N° P.17.0411.N
M. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Gert Warson, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 6 mars 2017 par le tribunal correctionnel d'Anvers, division Anvers, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, ainsi que de la méconnaissance de l'obligation de motivation : le jugement attaqué constate que la preuve de l'identification du demandeur en tant que titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule avec lequel les infractions ont été commises a été obtenue illégalement, mais refuse à tort d'écarter cette preuve ; malgré la défense du demandeur en ce sens, les juges d'appel n'ont pas examiné l'irrégularité commise à l'aune des critères énoncés à l'article 32 précité et, plus particulièrement, n'ont pas examiné le lien entre cette irrégularité et les infractions mises à sa charge.
2. En vertu de l'article 32 du titre préliminaire de Code de procédure pénale, la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement n'est décidée et, par conséquent, cet élément de preuve n'est écarté, que si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, ou l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve, ou l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Le juge apprécie souverainement, sur la base des éléments de la cause, si, ensuite de l'irrégularité commise, l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. À cet égard, il peut notamment prendre en considération une ou plusieurs des circonstances suivantes :
- l'irrégularité a été commise ou non de manière intentionnelle ou ensuite d'une imprudence inexcusable ;
- la gravité de l'infraction supplante largement l'illégalité commise ;
- l'illégalité concerne uniquement un élément matériel de l'existence de l'infraction ;
- l'illégalité n'a qu'un caractère purement formel ;
- l'illégalité n'a aucune répercussion sur le droit ou la liberté que la norme enfreinte protège.
Il s'ensuit qu'à défaut de conclusions formulées en ce sens, le juge n'est pas tenu d'apprécier, à la lumière de tous ces critères, si l'utilisation de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
3. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, dans ses conclusions d'appel, le demandeur a allégué que les services de police ont commis l'irrégularité intentionnellement et que cette irrégularité concerne un élément matériel de l'existence de l'infraction. Le demandeur n'a donc pas fait valoir de moyen de défense concernant le lien entre la gravité des infractions mises à sa charge et l'illégalité affectant le recueil des preuves.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
4. Les juges d'appel ont considéré que l'infraction à l'article 18 de la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules, commise lors de l'identification du demandeur en tant que titulaire de la plaque d'immatriculation, n'entraîne pas la nullité de cet élément de preuve dès lors que :
- l'irrégularité commise n'affecte pas la fiabilité de cette preuve puisque le demandeur ne conteste pas qu'il est le titulaire de la plaque d'immatriculation ;
- il n'existe pas d'autres motifs permettant de conclure à la nullité de la preuve, tels que prévus à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ;
- il n'est question ni d'intention ni de négligence grave dans la commission de l'irrégularité, dès lors que la simple violation d'une disposition légale n'est pas suffisante à cet effet ;
- le demandeur pouvait démontrer au cours du procès qu'il n'était pas le propriétaire du véhicule en question, mais n'a pas formulé de contestation à ce sujet et a donc bénéficié d'un procès équitable.
Par ces motifs, les juges d'appel ont répondu à la défense du demandeur et ont légalement considéré, sans méconnaître le droit à un procès équitable, qu'ils n'étaient pas tenus d'écarter cet élément de preuve.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(...)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf janvier deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller François Stévenart Meeûs et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,