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17/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0403.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 janvier 2018, P.17.0403.F


N° P.17.0403.F
C. M.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marc Nève, avocat au barreau de Liège, et Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,

contre

M.B., G., P., G.,
inculpé,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles, et Pierre Neuville, avocat au barreau du Luxembourg.


I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 mars 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.r>La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
...

N° P.17.0403.F
C. M.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marc Nève, avocat au barreau de Liège, et Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,

contre

M.B., G., P., G.,
inculpé,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles, et Pierre Neuville, avocat au barreau du Luxembourg.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 mars 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 373 et 374 du Code pénal, 1319, 1320 et 1322 du Code civil et de la foi due aux actes.

Quant aux deuxième et troisième branches réunies :

Le moyen reproche à l'arrêt de considérer que l'infraction d'attentat à la pudeur n'est pas établie, alors qu'eu égard aux éléments repris dans sa motivation, elle l'était pourtant. Selon la demanderesse, d'une part, même si elle devait n'avoir découvert la présence de la caméra qu'après s'être rhabillée, l'infraction d'attentat à la pudeur prévue par l'article 373, alinéa 1er, du Code pénal aurait dû être déclarée établie dès lors que toute violation de l'intimité d'une personne qui est aux toilettes est contraire à la pudeur, peu importe que la victime y soit ou non habillée. En outre, le fait que la demanderesse ait découvert la caméra qui fonctionnait au moment où elle était encore dans les toilettes implique qu'il y avait une interaction entre les parties, le défendeur filmant la demanderesse contre son gré alors que celle-ci s'en rendait compte. D'autre part, dans la mesure où l'attentat à la pudeur existe dès qu'il y a commencement d'exécution, conformément à l'article 374 du Code pénal, la circonstance que la demanderesse se serait le cas échéant rhabillée avant la découverte de la caméra n'était pas de nature à fonder la décision qu'il n'existe pas de charges justifiant le renvoi du défendeur du chef de ce délit.

En tant qu'il critique l'appréciation en fait des juges d'appel, le moyen est irrecevable.

Pour le surplus, en décidant que le fait de filmer secrètement une personne dénudée, à savoir sans son consentement et à son insu et sans qu'aucune contrainte physique ou morale ne soit exercée, ne peut être qualifié d'attentat à la pudeur, commis avec violences ou menaces, même si la confiance de la victime est trahie, dès lors qu'aucun attouchement ou contact physique n'a eu lieu entre le défendeur et la demanderesse, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision d'ordonner le non-lieu de ce chef.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la première branche :

La demanderesse fait grief à l'arrêt de déduire de son audition du 7 mars 2014 qu'elle n'était pas dénudée au moment de l'infraction, alors qu'elle ne l'a pas déclaré et que le film enregistré par la caméra installée sur le lieu des faits démontre le contraire.

Aux termes de la décision attaquée, la cour d'appel a jugé que le fait de filmer de manière furtive une personne dénudée, à savoir sans son consentement et à son insu et sans qu'aucune contrainte physique ou morale ne soit exercée, ne peut être qualifié d'attentat à la pudeur, commis avec violences ou menaces, même si la confiance de la victime est ainsi trahie.

Dans la mesure où il critique une considération surabondante de l'arrêt, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 6 à 10 et 13 de la loi du 21 mars 2007 réglant l'installation et l'utilisation de caméras de surveillance. La demanderesse soutient que les juges d'appel ont à tort ordonné le non-lieu du chef des infractions aux articles 8, 9 et 10 de cette loi, au motif que la caméra utilisée par le défendeur ne rentrait pas dans son champ d'application, alors que la loi précitée s'applique à toute installation de caméra qui est susceptible d'exercer une surveillance dans un lieu visé par la loi, même lorsque la caméra n'est pas utilisée pour une des fins prévues par le législateur.

En tant qu'il soutient que toute caméra installée dans un but différent de ceux visés à l'article 2, 4°, de la loi précitée du 21 mars 2007, viole cette loi, le moyen manque en droit.

En vertu de l'article 8, alinéas 1er et 2, de cette loi, toute utilisation cachée de caméras de surveillance est interdite. Est considérée comme utilisation cachée, toute utilisation de caméras de surveillance qui n'a pas été autorisée au préalable par la personne filmée. L'article 10 de la loi prévoit en outre que les caméras de surveillance ne peuvent ni fournir des images qui portent atteinte à l'intimité d'une personne, ni viser à recueillir des informations relatives aux opinions philosophiques, religieuses, politiques ou syndicales, à l'origine ethnique ou sociale, à la vie sexuelle ou à l'état de santé.

L'article 2, 4°, de la loi dispose que pour son application, on entend par caméra de surveillance, tout système d'observation fixe ou mobile dont le but est de prévenir, de constater ou de déceler les délits contre les personnes ou les biens ou les nuisances au sens de l'article 135 de la nouvelle loi communale, ou de maintenir l'ordre public, et qui, à cet effet, collecte, traite ou sauvegarde des images.

En vertu de l'article 3, la loi est applicable à l'installation et à l'utilisation de caméras de surveillance en vue d'assurer la surveillance et le contrôle dans les lieux visés à l'article 2.

Il suit de ces dispositions que seules les caméras dont l'installation répond aux finalités de surveillance et de contrôle prévues à l'article 2, 4°, précité rentrent dans le champ d'application de la loi et doivent satisfaire aux conditions d'installation et d'utilisation visées aux articles 8 et 10.

Les juges d'appel ont énoncé que « contrairement à ce que soutient la demanderesse, toute caméra installée dans un lieu "pour filmer ce qui s'y passe" n'est pas en soi et de facto une caméra de surveillance au sens de la loi précitée. Dans la mesure où la caméra installée dans les toilettes du garage ne poursuivait aucune des fonctions assignées par la loi - ce qui est reconnu par [la demanderesse] - [...] cette caméra n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 21 mars 2007 ».

Par ces considérations, les juges d'appel ont fait une exacte application des dispositions précitées.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 32bis et 32ter de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail et 119 du Code pénal social.

Selon la demanderesse, les juges d'appel ont à tort ordonné le non-lieu du chef des infractions de violence au travail et de harcèlement moral ou sexuel au travail, au motif qu'il n'y aurait pas eu de contact entre elle et le défendeur. Dans la mesure où ils ont constaté que la caméra fonctionnait au moment où la demanderesse était dans les toilettes, les juges d'appel auraient dû en conclure qu'il y avait eu, dès le moment de la découverte de cette caméra et par son intermédiaire, un contact entre la demanderesse et le défendeur, tandis qu'en apprenant ainsi qu'elle était filmée depuis son entrée dans les toilettes et en consultant par la suite les autres films et prises de vues sur la caméra, la demanderesse a concrètement été victime de comportements ayant produit les effets visés à l'article 32ter, 2° et 3°, de la loi du 4 août 1996.

Aux termes de l'article 119 du Code pénal social, est punie d'une sanction de niveau 4, toute personne qui entre en contact avec les travailleurs lors de l'exécution de leur travail et qui, en contravention à la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, commet un acte de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.

Conformément à l'article 32bis, alinéa 1er, de la loi du 4 août 1996, les employeurs et les travailleurs ainsi que les personnes assimilées visées à l'article 2, § 1er, et les personnes, autres que celles visées à l'article 2, § 1er, qui entrent en contact avec les travailleurs lors de l'exécution de leur travail, sont tenues de s'abstenir de tout acte de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.

L'article 32ter, alinéa 1er, de la loi précitée, dans la version applicable aux faits, dispose qu'on entend par
1° violence au travail, chaque situation de fait où un travailleur ou une autre personne à laquelle le présent chapitre est d'application, est menacé ou agressé psychiquement ou physiquement lors de l'exécution du travail ;
2° harcèlement moral au travail, plusieurs conduites abusives similaires ou différentes, externes ou internes à l'entreprise ou l'institution, qui se produisent pendant un certain temps, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur ou d'une autre personne à laquelle le chapitre Vbis de la loi est d'application, lors de l'exécution de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant et qui se manifestent notamment par des paroles, des intimidations, des actes, des gestes ou des écrits unilatéraux ; ces conduites peuvent notamment être liées à la religion ou aux convictions, au handicap, à l'âge, à l'orientation sexuelle, au sexe, à la race ou l'origine ethnique ;
3° harcèlement sexuel au travail, tout comportement non désiré verbal, non verbal ou corporel à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

La cour d'appel a énoncé que la demanderesse ignorait qu'elle était filmée dans son intimité lorsque les actes reprochés au défendeur ont été commis et que les faits de harcèlement, au même titre que ceux de violence, qu'ils soient d'ordre physique ou psychique, impliquent un contact entre la victime et l'auteur, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Par ces énonciations, au terme d'une appréciation qui gît en fait, les juges d'appel ont légalement décidé qu'il n'y avait ni acte de violence ni harcèlement moral ou sexuel au travail. Ils ont ainsi régulièrement motivé et légalement justifié leur décision d'ordonner le non-lieu.

Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent vingt-sept euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Marie-Claire Ernotte, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir M-C. Ernotte B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0403.F
Date de la décision : 17/01/2018

Analyses

Protection de la vie privée


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-17;p.17.0403.f ?

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