V. S.,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Thibault Bouvier, avocat au barreau de Namur, dont le cabinet est établi à Namur (Beez), avenue Reine Elisabeth, 40, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2014 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la troisième branche :
En vertu de l'article 23, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent directement ou indirectement d'activités de toute nature et comptent, parmi les cinq catégories énumérées, celle des profits.
L'article 27 de ce code prévoit, en son alinéa 1er, que les profits sont tous les revenus d'une profession libérale, charge ou office et tous les revenus d'une occupation lucrative qui ne sont pas considérés comme des bénéfices ou des rémunérations et, en son alinéa 2, qu'ils comprennent : 1° les recettes ; 2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle ; 3° toutes les plus-values réalisées sur des éléments de l'actif affectés à l'exercice de la profession ; 4° les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de l'activité professionnelle : a) en compensation ou à l'occasion de tout acte quelconque susceptible d'entraîner une réduction de l'activité professionnelle ou des profits de celle-ci ; b) en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de profits ; 5° les indemnités des parlementaires ; 6° les indemnités des membres des conseils régionaux.
D'une part, dès lors que l'article 23, § 1er, en donne la définition, la notion de revenus professionnels ne peut être prise dans son sens usuel pour l'application de l'impôt des personnes physiques.
D'autre part, l'article 27, alinéas 1er et 2, n'énumère pas de manière limitative les catégories de profits susceptibles d'être taxées mais qualifie de profits aussi bien les revenus d'une profession libérale, charge ou office que tous les revenus d'une occupation lucrative autres que les bénéfices ou les rémunérations, quelle que soit leur dénomination.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la première branche :
Il suit de la réponse à la troisième branche que le moyen, qui, en cette branche, procède de l'affirmation que les profits sont énumérés de manière limitative à l'article 27 du Code des impôts sur les revenus 1992, lequel les rangerait en six catégories, manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen fait grief à l'arrêt de dire les revenus litigieux imposables à titre de profits sans chercher à déterminer et vérifier si ces revenus sont effectivement des revenus professionnels ni à préciser de quelle catégorie de profits ils relèvent.
Ce grief est étranger à l'article 6 du Code judiciaire.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la quatrième branche :
Le moyen, qui, en cette branche, ne critique pas l'arrêt, est irrecevable.
Quant à la cinquième branche :
La circonstance que des sommes d'argent qu'un travailleur s'attribue illicitement au préjudice de son employeur ne répondent pas à la notion de rémunération au sens de l'article 31, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 n'exclut pas que ces sommes puissent constituer des revenus professionnels imposables d'une autre catégorie.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Et il n'y a dès lors pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suggérée par le demandeur, qui repose sur une prémisse juridique inexacte.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
En énonçant que l'intention du demandeur de pratiquer, à la faveur des détournements litigieux, des prélèvements irréguliers sans volonté avérée de les rembourser « implique également celle de celer l'existence de ces prélèvements et, partant, de ne pas les déclarer en évitant l'impôt qui est normalement dû sur ceux-ci », l'arrêt décide, par une appréciation qui gît en fait, que l'intention d'éluder l'impôt est établie.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur la supposition que la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le moyen, qui, en cette branche, sans indiquer la disposition légale violée, fait grief à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur, est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
L'arrêt constate, par référence à l'exposé des faits du premier juge, que le dossier répressif à charge du demandeur « a révélé l'existence de détournements de fonds imputables à l'intéressé à l'occasion de l'exercice [de ses mandats judiciaires de curateur de faillite et d'administrateur provisoire] », que le redressement fiscal a consisté « à ajouter le produit de ces détournements aux profits déclarés par [le demandeur] », que « le supplément d'impôt [en résultant] était frappé d'un accroissement d'impôt de 50 p.c. au titre de sanction pour déclaration volontairement incomplète, la circonstance de l'intention d'éluder l'impôt étant retenue », et qu'« il s'agit de la cotisation objet du litige ».
Il relève, par des motifs propres, que la contestation porte sur la qualification fiscale desdits revenus et sur le taux de l'accroissement.
Par ces énonciations, d'où il ressort que l'accroissement d'impôt litigieux a été calculé sur le supplément d'impôt afférent aux revenus non déclarés provenant des détournements, l'arrêt, qui statue sur la demande de rectification, répond, par une appréciation contraire en fait, aux conclusions du demandeur soutenant que l'accroissement de 50 p.c. enrôlé se rapporte à la totalité des impôts de l'exercice d'imposition et non, comme l'exige l'article 444 du Code des impôts sur les revenus 1992, aux impôts dus sur la portion des revenus non déclarés.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de nonante-sept euros soixante-deux centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du huit décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont
S. Geubel
M. Lemal
M. Delange
D. Batselé
Chr. Storck