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11/12/2017 | BELGIQUE | N°S.16.0012.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2017, S.16.0012.F


N° S.16.0012.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

J.-C. W.,
défendeur en cassation.


I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2015 par la cour du travail de Liège, division de Neufc

hâteau.
Le 20 novembre 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au gref...

N° S.16.0012.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

J.-C. W.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2015 par la cour du travail de Liège, division de Neufchâteau.
Le 20 novembre 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 10, 11, 149 et 159 de la Constitution ;
- articles 1134, 1135, 1137, 1147, 1148 et 1315 du Code civil ;
- article 870 du Code judiciaire ;
- article 7, § 11, alinéas 1er et 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ;
- articles 56, § 1er, alinéa 1er, 58, § 1er, alinéa 1er, 59bis, § 1er, alinéa 1er, 59quater, §§ 1er, alinéa 1er, 3, alinéas 1er et 4, et 5, alinéas 1er à 4, 59quinquies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, alinéas 1er à 4, 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3, 5 et 6, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (les articles 59bis, 59quater, 59quinquies et 59sexies, dans leur version applicable aux faits, soit avant la modification de ces articles par l'arrêté royal du 26 juin 2014, entré en vigueur le 1er juillet 2014) ;
- article 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004 réglant le mode de calcul de la durée du chômage de certains chômeurs et fixant la liste modèle des actions visée aux articles 59quater, § 5, alinéa 2, et 59quinquies, § 5, alinéa 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (avant sa modification par l'arrêté ministériel du 26 juin 2014) et annexe audit arrêté ministériel ;
- principe général du droit de l'égalité des Belges devant la loi et de non-discrimination consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution ;
- principe général du droit de l'exécution de bonne foi des obligations contractuelles ;
- principe général du droit relatif à l'abus de droit.

Décisions et motifs critiqués

I. L'arrêt attaqué constate préalablement les faits suivants :
Le défendeur a été admis au bénéfice des allocations de chômage au taux de chef de famille le 1er mars 2010.
Il fut convoqué à un premier entretien d'évaluation de sa recherche active d'emploi le 2 mai 2012. Le défendeur, qui dispose d'une formation de travailleur manuel, fit part à l'agent facilitateur de ses problèmes de santé, notamment pulmonaires, qui étaient objectivés dans des rapports médicaux et d'hospitalisations et qui l'empêchaient d'effectuer des travaux lourds.
À l'issue de ce premier entretien, le défendeur signa un premier contrat d'activation de sa recherche d'emploi, aux termes duquel il souscrivit cinq engagements dont celui de suivre les offres d'emploi et de répondre au moins à une offre d'emploi par mois jusqu'au prochain entretien (engagement n° 3) et celui de présenter spontanément sa candidature auprès d'au moins trois entreprises par mois jusqu'au prochain entretien (engagement n° 4).
Le deuxième entretien, destiné à l'évaluation de l'exécution de ce premier contrat, eut lieu le 22 janvier 2013. Cette évaluation fut négative, car il fut constaté que le défendeur n'avait pas respecté les deux engagement précités.
Le défendeur signa un second contrat d'activation « aux exigences renforcées », aux termes duquel il souscrivit six engagements, dont celui de suivre les offres d'emploi et de répondre au moins à deux, et non plus à une seule, offres d'emploi par mois (engagement n° 4) et celui de présenter spontanément sa candidature auprès de cinq entreprises, et non plus de trois entreprises, au moins par mois (engagement n° 5).
Par décision du 31 janvier 2013, le défendeur se vit en outre sanctionner par une réduction de ses allocations pendant quatre mois.
Le troisième entretien, destiné à l'évaluation de l'exécution du second contrat, eut lieu le 16 juillet 2013. Cette évaluation fut négative, car il fut constaté que le défendeur n'avait pas respecté les engagements précités n°s 4 et 5 : le défendeur a déclaré n'avoir pas trouvé d'offre d'emploi et il n'a pas présenté les vingt-huit candidatures spontanées qui lui étaient demandées (il en a présenté cinq en mars, quatre en avril, cinq en mai, cinq en juin et trois en juillet et le facilitateur n'a retenu que dix-sept candidatures valables, les autres ayant déjà été présentées dans le cadre du premier contrat d'activation).
Le 22 juillet 2013, le demandeur prit la décision de réduire le montant des allocations du défendeur pendant six mois et ensuite de l'exclure du bénéfice des allocations.
Le défendeur forma un recours contre cette décision devant le tribunal du travail.
En cours de procédure, le demandeur prit la décision de soumettre le défendeur à un examen médical par un médecin agréé, comme prévu à l'article 141 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, examen qui fut réalisé le 28 mars 2014 et dont la conclusion fut que le défendeur présentait une inaptitude permanente au travail de 40 p.c. depuis le 1er juillet 2012.
Par jugement du 13 mai 2014, le tribunal du travail a confirmé la décision querellée, jugée conforme à la réglementation du fait du non-respect des deux engagements précités, le défendeur ne démontrant pas la survenance d'un cas de force majeure qui aurait rendu impossible l'exécution de ces obligations.
Le défendeur releva appel.
II. Statuant en prosécution de cause de l'arrêt rendu le 11 mars 2015 qui :
- décide que, à défaut d'avoir été frappée de recours, la première décision d'évaluation négative du premier contrat d'activation et de réduction temporaire des allocations de chômage du 31 janvier 2013 est devenue définitive ; que, « partant, le second contrat d'activation [a] été valablement conclu le 22 janvier 2013 en conformité de l'article 59quinquies, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 » ; que la saisine de la cour [du travail] est limitée à la seconde mesure d'exclusion du bénéfice des allocations de chômage, infligée au défendeur par décision du 22 juillet 2013 ;
- ordonne la réouverture des débats notamment quant à la question « de la marge d'appréciation dont dispose, ou non, l'agent facilitateur, en fonction des instructions qu'édicte le vade-mecum mis à sa disposition par l'Office national de l'emploi, en ce que celui-ci lui laissait, ou non, la faculté d'adapter les exigences des engagements imposés à l'intéressé ou, à tout le moins, une certaine latitude dans l'évaluation de leur exécution, compte tenu de son état de santé »,
l'arrêt attaqué, par réformation du jugement du premier juge, annule la décision prise par le demandeur le 22 juillet 2013 et rétablit le défendeur dans ses droits aux allocations de chômage avec effet au 29 juillet 2013.
III. L'arrêt attaqué fonde cette décision sur tous les motifs situés [...] sous le titre « la décision de la cour [du travail] », censés reproduits ci-après, et particulièrement sur les motifs suivants :
« La Cour de cassation a, par [...] arrêt [...] du 5 novembre 2012, tranché la question de la nature de la mesure d'exclusion, écartant la qualification de sanction de nature pénale [...].
[...] Force est de constater que la Cour de cassation n'a nullement exclu le caractère contractuel, sinon de la mesure en question, à tout le moins des conditions auxquelles le chômeur est tenu d'établir sa disponibilité sur le marché de l'emploi et de l'évaluation qui en est faite pour aboutir à ce constat qui fonde la mesure d'exclusion des allocations. Le contrat d'activation est en effet le truchement par lequel sont évalués la disponibilité du chômeur sur le marché de l'emploi et les efforts de recherche active d'emploi qu'il doit consentir pour établir cette condition fondamentale d'octroi des allocations.
Vu que le texte même des dispositions réglementaires applicables au contrôle de l'activation des demandeurs d'emploi vise expressément les contrats que ceux-ci sont invités à souscrire lorsque leurs efforts de recherche d'emploi sont jugés insuffisants, il ne peut être raisonnablement soutenu que le dispositif mis en place de la sorte serait dépourvu du fondement contractuel [...]. Dès lors, si la mesure d'exclusion attachée au constat d'efforts insuffisants ne revêt en tant que telle aucun caractère contractuel [...], il faut bien admettre que la procédure qui a conduit à cette évaluation repose sur des bases contractuelles dès lors qu'elle se concrétise par des contrats écrits successifs consignant les engagements souscrits par le chômeur au terme des entretiens destinés à faire le bilan, soit des efforts de recherche d'emploi qu'il a consentis avant d'être soumis au système d'activation, soit dans le cadre de ceux qui sont consignés dans le premier contrat conclu avec lui.
Ce fondement contractuel a été consacré par un arrêt antérieur de la Cour de cassation, prononcé le 9 juin 2008 [...].
[...] Il revient à la cour [du travail] d'examiner si l'évaluation qui a été faite par la décision litigieuse faisant l'objet du recours soumis à son contrôle de légalité a fait l'objet, à l'occasion de l'évaluation du second contrat d'activation, d'une appréciation de l'exécution des obligations souscrites par l'intéressé qui soit conforme au principe d'exécution de bonne foi des conventions que consacrent les articles 1134 et 1135 du Code civil. [...]
[...] Les obligations mises à la charge [du défendeur] ne peuvent être interprétées comme des obligations de résultat mais comme des obligations de moyen, consistant à mettre [en œuvre] tout ce qui est raisonnablement et humainement possible pour remplir les objectifs qui lui ont été assignés.
[...] Le principe de l'exécution de bonne foi ‘sous-entend la prise en compte de l'intérêt d'autrui et l'obligation d'exécuter loyalement le contrat en évitant de faire en sorte que le contractant soit privé des avantages qu'il peut légitimement en retirer', le juge étant chargé en pareil cas ‘de vérifier, sans remettre en cause les termes du contrat, si ceux-ci ont été respectés en tenant compte des obligations de loyauté, de pondération et de collaboration consacrées par l'article 1134, alinéa 3, du Code civil'.
Le vade-mecum destiné aux facilitateurs [...] livre à ce sujet des indications précieuses sur les critères que ceux-ci sont invités à prendre en compte dans le cadre de la mission dont ils sont investis par le législateur social. Ainsi, peut-on lire [...] que, ‘dans son évaluation des efforts fournis par le chômeur, le facilitateur tient compte de l'âge du chômeur, de son niveau de formation, de ses aptitudes, de sa situation sociale et familiale, de ses possibilités de déplacement et d'éventuels problèmes de mobilité, des éventuels éléments de discrimination, de la situation du marché de l'emploi local ou régional (et de la conjoncture économique), des critères de l'emploi convenable'.
Au regard de ces différents critères d'appréciation, la situation [du défendeur] était caractérisée par les éléments suivants lorsqu'il a fait l'objet de l'évaluation de ses engagements souscrits dans le cadre du second contrat d'activation : une formation de base des plus réduites [...], cantonnant l'intéressé dans un métier manuel de basse qualification ; des possibilités de déplacement en dehors de sa région limitées [...] ; des aptitudes au travail d'autant plus limitées qu'il ressort de l'examen médical [...] que des restrictions non négligeables sont présentes en raison de son état de santé [...] ; un état de santé problématique [...] et dont la réalité sera d'ailleurs reconnue par le médecin agréé de l'Office national de l'emploi [...], [qui] conclura que [le défendeur] présente une inaptitude permanente de 40 p.c. depuis le mois de juillet 2012.
Si ce constat ne permet plus aujourd'hui de remettre en question le premier contrat signé par [le défendeur] [...], il reste qu'il s'agissait là assurément d'un élément d'appréciation de ses aptitudes qui devait être pris en considération par le facilitateur lors de l'évaluation du respect par [le défendeur] de ses engagements dans le cadre du second contrat d'activation. [...] Cette diminution de capacité physique de nature à limiter les postes auxquels il pouvait effectivement postuler aurait dû être prise en considération, lors de l'évaluation de ses efforts de recherche d'emploi, au titre d'un éventuel élément de discrimination. Certes, [...] il ne s'agit pas là d'un élément de force majeure qui aurait justifié qu'il fût dispensé de l'exécution de ses obligations, mais bien d'un élément d'appréciation de la manière dont il les a exécutées, évaluation qui ne pouvait être raisonnablement effectuée avec la même rigueur que celle dont il peut être fait preuve en présence d'un demandeur d'emploi disposant de sa pleine capacité de travail.
[Certes], depuis la suppression de la dispense d'activation dont bénéficiaient, jusqu'au 1er novembre 2012, les demandeurs d'emploi atteints d'une inaptitude permanente au travail de 33 p.c. au moins, ceux-ci doivent, à l'instar des demandeurs d'emploi disposant de leur pleine capacité de travail, établir leur disponibilité sur le marché de l'emploi. [Le ministère public] en déduit que le fait de les traiter de manière identique au regard de ce critère d'octroi des allocations n'est pas constitutif d'une discrimination.
En revanche, la décision individuelle prise à l'issue d'une évaluation des efforts du demandeur d'emploi qui, comme [le défendeur], voit son aptitude physique au travail sensiblement réduite en raison de problèmes de santé, sans que cette circonstance particulière rendant objectivement plus difficile sa recherche d'emploi ait été dûment prise en considération dans l'appréciation du respect de ses engagements, est constitutive d'une discrimination en ce qu'elle a pour effet d'évaluer avec la même rigueur les efforts d'activation consentis par [le défendeur] que ceux qu'il aurait été à même d'entreprendre s'il n'avait pas été atteint de ces problèmes de santé. Or, si l'on compare les démarches que [le défendeur] avait entreprises dans le cadre du premier contrat d'activation et qui avaient été considérées comme insuffisantes, il faut bien constater qu'en dépit de ses problèmes de santé, [le défendeur] a accentué sensiblement ses efforts de recherche d'emploi puisque, alors qu'il devait établir cinq offres spontanées par mois, il réalise ce score durant les mois de mars, mai et juin 2013 précédant l'évaluation, une seule manquant en avril et deux en juillet 2013. [...]
En conclusion
Les problèmes médicaux évoqués ci-dessus ne permettent certes pas de conclure que les engagements souscrits dans le cadre du second contrat d'activation devraient être jugés discriminatoires, vu l'abrogation, à la date à laquelle ce contrat a été signé par l'intéressé, de la dispense bénéficiant aux chômeurs atteints d'une inaptitude permanente au travail de 33 p.c. au moins, tous les chômeurs non atteints d'une perte de capacité de gain de deux tiers au moins devant faire la preuve de leur disponibilité sur le marché de l'emploi.
En revanche, l'évaluation qui a été faite des efforts de recherche d'emploi [du défendeur], dans les circonstances concrètes de la cause, sans qu'aient été aucunement pris en considération les problèmes de santé lui rendant ces efforts plus difficiles qu'à un demandeur d'emploi disposant de sa pleine capacité de travail et ne présentant pas les restrictions médicales dont il est affecté par rapport aux emplois que sa formation lui rendait effectivement accessibles, est constitutive d'une différence de traitement discriminatoire parce que cette appréciation de l'exécution de ses engagements a été effectuée avec la même rigueur que celle dont il convient de faire preuve à l'égard d'un demandeur d'emploi indemne de tout handicap et ce, sans rapport raisonnable de proportionnalité avec l'objectif de la mesure consistant à inciter un chômeur à démontrer activement sa disponibilité sur le marché de l'emploi. La décision d'exclusion qui constitue la suite de l'évaluation négative adoptée dans ces circonstances est, partant, contraire à l'article 159 de la Constitution et doit être écartée par la cour [du travail] ».

Griefs

1. L'article 56, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dispose que, pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit être disponible pour le marché de l'emploi. Selon l'article 58, § 1er, alinéa 1er, dudit arrêté royal, pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit rechercher activement un emploi. Selon l'article 59bis, § 1er, alinéa 1er, du même arrêté royal, le directeur suit le comportement de recherche active d'emploi du chômeur complet qui réunit certaines conditions. Depuis l'abrogation du 5° de l'alinéa 1er de l'article 59bis dudit arrêté royal par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, entré en vigueur le 1er novembre 2012, les chômeurs qui justifient d'une inaptitude permanente au travail d'au moins 33 p.c. ne sont plus exemptés de ce suivi, lequel est réglé par les articles 59ter à 59decies.
2. La procédure de suivi du comportement de recherche active d'emploi du chômeur complet applicable en l'espèce, avant la modification des articles 59ter à 59decies de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 par l'arrêté royal du 26 juin 2014 entré en vigueur le 1er juillet suivant, peut être résumée comme suit.
Le chômeur est convoqué à un premier entretien en vue d'évaluer ses efforts fournis en vue de s'insérer sur le marché du travail (article 59quater, § 1er, alinéa 1er, dudit arrêté royal). Il revient au chômeur de prouver les démarches qu'il a effectuées par toutes voies de droit, y compris la déclaration sur l'honneur (article 59quater, § 3, alinéa 1er, 2°). Dans son évaluation des efforts fournis par le chômeur, le directeur tient compte de la situation personnelle de celui-ci : âge, niveau de formation, aptitudes, situation sociale et familiale, possibilités de déplacement, éventuels éléments de discrimination (article 59quater, § 3, alinéas 1er et 4).
En cas d'évaluation négative, le chômeur est invité à souscrire un contrat écrit par lequel il s'engage à mener des actions concrètes en vue de retrouver un emploi. Ces actions sont choisies par le directeur, en tenant compte de la situation spécifique du chômeur et des critères de l'emploi convenable existants, dans une liste d'actions obligatoires ou facultatives, établie par le ministre, après avis du comité de gestion (article 59quater, § 5, alinéas 1er et 2), soit la liste visée à l'article 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004 et figurant en annexe à cet arrêté ministériel. Selon cette annexe, la fréquence des actions à mener fait l'objet d'une fourchette (par exemple entre une et trente pour la présentation de candidatures à des offres d'emploi et entre une et quinze pour la présentation spontanée de candidatures), ce qui laisse au directeur la possibilité d'individualiser ce qui [est] attendu d'un chômeur compte tenu de sa situation spécifique.
Le contrat d'activation est établi en deux exemplaires, datés et signés par le directeur et le chômeur, lequel est informé qu'il sera convoqué à un entretien visant à évaluer son comportement de recherche active d'emploi et le respect de l'engagement souscrit (article 59quater, § 5, alinéas 3 et 4).
L'exécution des engagements souscrits dans ce premier contrat fait l'objet d'une évaluation au cours d'un deuxième entretien (article 59quinquies, §§ 1er, alinéa 1er, et 3). Si cette évaluation est négative, après une sanction, le chômeur est invité à souscrire un second contrat dans lequel il s'engage à mener des actions concrètes, également choisies par le directeur en tenant compte de la situation spécifique du chômeur et des critères de l'emploi convenable existants dans la liste d'actions précitée (article 59quinquies, § 5, alinéas 1er et 2 ; article 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004 et annexe à cet arrêté ministériel). Ce contrat est également établi en deux exemplaires, datés et signés par le directeur et le chômeur, lequel est informé qu'il sera convoqué à un entretien visant à évaluer son comportement de recherche active d'emploi et le respect de l'engagement souscrit (article 59quinquies, § 5, alinéas 3 et 4).
Selon l'annexe à l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004, la liste d'actions pour le deuxième contrat (après le deuxième entretien) devra prévoir des efforts plus importants (le nombre d'actions ou leur intensité sont plus élevés).
L'exécution des engagements souscrits dans ce second contrat fait l'objet d'une évaluation au cours d'un troisième entretien (article 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, et 3, alinéa 1er). Dans son évaluation, le directeur tient compte notamment de l'âge du chômeur, de son niveau de formation, de ses aptitudes, de sa situation sociale et familiale, de ses possibilités de déplacement et d'éventuels éléments de discrimination (article 59sexies, § 3, alinéa 2).
Si l'évaluation de l'exécution de ce second contrat est négative, le chômeur isolé ou avec charge de famille voit ses allocations réduites pendant six mois et ensuite supprimées (article 59sexies, §§ 5 et 6, alinéas 1er, 2°).

Première branche

3. L'obligation est de résultat lorsque le débiteur s'engage à atteindre le résultat promis, sauf cas de force majeure ou autre cause de justification élusive de sa responsabilité contractuelle (articles 1147 et 1148 du Code civil). L'obligation est de moyen lorsque le débiteur s'engage à y satisfaire en y portant tout le soin qu'y aurait apporté tout débiteur normalement diligent et prudent (article 1137 du Code civil).
À défaut de qualification expresse par les parties, l'obligation de moyen se distingue de l'obligation de résultat par l'aléa qui affecte son exécution et le résultat attendu par le créancier.
4. Dès lors qu'elles sont choisies par le directeur en tenant compte de la situation spécifique du chômeur et des critères de l'emploi convenable existants dans la liste figurant en annexe à l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004, les obligations imposées au chômeur, comme en l'espèce, de répondre à au moins tel nombre d'offres d'emploi (ici deux) par mois et de présenter spontanément sa candidature à au moins tel nombre d'entreprises (ici cinq) par mois constituent des obligations de résultat dans la mesure où l'objectif visé ne présente aucun aléa (articles 59quater, § 5, alinéas 1er et 2, 59quinquies, § 5, alinéas 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, et 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004 et son annexe).
5. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'a pu, sans violer les articles 59quinquies, § 5, alinéas 1er et 2, 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004, 1137 et 1147 du Code civil, considérer que les obligations souscrites par le défendeur dans son second contrat d'activation ne constituent que des obligations de moyen et non des obligations de résultat dont le débiteur ne peut se libérer qu'en établissant un cas de force majeure.
6. Dût-on même considérer, quod non, que les obligations souscrites par le défendeur constituent des obligations de moyen, encore convenait-il d'apprécier leur exécution in abstracto au regard du critère du débiteur normalement diligent placé dans les mêmes circonstances et non in concreto au regard des spécificités du défendeur auquel ces obligations ont d'ailleurs été adaptées. Or, l'arrêt attaqué ne procède pas à cette appréciation in abstracto (violation des articles 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et 1137 du Code civil).

Deuxième branche

7. D'une part, en souscrivant les contrats d'activation de recherche d'emploi, visés aux articles 59quater, § 5, 59quinquies, § 5, et 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le chômeur s'engage à exécuter les obligations que ces contrats mettent à sa charge.
8. D'autre part, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (article 1134, alinéa 1er, du Code civil).
Si le principe de l'exécution de bonne foi peut, dans certaines [circonstances], interdire au créancier de poursuivre, en tout ou en partie, l'exécution d'une obligation contractuelle, c'est à la condition que celui-ci se soit rendu coupable d'un abus de droit, donc qu'il ait usé de son droit d'une manière qui excède manifestement l'usage de ce droit par une personne raisonnable et prudente (articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil et principe général du droit relatif à l'abus de droit).
Hors pareille hypothèse, le débiteur d'une obligation contractuelle ne peut être délié de celle-ci qu'en raison d'un cas de force majeure qui rend son exécution impossible (articles 1147 et 1148 du Code civil). La seule circonstance qu'une partie se trouverait, en cours d'exécution d'une convention, dans une situation particulière de nature à rendre plus difficile ou plus onéreuse l'exécution d'une obligation contractuelle ne suffit dès lors pas à l'en libérer (article 1134, alinéa 1er, du Code civil).
9. L'arrêt attaqué considère que les obligations souscrites par le défendeur en signant les contrats d'activation de sa recherche active d'emploi sont de nature contractuelle ; qu' « il revient à la cour [du travail] d'examiner si l'évaluation qui a été faite par la décision litigieuse [...] a fait l'objet [...] d'une appréciation de l'exécution des obligations souscrites par l'intéressé qui soit conforme au principe d'exécution de bonne foi des conventions que consacrent les articles 1134 et 1135 du Code civil » ; que, compte tenu de la « diminution de capacité physique de nature à limiter les postes auxquels [le défendeur] pouvait effectivement postuler », l'évaluation du respect des engagements souscrits par le défendeur « ne pouvait être raisonnablement effectuée avec la même rigueur que celle dont il peut être fait preuve en présence d'un demandeur d'emploi disposant de sa pleine capacité de travail » et que les problèmes de santé du défendeur auraient dû être pris en considération dans l'appréciation du respect de ses engagements, ce qui n'a pas été le cas.
En statuant de la sorte, alors qu'il exclut l'existence d'un cas de force majeure et qu'il ne dénie pas que le défendeur n'avait pas satisfait matériellement aux obligations qu'il avait souscrites, l'arrêt attaqué, qui ne constate pas par ailleurs que le demandeur aurait abusé de son droit d'exiger la bonne exécution par le défendeur de ses obligations :
1° méconnaît la force obligatoire du second contrat d'activation souscrit par le défendeur (violation des articles 59quinquies, § 5, et 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et 1134, alinéa 1er, du Code civil et, en tant que de besoin, du principe général du droit de l'exécution de bonne foi des obligations contractuelle et du principe général du droit relatif à l'abus de droit) ;
2° ne justifie dès lors pas sa décision (violation de toutes les dispositions légales visées au moyen, à l'exception de l'article 149 de la Constitution).

Troisième branche

10. En souscrivant les contrats d'activation de recherche d'emploi, visés aux articles 59quater, § 5, et 59quinquies, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le chômeur est inclus dans un processus d'engagements adaptés à sa situation spécifique, qui balisent sa recherche d'emploi et lui permettent de savoir très concrètement les actions qui sont attendues de sa part pour répondre aux conditions de disponibilité pour le marché de l'emploi et de recherche active d'emploi, imposées respectivement par les articles 56, § 1er, alinéa 1er, et 58, § 1er, alinéa 1er, dudit arrêté royal, et continuer à bénéficier des allocations de chômage.
Si, contrairement aux prescriptions des articles 59quater, § 5, alinéa 2, et 59quinquies, § 5, alinéa 2, de l'arrêté royal précité, les actions à mener par le chômeur sont choisies par le directeur dans la liste d'actions figurant en annexe à l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004, sans tenir compte de la situation spécifique du chômeur et des critères de l'emploi convenable, le chômeur peut introduire un recours juridictionnel contre cette décision du directeur, sur la base de l'article 7, § 11, alinéas 1er et 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
11. Il résulte de ce qui précède que, à défaut d'avoir introduit pareil recours, le chômeur qui a souscrit un contrat visé aux articles 59quater, § 5, alinéa 2, et 59quinquies, § 5, alinéa 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 est tenu, en règle, d'exécuter les engagements qu'il a souscrits sans pouvoir opposer que ceux-ci ne seraient pas adaptés à sa situation personnelle ou qu'il ne serait pas capable de les exécuter à l'instar de tout autre chômeur se trouvant dans la même situation que lui, en sorte qu'il serait victime d'une discrimination. Seul un cas de force majeure permettrait de justifier la non-exécution des obligations souscrites, lequel devrait être établi par le chômeur (articles 1147 et 1148 du Code civil).
12. L'arrêt attaqué constate qu'après l'évaluation négative de son respect des engagements pris dans son premier contrat d'activation, le défendeur a signé un second contrat d'activation comprenant l'engagement de suivre les offres d'emploi et de répondre au moins à deux offres d'emploi par mois (engagement n° 4) et celui de présenter spontanément sa candidature auprès de cinq entreprises au moins par mois (engagement n° 5).
L'arrêt ne dénie pas que ces engagements ont été valablement souscrits par le défendeur puisqu'il considère que « les problèmes médicaux [que connaît le défendeur] ne permettent certes pas de conclure que les engagements souscrits dans le cadre du second contrat d'activation devraient être jugés discriminatoires ». L'arrêt ne dénie pas davantage que le défendeur n'a respecté en rien l'engagement n° 4 et qu'il n'a respecté l'engagement n° 5 que partiellement, et il admet qu' « il ne s'agit pas [...] d'un élément de force majeure qui aurait justifié que [le défendeur] fût dispensé de l'exécution de ses obligations ».
Toutefois, l'arrêt attaqué censure, pour être « contraire à l'article 159 de la Constitution », « la décision d'exclusion qui constitue la suite de l'évaluation négative », par le directeur, du respect des engagements souscrits par le défendeur, aux motifs :
- que le processus d'évaluation de la disponibilité du chômeur pour le marché de l'emploi par le truchement du contrat d'activation a un « caractère contractuel » et qu'il faut avoir égard au principe de l'exécution de bonne foi des conventions et tenir compte « des obligations de loyauté, de pondération et de collaboration, consacrées par l'article 1134, alinéa 3, du Code civil » ;
- que, selon le « vade-mecum » destiné au facilitateur, celui-ci tient compte, dans son évaluation des efforts fournis par le chômeur, de divers facteurs dont les « éventuels éléments de discrimination » ;
- que, « au regard de ces différents critères d'appréciation, la situation [du défendeur] était caractérisée par [...] une formation de base des plus réduites [...] ; des possibilités de déplacement en dehors de sa région limitées [...] ; des aptitudes au travail [...] limitées en raison de son état de santé [...] ; un état de santé problématique » ;
- que le défendeur est atteint d'une « diminution de capacité physique de nature à limiter les postes auxquels il pouvait effectivement postuler », ce qui « aurait dû être pris en considération, lors de l'évaluation de ses efforts de recherche d'emploi, au titre d'un éventuel élément de discrimination », et qu'il s'agissait « d'un élément d'appréciation de la manière dont il a exécuté [ses obligations], évaluation qui ne pouvait être raisonnablement effectuée avec la même rigueur que celle dont il peut être fait preuve en présence d'un demandeur d'emploi disposant de sa pleine capacité de travail » ;
- que « la décision individuelle prise à l'issue d'une évaluation des efforts du demandeur d'emploi qui, comme [le défendeur], voit son aptitude physique au travail sensiblement réduite en raison de problèmes de santé, sans que cette circonstance particulière rendant objectivement plus difficile sa recherche d'emploi ait été dûment prise en considération dans l'appréciation du respect de ses engagements, est constitutive d'une discrimination en ce qu'elle a pour effet d'évaluer avec la même rigueur les efforts d'activation consentis par [le défendeur] que ceux qu'il aurait été à même d'entreprendre s'il n'avait pas été atteint de ces problèmes de santé » ;
- que « l'évaluation qui a été faite des efforts de recherche d'emploi [du défendeur] [...], sans qu'aient été aucunement pris en considération les problèmes de santé lui rendant ces efforts plus difficiles qu'à un demandeur d'emploi disposant de sa pleine capacité de travail et ne présentant pas les restrictions médicales dont il est affecté par rapport aux emplois que sa formation lui rendait effectivement accessibles, est constitutive d'une différence de traitement discriminatoire parce que cette appréciation de l'exécution de ses engagements a été effectuée avec la même rigueur que celle dont il convient de faire preuve à l'égard d'un demandeur d'emploi indemne de tout handicap ».
L'arrêt fait ainsi grief en substance au demandeur de ne pas avoir tenu compte de l'état de santé du défendeur dans son appréciation du respect par celui-ci de ses obligations alors que, d'une part, ces dernières étaient précisément fixées en fonction de cet état de santé et que, d'autre part, celui-ci n'était pas constitutif d'un cas de force majeure.
13. Ce faisant, l'arrêt attaqué :
1° méconnaît que les actions prévues au second contrat d'activation de recherche d'emploi souscrit par le chômeur, visé à l'article 59quinquies, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, actions que le directeur doit évaluer, sont choisies par celui-ci, « en tenant compte de la situation spécifique du chômeur », dans la liste d'actions visée à l'article 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004, figurant en annexe à cet arrêté ministériel et laissant une possibilité d'adaptation, notamment quant à leur fréquence, et que dès lors, en principe, le chômeur qui se trouve dans une situation particulière comportant d'éventuels éléments de discrimination est normalement à même de réaliser ces actions (violation des articles 59quinquies, § 5, alinéas 1er à 3, dudit arrêté royal et 3 de l'arrêté ministériel du 5 juillet 2004 et de son annexe) ; qu'à tout le moins, tel est censé être le cas à défaut de recours juridictionnel du chômeur contre le choix ainsi opéré par le directeur (violation de l'article 7, § 11, alinéas 1er et 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs) ;
2° méconnaît qu'une fois qu'il s'est valablement engagé, dans le second contrat d'activation de sa recherche d'emploi visé à l'article 59quinquies, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, à mener des actions choisies par le directeur en fonction de sa situation spécifique et qu'il a été informé de ce que le respect de cet engagement sera évalué dans un troisième entretien, le chômeur ne peut, sauf cas de force majeure, être délié de son engagement au prétexte qu'il n'est pas capable de mener ces actions comme pourrait le faire un autre chômeur qui ne se trouve pas dans sa situation spécifique et que son évaluation du respect des obligations souscrites doit tenir compte de cette circonstance (violation des articles 59quinquies, § 5, alinéas 1er à 4, 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, et 3, dudit arrêté royal et, pour autant que de besoin, des articles 56, § 1er, alinéa 1er, 58, § 1er, alinéa 1er, du même arrêté royal et 1147 et 1148 du Code civil) ;
3° méconnaît qu'il n'y a, au moment de l'évaluation du respect des engagements souscrits par les chômeurs dans les contrats d'activation de la recherche d'emploi, pas de discrimination entre les chômeurs atteints de problèmes spécifiques, comme des problèmes de santé, et ceux qui ne sont pas atteints de pareils problèmes, dès lors que, d'une part, depuis l'abrogation du 5° de l'alinéa 1er de l'article 59bis de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, entré en vigueur le 1er novembre 2012, les chômeurs qui justifient d'une inaptitude permanente au travail d'au moins 33 p.c. ne sont plus exemptés de la procédure de suivi du comportement de recherche active d'emploi (violation de l'article 59bis, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991) et que, d'autre part, les actions que les chômeurs s'engagent à mener ont été choisies, et leur fréquence fixée, par le directeur en fonction de leur situation spécifique, y compris leurs problèmes de santé éventuels (violation des articles 59quater, § 5, alinéas 1er à 4, 59quinquies, § 5, alinéas 1er à 4, et 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, et 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, 10 et 11 de la Constitution et du principe général du droit de l'égalité des Belges devant la loi et de non-discrimination consacré par lesdits articles de la Constitution) ;
4° viole l'article 159 de la Constitution en refusant de donner effet à l'évaluation négative par le directeur du respect par le défendeur des engagements souscrits dans le cadre de son second contrat d'activation au prétexte d'une prétendue discrimination entre les chômeurs atteints de problèmes spécifiques et ceux qui ne sont pas atteints de pareils problèmes ;
5° refuse illégalement de donner effet à la sanction du non-respect de l'engagement souscrit dans le contrat visé à l'article 59quinquies, § 5, alinéas 1er à 4, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, prévue à l'article 59sexies, § 6, alinéa 1er, 2°, dudit arrêté royal (violation de ces deux dispositions).

Quatrième branche

14. L'article 1315, alinéa 1er, du Code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Aux termes de l'article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue. Selon l'article 59quater, § 3, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, le chômeur prouve les démarches qu'il a effectuées par toutes voies de droit, y compris la déclaration sur l'honneur.
Poursuivant l'annulation de la décision prise par le demandeur à l'encontre du défendeur le 22 juillet 2013 de réduire le montant de ses allocations pendant six mois et ensuite de l'exclure du bénéfice des allocations en raison de l'évaluation négative que le directeur a faite, dans le cadre de l'article 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, du respect de ses engagements souscrits dans le second contrat d'activation de sa recherche d'emploi, le défendeur ne pouvait se contenter d'alléguer que le directeur n'a pas tenu compte de l'élément de discrimination que constitue sa diminution de capacité physique. Il devait le prouver.
Or, il ne ressort d'aucune constatation de l'arrêt attaqué que, au moment de l'évaluation qu'il a faite du respect par le défendeur de ses engagements, le directeur n'aurait pas tenu compte dudit élément de discrimination.
Pourtant, pour faire droit au recours du défendeur contre la décision prise par le demandeur le 22 juillet 2013, l'arrêt attaqué considère que « cette diminution de capacité physique de nature à limiter les postes auxquels il pouvait effectivement postuler aurait dû être prise en considération, lors de l'évaluation de ses efforts de recherche d'emploi, au titre d'un éventuel élément de discrimination » et il tient pour acquis que le directeur n'a pas tenu compte de cet élément, ce que le défendeur aurait dû prouver.
L'arrêt méconnaît ainsi les règles relatives à la charge de la preuve (violation des articles 1315, alinéa 1er, du Code civil, 870 du Code judiciaire, 59quater, § 3, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et, en tant que de besoin, 59sexies, §§ 1er, alinéa 1er, 3, alinéa 2, 5 et 6, alinéa 1er, 2°, dudit arrêté royal).
15. À tout le moins, les constatations de l'arrêt attaqué ne permettent pas de déterminer si le directeur a ou non tenu compte de la diminution de capacité physique du défendeur lors de l'évaluation qu'il a faite des engagements souscrits par celui-ci. L'arrêt attaqué ne permet dès lors pas à la Cour d'exercer son contrôle de légalité au regard des dispositions légales visées sub 14. Partant, il n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La décision de la Cour

Quant aux première et deuxième branches réunies :

L'article 56, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dispose que, pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit être disponible pour le marché de l'emploi et l'article 58, § 1er, alinéa 1er, qu'il doit rechercher activement un emploi.
Le directeur du bureau du chômage est chargé par l'article 59bis, § 1er, alinéa 1er, du même arrêté de suivre le comportement de recherche active d'emploi de certains chômeurs complets selon les modalités prévues aux articles 59ter à 59decies.
Les articles 59quater, § 5, 59quinquies, § 5, et 59sexies, §§ 5 et 6, dans la version applicable au litige, prévoient que, si le directeur évalue de manière négative les efforts fournis par le chômeur pour s'insérer sur le marché du travail, il l'invite à souscrire un premier contrat écrit dans lequel le chômeur s'engage à mener les actions concrètes qui sont attendues de lui, que, si le directeur estime que le chômeur n'a pas respecté l'engagement souscrit dans ce contrat, il l'invite à en souscrire un second et que, s'il estime qu'il n'a pas respecté l'engagement souscrit dans ce second contrat, il l'exclut du bénéfice des allocations.
La procédure administrative de suivi du comportement de recherche active d'emploi a pour but, à la fois, de préciser en concertation avec le chômeur les actions concrètes que ce dernier doit mener pour satisfaire à son obligation de rechercher activement un emploi, compte tenu de sa situation spécifique ainsi que des critères de l'emploi convenable, et de vérifier s'il satisfait à cette obligation.
La convocation du chômeur à l'entretien d'évaluation, l'évaluation, l'invitation du chômeur à souscrire un contrat d'activation, le choix en concertation avec le chômeur des actions concrètes reprises dans ce contrat et l'exclusion du chômeur du bénéfice des allocations constituent des actes administratifs unilatéraux du directeur qui procèdent de l'exercice de la puissance publique.
Le contrat d'activation ne constitue pas un contrat soumis aux dispositions du Code civil mais l'acte constatant la formalité de la concertation suivie avec le chômeur pour préciser les conditions auxquelles il satisfera à son obligation de rechercher activement un emploi.
Le moyen, qui, en ces deux branches, repose tout entier sur le soutènement qu'il est soumis aux articles 1134, 1135, 1137, 1147 ou 1148 de ce code, manque en droit.

Quant à la troisième branche :

Ainsi qu'il est dit en réponse aux première et deuxième branches du moyen, le contrat d'activation n'est pas soumis aux articles 1147 et 1148 du Code civil.
Pour le surplus, en vertu des articles 59ter, 59quater, 59quinquies de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, dans la version applicable au litige, le directeur évalue les efforts fournis par le chômeur pour s'insérer sur le marché du travail, après un avertissement, dans des délais et sur la base d'informations et critères déterminés, au cours d'entretiens d'évaluation où le chômeur est présent et peut se faire accompagner ou assister ; en cas d'évaluation négative, le chômeur est invité à souscrire un contrat écrit dans lequel il s'engage à mener des actions concrètes choisies selon certains critères. Suivant l'article 59quinquies, § 5, si le directeur estime que le chômeur n'a pas fourni des efforts suffisants pour s'insérer sur le marché du travail, conformément à l'engagement qu'il a souscrit dans le premier contrat, il informe le chômeur de cette évaluation négative ; le chômeur est en outre invité à souscrire un second contrat écrit dans lequel il s'engage à mener des actions concrètes qui sont attendues de lui au cours des mois suivants ; ces actions concrètes sont choisies par le directeur en tenant compte de la situation spécifique du chômeur et des critères de l'emploi convenable existants, dans une liste modèle d'actions obligatoires ou facultatives établie par le ministre après avis du comité de gestion.
L'article 59sexies, §§ 1er à 5, du même arrêté royal, dans la version applicable au litige, prévoit que le directeur procède, dans des délais et formes déterminés et en tenant compte de critères concernant la situation spécifique du chômeur, à une troisième évaluation des efforts fournis par le chômeur pour s'insérer sur le marché du travail, conformément à l'engagement souscrit dans le second contrat écrit, visé à l'article 59quinquies, § 5, précité. En vertu de l'article 59sexies, § 6, si le directeur estime que le chômeur n'a pas respecté cet engagement, il l'exclut du bénéfice des allocations dans la mesure précisée par cette disposition.
Lorsque, sur la base de l'article 59sexies, § 6, le directeur exclut un chômeur du bénéfice des allocations et que ce dernier conteste cette décision, une contestation naît entre l'Office national de l'emploi et le chômeur sur le droit aux allocations dont il est exclu. Cette contestation ressortit au tribunal du travail en vertu des articles 580, 2°, du Code judiciaire et 7, § 11, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
Saisi d'une telle contestation, le tribunal du travail exerce un contrôle de pleine juridiction sur la décision du directeur. Dans le respect des droits de la défense et du cadre de l'instance, tel que les parties l'ont déterminé, tout ce qui relève du pouvoir d'appréciation du directeur est soumis au contrôle du tribunal du travail. Il lui appartient de contrôler la conformité de cette décision aux lois et règlements en matière de chômage et de statuer sur les droits du chômeur aux allocations, en vérifiant que le chômeur satisfait aux conditions de ce droit.
S'agissant de la condition de rechercher activement un emploi, le tribunal du travail contrôle que le second contrat écrit prévu par l'article 59quinquies, § 5, qui précise concrètement les actions que le chômeur doit mener pour y satisfaire, a été établi en concertation avec ce dernier dans le respect des délais, formes et critères d'évaluation et de choix des actions prévus par les articles 59bis à 59quinquies.
Il découle des articles 59quinquies, § 5, et 59sexies, §§ 5 et 6, précités que, si le second contrat écrit a été établi dans le respect de ces articles 59bis à 59quinquies, la vérification par le tribunal du travail de la condition que le chômeur a recherché activement un emploi consiste à vérifier qu'il s'est conformé à l'engagement souscrit dans ce second contrat écrit.
La circonstance que le chômeur n'a pas exercé de recours devant le tribunal du travail contre les convocations, évaluations, invitations à souscrire les contrats écrits ou choix des actions concrètes reprises dans ces contrats n'affecte pas le pouvoir du tribunal du travail de contrôler la légalité de la décision de l'Office national de l'emploi excluant du droit aux allocations le chômeur qui ne satisfait pas à l'obligation de rechercher activement un emploi, et de statuer sur le droit du chômeur aux allocations en vérifiant s'il satisfait à cette condition, partant, que les actions concrètes qui la précisent ont été déterminées conformément aux articles 59bis à 59quinquies précités.
Fondé sur un soutènement juridique différent, le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

Suivant l'article 59sexies, § 3, précité, dans son évaluation des efforts fournis par le chômeur pour s'insérer sur le marché du travail, conformément à l'engagement souscrit dans le second contrat écrit, le directeur tient compte des aptitudes du chômeur et d'éventuels éléments de discrimination.
Ainsi qu'il est dit en réponse à la troisième branche du moyen, dans la vérification que le chômeur satisfait à la condition du droit aux allocations de rechercher activement un emploi, conformément à l'engagement souscrit dans ce second contrat écrit, le tribunal du travail exerce un contrôle de pleine juridiction et, dans le respect des droits de la défense et du cadre de l'instance, tel que les parties l'ont déterminé, tout ce qui relève du pouvoir d'appréciation du directeur est soumis à son contrôle.
L'arrêt constate que « la situation [du défendeur] était caractérisée [...], lorsqu'il a fait l'objet de l'évaluation de ses engagements souscrits dans le cadre du second contrat d'activation, [par] un état de santé problématique [...] dont la réalité sera [...] reconnue par le médecin agréé de l'Office national de l'emploi, [qui] conclura [qu'il] présente une inaptitude permanente de 40 p.c. ».
Il énonce, sans être critiqué, que cette réduction des aptitudes du défendeur doit être prise en considération lors de l'évaluation du « respect par [le défendeur] de ses engagements souscrits dans le cadre du second contrat d'activation ».
Il considère qu' « en dépit de ses problèmes de santé, [le défendeur] a accentué sensiblement ses efforts de recherche d'emploi, puisque, alors qu'il devait établir cinq offres spontanées par mois, il réalise ce score durant les mois de mars, mai et juin 2013 précédant l'évaluation, une seule manquant en avril et deux en juillet 2013 », et que « le grief qui lui est par ailleurs fait d'avoir représenté sa candidature à des postes de travail qu'il avait sollicités dans le secteur de la grande distribution dans le cours de l'exécution de son premier contrat d'activation ne résiste pas à l'analyse » compte tenu notamment des « restrictions à son aptitude physique ».
Il ressort de ces considérations que la cour du travail a apprécié si le défendeur s'était conformé à l'engagement souscrit dans le second contrat d'activation et qu'elle a considéré que, compte tenu de la réduction dûment prouvée de ses aptitudes, il s'y était conformé.
En statuant de la sorte, l'arrêt ne méconnaît pas les règles relatives à la charge de la preuve résultant des articles 1315, alinéa 1er, du Code civil, 870 du Code judiciaire et des dispositions invoquées par le moyen, en cette branche, des articles 59quater et 59sexies de l'arrêté royal.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent nonante-sept euros trente-six centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body E. de Formanoir A. Lievens
M. Delange K. Mestdagh Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.16.0012.F
Date de la décision : 11/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-11;s.16.0012.f ?

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