N° P.17.1244.F
S. I.A. G.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Zouhaier Chihaoui et Karel Claes, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 novembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 8 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (directive accueil), et 74-5, § 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers :
L'article 8 de la directive accueil dispose :
« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
2. Lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées.
3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que :
a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;
b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite du demandeur ;
c) pour statuer, dans le cadre d'une procédure, sur le droit du demandeur d'entrer sur le territoire ;
[...]
Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.
4. Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l'obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d'une garantie financière ou l'obligation de demeurer dans un lieu déterminé. »
L'article 74-5, § 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 dispose :
« Peut être maintenu dans un lieu déterminé, situé aux frontières, en attendant l'autorisation d'entrer dans le Royaume ou son refoulement du territoire, l'étranger qui tente de pénétrer dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées par l'article 2, et qui introduit une demande d'asile à la frontière. »
Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que le maintien d'un étranger dans un lieu déterminé est non seulement soumis aux conditions prévues à l'article 74-5, § 1er, 2°, précité, mais doit aussi faire l'objet d'un examen individualisé de sa situation, conformément à l'article 8.2 de la directive accueil.
L'arrêt considère que la décision administrative se fonde sur l'article [74-5], § 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 et est motivée en exposant, d'une part, que le demandeur a tenté de pénétrer dans le Royaume sans satisfaire aux conditions de cette loi et s'est déclaré réfugié à la frontière et, d'autre part, que son maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière est nécessaire afin de garantir son éventuel refoulement.
Il n'apparaît pas de ces seuls motifs que l'administration se soit livrée à une appréciation individualisée de la situation du demandeur, rendant nécessaire la mesure de rétention dont il fait l'objet.
En décidant du contraire, la chambre des mises en accusation n'a pas légalement justifié sa décision.
Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen invoqué par le demandeur, qui ne saurait entrainer une cassation dans des termes différents du dispositif.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Benoît Dejemeppe, Françoise Roggen, Alain Bloch et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept décembre deux mille dix-sept par Paul Maffei, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux I. Couwenberg A. Bloch
F. Roggen B. Dejemeppe P. Maffei