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03/01/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1202.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 janvier 2018, P.17.1202.F


N° P.17.1202.F
A.H, alias S. Z.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Denys, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, avenue Adolphe Lacomblé, 59-61, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Sophie Matray, avocat au barreau de Liège.




I. LA

PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d'app...

N° P.17.1202.F
A.H, alias S. Z.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Denys, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, avenue Adolphe Lacomblé, 59-61, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Sophie Matray, avocat au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du mémoire en réponse :

Le mémoire en réponse du défendeur, ainsi que la preuve de son envoi au demandeur, ont été reçus au greffe de la Cour le 27 décembre 2017.

Cette remise ayant été faite en dehors du délai de huit jours francs avant l'audience, visé à l'article 429, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle, le mémoire en réponse est irrecevable.

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur soutient qu'en raison du caractère absolu et inconditionnel de l'interdiction visée à l'article 3 de la Convention, l'arrêt ne pouvait pas considérer, sans ajouter une condition à cette disposition, que les éléments présentés dans ses conclusions quant à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Soudan, et quant à son appartenance à une ethnie de ce pays, n'étaient pas étayés et ne constituaient pas une preuve ni même un début de preuve sommaire d'un tel risque. Pour la même raison, le demandeur critique la considération de l'arrêt selon laquelle l'introduction d'une demande d'asile est un prérequis à l'examen du risque de violation de l'article 3.
Le moyen soutient également que la chambre des mises en accusation aurait dû constater que le défendeur avait failli à son obligation d'examiner par une procédure adéquate le risque invoqué, d'autant plus que ce dernier a déterminé l'identité, la région d'origine et l'ethnie du demandeur en collaboration avec des représentants de son pays d'origine.

L'article 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers impose aux juridictions d'instruction de vérifier si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi sans pouvoir se prononcer sur leur opportunité. Le contrôle de légalité porte sur la validité formelle de l'acte, notamment quant à l'existence de sa motivation, ainsi que sur sa conformité tant aux règles de droit international ayant des effets directs dans l'ordre interne qu'à la loi du 15 décembre 1980.

L'éloignement d'un étranger et la mesure privative de liberté prise à cette fin peuvent aboutir à une situation tombant sous l'application de l'article 3 de la Convention s'il existe des raisons sérieuses de craindre qu'après son éloignement ou en raison de celui-ci, l'étranger risque de subir soit la torture soit des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Il s'ensuit que, lorsqu'un étranger invoque un tel risque, la juridiction d'instruction doit en apprécier l'existence. Ce contrôle ressortit au contrôle de la légalité et non de l'opportunité de la mesure privative de liberté.

Il appartient en principe à l'étranger qui invoque ce risque de produire des éléments susceptibles de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure d'éloignement était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3.

Le caractère inconditionnel et absolu de l'interdiction de la torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants n'empêche pas que l'étranger qui invoque le risque de tels traitements en cas de retour doit produire des éléments susceptibles d'accréditer ses dires. La juridiction d'instruction chargée de vérifier la légalité de la mesure de privation de liberté aux fins d'éloignement peut et doit vérifier si le risque est invoqué de manière suffisamment plausible.

Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

Contrairement à ce que le demandeur soutient, les juges d'appel n'ont pas considéré que l'introduction d'une demande d'asile était un prérequis à l'examen du risque de violation de l'article 3 de la Convention. Au feuillet 6 de l'arrêt, ils ont jugé, ce qui est différent, qu'en refusant d'introduire une demande d'asile ou une demande de séjour en Belgique, le demandeur se plaçait sciemment en dehors de la protection de la loi qui lui permettrait de résider légalement sur le territoire.

A cet égard, le moyen manque en fait.

L'arrêt constate qu'un ordre de quitter le territoire avec reconduite à la frontière et maintien a été notifié au demandeur le 7 septembre 2017, que ce dernier a été invité à répondre à un questionnaire de l'Office des étrangers le 11 septembre 2017, qu'il n'a fourni aucun renseignement sur sa personne ou sa situation administrative, mais s'est borné à déclarer être arrivé en Belgique le 6 septembre 2017, avoir un frère en France et ne pas vouloir rentrer au Soudan parce qu'il aurait des problèmes dans ce pays, sans en préciser la nature, la cause et la date des faits, et qu'il n'a répondu à aucune des questions figurant dans l'autre questionnaire. L'arrêt constate également que le demandeur a été identifié comme étant un ressortissant soudanais.

En réponse au moyen pris de l'absence de prise en considération, dans la décision administrative de privation de liberté, du risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de rapatriement, l'arrêt considère que lorsqu'il a été interrogé après son arrestation, le demandeur n'a jamais déclaré qu'il avait fui le Soudan pour des motifs politiques, qu'il n'a pas présenté le moindre document probant permettant d'accréditer le fait qu'il serait originaire du Darfour ou qu'il appartiendrait à une ethnie de cette région contre laquelle des violences ont été ou seraient encore exercées, et qu'il ne s'est même pas réclamé d'une quelconque ethnie au moment où il a été interrogé.
Après avoir énoncé qu'il appartenait à la personne qui allègue un risque personnel de traitements inhumains ou dégradants d'en prouver même sommairement l'existence et que celle-ci ne se présume pas, la cour d'appel a considéré que les affirmations nullement étayées de tels risques concernant le demandeur et sa prétendue appartenance à une ethnie soudanaise, formulées dans ses conclusions, ne constituaient pas une preuve ni même un début de preuve sommaire.

Dès lors qu'ils avaient constaté, au terme d'une appréciation qui gît en fait, que le demandeur n'apportait aucune preuve, même sommaire, du risque allégué, les juges d'appel n'avaient pas à examiner si le défendeur avait failli à son obligation d'examiner, positivement et par une procédure adéquate, l'existence de ce risque.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, requérant pour son examen une vérification des éléments de fait de la cause, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-quatre euros trente et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Tamara Konsek, conseillers, et prononcé en audience publique du trois janvier deux mille dix-huit par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert T. Konsek E. de Formanoir
F. Roggen B. Dejemeppe J. de Codt


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1202.F
Date de la décision : 03/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-01-03;p.17.1202.f ?

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