façon habituelle est générée par plusieurs actes d'utilisation sans que l'autorisation nécessaire à cette fin ait été obtenue.
L'infraction se poursuit au sens de l'article 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire et la prescription ne court pas, tant que les actes d'utilisation se poursuivent sans interruption pouvant donner lieu à la prescription. Lorsque de tels actes ne sont plus posés, l'utilisation du terrain non autorisée mais soumise à un permis est perpétuée et consiste en l'abstention par l'auteur de mettre un terme par tout acte à l'existence de la situation de l'utilisation illicite du terrain.
15. L'article 6.1.1, alinéa 3, du Code flamand du territoire prévoit que la sanction pénale pour la perpétuation des infractions qui y sont mentionnées ne s'applique pas pour autant que les actes, travaux ou modifications ne se situent pas dans les zones vulnérables d'un point de vue spatial. Cette disposition est également applicable aux actes visés à l'article 4.2.1.5°, a), du Code flamand de l'aménagement du territoire.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
16. Les articles 4.2.1, 1°, et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne punissent pas l'utilisation de façon habituelle d'une habitation ou d'une autre construction érigée sans autorisation urbanistique préalable.
Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.
17. Les articles 4.2.1, 6°, et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire punissent le fait de modifier entièrement ou partiellement la fonction principale d'un bien immeuble bâti pour lequel la modification de fonction est sujette à l'obligation de permis, ainsi que le fait de poursuivre cette modification ou de la perpétuer. Cette infraction est accomplie au moment où la modification de fonction se réalise. La perpétuation consiste en l'omission coupable de mettre un terme à l'existence de la modification de fonction effectuée de manière illicite.
18. Il résulte de ce qui précède que la nature des actes visés aux articles 4.2.1.5°, a), et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire n'est pas comparable à la nature des actes visés aux articles 4.2.1, 6°, et 6.1.1, alinéa 1er, 1°, dudit code, de sorte que les auteurs de ces infractions ne se trouvent pas dans une situation juridique comparable.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
19. Dès lors que la question préjudicielle proposée est déduite, d'une part, de prémisses juridiques erronées et que la différence de traitement alléguée concerne des situations juridiques non comparables, la question préjudicielle ne sera pas posée.
Le contrôle d'office
20. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du trente janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.