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16/01/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0002.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 janvier 2018, P.18.0002.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0002.N
S. S.,
étranger, maintenu en un lieu déterminé,
demandeur en cassation,
Me Johannes Baelde, avocat au barreau de Bruges,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires étrangères, pour lequel intervient le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration,
partie en intervention d'office,
défendeur en cassation.






I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 décembre 2017 par la cour d'appel de G

and, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0002.N
S. S.,
étranger, maintenu en un lieu déterminé,
demandeur en cassation,
Me Johannes Baelde, avocat au barreau de Bruges,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires étrangères, pour lequel intervient le secrétaire d'État à l'Asile et la Migration,
partie en intervention d'office,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 26 décembre 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 5, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 74/6, § 1erbis, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers : l'arrêt décide, à tort, que le maintien du demandeur en un lieu déterminé peut se fonder sur l'article 74/6, § 1erbis, de la loi du 15 décembre 1980 ; la prise en considération le 30 novembre 2017 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (ci-après : Commissaire général) de la nouvelle demande d'asile du demandeur du 6 novembre 2017 démontre que cette demande était sérieuse et qu'elle ne peut constituer une fraude ou un recours abusif à la procédure d'asile, de sorte qu'à compter de cette date, la privation de liberté du demandeur est contraire à l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; une décision de maintien fondée sur l'article 74/6, § 1erbis, 9° et 12°, de la loi du 15 décembre 1980 n'est possible que s'il est démontré par l'Office des étrangers que la demande d'asile n'a été introduite qu'à des fins dilatoires dans le but de retarder son éloignement imminent ; ce point de vue et la condition d'une interprétation stricte de ces conditions ressortent non seulement de la genèse légale de cette disposition mais correspondent également à la réglementation européenne.

2. L'article 74/6, § 1erbis, 9° et 12°, de la loi du 15 décembre 1980 dispose que l'étranger qui est entré dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées à l'article 2 ou dont le séjour a cessé d'être régulier, et qui introduit une demande d'asile, peut être maintenu par le ministre ou son délégué dans un lieu déterminé afin de garantir l'éloignement effectif du territoire, lorsque :
- l'étranger a déjà introduit une autre demande d'asile (9°) ;
- l'étranger introduit une demande d'asile dans le but de reporter ou de déjouer l'exécution d'une décision précédente ou imminente devant conduire à son éloignement (12°).

3. Il ressort de la genèse légale de cette disposition que le législateur veut rendre exceptionnelle la détention d'étrangers, avant qu'une décision sur leur demande d'asile soit prise, pour autant que le séjour de ces étrangers soit irrégulier et que les circonstances énoncées dans la loi indiquent clairement qu'il y a recours abusif à la procédure d'asile.

4. L'article 57/6/2, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 dispose que :
- après réception de la demande d'asile transmise par le ministre ou son délégué sur la base de l'article 51/9, le Commissaire général examine en priorité si des nouveaux éléments apparaissent, ou sont présentés par le demandeur, qui augmentent de manière significative la probabilité qu'il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l'article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4 ;
- en l'absence de ces éléments, le Commissaire général ne prend pas en considération la demande d'asile et il estime d'une manière motivée qu'une décision de retour n'entraînera pas un refoulement direct ou indirect ;
- dans le cas contraire, ou si l'étranger a fait auparavant l'objet d'une décision de refus prise en application des articles 52, § 2, 3°, 4° et 5°, § 3, 3°, et § 4, 3°, ou 57/10, le Commissaire général prend une décision de prise en considération de la demande d'asile.

5. Il ressort de la genèse légale de cette disposition légale qu'une sorte de filtre a été instauré afin de prévenir le recours abusif ou frauduleux au droit d'introduire des demandes d'asile.

6. Il résulte de la circonstance que le Commissaire général ait pris une décision de prise en considération de la demande d'asile et soit donc d'avis que des nouveaux éléments apparaissent, ou sont présentés par le demandeur d'asile, qui augmentent de manière significative la probabilité qu'il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l'article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4, qu'il n'y a pas présence d'abus de la procédure d'asile contre lequel le législateur veut lutter par l'article 74/6, § 1erbis, 9° et 12°, de la loi du 15 décembre 1980, même lorsque sont réunies formellement les conditions d'une décision de maintien en un lieu déterminé fixées auxdites dispositions. La décision de maintien d'un demandeur d'asile ne peut ainsi être fondée sur ces dispositions de la loi du 15 décembre 1980.

L'arrêt qui se prononce autrement n'est pas légalement justifié.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve la décision sur les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du seize janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0002.N
Date de la décision : 16/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-16;p.18.0002.n ?

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