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19/01/2018 | BELGIQUE | N°C.16.0409.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 janvier 2018, C.16.0409.F


N° C.16.0409.F
AMAZON EU, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), rue Plaetis, 5,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

AUVIBEL, société civile ayant adopté la forme de la société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C,
défenderesse en cassation,

représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Brux...

N° C.16.0409.F
AMAZON EU, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), rue Plaetis, 5,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

AUVIBEL, société civile ayant adopté la forme de la société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.

C.17.0249.F
AUVIBEL, société civile ayant adopté la forme de la société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

AMAZON EU, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), rue Plaetis, 5,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 12 avril 2016 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.16.0409.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.17.0249.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.16.0409.F :

Sur le moyen :

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, le juge peut, à la demande d'une partie, condamner l'autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, au paiement d'une somme d'argent dénommée astreinte et celle-ci ne peut toutefois être prononcée en cas de condamnation au paiement d'une somme d'argent.
Toute injonction du juge constitue, au sens de cette disposition, une condamnation principale et ne peut dès lors être assortie d'une astreinte dans la mesure où elle porte sur le paiement d'une somme d'argent.
L'arrêt relève que « le président du tribunal de première instance de Bruxelles constate que la vente par [la demanderesse] de supports et appareils pour la reproduction d'œuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique, sans déclarer ces ventes à [la défenderesse] dans le délai légal et sans payer la rémunération pour copie privée y afférente, constitue une infraction à l'article 55 de la loi sur les droits d'auteurs » et qu'il « ordonne la cessation immédiate de ces infractions et condamne [la demanderesse] à faire les déclarations adéquates à [la défenderesse] et à lui payer les rémunérations qui s'y rapportent, et ce, ‘sous peine d'astreintes de 10.000 euros par jour où l'infraction persiste depuis le 60ème jour qui suit la signification du jugement' ».
L'arrêt considère que cette décision « n'assortit pas de la sanction de l'astreinte une condamnation principale au paiement d'une somme d'argent » car « la condamnation principale de [la demanderesse] porte sur l'obligation de faire des déclarations » et « l'obligation de payer les rémunérations qui s'y rapportent est directement liée aux déclarations et en constitue l'accessoire ».
L'arrêt, qui considère ainsi que l'obligation de payer les rémunérations ne constitue pas une condamnation principale au sens de l'article 1385bis, alinéa 1er, précité et peut dès lors être assortie d'une astreinte, ne justifie pas légalement sa décision que « les premiers cantonnements de rémunérations n'étant intervenus que le 23 mai 2014, les astreintes sont par conséquent dues par [la demanderesse] depuis le 4 février 2014 jusqu'au 22 mai 2014 inclus ».
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la première branche, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.17.0249.F :

La cassation de l'arrêt en la cause C.16.0409.F rend sans objet le pourvoi dès lors que les motifs critiqués par celui-ci fondent la décision de condamner la défenderesse au paiement de la somme de 1.080.000 euros au titre d'astreintes.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.16.0409.F et C.17.0249.F ;
Statuant sur le pourvoi C.16.0409.F :
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit les appels et la demande principale ;
Statuant sur le pourvoi C.17.0249.F :
Dit le pourvoi sans objet ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-huit par le président de section Albert Fettweis, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin M.-Cl. Ernotte
M. Lemal M. Delange A. Fettweis


Requête

1er feuillet

00160299
REQUÊTE EN CASSATION
POUR : La société de droit luxembourgeois AMAZON EU SARL, dont le siège social est établi à 2338 Luxembourg (Grand-Duché du Luxembourg), rue Plaetis 5, inscrite au Registre de Commerce et des sociétés du Luxembourg sous le numéro B-101818,
demanderesse en cassation,
assistée et représentée par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050-Bruxelles, avenue Louise, 149 (Bte 20), où il est fait élection de domicile.
CONTRE : La société civile sous forme d'une société coopérative à responsabilité limitée AUVIBEL, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, avenue du Port 86c/201a, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0453.673.453,
défenderesse en cassation.
***
A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,
Messieurs,
Mesdames,
La demanderesse en cassation a l'honneur de déférer à votre censure le l'arrêt rendu contradictoirement entre parties le 12 avril 2016 par la 17ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles (R.G. 2015/AR/307). 2ème feuillet

*
Les faits et les antécédents de la cause peuvent être résumés comme il suit.
1. Auvibel (ici la défenderesse en cassation) est la société chargée de la perception et de la répartition de la rémunération pour la copie privée d'oeuvres sonores et audiovisuelles en Belgique.
Amazon (ici la demanderesse en cassation) est une société de droit luxembourgeois qui gère ses sites internet européens par lesquels elle vend notamment des supports et appareils audiovisuels et sonores à des consommateurs établis dans le monde entier, y compris en Belgique.
2. Par une ordonnance rendue le 25 novembre 2013, le président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant comme en référé dans le cadre d'une action en cessation :
- a constaté que la vente par Amazon de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique, sans déclarer ces ventes à Auvibel endéans le délai légal et sans payer la rémunération pour copie privée y afférente constitue une infraction à l'article 55 de la loi sur les droits d'auteur ;
- a ordonné la cessation immédiate de ces infractions et a condamné Amazon à déclarer à Auvibel ses ventes de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique et à payer la rémunération y afférente, conformément aux dispositions réglementaires applicables, sous peine d'astreintes de 10.000 euro par jour où l'infraction persiste depuis le 60ème jour qui suit la signification du jugement ;
- et a dit que l'astreinte totale ne pourra excéder un montant égal à 10x la rémunération due entre le 1er janvier 2012 et le 30 octobre 2013.
Cette ordonnance a été signifiée le 6 décembre 2013.
Amazon a interjeté appel de cette ordonnance. Par un arrêt interlocutoire du 27 février 2014, la cour d'appel de Bruxelles a dit la demande d'Amazon de pouvoir bénéficier du droit à cantonner les sommes auxquelles elle a été condamnée par le premier juge recevable et fondée et l'a autorisée à verser celles-ci à la Caisse des Dépôts et Consignations avec affectation spéciale à l'extinction de la créance d'Auvibel.
La cause est toujours pendante devant la cour d'appel de Bruxelles. 3ème feuillet

3. Le demande d'Auvibel sur laquelle l'arrêt attaqué s'est prononcé tendait à entendre constater qu'Amazon n'a pas respecté l'ordonnance du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 25 novembre 2013 et à entendre condamner Amazon à lui payer la somme de 2.760.000 euro à titre d'astreintes.
Par un jugement du 15 janvier 2015, la chambre des saisies du tribunal francophone de première instance de Bruxelles :
- a constaté qu'Amazon a violé l'ordonnance prononcée le 25 novembre 2013 ;
- a dit que les astreintes sont dues pour la période allant du 5 février au 7 novembre 2014 ;
- et, avant dire droit quant au montant total de l'astreinte, a ordonné la réouverture des débats.
Amazon a interjeté appel de cette décision. Auvibel a formé un appel incident.
Aux termes de son arrêt du 12 avril 2016, la cour d'appel de Bruxelles :
- dit pour droit que Amazon ne s'est pas conformée suffisamment tôt à l'ordre de cessation contenu dans la décision du 25 novembre 2013 et que les astreintes prononcées par cette décision sont dues pour la période du 4 février 2014 au 22 mai 2014, soit pendant 108 jours,
- condamne Amazon à payer à Auvibel la somme de 1.080.000 euro à titre d'astreintes pour cette période,
- autorise Amazon à cantonner cette somme auprès de la Caisse des dépôts et consignations,
- déboute les parties du surplus de leur demande,
- et compense les indemnités de procédure des deux instances et délaisse à chacune des parties le surplus des dépens et frais qu'elle a exposés dans les deux instances.
*
A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre cet arrêt, la demanderesse a l'honneur d'invoquer le moyen unique de cassation suivant. 4ème feuillet

MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions légales violées
- les articles 1138, 2° et 4°, et 1385bis du Code judiciaire ;
- les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;
- l'article 149 de la Constitution ;
- le principe général du droit imposant au juge de respecter les droits de la défense ;
- le principe général du droit dit principe dispositif, en vertu duquel le juge ne peut élever d'office une contestation étrangère à l'ordre public dont les conclusions des parties excluent l'existence.
Décision et motifs critiqués
L'arrêt attaqué, réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau, dit la demande de la défenderesse partiellement fondée, dit pour droit que la demanderesse ne s'est pas conformée suffisamment tôt à l'ordre de cessation contenu dans la décision du 25 novembre 2013 et que les astreintes prononcées par cette décision sont dues pour la période du 4 février 2014 au 22 mai 2014, soit pendant 108 jours, condamne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 1.080.000 euro à titre d'astreintes pour cette période, autorise la demanderesse à cantonner cette somme auprès de la Caisse des dépôts et consignations, déboute les parties du surplus de leur demande et compense les indemnités de procédure des deux instances et délaisse à chacune des parties le surplus des dépens et frais qu'elle a exposés dans les deux instances.
L'arrêt attaqué fonde sa décision sur les considérations suivantes :
« La demande de (la défenderesse) tend notamment à entendre condamner (la demanderesse) au paiement d'astreintes qu'elle réclame en exécution d'une ordonnance prononcée le 25 novembre 2013 par le président du tribunal de première instance de Bruxelles saisi d'une action en cessation.
Aux termes du dispositif de cette décision, le président du tribunal de première instance de Bruxelles constate que la vente par (la demanderesse) de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique, sans déclarer ces ventes à (la défenderesse) dans le délai légal et sans payer la rémunération pour copie privée y afférente, constitue une infraction à l'article 55 de la loi sur les droits d'auteur. 5ème feuillet

Il ordonne la cessation immédiate de ces infractions et condamne (la demanderesse) à faire les déclarations adéquates à (la défenderesse) et à lui payer les rémunérations qui s'y rapportent et ce, « sous peine d'astreintes de 10.000 euro par jour où l'infraction persiste depuis le 60ième jour qui suit la signification du jugement ».
Il dit pour droit que l'astreinte ne pourra excéder un montant égal à dix fois la rémunération due entre le 1er janvier 2012 et le 30 octobre 2013.
(La demanderesse) a reçu la signification de cette décision le 6 décembre 2013 ainsi qu'il apparaît de la pièce 3 du dossier de (la défenderesse).
Le 60ième jour suivant cette signification se situe le 4 février 2014.
C'est par conséquent à compter de cette date que, sur la base du délai accordé par le jugement du 25 novembre 2013, des astreintes pourraient être dues par (la demanderesse) si les infractions visées ont persisté.
L'autorité de la chose jugée et la force exécutoire de la décision du 25 novembre 2013 invoquées par (la défenderesse) ne sont pas de nature à permettre de considérer que les astreintes seraient dues depuis une date antérieure au 4 février 2014.
(La demanderesse) objecte en vain que l'astreinte ne pouvait porter sur l'obligation de paiement des rémunérations en application de l'article 1385bis du Code judiciaire.
En ce cas particulier, il convient de considérer que la décision du président du tribunal de première instance de Bruxelles n'assortit pas de la sanction de l'astreinte une condamnation principale au paiement d'une somme d'argent.
La condamnation principale de (la demanderesse) porte sur l'obligation de faire des déclarations. L'obligation de payer les rémunérations qui s'y rapportent est directement liée aux déclarations et en constitue l'accessoire.
(La demanderesse) s'exprime du reste elle-même en ce sens en termes de conclusions puisqu'elle expose ce qui suit : « En réalité, l'ordre de cessation porte sur la vente sans déclaration de supports ou d'appareils (...) ; ce n'est qu'après une telle déclaration qu'il existe une obligation de paiement des rémunérations, lesquelles dépendent précisément des ventes effectuées et déclarées » (...).
L'obligation assortie d'astreinte est claire et l'astreinte n'est pas illégale.
Les infractions visées dans la décision présidentielle consistent en l'absence de déclaration des ventes de supports et appareils de reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique et en l'absence de paiement des rémunérations dues pour ces ventes. 6ème feuillet

Il convient par conséquent de vérifier si, à partir du 4 février 2014, (la demanderesse) a persisté dans ses non-déclarations des ventes et ses non-paiements des rémunérations.
(La demanderesse) qui établit avoir fait mensuellement et ce, depuis le 20 mars 2014, ses déclarations pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013 jusqu'au mois d'août 2015, soit avant le dépôt de ses conclusions, ne conteste pas qu'elle n'a pas payé à (la défenderesse) les rémunérations qui découlaient des déclarations qu'elle a faites.
Elle a toutefois procédé au cantonnement des sommes correspondant aux rémunérations, ainsi qu'elle y avait été autorisée par un arrêt interlocutoire de la cour du 27 février 2014, statuant avant dire droit sur l'appel qu'elle avait introduit contre l'ordonnance du 25 novembre 2013.
Il résulte ainsi de la pièce 23 du dossier de (la défenderesse) que (la demanderesse) a fait établir un procès-verbal de cantonnement suivant exploit d'huissier K. du 23 mai 2014 aux termes duquel le cantonnement porte sur la somme de 15.465,61 euro .
Il ressort des pièces produites que la somme de 264.757,36 euro avait, à la date du 15 septembre 2015, été cantonnée par (la demanderesse) au titre de rémunérations dues sur les ventes effectuées, en ce compris des sommes de 28.522,05 euro et 22.634,45 euro pour les ventes de décembre 2013 et janvier 2014 pour lesquelles les déclarations avaient été effectuées le 17 avril 2014 « à titre conservatoire et sans aucune reconnaissance préjudiciable ».
Les premiers cantonnements de rémunérations n'étant intervenus que le 23 mai 2014, les astreintes sont par conséquent dues par (la demanderesse) depuis le 4 février 2014 jusqu'au 22 mai 2014 inclus, soit durant 108 jours.
Il y a lieu de condamner (la demanderesse) à payer la somme de 1.080.000 euro à titre d'astreintes en exécution de la décision prononcée le 25 novembre 2013.
Par cette décision, le président du tribunal de première instance de Bruxelles étant saisi d'une action en cessation, n'a pu prononcer l'ordre de cessation que pour l'avenir.
C'est par conséquent à tort que le premier juge, suivant ainsi la thèse de (la défenderesse), a considéré que : « aucune limitation temporelle n'étant précisée, ce sont toutes les ventes (...) qui sont visées et donc également celles antérieures à décembre 2013 » et que « partant, il y a lieu de constater qu'au 7 novembre 2014, elle (la demanderesse) ne s'était toujours pas entièrement conformée à l'ordonnance du 25 novembre 2013 ». 7ème feuillet

La cour n'interprète pas la décision du 25 novembre 2013 en considérant que l'ordre de cessation a été prononcé pour l'avenir mais détermine la portée exacte des termes de son dispositif et de ses motifs dans le cadre de la saisine du président du tribunal de première instance.
Il convient de constater qu'à la date du 23 mai 2014, (la demanderesse) s'était conformée à l'ordre de cessation contenu dans la décision du 25 novembre 2013 ».
Griefs
Première branche
1. En vertu du principe général du droit dit principe dispositif, consacré par l'article 1138, 2°, du Code judiciaire, et du principe général du droit imposant le respect des droits de la défense, il est interdit au juge d'élever d'office une contestation étrangère à l'ordre public dont les parties avaient exclu l'existence.
Viole par ailleurs les droits de la défense, le juge qui fonde sa décision sur des éléments de droit ou de fait relevés d'office dont les parties ne pouvaient s'attendre, vu le déroulement des débats, que le juge les inclurait dans son jugement et qu'elles n'ont pu contredire (principe général du droit relatif au respect des droits de la défense).
2. L'ordonnance du 25 novembre 2013 a condamné la demanderesse à déclarer à la défenderesse ses ventes de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique et à payer la rémunération y afférente, conformément aux dispositions réglementaires applicables, sous peine d'astreintes de 10.000 euro par jour où l'infraction persiste depuis le 60ème jour qui suit la signification du jugement.
3. Ainsi que la demanderesse le soulignait dans ses conclusions d'appel nos 37 à 43, pp. 19 à 20 :
- a déclaré ses ventes de décembre 2013 et de janvier 2014, le 17 avril 2014,
- a déclaré ses ventes de février 2014 le 20 mars 2014,
- a déclaré ses ventes de mars 2014 le 18 avril 2014. 8ème feuillet

L'arrêt constate par ailleurs que la demanderesse a cantonné le 23 mai 2014 un montant de 15.465,61 euro (arrêt, p. 6), correspondant au montant facturé par la défenderesse pour les mois de février et mars 2014 et aux dépens fixés par l'ordonnance du 25 novembre 2013 (voy. les conclusions de synthèse de la défenderesse, p. 11, n° 28).
Il est par ailleurs constant que la demanderesse a remis les déclarations des ventes intervenues à partir d'avril 2014 dans les délais et cantonné les montants des factures y relatives (voy. conclusions d'appel de la demanderesse, n° 53, pp. 25 à 27), mais n'avait toujours pas déclaré les ventes effectuées avant décembre 2013 le 7 novembre 2014.
4. Devant la cour d'appel la défenderesse réclamait le paiement des astreintes, reprochant à la demanderesse de ne pas avoir respecté l'ordonnance du 25 novembre 2013 :
- en n'y donnant aucune suite entre la date du prononcé de l'ordonnance et le 20 mars 2014 ;
- en déclarant ses ventes pour le mois de décembre 2013 et de janvier 2014 seulement le 17 avril 2014 ;
- et en ne déclarant pas les ventes de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres protégées à des utilisateurs finaux établis en Belgique qui ont été effectuées avant le mois de décembre 2013 et en ne payant donc pas non plus la rémunération pour copie privée y afférente (voy. le dispositif de ses conclusions de synthèse en appel, p. 32).
La défenderesse reprochait dès lors à la demanderesse uniquement de ne pas avoir déclaré les ventes effectuées avant décembre 2013 et d'avoir déclaré tardivement les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013. Elle n'a en revanche jamais invoqué le cantonnement tardif des sommes correspondant aux rémunérations dues pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013.
5. Après avoir relevé que l'ordre de cessation ne vaut que pour l'avenir et ne vise que les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013, l'arrêt attaqué constate que la demanderesse « établit avoir fait mensuellement et ce, depuis le 20 mars 2014, ses déclarations pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013 jusqu'au mois d'août 2015 ». Il constate ainsi que la demanderesse s'est conformée à l'ordonnance du 25 novembre 2013 en ce qui concerne l'obligation de faire des déclarations pour les ventes effectuées depuis 9ème feuillet

le mois de décembre 2013 et qu'aucune astreinte ne peut être encourue de ce chef.
L'arrêt condamne toutefois la demanderesse à payer des astreintes, considérant que « les premiers cantonnements de rémunérations n'étant intervenus que le 23 mai 2014, les astreintes sont par conséquent dues par (la demanderesse) depuis le 4 février 2014 jusqu'au 22 mai 2014 inclus, soit durant 108 jours ».
L'arrêt condamne ainsi la demanderesse à payer des astreintes, non pas pour non-déclaration des ventes effectuées avant décembre 2013 ou pour déclaration tardive des ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013 - comme le soutenait la défenderesse dans ses conclusions -, mais pour cantonnement tardif des sommes correspondant aux rémunérations dues pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013.
En statuant de la sorte, l'arrêt attaqué
- élève d'office une contestation étrangère à l'ordre public, dont les conclusions des parties excluaient l'existence (violation du principe général du droit dit principe dispositif et violation de l'article 1138, 2°, du Code judiciaire),
- viole les droits de la défense de la demanderesse, en élevant d'office un moyen qui n'a pas été invoqué devant lui, auquel la demanderesse ne pouvait s'attendre vu le déroulement des débats, tout en ne lui permettant pas de s'expliquer sur celui-ci (violation du principe général du droit imposant au juge de respecter les droits de la défense).
A tout le moins, si l'arrêt doit être interprété comme considérant implicitement que la défenderesse réclamait des astreintes pour cantonnement tardif des sommes correspondant aux rémunérations dues pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013, il donne des conclusions prises par la défenderesse une interprétation inconciliable avec leurs termes et viole la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Seconde branche
1. En vertu de l'article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, l'astreinte ne peut être prononcée en cas de condamnation au paiement d'une somme d'argent. Cette exclusion vise les condamnations qui consacrent une obligation de paiement alors que ce paiement peut être assuré à l'encontre de la partie condamnée et au profit de son bénéficiaire par le recours aux voies d'exécution. 10ème feuillet

2. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement est motivé.
Si un arrêt contient des motifs ou des dispositions contradictoires ou comporte une contradiction entre les motifs et les dispositions, ces motifs et dispositions se neutralisent les uns les autres, de sorte que l'arrêt n'est pas régulièrement motivé et viole l'article 149 de la Constitution.
L'arrêt qui contient des dispositions contradictoires méconnaît en outre l'article 1138, 4° du Code judiciaire.
3. L'ordonnance du 25 novembre 2013 a condamné la demanderesse à déclarer à la défenderesse ses ventes de supports et appareils pour la reproduction d'oeuvres sonores et visuelles à des utilisateurs établis en Belgique et à payer la rémunération y afférente, conformément aux dispositions réglementaires applicables, sous peine d'astreintes de 10.000 euro par jour où l'infraction persiste depuis le 60ème jour qui suit la signification du jugement.
L'arrêt attaqué, après avoir relevé que l'ordonnance du 25 novembre 2013 n'assortit pas de la sanction de l'astreinte une condamnation principale au paiement d'une somme d'argent dès lors que la condamnation principale de la demanderesse porte sur l'obligation de faire des déclarations, tandis que l'obligation de payer les rémunérations qui s'y rapportent est directement liée aux déclarations et en constitue l'accessoire, condamne toutefois la demanderesse à payer des astreintes pour cantonnement tardif des sommes correspondant aux rémunérations dues pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013.
En statuant de la sorte, l'arrêt attaqué
- viole l'article 1385bis du Code judiciaire en condamnant la demanderesse à payer des astreintes pour avoir manqué à l'obligation de paiement des rémunérations et donc à une obligation de payer une somme d'argent ;
- repose sur des dispositions contradictoires, en décidant d'une part que l'astreinte ne porte pas sur l'obligation de paiement des rémunérations et en condamnant d'autre part la demanderesse à payer des astreintes pour avoir manqué à l'obligation de paiement des rémunérations et viole partant l'article 1138, 4°, du Code judiciaire. A tout le moins, l'arrêt entrepris repose sur des motifs contradictoires et/ou contient une contradiction entre ses motifs et son 11ème feuillet

dispositif et n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
Développements
Le moyen unique de cassation critique l'arrêt attaqué en ce qu'il décide que les astreintes sont dues par la demanderesse depuis le 4 février 2014 jusqu'au 22 mai 2014 inclus (soit durant 108 jours), les premiers cantonnements de rémunérations n'étant intervenus que le 23 mai 2014 et condamne la demanderesse à payer la somme de 1.080.000 euro à titre d'astreintes.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de condamner la demanderesse à payer des astreintes, non pas pour non-déclaration ou déclaration tardive des ventes, mais pour cantonnement tardif des sommes correspondant aux rémunérations dues pour les ventes effectuées depuis le mois de décembre 2013.
PAR CES CONSIDERATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour la demanderesse en cassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, recevant le pourvoi, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de l'arrêt cassé, statuer comme de droit sur les dépens et renvoyer la cause devant une autre cour d'appel.
Bruxelles, le 12 septembre 2016
Pour la demanderesse en cassation,
son conseil,
Paul Alain Foriers 12ème feuillet

Pièces jointes :
1. Déclaration pro fisco établie en application de l'article 2691 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe.
2. Il sera joint en outre à la présente requête en cassation, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification à la défenderesse en cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0409.F
Date de la décision : 19/01/2018

Analyses

Astreinte


Parties
Demandeurs : AMAZON EU
Défendeurs : AUVIBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-19;c.16.0409.f ?

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