N° P.17.0692.F
S. R.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Guy Uerlings, avocat au barreau de Verviers, et Shirley Franck, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigé en allemand, le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu dans cette langue le 9 mars 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Par ordonnance du 11 janvier 2018, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l'audience.
Le demandeur fait valoir un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES FAITS
Par un arrêt du 17 novembre 2016, la cour d'appel de Liège a condamné le demandeur, par défaut, à une peine de travail ainsi qu'à une amende du chef de coups ou blessures volontaires, les coups, portés à un arbitre de manifestation sportive, ayant entraîné une incapacité de travail personnel.
L'arrêt a été signifié au demandeur le 23 février 2017 dans l'établissement pénitentiaire où il était détenu pour autre cause.
Le 28 février 2017, le demandeur a fait opposition en prison, en utilisant un formulaire rédigé en français.
Par un arrêt du 9 mars 2017, la cour d'appel de Liège a déclaré l'opposition irrecevable au motif que, la procédure s'étant déroulée en allemand, ce recours aurait dû être formé dans cette langue.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le demandeur reproche à la cour d'appel d'avoir méconnu ses droits de la défense et son droit à un recours effectif, en déclarant son opposition contre l'arrêt rendu par défaut le 17 novembre 2016 irrecevable au motif que celle-ci avait été formée en français, alors que la procédure s'était déroulée en allemand. Il expose avoir été confronté à un cas de force majeure, découlant de la circonstance qu'il a procédé en employant un formulaire établi en français, remis par le délégué du directeur de la prison, et conformément aux explications reçues de celui-ci, qui n'avait pas attiré son attention sur la circonstance que la déclaration de recours devait être faite en allemand.
Lorsque, comme en l'espèce, il n'apparaît d'aucune des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la signification de l'arrêt rendu par défaut, à l'intervention de l'administration pénitentiaire requise par le ministère public, mentionne la langue dans laquelle le droit de faire opposition doit être exercé, un tel recours formé dans une langue nationale différente de celle de la procédure ne peut être déclaré irrecevable pour ce motif, à peine de priver le condamné du droit d'accès à un tribunal.
Décidant le contraire, l'arrêt viole l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'interprétation que la Cour européenne lui a donnée.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe