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22/01/2018 | BELGIQUE | N°S.17.0024.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 janvier 2018, S.17.0024.F


N° S.17.0024.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

C. B.,
défendeur en cassation.


I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 12 décembre

2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireill...

N° S.17.0024.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

C. B.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 12 décembre 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;
- article 1315 du Code civil ;
- article 870 du Code judiciaire ;
- article 110 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage ;
- article 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit l'appel du demandeur recevable mais non fondé, confirme le jugement du premier juge et condamne, conformément à l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, le demandeur aux dépens de la procédure.
L'arrêt fonde sa décision sur les motifs qu'il indique sous le titre « discussion », considérés ici comme intégralement reproduits, et plus particulièrement sur les considérations suivantes :
« Le litige est [...] devant la cour [du travail] limité à la période [de] 2012 au 30 juin 2013.
[Le demandeur] fait d'abord remarquer qu'il appartient [au défendeur] d'établir son statut d'isolé, qui est contredit par l'inscription simultanée à la même date d'autres personnes. Il n'aurait pas établi son statut de personne isolée.
Pour [le demandeur], il est clair que [le défendeur] habitait sous le même toit avec deux ou plusieurs personnes. L'habitation [...] n'était pas un logement conçu comme un lieu de vie autonome permettant de mener sa propre existence, sans affecter les autres occupants, dès lors qu'une pièce centrale et essentielle d'un logement, la cuisine, était commune.
En plus, il y avait un partage des questions ménagères. Le fait que [le défendeur] s'occupait seul de ses courses et disposait d'une armoire et d'un étage du frigo pour son seul usage ne démontre pas l'absence de règlement en commun des questions ménagères. [Le défendeur] n'établit pas non plus que les charges fixes ou la question de l'entretien et du nettoyage des parties communes n'étaient pas [réglées] en commun.
[Le défendeur], qui n'a pas conclu, demande la confirmation du jugement du premier juge. Il expose qu'il a choisi ce type de logement parce que c'était impossible pour lui de louer à Bruxelles un appartement ou studio individuel. Avant de venir habiter [dans la maison en cause], il ne connaissait pas les autres locataires. Il payait un loyer individuel, ainsi qu'une participation dans les frais généraux. Pour le reste, il n'y avait pas de vie commune. Il avait une salle de bain à lui et pouvait se servir de la cuisine, sans pourtant qu'il y eût un partage des frais.
L'article 110 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 [portant réglementation du chômage] détermine, pour fixer le montant de l'allocation journalière, trois catégories de chômeurs. Il s'agit du travailleur ayant charge de famille (§ 1er), du travailleur isolé (§ 2) et du travailleur cohabitant (§ 3). Est considéré comme travailleur isolé le travailleur qui habite seul, à l'exception du travailleur qui est visé par les dispositions spécifiques du paragraphe 1er, 3° à 6°. Est considéré comme travailleur cohabitant le travailleur qui n'est pas un travailleur ayant charge de famille ou un travailleur isolé.
En vertu de l'article 110, § 4, le travailleur ayant charge de famille et le travailleur isolé doivent rapporter la preuve de la composition de leur ménage au moyen d'un document dont la teneur et le modèle sont déterminés par le comité de gestion.
La Cour de cassation déduit de cette dernière disposition et de l'économie de l'article 110 en sa totalité que c'est au travailleur isolé (ou au travailleur ayant charge de famille) à établir la qualité qu'il réclame [...].
La cour [du travail] se rallie à cette interprétation sous la seule réserve que, s'agissant pour le chômeur cohabitant de la preuve d'un fait négatif (cf. infra), cette preuve ne doit pas être apportée avec la même rigueur que celle d'un fait positif [...].
C'est l'article 59 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage qui donne une définition de la notion de cohabitation, d'ailleurs identique à celle qui est d'application en matière de revenu d'intégration sociale : ‘le fait, pour deux ou plusieurs personnes, de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères'.
L'article 59 fait une distinction entre la condition de vivre sous le même toit et la condition de régler les questions ménagères principalement en commun. Les deux conditions doivent être réalisées cumulativement [...].
Du seul fait que deux ou plusieurs personnes habitent sous le même toit, il ne peut donc être déduit qu'elles règlent également les questions ménagères principalement en commun.
En réponse à une question parlementaire [...], le ministre du Travail a précisé :
‘Dans la réglementation du chômage, la cohabitation constitue le fait pour deux ou plusieurs personnes de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères. Ces deux éléments doivent être présents.
Le fait de vivre « sous le même toit » dépend d'un constat de fait [...].
Le deuxième élément, « le règlement principalement commun des questions ménagères », signifie non seulement qu'elles peuvent tirer un avantage financier du fait de vivre sous le même toit, par exemple en utilisant certains équipements communs, mais aussi qu'elles unissent la majeure partie de leurs revenus et décident conjointement de la manière dont elles les dépensent. Tirer un avantage financier d'une cohabitation est donc en soi insuffisant pour influencer le montant des allocations de chômage. Le fait d'habiter ensemble dans le même logement n'influence le montant des allocations de chômage que si le ménage ou le budget est principalement commun'.
L'interprétation [du demandeur], qui déduit en fait la cohabitation du seul fait que [le défendeur] louait une chambre dans une même maison avec d'autres personnes et réalisait ainsi une ‘économie d'échelle', est contraire à la loi et ne peut d'ailleurs trouver une justification raisonnable. Il ne peut se comprendre pourquoi le législateur aurait voulu sanctionner, par une diminution des allocations de chômage, le choix du chômeur (dont la situation ne permet pas de louer un studio ou un appartement) de se limiter, pour son logement, à la location d'une chambre dans une maison avec l'usage éventuel commun d'une cuisine ou de l'une ou l'autre autre pièce.
Il résulte des pièces déposées que [le défendeur] a conclu un contrat de sous-location avec le locataire principal de la maison. Le loyer était un montant fixe, à augmenter des charges. Le loyer n'était nullement ‘solidarisé'. Il n'était pas adapté en fonction du nombre des habitants ni fixé en fonction des revenus des autres habitants. C'est le locataire principal qui supportait le risque [de ne pouvoir] éventuellement sous-louer qu'une partie des chambres. Le premier juge a souligné, sans être contredit, que pendant la période litigieuse les autres locataires ont été domiciliés à des moments différents, de sorte qu'il n'y a jamais eu une ‘communauté' organisée, ou susceptible d'être organisée, pour gérer en commun et principalement les questions ménagères. [Le défendeur], qui avait en plus une salle de bain individuelle, a toujours déclaré qu'il s'occupait seul de ses courses et de ses repas.
L'affirmation [du demandeur] que la cuisine constitue une pièce centrale et essentielle d'un logement doit être relativisée. Ce n'est pas parce qu'il y a une cuisine commune qu'on prépare et mange ensemble la nourriture. Beaucoup de jeunes et d'isolés se contentent de repas préparés ou ne mangent pas à leur domicile.
Aucun élément ne permet donc de conclure qu'il y a eu une gestion en commun des frais ménagers.
Le jugement du premier juge doit donc être confirmé ».

Griefs

1. L'article 110 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, dispose :
« § 1er. Par travailleur ayant charge de famille, il faut entendre le travailleur qui :
1° cohabite avec un conjoint ne disposant ni de revenus professionnels ni de revenus de remplacement [...] ;
2° ne cohabite pas avec un conjoint mais cohabite exclusivement avec :
a) un ou plusieurs enfants, à condition [...] ;
b) un ou plusieurs enfants et d'autres parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus, à condition [...] ;
c) un ou plusieurs parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus qui ne disposent ni de revenus professionnels ni de revenus de remplacement ;
3° habite seul et paie de manière effective une pension alimentaire [...] ;
4° habite seul et dont le conjoint a été autorisé, en application de l'article 221 du Code civil, à percevoir des sommes dues par des tiers ;
5° est visé à l'article 28, § 3 ;
6° a droit à une indemnité complémentaire à charge de son précédent employeur [...] ;
7° le 7 novembre 2001 était lié par un contrat de travail avec l'entreprise Sabena S.A. [...].
Pour l'application de l'alinéa 1er, 1° et 2°, est assimilée au conjoint, la personne avec laquelle le travailleur forme un ménage de fait et qui est à sa charge financièrement, pour autant que [...].
Pour l'application de l'alinéa 1er, 2°, il est fait abstraction d'éventuelles autres personnes avec lesquelles le chômeur cohabite, lorsque ces personnes ne disposent ni de revenus professionnels ni de revenus de remplacement.
§ 2. Par travailleur isolé, il faut entendre le travailleur qui habite seul, à l'exception du travailleur visé au paragraphe 1er, 3° à 6°.
§ 3. Par travailleur cohabitant, il faut entendre le travailleur qui n'est visé ni au paragraphe 1er ni au paragraphe 2.
§ 4. Le travailleur ayant charge de famille et le travailleur isolé doivent apporter la preuve de la composition de leur ménage au moyen du document dont la teneur et le modèle sont déterminés par le comité de gestion.
§ 5. Le ministre détermine, après avis du comité de gestion, ce qu'il faut entendre par cohabiter, par revenus professionnels, par revenus de remplacement et par parents d'accueil, et quelles conditions doivent être remplies pour être considéré à charge financièrement ».
L'article 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage dispose que, par cohabitation, il y a lieu d'entendre le fait, pour deux ou plusieurs personnes, de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères ; une personne est jusqu'à la preuve du contraire réputée habiter à l'adresse de sa résidence principale.
2. Il résulte de l'article 110, § 4, de l'arrêté royal précité et des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire que le travailleur, qui prétend avoir droit à des allocations de chômage comme travailleur ayant charge de famille ou comme travailleur isolé, doit apporter la preuve d'une de ces deux qualités, spécialement dans le cas où les éléments de fait de sa situation ne correspondent pas à la déclaration qu'il en a faite.
Si, bien qu'il ait déclaré vivre seul, le travailleur partage un logement avec d'autres personnes, il lui revient de prouver qu'il ne s'agit pas d'une cohabitation au sens de l'article 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel précité. Si un doute subsiste à la suite de la production des preuves, ce doute doit être retenu au détriment du travailleur sur lequel repose la charge de la preuve.
3. Au sens dudit article 59, alinéa 1er, vivent en cohabitation les personnes qui réunissent les conditions suivantes :
- elles vivent sous le même toit, c'est-à-dire qu'elles partagent les pièces de vie essentielles d'un même logement, qui, telles qu'une cuisine, un salon ou une salle à manger, permettent une vie normale ou, à tout le moins, décente ;
- elles règlent principalement en commun les questions ménagères, c'est-à-dire qu'elles partagent les frais liés au logement (loyer et charges) et que, dès lors, la cohabitation leur procure un avantage économico-financier.
N'est donc pas, au sens des dispositions réglementaires précitées, un travailleur isolé, mais un travailleur cohabitant, celui qui partage avec d'autres personnes des pièces de vie d'un même logement et qui partage les frais liés au logement, en en tirant un avantage économico-financier.

Première branche

4. La mise en commun des questions ménagères implique un partage des frais liés au logement (loyer et charges), la cohabitation procurant ainsi un avantage économico-financier. Il y a règlement en commun des questions du ménage à partir du moment où les personnes qui habitent un logement commun mettent en place une organisation pratique qui les amène à régler de commun accord les questions relatives à l'occupation du logement et à se répartir les frais du logement.
La cohabitation est donc une situation de fait qui doit notamment s'apprécier eu égard aux avantages matériels objectifs liés à une habitation sous le même toit mais n'implique pas nécessairement la confusion des ressources.
Le fait d'avoir conclu un contrat de sous-location avec le locataire principal du logement, de payer un loyer fixe et de s'occuper seul de ses courses et de ses repas ne constituent donc pas des éléments permettant de prouver l'absence de règlement en commun des questions ménagères.
5. L'arrêt constate que le défendeur partageait avec les autres locataires des pièces de vie essentielles, comme la cuisine, et versait un loyer au locataire principal ainsi qu'une participation dans les frais généraux.
L'arrêt décide toutefois que, pendant la période litigieuse, le défendeur ne devait pas être considéré comme un travailleur cohabitant au sens de l'article 110, § 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, mais comme un travailleur isolé au sens du paragraphe 2 de cette disposition, aux motifs qu' « aucun élément ne permet [...] de conclure qu'il y a eu une gestion en commun des frais ménagers », dès lors que le défendeur a conclu un contrat de sous-location avec le locataire principal de la maison, que le loyer était un montant fixe à augmenter des charges, n'était pas solidarisé ni adapté en fonction du nombre des habitants ni fixé en fonction des revenus des autres habitants, que c'est le locataire principal qui supportait le risque [de ne pouvoir] éventuellement sous-louer qu'une partie des chambres, qu'il n'y a jamais eu une communauté organisée ou susceptible d'être organisée pour gérer en commun et principalement les questions ménagères, que le défendeur, qui avait une salle de bain individuelle, a toujours déclaré qu'il s'occupait seul de ses courses et de ses repas et que ce n'est pas parce qu'il y a une cuisine commune qu'on prépare et mange ensemble la nourriture.
9. En se fondant sur ces motifs qui impliquent uniquement l'absence de confusion des ressources mais non l'absence de partage effectif des frais liés au logement entre les sous-locataires ou colocataires, pour conclure à l'absence de cohabitation au sens de l'article 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991, en sorte que le défendeur est considéré comme un travailleur isolé visé à l'article 110, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et non comme un travailleur cohabitant visé à l'article 110, § 3, dudit arrêté royal, l'arrêt viole lesdites dispositions.
À tout le moins, l'arrêt, qui relève l'absence de confusion des ressources mais qui ne contient pas de motifs permettant de déterminer si les frais liés au logement étaient effectivement partagés entre les sous-locataires ou colocataires, n'est pas régulièrement motivé et viole l'article 149 de la Constitution. Les motifs de l'arrêt ne permettent en effet pas à la Cour de vérifier la légalité, au regard des articles 110, §§ 2 et 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991, de la décision que le défendeur était un travailleur isolé et non un travailleur cohabitant.

Seconde branche

10. L'arrêt décide que, pendant la période litigieuse, le défendeur ne devait pas être considéré comme un travailleur cohabitant au sens de l'article 110, § 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, mais comme un travailleur isolé au sens du paragraphe 2 de cette disposition, aux motifs qu' « il n'existe [...] aucun indice selon lequel les questions ménagères étaient abordées, organisées et réglées en commun », dès lors que le défendeur a conclu un contrat de sous-location avec le locataire principal de la maison, que le loyer n'était pas solidarisé ni adapté en fonction du nombre des habitants ni fixé en fonction des revenus des autres habitants, que c'est le locataire principal qui supportait le risque [de ne pouvoir] éventuellement sous-louer qu'une partie des chambres, qu'il n'y a jamais eu une communauté organisée ou susceptible d'être organisée pour gérer en commun et principalement les questions ménagères, que le défendeur, qui avait une salle de bain individuelle, a toujours déclaré qu'il s'occupait seul de ses courses et de ses repas et que ce n'est pas parce qu'il y a une cuisine commune qu'on prépare et mange ensemble la nourriture.
11. Ces motifs indiquent certes l'absence de confusion des ressources mais n'impliquent pas la preuve que les frais liés au logement n'étaient pas répartis entre eux.
Or, l'absence de partage entre les sous-locataires ou colocataires des frais liés au logement devait être prouvée par le défendeur sur lequel reposait la charge de la preuve de l'absence de cohabitation, pour qu'il puisse bénéficier des allocations de chômage au taux « isolé » (articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire, 110, §§ 2, 3 et 4, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991). Le juge peut décider à cet égard que la preuve d'un fait négatif ne doit pas être apportée avec la même rigueur que celle d'un fait affirmatif, mais il ne peut dispenser de cette preuve la partie demanderesse et imposer à la partie adverse la preuve du fait positif contraire.
En décidant qu'il n'existe aucun indice d'une mise en commun des questions ménagères et que le défendeur a fait la preuve qui lui incombait pour bénéficier desdites allocations pendant la période litigieuse, l'arrêt viole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire, 110, §§ 2, 3 et 4, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et 59, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage en refusant de faire reposer la charge de la preuve de l'absence de cohabitation sur le défendeur.

III. La décision de la Cour

Quant à la seconde branche :

Pour décider que le défendeur ne réglait pas les affaires ménagères principalement en commun avec les autres occupants de la maison dans laquelle il sous-louait une chambre, l'arrêt énonce qu'il a la charge de la preuve mais que, « s'agissant d'un fait négatif, cette preuve ne doit pas être apportée avec la même rigueur que celle d'un fait positif », que le loyer n'était pas adapté en fonction du nombre des habitants ou de leurs revenus et que le locataire principal supportait le risque de ne pouvoir sous-louer une chambre, que les sous-locataires avaient été domiciliés dans la maison à des moments différents, de sorte qu'il n'y avait jamais eu entre eux de communauté organisée ou susceptible de l'être pour gérer des questions ménagères, et que le défendeur avait toujours déclaré s'occuper seul de ses courses et de ses repas.
Il ressort de ces énonciations que, même s'ils ont ajouté qu' « aucun élément ne permet donc de conclure qu'il y a eu une gestion en commun des frais ménagers », les juges d'appel avaient la certitude que le défendeur n'avait pas réglé les questions ménagères principalement en commun avec les autres occupants, dès lors qu'aucune organisation commune n'a jamais eu lieu ni été possible.
Le moyen, qui, en cette branche, suppose que les juges d'appel avaient un doute sur ce point, repose sur une interprétation inexacte de l'arrêt, partant, manque en fait.

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 110, § 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, par travailleur cohabitant, il faut entendre le travailleur qui n'est visé ni au paragraphe 1er ni au paragraphe 2.
Suivant l'article 110, § 2, du même arrêté royal, par travailleur isolé, il faut entendre, en règle, le travailleur qui habite seul.
L'article 59 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage dispose que, par cohabitation, il y a lieu d'entendre le fait, pour deux ou plusieurs personnes, de vivre ensemble sous le même toit et de régler principalement en commun les questions ménagères.
Pour considérer que deux ou plusieurs personnes qui vivent ensemble sous le même toit règlent principalement en commun les questions ménagères et donc qu'elles cohabitent, il faut, mais il ne suffit pas, qu'elles tirent de cette vie sous le même toit un avantage économique et financier. Il faut en outre qu'elles règlent en commun, en mettant éventuellement en commun des ressources financières, les tâches, activités et autres questions ménagères, telles que l'entretien et le cas échéant l'aménagement du logement, l'entretien du linge, les courses, la préparation et la consommation des repas.
Il ne suffit pas qu'elles partagent les principales pièces de vie et les frais d'un même logement, règlent en commun les seules questions relatives aux loyer et frais de ce logement et tirent de ces circonstances un avantage économique et financier.
Le juge apprécie en fait si deux ou plusieurs personnes règlent principalement en commun les questions ménagères.
L'arrêt constate que, de 2012 au 30 juin 2013, le défendeur et d'autres sous-locataires occupaient chacun une chambre avec salle de bain individuelle dans une maison unifamiliale dont ils partageaient la cuisine. Il énonce que « le loyer était un montant fixe [et] n'était nullement ‘solidarisé' [en ce sens qu'] il n'était pas adapté en fonction du nombre des habitants ni fixé en fonction [de leurs] revenus » et que « c'est le locataire principal qui supportait le risque [de ne pouvoir] éventuellement sous-louer qu'une partie des chambres », que les sous-locataires avaient été domiciliés dans la maison à des moments différents, « de sorte qu'il n'y a jamais eu une ‘communauté' organisée ou susceptible [de l'être] pour gérer en commun et principalement les questions ménagères », et que le défendeur « a toujours déclaré qu'il s'occupait seul de ses courses et de ses repas ».
Sur la base de ces énonciations, l'arrêt a pu légalement décider que le défendeur ne réglait pas les questions ménagères principalement en commun avec les autres occupants de la maison.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent trente-cinq euros nonante-sept centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-deux janvier deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body A. Jacquemin S. Geubel
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.17.0024.F
Date de la décision : 22/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-22;s.17.0024.f ?

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