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16/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1037.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 janvier 2018, P.17.1037.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1037.N
I.-III. M. K.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Jesse Van den Broeck, avocat au barreau de Gand,

II. A. K.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Sven De Baere, avocat au barreau de Bruxelles,

les deux pourvois contre

1. G. W.,
(...)
38. DB ENGINEERING, société privée à responsabilité limitée,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 29 septembre 2017 par

la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur II invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arr...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1037.N
I.-III. M. K.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Jesse Van den Broeck, avocat au barreau de Gand,

II. A. K.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
Me Sven De Baere, avocat au barreau de Bruxelles,

les deux pourvois contre

1. G. W.,
(...)
38. DB ENGINEERING, société privée à responsabilité limitée,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 29 septembre 2017 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur II invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur III invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur I déclare se désister de son pourvoi.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen du demandeur II :

Quant à la première branche :

3. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, § 1er, 6, § 3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 195 et 211 du Code d'instruction criminelle : l'arrêt refuse de faire droit à la demande formulée par le demandeur, d'entendre en qualité de témoins Y.B, B.M., M.T., J.A., M.F. et R.G., lesquels ont fait à sa charge des déclarations incriminantes au cours de l'information, en raison d'une impossibilité factuelle consistant en ce qu'il existe des indices sérieux de menaces à l'encontre de Y.B. et B.M. ; une crainte subjectivement rapportée qui ne trouve aucun fondement objectif pouvant être démontré ne peut être admise en tant qu'impossibilité factuelle de témoigner ; la simple déclaration d'un coprévenu ou un message texto de la mère d'un coprévenu, sans avoir fait l'objet d'un examen approfondi, ne peuvent suffire ; de plus, il ne peut être légalement déduit des menaces à l'encontre de deux témoins que la même crainte s'étend à d'autres témoins qui n'ont pas invoqué faire l'objet de menaces.

4. La question de savoir si le juge qui doit se prononcer sur le bien-fondé de l'action publique est tenu d'entendre à titre de témoin une personne qui a fait une déclaration à charge du prévenu au cours de l'information, lorsque ce prévenu le demande, doit être appréciée à la lumière du droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du droit d'interroger ou de faire interroger des témoins à charge garanti par l'article 6, § 3, d, de cette même Convention. Il est essentiel, à cet égard, que l'action publique exercée à charge du prévenu, dans son ensemble, se déroule de manière équitable, mais cela n'exclut pas que le juge tienne compte non seulement des droits de défense de ce prévenu mais aussi des intérêts de la société, des victimes et des témoins eux-mêmes.

5. Il résulte de l'article 6, § 1er, de la Convention qu'en principe, la preuve invoquée à l'encontre d'un prévenu lui est soumise à l'audience publique et que le prévenu peut la contredire.

6. Les articles 6, § 1er, et 6, § 3, d, de la Convention, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme, requièrent que, pour prendre en considération une déclaration incriminante faite par une personne durant l'information, sans que le prévenu ait l'opportunité que cette personne soit interrogée comme témoin à l'audience, le juge vérifie :
(i) s'il existe des motifs graves de ne pas entendre le témoin, à savoir des motifs factuels ou juridiques permettant de justifier l'absence du témoin à l'audience ;
(ii) si la déclaration à charge constitue l'élément unique ou déterminant sur lequel se fonde la déclaration de culpabilité, étant entendu par déterminant le fait que la preuve est d'une importance telle que son admission a induit l'issue de la cause ;
(iii) si, face à l'impossibilité d'interroger le témoin, il existe des facteurs compensateurs suffisants, notamment des garanties procédurales solides. De tels facteurs compensateurs peuvent consister dans le fait d'accorder une valeur probante moindre à de telles déclarations, dans l'existence d'un enregistrement vidéo de l'audition réalisée au stade de l'enquête permettant d'apprécier la fiabilité des déclarations, dans la production d'éléments de preuve venant appuyer ou corroborer le contenu des déclarations faites au stade de l'enquête, dans la possibilité de poser au témoin des questions écrites ou en la possibilité offerte au prévenu d'interroger ou de faire interroger le témoin au stade de l'enquête préliminaire et dans la possibilité offerte au prévenu de donner son point de vue quant à la fiabilité du témoin ou de souligner des contradictions internes dans ces déclarations ou avec les déclarations d'autres témoins.

7. En principe, le juge apprécie l'impact sur le procès équitable de l'absence d'audition à l'audience d'un témoin ayant fait une déclaration à charge au cours de l'information, à la lumière des trois critères susmentionnés et dans cet ordre précité, à moins qu'un seul de ces critères soit à ce point décisif que ledit critère suffit à établir si la procédure pénale, dans son ensemble, s'est déroulée ou non de manière équitable.

8. Il appartient au juge, en tenant compte des critères susmentionnés, de décider souverainement si le fait de ne pas entendre à l'audience un témoin ayant fait au cours de l'information une déclaration à charge du prévenu, viole le droit de ce dernier à un procès équitable dans son ensemble. Le juge est tenu de fonder sa décision sur des circonstances concrètes qu'il indique.

9. L'arrêt décide : « La présence d'indices sérieux et importants que des personnes ayant fait des déclarations incriminantes au cours de l'information font ouvertement l'objet de menaces constitue un motif sérieux pour lequel mettre les personnes concernées ou toute autre personne à l'épreuve à l'audience n'est ni nécessaire ni même indiqué ». Il fonde cette décision sur les circonstances concrètes qu'il constate et considère comme crédibles, plus précisément, les blessures, l'état d'esprit et la déclaration de Y.B. et le message texto de menace adressé par la mère du demandeur I-III à la mère de B.M., ainsi que sur le fait que le demandeur a également démontré dans divers faits déclarés établis qu'il ne craint pas le recours à la violence.
10. L'arrêt peut ainsi déduire de ces faits qu'il n'est pas nécessaire ni judicieux d'entendre à l'audience en qualité de témoin toute personne ayant fait des déclarations incriminantes pour le demandeur. Ainsi, la décision est régulièrement motivée et légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

11. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critique la décision souveraine de l'arrêt sur les faits et il est irrecevable.
(...)
Sur le second moyen du demandeur II :

22. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 195 et 211 du Code d'instruction criminelle : l'arrêt fonde la déclaration de culpabilité du demandeur du chef des préventions 28 à 31 et 40 à 54 sur des faits antérieurs à l'accomplissement des vols prévus sous ces préventions ; l'arrêt ne pouvait légalement déduire à suffisance de ces faits que le demandeur s'est rendu coupable du chef des vols visés.

23. Rien ne s'oppose à ce qu'un juge déduise la culpabilité d'un prévenu du chef d'un fait déterminé, d'éléments qui se sont produits après l'accomplissement dudit fait.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

24. Pour le surplus, le moyen critique la décision souveraine de l'arrêt sur la culpabilité du demandeur du chef des faits mis à sa charge et il est irrecevable.
(...)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Décrète le désistement du pourvoi I ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du seize janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1037.N
Date de la décision : 16/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-16;p.17.1037.n ?

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