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22/12/2017 | BELGIQUE | N°C.17.0250.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2017, C.17.0250.F


N° C.17.0250.F
1. P. S. et
2. P. D.,
3. J. S.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. S.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.


I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le j

ugement rendu le 21 décembre 2016 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d'appel....

N° C.17.0250.F
1. P. S. et
2. P. D.,
3. J. S.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. S.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 21 décembre 2016 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d'appel.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 7, 1°, 8, §§ 1er et 2, et 9 de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme, formant la section 3 du chapitre II du titre VIII du livre III du Code civil, respectivement remplacés par les articles 5, 6 et 7 de la loi du 7 novembre 1988 et, s'agissant de l'article 9, modifié par l'article 8 de la loi du 13 mai 1999
Décisions et motifs critiqués

Le jugement attaqué dit l'appel des demandeurs non fondé, confirme le jugement entrepris et dit la demande de validation du congé notifié par la défenderesse le 2 septembre 2014 recevable et fondée, par les motifs que
« [La défenderesse] est propriétaire de deux parcelles situées à ..., soit une terre cadastrée section A, n° 409 D, d'une contenance de 1 hectare 98 ares 37 centiares, et une pâture située au lieu-dit ..., cadastrée section A, n° 415 G, d'une contenance de 3 hectares 22 ares 16 centiares. Ces parcelles sont exploitées par les [demandeurs] ;
Par lettre recommandée du 2 septembre 2014, [la défenderesse] a notifié un préavis de congé [aux demandeurs], indiquant qu'elle souhaitait à partir du 15 septembre 2017 et au plus tard après l'enlèvement des récoltes de 2017 exploiter personnellement les parcelles litigieuses par l'intermédiaire de son fils M. T. ;
[Les demandeurs] n'ont pas acquiescé dans le délai légal à cette notification de congé ;
[...] [Les demandeurs] invoquent deux arguments pour contester la validité du congé notifié le 2 septembre 2014 ;
Ils considèrent tout d'abord que le congé n'aurait pas été notifié pour exploitation personnelle puisque le congé vise une exploitation par M. T., qui reconnaît que ladite exploitation se fera en réalité via la société agricole T. F. ;
Cet argument ne peut être retenu. En effet, M. T. peut être considéré comme l'exploitant personnel de la parcelle litigieuse même s'il utilise les moyens de la société T. F. pour ce faire. Étant par ailleurs actionnaire de cette dernière société, il peut décider d'y apporter les parcelles litigieuses ;
Les articles 8, 12.6 et 12.7 de la loi sur les baux à ferme doivent être analysés non sur le plan strict de la propriété des parcelles mais bien sur le plan d'une exploitation agricole commune ;

[...] L'article 12.7 de la loi du 7 novembre 1988 n'oblige pas le juge mais lui donne la faculté de refuser de valider le congé lorsque celui-ci a pour conséquence de porter la superficie totale exploitée de l'entreprise agricole du futur exploitant au-delà de la superficie maximale fixée par le Roi ;
L'article 12.7 vise dès lors l'exploitation de terres de manière globale et non la seule question de la propriété des parcelles de la personne bénéficiant du congé pour occupation personnelle ;
C'est d'ailleurs ce même concept d'exploitation au sens large qui autorise un congé pour occupation personnelle même lorsque l'exploitant des terres n'est pas la personne adressant le congé mais son époux ou un de ses descendants (cfr article 8, § 1er, de la loi sur les baux à ferme) ;
En l'espèce, le congé est notifié par [la défenderesse], qui est la mère de M. T. et est également actionnaire de la société T. F. ;
L'examen de la société T. F. confirme que cette dernière est une société d'exploitation agricole familiale. En effet, son actionnariat (mille parts) est actuellement réparti entre [la défenderesse](cinquante parts), son mari J. T. (quatre cent cinquante parts), leur fils M. (quatre cent nonante-neuf parts) et le beau-frère [de la défenderesse] (une part) ;
L'objet social de la société T. F. est défini comme l'‘exploitation d'une entreprise agricole rue ..., à ... et occasionnellement effectuer des travaux agricoles pour compte de tiers'. Or, la carte d'exploitation de la société T. F. renseigne comme adresse unique pour J. et M. T. et [la défenderesse] la rue ... à ... ;
L'existence d'une exploitation uniquement au travers de la société T. F. résulte également du fait que M. T. reconnaît que les parcelles visées par le congé litigieux seront exploitées avec les moyens de ladite société agricole T. F. ;
L'exploitation agricole au sein de laquelle exerce M. T. exploitant une superficie supérieure à cent vingt hectares, le juge de paix avait la faculté de refuser le congé signifié par [la défenderesse] ».

Griefs

Les articles 7, 1°, et 8 de la loi sur les baux à ferme autorisent le bailleur à mettre fin au bail s'il a l'intention d'exploiter lui-même le bien loué ou d'en céder l'exploitation à son conjoint, à ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint ou aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs.
L'article 9 de la loi du 4 novembre 1969, tel qu'il a été remplacé par la loi du 7 novembre 1988, contient quelques conditions auxquelles doit répondre le congé donné en vue d'une exploitation personnelle.
L'article 9, alinéa 1er, précise que l'exploitation du bien repris au preneur sur la base des articles 7, 1°, ou 8 de la loi doit consister en une exploitation personnelle, effective et continue pendant neuf années au moins par la personne ou les personnes indiquées dans le congé comme devant assurer cette exploitation ou, s'il s'agit de personnes morales, par leurs organes ou dirigeants responsables.
Il ressort de ces dispositions que, lorsque le bailleur est une personne physique, comme en l'espèce, il peut mettre fin au bail afin de céder l'exploitation à son conjoint, à ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint ou aux conjoints desdits descendants, mais qu'il ne peut céder l'exploitation à une société. La circonstance que le fils du bailleur est actionnaire de la société agricole qui exploitera les parcelles visées par le congé litigieux ne permet pas de déroger aux principes définis par les dispositions visées au moyen.
Le jugement attaqué constate que :
- le congé a été notifié par la défenderesse, personne physique, propriétaire des parcelles litigieuses, en vue d'en céder l'exploitation à son fils ;
- l'exploitation interviendra uniquement au travers de la société T. F. puisqu'il relève que « l'existence d'une exploitation uniquement au travers de la société T. F. résulte également du fait que M. T. reconnaît que les parcelles visées par le congé litigieux seront exploitées avec les moyens de [cette] société agricole » ;

- l'examen de la société T. F. confirme que cette dernière est une société d'exploitation agricole familiale. En effet, son actionnariat (mille parts) est actuellement réparti entre [la défenderesse](cinquante parts), son mari J. T. (quatre cent cinquante parts), leur fils M. (quatre cent nonante-neuf parts) et le beau-frère [de la défenderesse] (une part) ;
- l'objet social de la société T. F. est défini comme l'« exploitation d'une entreprise agricole rue ... à ... et occasionnellement effectuer des travaux agricoles pour compte de tiers ». Or, la carte d'exploitation de la société T. F. renseigne comme adresse unique pour J. et M. T. et [la défenderesse] la rue ... à ...
Constatant par ces motifs que l'exploitation des parcelles litigieuses interviendra uniquement au travers de la société T. F., le jugement attaqué n'a pu légalement décider de valider le congé notifié aux demandeurs, en considérant que le fils de la défenderesse, bénéficiaire de ce congé, doit être considéré comme exploitant personnel des parcelles litigieuses « même s'il utilise les moyens de la société T. F. pour ce faire ».
Il en ressortait en effet que le bénéficiaire du congé n'avait nullement l'intention d'exploiter personnellement les parcelles litigieuses mais qu'il entendait les faire exploiter uniquement au travers de la société T. F. dont il est actionnaire.
Le jugement attaqué, qui déclare valable le congé donné par la défenderesse afin de céder l'exploitation à son fils, alors que ce dernier admet son intention de faire exploiter les parcelles litigieuses uniquement par la société T., dont il est actionnaire, notamment avec la défenderesse, viole les dispositions visées au moyen et n'est pas légalement justifié.

III. La décision de la Cour

Les articles 7, 1°, et 8, § 1er, de la loi sur les baux à ferme autorisent le bailleur à mettre fin au bail s'il a l'intention d'exploiter lui-même le bien loué ou d'en céder l'exploitation à son conjoint, ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint, aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs ou à ses parents jusqu'au quatrième degré.
L'article 9, alinéa 1er, de cette loi dispose que l'exploitation du bien repris au preneur sur la base du motif déterminé aux articles 7, 1°, et 8 doit consister en une exploitation personnelle, effective et continue pendant neuf années au moins par la personne ou les personnes indiquées dans le congé comme devant assurer cette exploitation ou, s'il s'agit de personnes morales, par leurs organes ou dirigeants responsables et pas seulement par leurs préposés.
Aux termes de l'article 838, alinéa 1er, du Code des sociétés, pour l'application de la loi sur les baux à ferme, l'exploitation à titre d'associé gérant d'une société agricole est assimilée à l'exploitation personnelle et cette règle s'applique tant au preneur qu'au bailleur dont les droits et obligations subsistent intégralement.
Il suit de ces dispositions que, si le bailleur ne peut mettre fin au bail en vue de céder l'exploitation à une société, la personne physique à qui l'exploitation est cédée satisfait à la condition d'exploiter personnellement le bien lorsqu'elle le fait en qualité d'organe ou de dirigeant d'une société ou d'associé gérant d'une société agricole à laquelle elle apporte le bail.
Le moyen, qui repose sur le soutènement qu'une exploitation s'exerçant uniquement par le truchement d'une société ne saurait constituer l'exploitation personnelle à laquelle est tenu le bénéficiaire du congé, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille six cent quarante-sept euros quatre-vingt-neuf centimes envers les parties demanderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller Didier Batselé, les présidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et le conseiller Mireille Delange, et prononcé en audience publique du vingt-deux décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont M. Delange M. Regout
A. Fettweis D. Batselé Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0250.F
Date de la décision : 22/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-22;c.17.0250.f ?

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