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05/01/2018 | BELGIQUE | N°C.16.0183.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 janvier 2018, C.16.0183.F


N° C.16.0183.F
H. V. I.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

E. C.,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2016 par la cour d'appel de Mons.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation


Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un...

N° C.16.0183.F
H. V. I.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

E. C.,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2016 par la cour d'appel de Mons.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
L'article 870 du Code judiciaire dispose que chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue.
Il s'ensuit qu'il appartient à celui qui fonde sa demande de remboursement sur l'existence d'un enrichissement sans cause d'établir la condition d'absence de cause de l'appauvrissement et de l'enrichissement.
Le moyen, qui est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent quatre-vingt-un euros soixante-huit centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du cinq janvier deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin M.-Cl. Ernotte
M. Lemal A. Fettweis Chr. Storck


Requête
Requête en cassation

Pour

V. I. H.,

demandeur en cassation,

assisté et représenté par Me François T'KINT, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 6000 Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est élu domicile.

Contre

C. E.,

défenderesse en cassation.


A Messieurs les premier président et président, Mesdames et Messieurs les conseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,
Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt contradictoirement rendu entre parties le 12 janvier 2016 par la trente-cinquième chambre de la cour d'appel de Mons (rôle général 2015 TF 80).

L'arrêt attaqué déboute notamment le demandeur de sa demande de condamnation de la défenderesse au paiement de divers montants représentant, selon le demandeur, « la moitié des factures d'achats de meubles indivis, d'aménagements » à l'immeuble dont la défenderesse est propriétaire « et des mensualités du prêt hypothécaire relatif à celui-ci payées par le compte indivis ayant existé » entre le demandeur et la défenderesse, lesquels ont cohabité pendant huit années.

Il déboute aussi le demandeur de sa demande que soit ordonné le partage judiciaire de l'indivision mobilière existant entre parties, suite à leur vie commune.

À l'encontre de l'arrêt, le demandeur croit pouvoir vous proposer le moyen unique de cassation suivant.

Moyen unique de cassation

Dispositions légales violées

Articles 1315 et 1371 du Code civil ;

article 870 du Code judiciaire ;

principe général du droit de l'enrichissement sans cause.

Décision attaquée et motifs critiqués

Après avoir constaté, par les motifs du jugement entrepris, rendu le 16 janvier 2015 par la cinquième chambre tribunal de la famille du tribunal de première instance du Hainaut - division Charleroi :

« Les parties ont vécu ensemble dans le cadre de l'union libre durant 8 années et ont un fils A., né le .... Elles se sont séparées en 2008.

(Le demandeur) prétend avoir financé, par l'intermédiaire d'un compte commun, l'achat d'un salon et d'un meuble de cuisine, des travaux d'aménagements dans l'immeuble propre de (la défenderesse) ainsi que les mensualités du prêt hypothécaire »,

et, par ses motifs propres :

« Il suffit de rappeler que par citation du 6 novembre 2013, (le demandeur) sollicitait la condamnation (de la défenderesse) avec laquelle il avait vécu pendant huit années jusqu'en 2008, à lui payer les somme de 23.898,49 et 31.898,49 euro représentant la moitié des factures d'achats de meubles indivis, d'aménagements à son immeuble propre [l'arrêt vise ici l'immeuble propre de la défenderesse] et des mensualités du prêt hypothécaire relatif à celui-ci payées par le compte indivis ayant existé entre eux.

Il sollicitait pour autant que de besoin la liquidation de l'indivision quant à ces meubles et la désignation d'un notaire pour y procéder »,

l'arrêt déboute le demandeur de sa demande de condamnation de la défenderesse au paiement des montants indiqués plus haut (cependant réduite devant les juges d'appel) et de partage de l'indivision mobilière subsistant entre parties par les motifs suivants :

« (Le demandeur) doit établir en sa qualité de demandeur, les transferts de richesses au profit de (la défenderesse) qui l'autoriseraient à revendiquer l'application de la théorie subsidiaire de l'enrichissement sans cause de celle-ci fondant sa demande du fait de paiement par lui de travaux à l'immeuble propre de celle-ci et des mensualités du prêt hypothécaire y relatifs.

Il produit pour ce faire les justificatifs de paiement à la société MATERIAUX-ON-LINE par le compte commun des parties ... de :

- 2.000 euro le 5 février 2007
- 3.500 euro en septembre 2007
- 7.000 euro le 15 avril 2008
- 4.000 euro le 16 juin 2008
- 1.167,51 euro le 29 juin 2008

soit au total la somme de 17.667,51 euro et l'historique de leur autre compte commun ... crédité de leurs deux salaires et des allocations familiales et débité des charges du ménage en ce compris le crédit hypothécaire.

Ces seuls éléments sont insuffisants pour établir de réels transferts de richesses entre les patrimoines des parties et surtout leur absence de cause, celles-ci vivant ensemble, partageant les charges de cette vie commune notamment de logement au moyen de comptes indivis et les travaux à l'immeuble propre de (la défenderesse) et remboursements du prêt hypothécaire ayant été décidés et effectués d'un commun accord sans aucun écrit ni élément en sens contraire. »

Grief allégués

Le demandeur avait fondé sa demande sur l'enrichissement sans cause de la défenderesse.

Or il y a enrichissement sans cause dès lors qu'une partie s'appauvrit et que l'autre s'enrichit sans cause.

Et il incombe à la partie enrichie, qui conteste la demande de l'appauvri de remboursement en tout ou en partie des montants à concurrence desquels elle s'est enrichie, d'apporter la preuve, comme fondement de sa contestation, de la cause de cet enrichissement.

Cet enrichissement peut sans doute trouver une cause dans la volonté de l'appauvri. Encore faut-il qu'il s'agisse de la volonté « d'opérer un glissement de patrimoine définitif en faveur de l'enrichi ».

Or, l'arrêt attaqué, qui ne dénie pas que le demandeur a contribué, au travers de comptes communs des parties, à la prise en charge financière de « travaux à l'immeuble propre » de la défenderesse et au remboursement « des mensualités du prêt hypothécaire y relatifs » ainsi qu'à la charge - à tout le moins partielle - du « crédit hypothécaire », n'a pu, par les motifs critiqués, décider légalement que les « seuls éléments » relevés par la cour d'appel « sont insuffisants pour établir de réels transferts de richesses entre les patrimoines des parties et surtout leur absence de cause ».

Il n'incombait pas, en effet, au demandeur d'apporter la preuve de l'absence de cause de ces paiements mais à la défenderesse d'apporter la preuve de leur cause.

L'arrêt méconnaît donc les règles relatives à la charge de la preuve (violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire).

Et l'arrêt ne constate pas que, par les paiements litigieux, le demandeur a entendu, à tout le moins pour partie (la demande ne portait que sur la moitié des paiements effectués à partir des comptes communs des parties), opérer un glissement de patrimoine définitif en faveur de la défenderesse, ni la vie commune des parties, pendant huit années, et les conséquences qu'elle a pu avoir en l'espèce (partage des charges ; ouverture de comptes indivis ; paiements litigieux effectués « d'un commun accord sans aucun écrit ni éléments en sens contraire ») n'étant de nature à établir la volonté d'appauvrissement définitif du défendeur.

Il s'ensuit que l'arrêt n'a pu déduire de ces circonstances la cause de l'enrichissement de la demanderesse, c'est-à-dire l'intention libérale du demandeur, étant son intention de s'appauvrir définitivement au profit de la défenderesse.

La décision n'est donc pas, légalement justifiée (violation de l'article 1371 du Code civil et du principe général du droit visé).

Développement

L'appauvrissement d'une partie et l'enrichissement corrélatif de l'autre sont les conditions nécessaires de l'enrichissement sans cause.

Mais, encore faut-il que l'enrichissement soit sans cause.

Or tel n'est pas le cas lorsqu'il est justifié par l'intention libérale de la partie appauvrie, précisément, selon les termes de votre arrêt du 23 octobre 2014 (rôle général C 14 207 F), lorsque l'appauvri a eu « la volonté d'opérer un glissement de patrimoine définitif en faveur de l'enrichi ».

Mais, il incombe à la partie enrichie, à laquelle la partie appauvrie demande remboursement en tout ou en partie des montants litigieux, d'apporter la preuve de la cause qui est le fondement de l'enrichissement et qui lui permet de s'opposer avec succès à l'actio de in rem verso de la partie appauvrie.

Or l'arrêt opère un renversement de la charge de la preuve à cet égard : il décide en effet que le demandeur, partie appauvrie, n'apporte pas la preuve que l'enrichissement de la défenderesse est sans cause. Il incombait au contraire à celle-ci d'apporter la preuve de la cause de son enrichissement.

De surcroît, il ne saurait se déduire des circonstances relevées par l'arrêt que la cohabitation temporaire des parties - et les conditions dans lesquelles elle s'est poursuivie pendant huit ans - implique volonté du demandeur de s'appauvrir définitivement au profit de la défenderesse, auquel cas l'enrichissement de celle-ci trouverait une cause dans cette volonté - étant l'intention libérale du demandeur.

Le demandeur croit pouvoir citer un extrait de la conclusion de l'étude de F. DEGUEL (« L'enrichissement sans cause et les relations affectives devant les cours d'appel », R.G.D.C., 2016, p. 103, spéc. n° 15, p. 110) :

« (...) il convient d'admettre que la théorie de l'enrichissement sans cause doit pouvoir s'appliquer aux situations où il y a eu vie commune, et ce pour des raisons évidentes d'équité. (...) il est légalement reconnu qu'en cas de transferts patrimoniaux en régime de communauté - où il existe une solidarité -, le mécanisme des récompenses est là pour rétablir de manière équitable ces transferts (art. 1432 et s. C. civ.). N'oublions pas que les règles des récompenses sont une expression particulière de la théorie de l'enrichissement sans cause. Dès lors, puisque les époux séparés de biens, et par analogie les cohabitants légaux et les concubins, ont opté pour un régime moins solidaire, il nous paraît encore plus légitime, raisonnable et équitable, que les transferts patrimoniaux soient rééquilibrés à la fin de la vie commune. »

Et l'auteur de se référer à l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 mars 2013 (arrêt n° 28/2013).

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné vous prie, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre décision sera inscrite en marge de l'arrêt cassé, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit quant aux dépens.

Charleroi, le 7 février 2018

Annexe :

1. Déclaration pro fisco conforme à l'arrêté royal du 12 mai 2015

François T'KINT
Avocat à la Cour de cassation


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0183.F
Date de la décision : 05/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-05;c.16.0183.f ?

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