La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2018 | BELGIQUE | N°F.16.0015.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 janvier 2018, F.16.0015.N


N° F.16.0015.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,

contre

1. W. C.,
2. L. I.,
Me Filip Liebaut, avocat au barreau de Termonde.





I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 23 octobre 2017, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.

II. Le moyen

de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un ...

N° F.16.0015.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,

contre

1. W. C.,
2. L. I.,
Me Filip Liebaut, avocat au barreau de Termonde.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 23 octobre 2017, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 131 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable au litige, dispose que, pour le calcul de l'impôt, est exemptée une quotité du revenu déterminée comme suit :
1° pour un contribuable isolé, un montant de base de 5.480 euros ;
2° pour chaque conjoint, un montant de base de 4.350 euros.
2. En vertu de l'article 147, 1°, du même code, dans sa version applicable au litige, lorsque le revenu se compose exclusivement de pensions ou d'autres revenus de remplacement, une réduction de 1.586,19 euros pour un contribuable isolé et de 1.852,08 euros pour les deux conjoints est accordée sur l'impôt afférent aux pensions et aux revenus de remplacement.
3. Dans son arrêt n° 140/2001 du 6 novembre 2001, la Cour constitutionnelle a considéré que :
- la différence de traitement entre contribuables isolés, d'une part, et conjoints, d'autre part, n'est pas sans justification raisonnable s'il s'agit de déterminer la quotité exemptée d'impôt lors du calcul de l'imposition, étant donné que le législateur a pu tenir compte du fait que, dans le cas des personnes mariées, les frais fixes de subsistance sont généralement inférieurs par personne à ceux d'un isolé ;
- cette justification ne saurait toutefois être retenue lorsque la situation des conjoints est comparée avec celle des cohabitants non mariés, qui supportent également ensemble les frais fixes de subsistance, de sorte qu'en ce qui concerne la détermination de la quotité exemptée d'impôt, il existe une différence de traitement injustifiée entre cohabitants mariés et non mariés ;
- cette discrimination n'est cependant pas due à l'article 131 du Code des impôts sur les revenus 1992, mais provient de ce que, le législateur n'ayant prévu aucune disposition particulière à l'égard des cohabitants non mariés, ceux-ci se voient appliquer la disposition qui concerne les contribuables isolés.
Dans son arrêt n° 185/2002 du 11 décembre 2002, la Cour constitutionnelle a confirmé cette jurisprudence et l'a étendue à la détermination de la réduction d'impôt pour pensions et revenus de remplacement sur la base de l'article 147, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992.
4. En vertu de l'article 170 de la Constitution, aucun impôt ne peut être établi que par une loi.
En vertu de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution, nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi.
5. Les juges d'appel ont constaté que :
- les défendeurs cohabitent et sont mariés ;
- la cotisation contestée se rapporte à l'exercice d'imposition 2003 et la quotité exemptée d'impôt ainsi que la réduction d'impôt pour pensions et revenus de remplacement, qui valaient alors pour les personnes mariées, ont été prises en compte ;
- la réglementation de l'époque prévoyait une quotité exemptée d'impôt et une réduction d'impôt pour pensions et revenus de remplacement plus élevées pour les personnes isolées ;
- tous les cohabitants de fait peuvent bénéficier de ces montants plus élevés applicables aux isolés.
Ils ont ensuite considéré que :
- dans son arrêt n° 185/2002 du 11 décembre 2002, la Cour constitutionnelle a constaté que la réglementation relative à la quotité exemptée d'impôt et à la réduction d'impôt pour pensions et revenus de replacement est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution au motif que le législateur n'a pas prévu de régime spécifique pour les cohabitants non mariés ;
- si la Cour constitutionnelle a considéré que les articles 131 et 147, 1°, du Code des impôts sur les revenus n'étaient pas, pour cette raison, inconstitutionnels en soi, elle a néanmoins constaté l'inconstitutionnalité de la situation décrite ci-dessus du fait de l'absence de dispositions légales appropriées pour les cohabitants non mariés ;
- dans la mesure où la cotisation contestée tient compte d'une quotité exemptée d'impôt moins élevée que celle applicable aux cohabitants de fait et prend également en considération une réduction d'impôt pour revenus de remplacement moins élevée, elle est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
À la lumière de ces énonciations, ils ont ordonné un nouveau calcul de la cotisation contestée.
6. En ordonnant ainsi un nouveau calcul de la cotisation devant faire bénéficier les deux demandeurs de la quotité exemptée d'impôt et de la réduction d'impôt pour pensions et revenus de remplacement plus élevées qui s'appliquent aux isolés, alors que les articles 131 et 147, 1°, du Code des impôts sur les revenus n'ont pas été jugés contraires au principe constitutionnel d'égalité par la Cour constitutionnelle et que, dans les arrêts précités, celle-ci a seulement considéré qu'il existait une différence de traitement injustifiée entre cohabitants mariés et non mariés au motif que ces derniers ne sont pas soumis au même régime que les cohabitants mariés, les juges d'appel ont violé ces dispositions légales et ont accordé, en violation de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution, une exemption et une réduction d'impôt que la loi ne prévoit pas.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

7. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Filip Van Volsem, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit par le président de section Alain Smetryns, en présence de l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.16.0015.N
Date de la décision : 18/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-18;f.16.0015.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award