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23/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1195.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 janvier 2018, P.17.1195.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° P.17.1195.N
LE MINISTRE DE LA JUSTICE,
demandeur en révision,

en cause de

LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE BRUXELLES,

contre

G. P.,
prévenu,




et en cause de

LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE NÉERLANDOPHNE DE BRUXELLES,

contre

A. K.,
prévenu.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le 28 novembre 2017, le procureur général près la Cour de cassation a remis au greffe un réquisitoire libellé comme

suit :

« À la deuxième chambre de la Cour de cassation,

Le procureur général soussigné a l'honneur d'exposer que, par courrier du 20 novembr...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° P.17.1195.N
LE MINISTRE DE LA JUSTICE,
demandeur en révision,

en cause de

LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE BRUXELLES,

contre

G. P.,
prévenu,

et en cause de

LE PROCUREUR DU ROI PRÈS LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE NÉERLANDOPHNE DE BRUXELLES,

contre

A. K.,
prévenu.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le 28 novembre 2017, le procureur général près la Cour de cassation a remis au greffe un réquisitoire libellé comme suit :

« À la deuxième chambre de la Cour de cassation,

Le procureur général soussigné a l'honneur d'exposer que, par courrier du 20 novembre 2017 portant la référence CAR2017//PECI/262890, Monsieur le ministre de la Justice l'a chargé d'introduire auprès de la Cour, conformément à l'article 443, 1°, du Code d'instruction criminelle, une demande en révision concernant le jugement rendu par défaut par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 25 septembre 2013, signifié au Procureur du Roi de Bruxelles par exploit d'huissier de justice du 20 novembre 2013, par lequel

P. G., né à Laç (Albanie) le 4 juin 1976, sans domicile ni résidence connus en Belgique ou à l'étranger,

a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans du chef de vol avec effraction commis en état de récidive légale à Beersel, entre le 11 février 2011 et le 14 février 2011. En outre, son arrestation immédiate a été ordonnée.

La preuve à charge de P., sur laquelle se fonde sa condamnation, consiste en un profil ADN relié à une trace d'ADN qui a été découverte à l'intérieur d'un gant retrouvé sur les lieux des faits.

Ce profil ADN 04-58837/M82 était déjà connu dans le cadre d'un dossier du parquet de Gand, dans lequel le suspect avait été identifié, de sorte que le 28 février 2012, le parquet de Bruxelles a demandé au parquet de Gand de lui communiquer les données d'identification de ce suspect.

Le 18 septembre 2012, le parquet de Gand lui a adressé le rapport d'expertise en cause de P. G. avec comme profil ADN 58836/M81, qui ne correspond donc pas au suspect auquel est associé le profil 04-58837/M82.

Cette erreur n'a été découverte ni par le parquet ni par le tribunal correctionnel de Bruxelles, et P. G. a donc été cité et condamné pour ces faits.

Par courrier du 23 décembre 2014, la cellule nationale ADN a fait savoir que l'identité du suspect associé au profil de référence 04-58837/M82 est K. A.

Entre-temps, le 16 février 2017, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné K. A. par défaut à une peine de deux années d'emprisonnement pour les faits de vol avec effraction commis en état de récidive légale à Beersel, entre le 11 février 2011 et le 14 février 2011. Ce jugement a été signifié à l'intéressé, à l'adresse de l'établissement pénitentiaire de Gand, le 2 mai 2017.

Les condamnations prononcées à charge de plusieurs prévenus par jugements des 25 septembre 2013 et 16 février 2017, du chef d'un même fait, sont donc inconciliables. La preuve de l'innocence du condamné P. G. découle de la contrariété entre ces décisions, toutes deux basées sur la trace d'ADN retrouvée sur les lieux des faits et sur le profil ADN qui en est dérivé, à savoir celui de K. A. et non de P. G.

L'article 445 du Code d'instruction criminelle dispose que lorsque la demande en révision sera formée pour la cause exprimée au 1° de l'article 443, la Cour, si elle reconnaît que les condamnations ne peuvent se concilier, les annulera et, selon les cas, renverra les affaires devant une cour d'appel ou une cour d'assises qui n'en aura pas primitivement connu.

Comme il ressort de ce qui précède, les deux condamnations sont fondées sur la preuve issue de la trace d'ADN et du profil ADN qui lui est relié, dont il appert qu'il est celui du condamné K. A. Au demeurant, le jugement condamnant K. A. du chef desdits faits indique expressément qu'un mauvais rapport sur le profil ADN a été envoyé au ministère public à Bruxelles, ce qui a finalement abouti à la condamnation de P. G.

Dans cette optique, la cassation des deux condamnations ne paraît pas s'imposer et il suffit que la Cour se limite à casser la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 25 septembre 2013 en cause de P. G., et à dire qu'il n'y a pas lieu à renvoi.

PAR CES MOTIFS,

Vu les articles 443, 444 et 445 du Code d'instruction criminelle,

Le procureur général soussigné requiert qu'il plaise à la Cour accueillir la demande en révision, casser la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 25 septembre 2013 en cause de P. G. et dire qu'il n'y a pas lieu à renvoi.

Fait à Bruxelles, le 28 novembre 2017.

Pour le procureur général,
L'avocat général délégué,

A. WINANTS »

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

1. L'article 443 du Code d'instruction criminelle dispose :
« La révision des condamnations passées en force de chose jugée pourra, en matière criminelle ou correctionnelle, quelle que soit la juridiction qui ait statué, et alors même que la condamnation serait conditionnelle, être demandée pour les causes ci-après :
1° Si des condamnations prononcées, contradictoirement ou non, à raison d'un même fait, par des arrêts ou jugements distincts, contre des accusés ou prévenus différents, ne peuvent se concilier et que la preuve de l'innocence de l'un des condamnés résulte de la contrariété des décisions ».

L'article 444 du Code d'instruction criminelle est rédigé en ces termes :
« Le droit de demander la révision appartient :
1° Au condamné;
2° Si le condamné est décédé, si son interdiction a été prononcée ou s'il se trouve en état d'absence déclarée, à son conjoint, à ses descendants, à ses ascendants, à ses frères et sœurs ;
3° Au Ministre de la justice.
La Cour de cassation connaît des demandes en révision.
Elle en est saisie, soit par le réquisitoire du procureur général, soit par une requête, signée d'un avocat à la Cour, détaillant les faits et spécifiant la cause de révision.
(...) »

2. Selon l'article 445, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle :
« Lorsque la demande en révision sera formée pour la cause exprimée au 1° de l'article 443, la Cour de cassation, si elle reconnaît que les condamnations ne peuvent se concilier, les annulera et, selon les cas, renverra les affaires, dans l'état des procédures, nonobstant toute prescription de l'action ou de la peine, devant une cour d'appel ou une cour d'assises qui n'en aura pas primitivement connu. En cas de décès, d'interdiction, d'absence, de contumace ou de défaut du condamné pour lequel la requête mentionnée à l'article 444 n'aura pas été présentée, la Cour de cassation nommera un curateur à sa défense, lequel le représentera dans la procédure en révision ».

3. Par jugement rendu par défaut le 23 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné G. P., en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement de deux ans et au versement d'une contribution au Fonds d'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence et d'une indemnité visée à l'article 91, alinéa 2, de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive, ainsi qu'aux frais, et a ordonné son arrestation immédiate pour avoir commis en tant qu'auteur ou co-auteur, à un moment indéterminé situé entre le 11 février 2011 et le 14 février 2011, un vol avec effraction, escalade ou fausses clés d'un grand nombre de bijoux d'une valeur indéterminée, au préjudice de B. D. C. Ce jugement a été signifié au procureur du Roi de Bruxelles par exploit d'huissier du 20 novembre 2013 et est passé en force de chose jugée.

Par jugement rendu par défaut le 16 février 2017, le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles a condamné A. K., en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement de douze mois et au versement d'une contribution au Fonds d'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence et d'une indemnité visée à l'article 91, alinéa 2, de l'arrêté royal du 28 décembre 1950, ainsi qu'aux frais, pour avoir commis des faits de vol avec effraction à Beersel entre le 11 février 2011 et le 14 février 2011. Ce jugement a été signifié au domicile d'A. K. par exploit du 2 mai 2017 et est passé en force de chose jugée.

4. Ces condamnations se rapportent au même fait et ne peuvent se concilier.

La demande en révision est recevable.

5. Il n'existe aucun motif de déroger à la procédure définie à l'article 445, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle.
6. Les deux condamnations ont été prononcées par défaut. Par conséquent, la Cour désigne deux curateurs chargés respectivement de la défense de G. P. et de la défense d'A. K., qui les représenteront dans la procédure en révision.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Déclare recevable la demande en révision.
Casse les condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Bruxelles par jugement du 23 septembre 2013, à charge de G. P., et par le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles par jugement du 16 février 2017, à charge de A. K.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge des jugements cassés.
Renvoie les affaires, en leur état, à la Cour d'appel de Bruxelles.
Nomme Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, en qualité de curateur de G. P.
Nomme Me Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation, en qualité de curateur d'A. K.
Laisse les frais à charge de l'État.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Geert Jocqué, Peter Hoet, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1195.N
Date de la décision : 23/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-23;p.17.1195.n ?

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