N° P.17.0342.F
F M
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ricardo Bruno et Christian Mathieu, avocats au barreau de Charleroi, et Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
DE V.K.
partie civile,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 mars 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 51, 461, 466, 468 et 469 du Code pénal.
Quant à la première branche :
Le demandeur reproche aux juges d'appel de ne pas avoir légalement justifié leur décision de le reconnaître coupable de deux tentatives de vol qualifié. Selon lui, en énonçant que le fait de « s'être approché de deux habitations en pleine nuit, muni de gants et d'une lampe torche, et [d'] avoir éclairé l'intérieur de ces habitations ne laisse planer aucun doute quant à son intention de commettre un vol dans lesdites habitations », l'arrêt méconnaît la notion de commencement d'exécution en la confondant avec de actes pouvant, au plus, être considérés comme préparatoires.
L'article 51 du Code pénal dispose : « Il y a tentative punissable lorsque la résolution de commettre un crime ou un délit a été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d'exécution de ce crime ou de ce délit, et qui n'ont été suspendus ou n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur ».
Si elle exige le commencement d'exécution de l'infraction, cette disposition ne requiert pas, contrairement à ce que le moyen revient à soutenir, que l'acte constitutif du crime ou du délit soit lui-même déjà commencé.
Il y a commencement d'exécution dès que l'agent met en œuvre les moyens qu'il s'est procurés, qu'il a apprêtés et disposés pour réaliser son projet criminel.
Le commencement d'exécution est en relation nécessaire avec l'intention criminelle de l'auteur et ne peut s'expliquer que par la volonté de celui-ci de perpétrer une infraction déterminée à la commission de laquelle les actes accomplis tendent directement et immédiatement.
Un acte qui ne laisse aucun doute sur l'intention de l'auteur peut donc constituer le commencement d'exécution qui caractérise la tentative punissable.
En tant qu'il revient à subordonner l'existence de la tentative punissable de vol dans une habitation à la circonstance que l'auteur ait pénétré dans les lieux visés, le moyen, qui ajoute à la loi une condition qu'elle ne contient pas, manque en droit.
Après avoir relaté le déroulement des faits, les juges d'appel ont notamment constaté que les occupants de deux habitations proches avaient été réveillés à une quarantaine de minutes d'intervalle, qu'ils avaient observé un homme, identifié comme le demandeur, regardant dans la maison avec une lampe torche, et que ce dernier, découvert, avait pris la fuite avant d'être arrêté. A l'issue d'une appréciation qui gît en fait, les juges d'appel ont ensuite estimé que ses explications à propos du fait qu'il portait des gants et une lampe torche n'étaient pas vraisemblables et que son comportement révélait, au-delà de tout doute, son intention de commettre des vols.
Ainsi, contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ne se sont pas bornés à rejeter les explications du demandeur et à le déclarer coupable au motif qu'il s'était approché de deux habitations, muni d'outils ; ils n'ont pas davantage laissé incertaine la qualification de l'infraction qu'il se préparait à commettre. Ils ont en effet d'abord exposé qu'il avait été mis en fuite par l'intervention d'un habitant et qu'appelée par la défenderesse, la police l'avait arrêté ; ils ont ainsi constaté que les vols projetés par le demandeur n'ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de sa volonté. Ensuite, ils ont vérifié l'existence de l'élément moral qui l'avait animé et, sur la base de son comportement, révélant son intention de voler, ils ont exclu tout doute à cet égard. Enfin, en énonçant que le demandeur s'était muni d'instruments utiles à l'exécution de vols dans des habitations et qu'il avait été trouvé, la nuit, en train d'éclairer l'intérieur de deux maisons, les juges d'appel ont pu légalement considérer qu'il avait mis en œuvre les moyens qu'il s'était procurés pour réaliser son projet criminel et que les actes décrits ci-dessus, ne laissant subsister aucun doute quant à sa volonté de commettre des vols dans des habitations, constituaient un commencement d'exécution de pareille infraction.
Ils ont dès lors régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Selon le demandeur, à la différence du second fait, les juges d'appel n'ont pas régulièrement motivé leur décision de le reconnaître coupable de la première tentative de vol, au préjudice de la défenderesse, dès lors qu'ils n'ont pas constaté que le désistement du demandeur de son projet criminel ne fut pas spontané.
En l'absence de conclusions prises régulièrement par le demandeur et portant sur l'absence de cet élément, la déclaration de culpabilité est suffisamment motivée par la constatation, dans les termes de la loi, de la réunion des éléments constitutifs de l'infraction dont il est reconnu coupable.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation de la foi due aux actes.
Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, en d'autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.
Le demandeur reproche aux juges d'appel qui ont synthétisé ses déclarations à la police d'avoir, dans leur arrêt, occulté ses dires relatifs à son état d'imprégnation alcoolique et d'avoir minimisé l'importance de sa consommation d'alcool, le jour des faits.
Pareil grief, qui ne consiste pas à reprocher à l'arrêt d'attribuer à ce procès-verbal une affirmation qu'il ne comporte pas ou de déclarer qu'il ne contient pas une mention qui y figure, ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, revenant, sous le couvert d'une violation de la foi due aux actes, à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel ou exigeant un examen en fait, qui n'est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 25, 31, alinéas 1er et 2, 33, 33bis, 52, 80, et 84, alinéa 2, du Code pénal.
Selon le demandeur, après l'avoir reconnu coupable de deux tentatives de vol, des violences ayant été exercées ou des menaces faites pour assurer la fuite, les juges d'appel ne pouvaient prononcer contre lui l'interdiction des droits visés à l'article 31, alinéas 1er et 2, du Code pénal.
Dans sa version applicable à l'époque des faits, l'article 33 du Code pénal dispose : « Les cours et tribunaux pourront, dans les cas prévus par la loi, interdire, en tout ou en partie, aux condamnés correctionnels, l'exercice des droits énumérés en l'article 31, alinéa 1er, pour un terme de cinq ans à dix ans ».
Par ailleurs, l'article 465 du Code pénal autorise le juge à prononcer l'interdiction des droits visés à l'article 31, alinéa 1er, à l'égard de ceux qui sont reconnus coupables de vol, conformément aux dispositions des articles 461 à 464 du même Code.
Visée à l'article 466 du Code pénal, la tentative de vol n'est pas une infraction à laquelle renvoie l'article 465.
Il découle par ailleurs de la combinaison des articles 51, 468 et 469 du Code pénal, que les infractions dont le demandeur a été reconnu coupable sont, en raison des peines applicables, des délits, de sorte que l'article 84, alinéa 2, du même Code, dans son libellé à l'époque des faits, ne leur est pas davantage applicable.
Partant, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision de condamner le demandeur à l'interdiction des droits visés à l'article 31, alinéa 1er, du Code pénal.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Dans sa version applicable à l'époque des faits, l'article 33bis du Code pénal dispose : « Les cours et tribunaux pourront interdire aux condamnés correctionnels l'exercice du droit visé à l'article 31, alinéa 2, pour un terme de cinq ans à dix ans ».
En tant qu'il prononce à charge du demandeur l'interdiction du droit de vote, après que les juges d'appel l'ont reconnu coupable du chef de délits, l'arrêt justifie légalement sa décision.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Sous réserve de l'illégalité relevée ci-avant, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
La cassation prononcée en raison de ce que le juge a illégalement infligé la peine de l'interdiction des droits prévus à l'article 31, alinéa 1er, du Code pénal est limitée à cette peine accessoire et a lieu sans renvoi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il interdit au demandeur l'exercice des droits énumérés à l'article 31, alinéa 1er, du Code pénal ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux quatre cinquièmes des frais et laisse le surplus à charge de l'Etat ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe