N° P.17.1070.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
1. H. V.
2. M. S.
3. L. A.
4. M. H.
5. D. X.
prévenus,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 octobre 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES FAITS
L'arrêt déclare irrecevable l'appel du ministère public contre la décision du premier juge qui acquitte les défendeurs de la prévention unique d'avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui, involontairement causé la mort de S.B.
L'arrêt constate que la requête d'appel annexée à la déclaration d'appel indique dans la catégorie « peines et mesures » que « l'appel est dirigé contre les dispositions du jugement relatives aux peines, mesures et mesures de sûreté prononcées, ordonnées ou qui auraient dû l'être à l'égard du prévenu et leurs éventuelles modalités, de quelque nature qu'elles soient, et ce en raison du caractère insuffisant, inadéquat et/ou illégal de ces dispositions, et en ce compris la question de l'unité d'intention liant, le cas échéant, les différents faits à charge du prévenu et la question d'un éventuel dépassement du délai raisonnable ».
La cour d'appel a considéré qu'ainsi motivé et limité, l'appel était sans objet puisque le jugement avait acquitté tous les prévenus.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 161, 189, 195, alinéa 1er, 203, 204 et 211 du Code d'instruction criminelle.
Quant à la première branche :
Le moyen fait valoir que l'appel du ministère public respecte les formalités prescrites à peine de déchéance par les articles 203 et 204 du Code d'instruction criminelle : l'arrêt constate que la déclaration d'appel a été faite dans le délai imparti, de même que le dépôt d'une requête contenant les griefs ; en outre, en reprenant dans ses motifs le texte complet du grief énoncé dans la requête d'appel, l'arrêt permet de constater que le grief est libellé en des termes clairs et précis et, ainsi, qu'il respecte l'article 204 précité.
En se bornant à énoncer que la déclaration d'appel a été faite dans le délai légal, qu'une requête contenant les griefs a été déposée dans ce délai et que les griefs tels que libellés dans la requête sont formulés de manière claire et précise, sans indiquer, en cette branche, pour quel motif l'arrêt viole les dispositions légales invoquées, le moyen est imprécis et, partant, irrecevable.
Quant à la seconde branche :
Le moyen fait valoir que l'appel du ministère public a un objet et ne doit pas être interprété : après avoir énoncé le principe selon lequel, en matière correctionnelle et de police, le juge doit se prononcer par un seul et même jugement sur la culpabilité et sur la peine, le moyen soutient qu'il résulte de ce principe que lorsqu'il interjette appel d'un jugement d'acquittement en lui faisant grief de ne pas avoir prononcé de peines, le ministère public saisit nécessairement la juridiction d'appel de la question de la culpabilité. A cet égard, le moyen fait valoir qu'en l'espèce c'est bien l'absence de peine et non les peines prononcées que le grief critique, dès lors que tel qu'il est libellé dans la requête, le grief contient les mots « ou qui auraient dû l'être ».
Par une appréciation qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer, les juges d'appel ont considéré que rien ne permettait d'interpréter le grief comme ne pouvant porter que sur la catégorie « culpabilité » et pas sur les catégories « procédure », « prescription de l'action publique » ou « autre » également prévues dans le formulaire de griefs, que plusieurs interprétations du grief dépourvu d'objet étaient possibles et que la précision donnée à l'audience par le ministère public, selon laquelle le grief portait en fait sur la culpabilité des défendeurs, était tardive.
Le moyen soutient également qu'en considérant que le jugement ne comporte aucune disposition relative à des peines ou mesures, l'arrêt constate que la seule cause du grief du ministère public est la décision d'acquittement. En outre, le moyen soutient que les juges d'appel ne pouvaient pas déclarer le grief insuffisamment clair au motif que la partie appelante n'aurait pas expressément exclu dans sa requête d'autres catégories de griefs qu'elle n'entendait pas soulever.
L'arrêt ne constate pas que le grief élevé contre le jugement a pour seule cause l'acquittement des défendeurs, et il ne considère pas que le ministère public, pour formuler un grief recevable, aurait dû exclure les autres catégories de griefs prévues dans le formulaire utilisé.
L'arrêt considère, ce qui est différent, d'une part, que le grief est dépourvu d'objet parce que le jugement ne contient pas, en raison de l'acquittement prononcé, les dispositions qu'il critique et, d'autre part, que ce grief ainsi dépourvu d'objet est susceptible de plusieurs interprétations, puisqu'il pourrait également porter sur d'autres catégories de décision prévues par le formulaire de griefs, la précision apportée par le ministère public à l'audience étant à cet égard tardive car formulée en dehors du délai d'appel.
Le moyen ajoute qu'en ayant formulé le grief à l'encontre de l'absence de peine, laquelle est la conséquence de la décision d'acquittement, le ministère public visait nécessairement, par ce grief, cette décision.
Ainsi qu'il est énoncé ci-dessus, les juges d'appel ont pu considérer que le grief était susceptible de plusieurs interprétations et que la précision apportée par le ministère public, à l'audience, était tardive.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Par ailleurs, revenant à soutenir que l'absence de peines est le seul grief que le ministère public est susceptible d'élever à l'encontre d'un jugement d'acquittement, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre cent nonante-cinq euros vingt centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe