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11/12/2017 | BELGIQUE | N°S.16.0093.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2017, S.16.0093.F


N° S.16.0093.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

E. D.,
défenderesse en cassation.



I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 16 nov

embre 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mir...

N° S.16.0093.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

E. D.,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 16 novembre 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

L'article 58, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dispose que, pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit rechercher activement un emploi.
L'article 59bis, § 1er, alinéa 1er, du même arrêté charge le directeur du bureau du chômage de suivre le comportement de recherche active d'emploi de certains chômeurs complets selon les modalités prévues aux articles 59ter à 59decies.
Ces dernières dispositions, dans la version applicable au litige, prévoient des évaluations des efforts fournis par le chômeur pour s'insérer sur le marché du travail et, en cas d'évaluation négative, un premier puis un second contrat écrit dans lequel le chômeur s'engage à mener les actions concrètes qui sont attendues de lui.
L'article 59sexies, § 1er, précité prévoit, à l'alinéa 1er, que le directeur convoque par écrit le chômeur à un entretien au bureau du chômage en vue d'évaluer le respect de l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5, et, à l'alinéa 4, que, si sans motif valable le chômeur ne donne pas suite à la seconde convocation à cet entretien, il est assimilé à un chômeur qui n'a pas respecté cet engagement et est exclu du bénéfice des allocations conformément aux dispositions de l'article 59sexies, § 6.
Ledit article 59sexies, § 6, exclut le chômeur du bénéfice des allocations, dans la mesure qu'il détermine, en cas de non-respect de l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5.
Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier des allocations, le chômeur doit rechercher activement un emploi et ce, le cas échéant, conformément à l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5.
Lorsque, sur la base de l'article 59sexies, § 1er, alinéa 4, l'Office national de l'emploi exclut un chômeur du bénéfice des allocations et que ce dernier conteste cette décision, une contestation naît entre l'Office national de l'emploi et le chômeur sur le droit aux allocations dont il est exclu. Cette contestation ressortit au tribunal du travail en vertu des articles 580, 2°, du Code judiciaire et 7, § 11, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Saisi d'une telle contestation, le tribunal du travail exerce un contrôle de pleine juridiction sur la décision de l'Office national de l'emploi. Dans le respect des droits de la défense et du cadre de l'instance, tel que les parties l'ont déterminé, il lui appartient de contrôler la conformité de la décision aux lois et règlements en matière de chômage et de statuer sur le droit du chômeur aux allocations. Il ne peut reconnaître ce droit que dans le respect de ces lois et règlements.
Le tribunal du travail statue sur la base de l'ensemble des moyens des parties et des pièces, produites le cas échéant à sa demande, et non des seuls éléments du dossier administratif.
L'arrêt constate que la défenderesse conteste la décision du demandeur qui l'exclut du bénéfice des allocations sur la base de l'article 59sexies, § 1er, alinéa 4, et décide que cette décision est illégale au motif que le demandeur ne prouve pas avoir expédié la convocation à laquelle la défenderesse n'aurait pas donné de suite.
Après cette décision, il condamne le demandeur à « assurer le paiement des allocations dont [la défenderesse] a été privée par suite de [l'] exclusion » litigieuse, au motif que « l'irrégularité de la procédure administrative a eu pour conséquence que [la défenderesse] n'a pu produire ni pièce ni argument en sa faveur en manière telle que [...] la cour [du travail n'est pas] à même de se substituer [au demandeur] en se basant uniquement [...] sur les pièces du dossier administratif constitué préalablement à la convocation inexistante » et qu'elle ne dispose pas « d'éléments [lui] permettant d'apprécier » si la défenderesse a respecté ses engagements.
En prononçant cette condamnation, sans examiner sur la base de l'ensemble des moyens et des pièces, produites le cas échéant à sa demande, si la défenderesse a recherché activement un emploi, conformément à l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5, l'arrêt viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur aux dépens ;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Liège.
Les dépens taxés à la somme de cent trente-neuf euros quarante et un centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body E. de Formanoir A. Lievens
M. Delange K. Mestdagh Chr. Storck


Requête

1er feuillet

00160794
REQUÊTE EN CASSATION
POUR : L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrégé ONEm, établissement public ayant son siège social à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la BCE sous le n° 0206.737.484,
demandeur en cassation,
Assisté et représenté par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149 (bte 20), où il est fait élection de domicile.
CONTRE : E. A. D.
Défenderesse en cassation.
* *
*
A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties le 20 octobre 2016 par la cour du travail de Bruxelles (8ème chambre, R.G. n° 2015/AB/234). 2ème feuillet

À l'encontre de cet arrêt, le demandeur fait valoir le moyen de cassation suivant.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions légales et principe général du droit violés
- articles 580, 1° et 2°, 774, alinéa 1er, et 1042 du Code judiciaire ;
- article 7, § 1er, alinéa 3, i, et § 11, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ;
- articles 58, § 1er, alinéa 1er, 59bis, § 1er, alinéa 1er, 59quinquies, § 5, 59sexies, § 1er et § 6, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (les articles 59bis, 59quinquies et 59sexies, dans leur version applicable aux faits, soit avant la modification de ces articles par l'arrêté royal du 26 juin 2014 entré en vigueur le 1er juillet 2014) ;
- principe général du droit de la séparation des pouvoirs ;
- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Décision et motifs critiqués
1. L'arrêt attaqué rappelle préalablement que:
« Par courrier portant la date du 24 septembre 2013, l'Office national de l'emploi (« ONEm ») notifie à (la défenderesse) sa décision de lui octroyer pendant six mois une allocation de chômage réduite de 31,44 euro par jour et de l'exclure du bénéfice des allocations de chômage à la fin de cette période
L'ONEm fait application notamment des articles 59sexies, § 1er, alinéa 4 et 59sexies, § 6, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.
La décision est basée sur le fait que (la défenderesse) ne s'est pas présentée au troisième entretien d'évaluation en vue de vérifier si elle a respecté le deuxième contrat conclu dans le cadre de la procédure d'activation de recherche d'un emploi.
Par requête reçue au greffe du tribunal du travail de Bruxelles le 10 mars 2015, (la défenderesse) conteste la décision décrite ci-dessus.
Elle demande de la mettre à néant » (arrêt, p. 3). 3ème feuillet

Il ajoute que par jugement du 11 février 2015, le tribunal du travail de Bruxelles « déclare le recours fondé, annule la décision d'exclusion du 24 septembre 2013 en toutes ses dispositions ; condamne l'ONEm à assurer le paiement des allocations dont (la défenderesse) a été privée par suite de cette exclusion à partir du 30 septembre 2013 ».
« Par requête reçue au greffe de la cour du travail le 10 mars 2015, l'ONEm interjette appel du jugement du tribunal de travail de Bruxelles.
Il demande à la cour de mettre à néant le jugement dont appel et de confirmer sa décision du 24 septembre 2013.
À titre subsidiaire, l'ONEm demande à la cour de se substituer à l'autorité administrative et de statuer sur le droit aux allocations de (la défenderesse) en examinant si cette dernière a bien respecté les engagements prévus dans son contrat durant la période litigieuse » (arrêt, p. 3).
2. L'arrêt attaqué constate que « la décision de réduction suivie d'exclusion des allocations de chômage est motivée par le fait que [la défenderesse] n'aurait pas donné suite à une convocation de l'ONEm que ce dernier lui aurait envoyée par courrier recommandé le 20 août 2013 ; [...] (que) la copie de ce courrier ne se trouve pas au dossier administratif de l'ONEm et que cet organisme ne produit pas la preuve d'un envoi recommandé à [la défenderesse] à cette date ». L'arrêt en conclut « que ce courrier n'a jamais été adressé ou, à tout le moins, que l'ONEm n'en apporte pas la preuve » (arrêt, p. 4).
L'arrêt considère ensuite que la décision litigieuse est nulle pour le motif suivant : « en vertu de l'article 59sexies, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 l'absence du chômeur à un entretien d'évaluation auquel il est convoqué par recommandé entraîne de plein droit son exclusion, comme si ses efforts en vue de rechercher un emploi avaient été insuffisants ou inadéquats, sans cependant que le directeur doive évaluer l'existence et la pertinence de ces efforts ; la sanction de l'absence du chômeur à l'entretien est donc particulièrement lourde puisqu'elle peut entraîner la perte du droit aux allocations pour une durée indéterminée ; la convocation au troisième entretien et l'audition préalable régulières doivent dès lors être considérées comme des formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ». L'arrêt admet cependant que cette nullité ne s'étend pas aux pièces du dossier administratif constitué préalablement à l'audition (arrêt, p. 4). 4ème feuillet

3. Écartant la demande formulée à titre subsidiaire par le demandeur dans sa requête d'appel, l'arrêt attaqué confirme le jugement dont appel dans toutes ses dispositions (p. 5) et condamne donc, par confirmation de ce jugement, le demandeur à assurer le paiement des allocations dont la défenderesse a été privée à la suite de la décision annulée du demandeur du 24 septembre 2013.
4. Il fonde cette décision sur les motifs suivants :
« Confrontées à une nullité de la procédure administrative, les juridictions du travail, en vertu de leur pouvoir de pleine juridiction, pourraient, après avoir constaté la nullité, se substituer à l'ONEm et prendre une nouvelle décision sur la base des règles de droit applicables en la matière et des pièces régulièrement produites. Néanmoins, dans une hypothèse comme celle rencontrée dans le présent litige-ci, l'irrégularité de procédure administrative a eu pour conséquence que (la défenderesse) n'a pu produire ni pièce, ni argument en sa faveur en manière telle que ni le tribunal du travail, ni la cour ne sont à même de se substituer à l'administration en se basant uniquement [...] sur les pièces du dossier administratif constitué préalablement à la convocation inexistante. En la cause, ni le tribunal, ni la cour ne disposent d'éléments leur permettant d'apprécier si (la défenderesse) a respecté ses engagements en matière de recherche active d'emploi.
En ce que la décision litigieuse se base uniquement sur l'absence de (la défenderesse) à l'entretien, l'absence de convocation entraîne la nullité de la décision litigieuse sans que les juridictions du travail puissent remédier à l'irrégularité rencontrée » (arrêt, p. 4-5).
Griefs
1. Aux termes de l'article 7, § 11, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, concernant la sécurité sociale des travailleurs, « les litiges ayant pour objet des droits résultant de la réglementation en matière de chômage sont de la compétence du tribunal du travail ». En vertu de l'article 580, 2°, du Code judiciaire, le tribunal du travail connaît des contestations relatives aux droits et obligations des travailleurs salariés résultant des lois et règlements prévus au 1°, notamment en matière de chômage. Statuant en degré d'appel, la cour du travail dispose de la même compétence (Code judiciaire, article 1042).
Lorsque le directeur du bureau du chômage prend une décision de réduction des allocations de chômage ou d'exclusion du bénéfice des allocations de chômage 5ème feuillet

en application de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et que le chômeur conteste cette décision devant le tribunal du travail, il en résulte une contestation entre l'Office national de l'emploi (ONEm) et le chômeur quant au droit aux allocations de chômage sur laquelle le tribunal du travail doit statuer. À cet égard le tribunal du travail dispose de la pleine juridiction et, moyennant les droits de la défense et dans les limites de la contestation, tout ce qui relève de la compétence d'appréciation du directeur du bureau du chômage est soumis au contrôle du juge. Si le juge estime que les pièces du dossier administratif déposé par l'Office ne suffisent pas à prendre sa décision en connaissance de cause, l'article 774, alinéa 1er, du Code judiciaire l'autorise à rouvrir les débats afin de permettre au chômeur de déposer des pièces et, le cas échéant, aux parties de conclure sur les pièces nouvellement déposées. Le principe général du droit de la séparation des pouvoirs n'y fait certainement pas obstacle.
2. Larticle 7, § 1er, alinéa 3, i, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs charge l'Office national de l'emploi (le demandeur) « d'assurer, avec l'aide des organismes créés ou à créer à cette fin, le paiement aux chômeurs involontaires et à leur famille, des allocations qui leur sont dues ». L'article 58, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, dispose que « pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit rechercher activement un emploi ».
Selon l'article 59bis, § 1er, alinéa 1er, dudit arrêté royal, « le directeur [du bureau du chômage] suit le comportement de recherche active d'emploi du chômeur complet » qui réunit certaines conditions, dans le cadre de la procédure de suivi organisée aux articles 59bis à 59decies du même arrêté royal.
Dans les conditions prévues à l'article 59quinquies, § 5 , le chômeur peut être « invité à souscrire un nouveau contrat écrit dans lequel il s'engage à mener les actions concrètes qui sont attendues de lui au cours des mois suivants ».
L'article 59sexies, § 1er, dispose, en ses alinéas 1er à 4 :
« Au plus tôt à l'expiration d'un délai de 4 mois prenant cours le lendemain de la signature du contrat visé à l'article 59quinquies, le directeur convoque par écrit le chômeur visé à l'article 59quinquies, § 5, à un troisième entretien au bureau du chômage en vue d'évaluer le respect par le chômeur de l'engagement qu'il a souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5, ou, à défaut d'engagement, les efforts qu'il a fournis pour s'insérer sur le marché du travail.
La présence du chômeur à l'entretien d'évaluation est obligatoire. [...]. 6ème feuillet

Si le chômeur ne se présente pas à l'entretien d'évaluation, une nouvelle convocation lui est envoyée par lettre recommandée.
Si, sans motif valable, le chômeur ne donne pas suite à la seconde convocation, il est assimilé à un chômeur qui n'a pas respecté l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5, et est exclu du bénéfice des allocations conformément aux dispositions du § 6 ».
L'article 59sexies, § 6, alinéa 1er, dispose :
« En cas de non respect de l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé l'article 59quinquies, § 5, ou en cas d'efforts insuffisants pour s'insérer sur le marché du travail :
1° [...] ;
2° le chômeur qui bénéficie des allocations de chômage et qui a la qualité de travailleur ayant charge de famille [...], ou de travailleur isolé [...] bénéficie, pendant une période de 6 mois [...] de l'allocation réduite visée à [...] et est, à l'expiration de la période précitée, exclu du bénéfice des allocations ;
3° [...] ».
3. Si la seconde convocation du chômeur au troisième entretien visé à l'article 59sexies, § 1er alinéas 1er, n'a pas été faite régulièrement par lettre recommandée ou si l'Office ne fait pas la preuve de la convocation régulière, et que, pour ce motif, la juridiction du travail annule la décision de l'Office d'assimiler le chômeur à un chômeur qui n'a pas respecté l'engagement souscrit dans le contrat écrit visé à l'article 59quinquies, § 5, et, partant, de l'exclure du bénéfice des allocations conformément aux dispositions du § 6 , il revient alors à la juridiction du travail de prendre une décision sur le droit aux allocations de chômage, conformément aux dispositions réglementaires en la matière et cette décision se substituera à la décision annulée. Il revient donc à la juridiction du travail d'évaluer si le chômeur a respecté l'engagement qu'il a souscrit dans le contrat visé à l'article 59quinquies, § 5, ou, à défaut d'engagement, d'évaluer les efforts qu'il a fournis pour s'insérer sur le marché du travail. La juridiction du travail ne peut condamner l'Office à payer au chômeur les allocations dont il a été privé à la suite de la décision annulée que s'elle constate que le chômeur a respecté ledit engagement ou, à tout le moins, qu'il a fourni des efforts pour s'insérer sur le marché du travail.
Dans le cas où la juridiction du travail ne disposerait pas des éléments de fait nécessaires pour prendre sa décision, parce que, n'ayant pas été convoqué régulièrement par le directeur, le chômeur n'a pas pu produire devant ce dernier des pièces de nature à établir soit qu'il a respecté l'engagement souscrit en menant les actions concrètes qui étaient attendues de lui soit qu'il a fourni des 7ème feuillet

efforts pour s'insérer sur le marché du travail, et n'a pas pu faire valoir d'arguments en sa faveur, et parce que dans le cadre du débat judiciaire, le chômeur n'a produit aucune pièce ni fait valoir aucun moyen à ce sujet, il appartiendrait alors à la juridiction du travail d'inviter le chômeur à déposer les pièces justificatives des actions menées ou des efforts fournis et à conclure sur la question du respect par lui des obligations mises à sa charge dans le cadre de la procédure de contrôle du comportement de recherche active d'emploi, le cas échéant en ordonnant une réouverture des débats.
4. En l'espèce, l'arrêt attaqué a annulé la décision de l'Office du 24 septembre 2013 en raison de l'absence de preuve que le demandeur avait convoqué la défenderesse au troisième entretien visé à l'article 59sexies, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 par lettre recommandée. Aux motifs que « l'irrégularité de procédure administrative a eu pour conséquence que (la défenderesse) n'a pu produire ni pièce, ni argument en sa faveur en manière telle que ni le tribunal du travail, ni la cour ne sont à même de se substituer à l'administration en se basant uniquement [...] sur les pièces du dossier administratif constitué préalablement à la convocation inexistante ; (que) [...] ni le tribunal, ni la cour ne disposent d'éléments leur permettant d'apprécier si (la défenderesse) a respecté ses engagements en matière de recherche active d'emploi » et que « les juridictions du travail [ne peuvent] remédier à l'irrégularité rencontrée », l'arrêt attaqué condamne le demandeur à assurer le paiement des allocations dont la défenderesse a été privée à la suite de la décision annulée, sans pour autant avoir constaté, le cas échéant dans le cadre d'une réouverture des débats, que la défenderesse avait respecté l'engagement qu'elle avait souscrit dans le contrat visé à l'article 59quinquies, § 5, ou, à tout le moins, qu'elle avait fourni des efforts pour s'insérer sur le marché du travail, et donc sans avoir constaté qu'elle se trouvait dans les conditions légales et réglementaires pour continuer à bénéficier des allocations,
L'arrêt attaqué ne justifie pas ainsi légalement sa décision (violation des articles 7, § 1er, alinéa 3, i, et § 11, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, 580, 1° et 2°, 774 et 1042 du Code judiciaire, 58, § 1er, alinéa 1er, 59bis, § 1er, alinéa 1er, 59quinquies, § 5, 59sexies, § 1er, alinéas 1er et 4, et § 6, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage) et fait une fausse application du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et du principe général du droit de la séparation des pouvoirs (violation desdits principes généraux). 8ème feuillet

DÉVELOPPEMENTS
« Lorsque le directeur du bureau du chômage exclut un chômeur du bénéfice des allocations de chômage en application de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et que le chômeur conteste cette sanction administrative, il existe entre l'Office national de l'emploi et le chômeur une contestation relative au droit aux allocations pendant la période de son exclusion, et le tribunal du travail est compétent pour statuer sur cette contestation ; le tribunal du travail qui connaît de pareille contestation, dispose de la pleine juridiction en matière de contrôle des décisions du directeur ; moyennant le respect des droits de la défense et dans les limites de la cause, définies par les parties, tout ce qui relève de la compétence d'appréciation du directeur, en ce compris le choix de la sanction administrative, est soumis au contrôle du juge » (conclusions de Monsieur le procureur général Leclercq, alors premier avocat général avant Cass. 10 mai 2004, Pas., 2004, p. 784).
L'arrêt de votre Cour du 23 mai 2011 (Pas., 2011, no 340) a fait droit au pourvoi d'une chômeuse contre un arrêt qui, réformant le jugement dont appel, avait rétabli la décision de l'ONEm de l'exclure du bénéfice des allocations de chômage, dans le cadre de la procédure d'activation de recherche d'emploi.
La demanderesse en cassation avait été convoquée à un troisième entretien d'évaluation du respect par le chômeur de l'engagement souscrit dans le second contrat visé à l'article 59quinquies, § 5 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 (entretien visé à l'article 59sexies, § 1er, dudit arrêté royal) ; elle ne s'y est pas présentée ; elle fut reconvoquée sans succès par lettre recommandée ; elle fut exclue du bénéfice des allocations de chômage et fit un recours contre cette décision d'exclusion, faisant valoir qu'elle avait rempli les obligations prévues dans le second contrat.
La cour du travail avait débouté la chômeuse de son recours pour le motif suivant : « Force est de constater, au regard des éléments de la cause confrontés au texte de l'article 59sexies, § 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, que l'administration n'a fait que respecter aussi bien la lettre que l'esprit de la disposition applicable qui, d'ailleurs, de manière surabondante, rappelle un principe élémentaire du droit des obligations et de l'article 1134 du Code civil (...). Il est ainsi inutile, lorsqu'un tel manquement est constaté, de vérifier si d'autres obligations ont ou n'ont pas été respectées » (Pas., p. 1442). 9ème feuillet

La demanderesse en cassation avait fait valoir que « son absence avait uniquement pour conséquence de présumer que la condition d'octroi qu'est la recherche active d'un emploi n'a pas été respectée au cours de la période d'évaluation concernée par le troisième entretien, ce qui permet au directeur d'appliquer la sanction d'exclusion » (Pas., p. 1443), de manière telle que la cour du travail était tenue de vérifier si, comme la demanderesse en cassation l'avait fait valoir, elle avait rempli les obligations prévues au second contrat.
La Cour a déclaré le moyen fondé, spécialement aux motifs suivants :
« [...] pour bénéficier des allocations, le chômeur doit rechercher activement un emploi et ce, le cas échéant, conformément à l'engagement souscrit dans le contrat visé à l'article 59quinquies, § 5.
L'article 59sexies, § 1er, alinéa 4, dispose que si, sans motif valable, le chômeur ne donne pas suite à la seconde convocation à l'entretien d'évaluation prévu à ce paragraphe, il est assimilé à un chômeur qui n'a pas respecté l'engagement souscrit dans le contrat écrit et est exclu du bénéfice des allocations de chômage conformément aux dispositions de l'article 59sexies, § 6.
L'article 59sexies, § 1er, alinéa 4, précité, ne fait pas de la suite donnée par le chômeur à la seconde convocation du directeur, une condition du droit aux allocations, distincte de la condition de rechercher un emploi, le cas échéant conformément à l'engagement souscrit dans le contrat écrit.
Lorsque, sur la base de cette disposition, l'Office national de l'emploi exclut le chômeur du bénéfice des allocations et que le chômeur conteste cette décision, il naît entre celui-ci et l'Office une contestation sur le droit du chômeur aux allocations dont il est exclu.
En vertu de l'article 580, 2°, du Code judiciaire le jugement de cette contestation relève de la compétence du tribunal du travail.
Saisi de pareille contestation, le tribunal contrôle la légalité de la décision d'exclusion et statue sur le droit du chômeur aux allocations dont il est exclu » (Pas., 2011, p. 1445).
Par un arrêt du 6 juin 2016 (R.G. n° S.16.0003), votre Cour a confirmé que, pour statuer sur une contestation relative au droit aux allocations de chômage à la suite d'une décision d'exclusion, « le tribunal du travail auquel [cette contestation] ressortit en vertu de l'article 580, 2°, du Code judiciaire, est tenu, dans le respect des droits de la défense et sans modifier l'objet de la demande, d'appliquer aux faits régulièrement soumis à son appréciation les règles de droit qui leur sont applicables. Il ne peut reconnaître le droit aux allocations que dans le respect des dispositions légales et réglementaires relatives au chômage ». Votre Cour a cassé l'arrêt attaqué qui s'était borné à annuler la décision administrative pour 10ème feuillet

défaut de motivation adéquate sans vérifier si, comme le soutenait l'Office, la défenderesse n'avait pas perçu des indemnités en vertu d'un régime belge d'assurance maladie-invalidité qui la privait du bénéfice des allocations de chômage pendant la période litigieuse.
Il ressort de ces arrêts que, saisie d'un litige sur le droit aux allocations de chômage dont le chômeur a été exclu, la juridiction du travail doit, si le dossier administratif produit par l'Office ne lui paraît pas suffisant pour apprécier la situation en connaissance de cause, ordonner une réouverture des débats pour permettre au chômeur de produire les pièces dont il dispose et faire valoir ses moyens à ce sujet, afin statuer, dans le respect des droits de la défense, sur le droit aux allocations dont le chômeur a été privé par la décision querellée. Elle ne peut se borner à annuler la décision d'exclusion.
L'on objecterait vainement « que lorsqu'il statue sur les droits d'un chômeur qui n'a pas été régulièrement convoqué aux fins d'être entendu par le directeur, le juge ne pallie pas réellement l'absence d'audition préalable à la décision querellée [et que] formellement le vice affectant la décision administrative ne sera donc pas corrigé » : en effet, « les garanties du débat judiciaire réparent l'absence d'audition préalable et la violation éventuelle des droits de la défense » (J.-F. Neven, « Les principes de bonne administration, la charte de l'assuré social et la réglementation du chômage », La réglementation du chômage, vingt ans d'application de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, Kluwer, 2011, p. 604). 11ème feuillet

PAR CE MOYEN ET CES CONSIDÉRATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour le demandeur en cassation, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour du travail ; statuer sur les dépens comme de droit.
Bruxelles, le 21 décembre 2016
Pour le demandeur en cassation,
son conseil,
Paul Alain Foriers
Pièce jointe :
Il sera en outre joint à la présente requête en cassation, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification à la défenderesse en cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.16.0093.F
Date de la décision : 11/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-11;s.16.0093.f ?

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