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16/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0437.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 janvier 2018, P.17.0437.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0437.N
FERYN INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Peter Van Rompaey, avocat au barreau de Turnhout,

contre

1. Y. V.,
partie civile,
2. COLLÈGE DES BOURGMESTRE ET ÉCHEVINS DE LA COMMUNE DE WILLEBROEK,
partie civile et demanderesse en réparation,
défendeurs en cassation,
Me Philippe Declercq, avocat au barreau de Louvain.



I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 mars 2017 par la cour d'appe

l d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque neuf moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0437.N
FERYN INTERNATIONAL, société anonyme,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Peter Van Rompaey, avocat au barreau de Turnhout,

contre

1. Y. V.,
partie civile,
2. COLLÈGE DES BOURGMESTRE ET ÉCHEVINS DE LA COMMUNE DE WILLEBROEK,
partie civile et demanderesse en réparation,
défendeurs en cassation,
Me Philippe Declercq, avocat au barreau de Louvain.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 mars 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque neuf moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :

2. Le moyen invoque la violation de l'article 204 du Code d'instruction criminelle : l'arrêt décide, à tort, que le grief invoqué par le ministère public est précis ; il omet, par conséquent, de déclarer le ministère public déchu de son appel ; un grief consistant en une répression inadaptée est imprécis parce qu'il ne permet pas à la juridiction d'appel de savoir si une peine plus sévère ou plus légère est visée ; un grief ne peut être précis que lorsqu'il permet de déterminer l'objectif poursuivi par l'appelant.

3. Un grief tel que visé par l'article 204 du Code d'instruction criminelle est l'indication spécifique par l'appelant d'une décision distincte du jugement dont appel, dont il demande la réformation par le juge d'appel.

4. Un grief se distingue du motif sur la base duquel l'appelant demande la réformation de la décision.

5. Pour déterminer la condition de la précision d'un grief, le fait que le motif d'appel invoqué soit susceptible de diverses interprétations et qu'il n'apparaisse pas clairement dans quel sens l'appelant vise la réformation de la décision attaquée, est dès lors sans pertinence.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

6. Sur le formulaire de griefs, le ministère public a coché la rubrique « 2. Taux de la peine », avec la mention « répression non adaptée » en ce qui concerne la demanderesse. Ces indications permettent à la juridiction d'appel de déterminer quelles décisions du jugement l'appelant souhaite voir réformées. L'arrêt qui décide qu'il s'agit d'un grief indiqué précisément est, partant, légalement justifié.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 195 du Code d'instruction criminelle et 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation : l'arrêt qui, nonobstant la demande formulée par la demanderesse, éléments concrets à l'appui, visant à conserver le sursis à l'exécution accordé, inflige une amende effective et donc plus lourde, ne comporte pas, à cet égard, de motifs personnalisés et méconnaît ainsi l'obligation de motivation spécifique prescrite par ces dispositions.

8. L'article 8, alinéa 4, de la loi du 29 juin 1964 dispose que la décision refusant le sursis doit être motivée conformément aux dispositions de l'article 195 du Code d'instruction criminelle.

L'article 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle prévoit que, dans les cas où la loi lui laisse la libre appréciation, le juge indique, d'une manière qui peut être succincte mais doit être précise, les raisons du choix qu'il fait de telle peine ou mesure et le degré de celle-ci.

9. Il résulte uniquement de ces dispositions que le juge est tenu de motiver, d'une manière précise mais succincte, le refus d'accéder à la demande de sursis.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

10. L'arrêt décide qu'il tient compte, pour fixer le taux de la peine, de la personnalité juridique de la demanderesse, de son casier judiciaire vierge, des circonstances et de la gravité des faits, lesquels attestent du peu de respect pour les règles en matière d'aménagement du territoire, ainsi que de l'ampleur de la construction illégale érigée à fort impact sur l'aménagement du territoire. Par ailleurs, il décide que, compte tenu de la nature et de la gravité particulière des faits, le sursis à l'exécution n'est pas accordé pour l'amende infligée, dès lors qu'il ne serait pas de nature à faire comprendre à la demanderesse la gravité des faits et le préjudice qui en résulte pour la société.

Ainsi, l'arrêt indique de manière précise et personnalisée les raisons pour lesquelles le sursis à l'exécution ne peut être accordé pour l'amende prononcée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
Sur le troisième moyen :

14. Le moyen invoque la violation des articles 6.1.7 et 6.1.41, § 1er, 1° et 2°, et § 6, du Code flamand de l'aménagement du territoire : l'arrêt décide, à tort, que l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Maintien est régulier et que l'action en réparation est fondée ; dès lors qu'il n'est pas question de délit constitué d'actes contraires à un ordre de cessation ou contraires aux prescriptions urbanistiques relatives aux affectations autorisées pour la zone, l'autorité demanderesse en réparation ne pouvait solliciter l'avis de ce Conseil supérieur en se référant à l'article 6.1.41, § 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire.
15. L'article 6.1.7 du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit que les autorités demanderesses en réparation peuvent seulement procéder à l'introduction d'une action en réparation devant le juge lorsque le Conseil supérieur de la Politique de Maintien a préalablement rendu un avis positif à cet effet.

L'article 6.1.41, § 1er, de ce même Code détermine les mesures de réparation que les autorités demanderesses en réparation peuvent solliciter, sans préjudice de l'article 6.1.7, et les modalités qu'il faut veiller à respecter à cet égard.

L'article 6.1.41, § 6, de ce même Code prévoit que, sous peine d'irrecevabilité, l'autorité demanderesse en réparation joint l'avis mentionné dans l'article 6.1.7 à l'action en réparation.

16. Il résulte de la lecture combinée de ces articles que l'autorité demanderesse en réparation ne peut introduire une action en réparation de manière recevable que si l'avis positif du Conseil supérieur de la Politique de Maintien est joint à l'action.

17. La circonstance que l'autorité demanderesse en réparation a indiqué dans la demande d'avis qu'une infraction aurait été commise à l'article 6.1.41, § 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, alors qu'il s'agirait d'une infraction à l'article 6.1.41, § 1er, 2°, dudit Code, est sans incidence sur la recevabilité de l'action en réparation. En effet, il appartient au Conseil supérieur de la Politique de Maintien d'examiner, dans l'exercice de sa mission consultative, et, au final, au juge de déterminer si l'action en réparation a été introduite dans le respect des modalités fixées à l'article 6.1.41, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
18. Par les motifs qu'il comporte, l'arrêt décide que le Conseil supérieur de la Politique de Maintien a remis l'avis positif requis et que l'action en réparation est recevable. Cette décision est légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Quant à la première branche :

19. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 159 de la Constitution et 6.1.41, § 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire : l'arrêt décide, à tort, que le paiement d'une somme égale à la plus-value en tant que mesure de réparation n'est pas envisageable ; la disposition précitée du Code flamand de l'aménagement du territoire permet pourtant la plus-value sous le point c) si les conséquences de l'infraction sont manifestement compatibles avec un bon aménagement du territoire.

20. L'article 6.1.41, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose :
« Outre la peine, le tribunal peut ordonner de remettre le lieu en son état initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter des travaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction. Ceci se fait, sans préjudice de l'article 6.1.7 et de l'article 6.1.8, à la requête de l'inspecteur urbaniste, ou du Collège des bourgmestre et échevins de la commune sur le territoire de laquelle les travaux, les actes ou les modifications visés à l'article 6.1.1 ont été exécutés. L'action en réparation est engagée dans le respect des modalités suivantes :
1° pour les délits constitués, ou constitués entre autres, d'actes contraires à un ordre de cessation ou contraires aux prescriptions urbanistiques relatives aux affectations autorisées pour la zone, pour autant qu'il n'en ait pas été dérogé de manière valable, les actions suivantes sont requises :
a) soit la restauration de l'endroit dans son état initial ou la cessation de l'utilisation contraire,
b) soit l'exécution de travaux de construction ou d'adaptation, s'il a été clairement établi que cela suffit pour rétablir l'aménagement local ;
c) soit, si la conséquence de l'infraction est manifestement compatible avec un bon aménagement du territoire, le paiement d'une somme égale à la plus-value du bien résultant de l'infraction ;
2° pour les autres délits que ceux mentionnés au point 1°, le paiement d'une plus-value est requis, sauf si l'autorité instituant cette action en réparation démontre que cela porterait manifestement et de façon disproportionnée préjudice à l'aménagement local, auquel cas l'application d'une des mesures visées au point 1° est requise. »

21. Il résulte de l'ordre de priorité établi par cette disposition et des exceptions qui y sont mentionnées que, plus encore que la nature de l'infraction, c'est l'atteinte portée au bon aménagement local qui est déterminante dans le choix de la mesure de réparation, tant dans le cas visé à l'article 6.1.41, § 1er, 1°, que dans le cas visé à l'article 6.1.41, § 1er, 2°. Ordonner une mesure de réparation requiert que l'infraction ait porté atteinte à l'aménagement du territoire local et que la mesure vise à le réparer.

22. L'arrêt considère que :
- ensuite de l'article 6.1.41, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire, un ordre de priorité détermine la nature de la mesure de réparation ;
- est déterminante pour l'ordre de priorité et donc dans le choix de la mesure de réparation la catégorie dans laquelle se trouve le délit en matière d'urbanisme ;
- le juge veille à l'application correcte par l'autorité demanderesse en réparation de l'ordre de priorité décrétal ;
- le délit commis par la demanderesse est grave au sens de l'article 6.1.41, § 1er, 1°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, à savoir constitué d'actes contraires aux prescriptions urbanistiques relatives aux affectations autorisées pour la zone, pour autant qu'il n'y ait pas été dérogé ;
- dans sa requête en réparation, le défendeur 2 avance la motivation que la construction illégale ne peut être ni tolérée ni autorisée parce qu'il n'est pas satisfait aux prescriptions du plan particulier d'aménagement tel qu'applicable au moment de la construction, notamment une distance avec la limite parcellaire de seulement 1,73 mètres au lieu des 6 mètres prescrits à l'article 6.3°, b), dudit plan particulier ;
- bien qu'au moment des travaux, la remise se trouvait en zone industrielle, il y avait néanmoins lieu d'observer les prescriptions urbanistiques prévues au plan particulier d'aménagement, ce que la demanderesse a omis de faire ;
- la construction illégale a été érigée trop près de la limite parcellaire, ce qui est contraire à la prescription du plan particulier d'aménagement de Willebroek, et que cela a déjà en soi pour conséquence qu'il y a une atteinte manifeste à un bon aménagement du territoire ;
- il ressort des photographies présentées par la défenderesse 1 que la construction d'une telle dimension a une répercussion objective et intolérable sur la jouissance et la qualité de vie de la propriété avoisinante et donc de tiers ;
- la construction illégale a un impact significatif sur l'aménagement du territoire ;
- la demanderesse soutient, à tort, que les conséquences de cette construction illégale sont négligeables ;
- ensuite du plan d'exécution spatial communal de Willebroek-centre, l'affectation de la zone du terrain a, de surcroît, été modifiée de zone industrielle en habitat individuel ou semi-mitoyen, de sorte que l'utilisation de cette remise comme cabine de peinture est incompatible avec l'affectation d'habitat conformément aux prescriptions du plan d'exécution spatial communal ;
- de plus, ce plan d'exécution spatial communal établit les distances de séparation sur la parcelle, à savoir trois mètres, alors que la distance entre la remise et la limite parcellaire n'est que de 1,73 mètre.

23. Il en ressort que les juges d'appel ont non seulement examiné de quelle catégorie de délits visés à l'article 6.1.41, § 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire relève l'infraction en matière d'urbanisme déclarée établie, mais ils ont également vérifié s'il peut uniquement être remédié à l'atteinte portée à l'aménagement du territoire local par la mesure de réparation choisie consistant à remettre les lieux dans leur état initial. Ainsi, les juges d'appel ont entièrement exécuté leur mission de contrôle et la décision sur le choix de la mesure de réparation est légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)
Sur le sixième moyen :

28. Le moyen invoque la violation de l'article 149 de la Constitution : l'arrêt ne pouvait rejeter la demande motivée formulée par la demanderesse visant à lui accorder un délai d'exécution de cinq ans, au motif que cela impliquerait de tolérer la situation illégale pendant un délai d'une aussi longue durée ; un tel motif ne répond pas à la demande motivée formulée par la demanderesse.

29. L'article 6.1.41, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire prescrit que le juge fixe un délai pour l'exécution des mesures de réparation.

Il résulte des travaux préparatoires de cette disposition que le juge se prononce souverainement sur le délai pour la réparation volontaire à la lumière des circonstances concrètes de la cause, sans toutefois pouvoir fixer un délai d'une brièveté telle qu'il est raisonnablement impossible de procéder à la réparation volontaire, ou d'une longueur telle que cette mesure de réparation soit dénuée de sens.

30. Le juge peut ainsi rejeter une demande visant à obtenir un long délai pour procéder à la réparation volontaire au motif qu'un tel délai reviendrait à tolérer la situation illégale.

Le moyen qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.
(...)
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du seize janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le président de section,


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0437.N
Date de la décision : 16/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-16;p.17.0437.n ?

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