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23/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1318.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 janvier 2018, P.17.1318.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1318.
M. N.,
étranger, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,

contre


ETAT BELGE,
partie intervenant d'office,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis

a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier mo...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1318.
M. N.,
étranger, détenu,
demandeur en cassation,
Me Pieterjan Van Muysen, avocat au barreau de Gand,

contre

ETAT BELGE,
partie intervenant d'office,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 5, § 4, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et 23, 4° de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive : l'arrêt considère que la demande de libération du demandeur est irrecevable dans la mesure où elle vise la mesure de privation de liberté initiale du 12 septembre 2017 et la mesure de réécrou du 29 septembre 2017 ; ainsi, l'arrêt ne répond pas à la défense du demandeur concernant l'illégalité de la mesure initiale du 12 septembre 2017 résultant du fait que la police s'est introduite de manière irrégulière dans son habitation, ni concernant l'intérêt de cette illégalité pour l'appréciation de la légalité de la mesure de réécrou du 29 septembre 2017 et de la mesure de prolongation de la détention prise le 28 novembre 2017 ; l'arrêt considère, à tort, que les juges d'appel ne pouvaient plus se prononcer sur l'illégalité de la mesure initiale ; en effet, le demandeur continue d'avoir intérêt à contester cette mesure dès lors que les conséquences de son illégalité s'étendent aux deuxième et troisième mesures ; l'arrêt refuse au demandeur le droit de voir examinée en droit sa défense contre la mesure initiale ; dans les arrêts des 19 octobre et 7 novembre 2017, la chambre des mises en accusation n'aborde pas non plus le contenu de la défense du demandeur ; par conséquent, en ce qui concerne la mesure de prolongation de la détention, l'arrêt ne peut se limiter à faire référence à ces arrêts et à considérer qu'il est satisfait aux conditions de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, sans contrôler cette mesure à la lumière des articles 8 de la Convention et 15 de la Constitution.

2. Les articles 149 de la Constitution et 23, 4° de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ne sont pas applicables aux juridictions d'instruction qui statuent sur le recours intenté contre une décision administrative de privation de liberté d'un étranger.

Dans la mesure où il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen manque en droit.

3. Lorsqu'une nouvelle décision administrative se substitue, sur un fondement différent, à la décision initiale de privation de liberté, le recours intenté auprès du pouvoir judiciaire contre cette décision initiale devient, en principe, sans objet. Toutefois, lorsque dans le cadre de son recours contre la nouvelle décision, l'étranger invoque de manière motivée que la décision initiale de privation de liberté est entachée d'une illégalité qui invalide également la nouvelle décision et que la juridiction d'instruction n'a pas encore statué par une décision définitive, cette juridiction est tenue d'examiner cette illégalité et ses effets sur la nouvelle décision à la lumière de l'article 5, § 4 de la Convention.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

4. Par des motifs propres et par adoption des motifs de l'avis du ministère public et de la note du 5 décembre 2017 du SPF Intérieur, Direction générale de l'Office des étrangers, l'arrêt considère que :

- la décision de prolongation de la détention signifiée le 28 novembre 2017 ne prolonge pas l'ordre de quitter le territoire avec maintien en vue d'éloignement qui avait initialement été signifié le 12 septembre 2017, mais vise à prolonger la demande de réécrou signifiée le 29 septembre 2017 ;

- cette demande constitue un titre autonome de privation de liberté, de sorte que la mesure initiale de privation de liberté ne peut faire l'objet d'un recours intenté par le demandeur ;

- le premier juge s'estime, à tort, compétent pour examiner la légalité de la mesure de détention initiale et méconnaît ainsi l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la chambre des mises accusation du 19 octobre 2017, qui a déclaré cette mesure de détention conforme à la loi ;

- par arrêt du 7 novembre 2017, la chambre des mises en accusation a déjà statué sur la demande de réécrou signifiée le 29 septembre 2017 et a décidé que la mesure privative de liberté avait été prise en pleine conformité avec l'article 27 de la loi du 15 décembre 1980 ;

- dans la mesure où la requête déposée le 29 novembre 2017 est dirigée contre la mesure de détention initiale et le réquisitoire de réécrou, cette requête est irrecevable.

L'arrêt examine ensuite si la décision de prolongation de la détention du demandeur du 28 novembre 2017 a été prise régulièrement à la lumière de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980.

Ainsi, sans avoir été argué de faux à cet égard, l'arrêt constate d'une manière authentique que la chambre des mises en accusation a déjà examiné la légalité des mesures privatives de liberté des 12 et 29 septembre 2017, par arrêts respectifs des 19 octobre et 7 novembre 2017.

Dans la mesure où il conteste ces constatations, le moyen est irrecevable.

5. Par ces motifs, qui énoncent pourquoi la demande de libération du demandeur n'est pas recevable dans la mesure où elle est dirigée contre les mesures des 12 et 29 septembre 2017, l'arrêt répond à la défense du demandeur, est régulièrement motivé et légalement justifié.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

6. Pour le surplus, les griefs sont déduits de ces illégalités invoquées en vain et le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :

7. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 29, alinéas 1 et 2, et 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs : au motif que les démarches nécessaires à l'éloignement du demandeur ont été entreprises à partir du 2 octobre 2017, l'arrêt ne répond pas à la défense du demandeur selon laquelle ces démarches devaient être entreprises dans les sept jours ouvrables de la décision initiale de mise en détention du 12 septembre 2017 et non à partir de la décision de réécrou du 29 septembre 2017, et l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

8. Les articles 149 de la Constitution, 62 de la loi du 15 décembre 1980, et 1 à 3 de la loi du 29 juillet 1991, ne sont pas applicables aux juridictions d'instruction qui statuent sur le recours contre une décision administrative de privation de liberté d'un étranger.

Dans la mesure où il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen manque en droit.

9. L'article 29, alinéas 1 et 2, de la loi du 15 décembre 1980 dispose :
« L'étranger détenu par application de l'article 27, § 3, alinéa 1er, qui dans les deux mois de son arrestation n'a pas pu entrer régulièrement sur le territoire d'un autre État, est mis en liberté, sans préjudice d'une détention du chef de poursuites pénales, notamment pour infraction à la présente loi.

Le Ministre ou son délégué peut toutefois prolonger cette détention par période de deux mois, lorsque les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les sept jours ouvrables de la mise en détention de l'étranger, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable ».
10. Le délai de sept jours ouvrables visé à l'article 29, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 ne commence pas à courir à partir de la privation de liberté initiale de l'étranger, mais à partir de sa mise en détention qui coïncide avec le moment où son refus d'être rapatrié a été constaté.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

11. L'arrêt ne se prononce pas uniquement ainsi que l'énonce le moyen. En intégrant la note du 5 décembre 2017 du SPF Intérieur, Direction générale de l'Office des Etrangers, il considère également qu'un vol vers Kinshasa était prévu le 29 septembre 2017 mais n'a pu avoir lieu parce que le demandeur s'est débattu dans les bureaux de la police aéronautique.

Dans la mesure où il procède d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

12. Pour le surplus, l'arrêt considère que :

- une demande d'organiser un départ sous escorte a été adressée à la police fédérale le 2 octobre 2017 ;

- un départ sous escorte était prévu le 3 novembre 2017 et le 28 novembre 2017, mais ces deux tentatives ont dû être annulées en raison de procédures juridiques;

- ainsi, il existe toujours, à l'heure actuelle, une possibilité d'éloigner le demandeur dans un délai raisonnable.

Ce faisant, l'arrêt répond à la défense du demandeur, est régulièrement motivé et légalement justifié.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

13. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Geert Jocqué, Peter Hoet, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1318.N
Date de la décision : 23/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-23;p.17.1318.n ?

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