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08/12/2017 | BELGIQUE | N°C.17.0101.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, Première chambre, 08 décembre 2017, C.17.0101.F


AG INSURANCE, société anonyme dont le siège social est établi à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

A. K.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la

Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2016 par la cour d'app...

AG INSURANCE, société anonyme dont le siège social est établi à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

A. K.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 21 novembre 2017, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la deuxième branche :

Suivant l'article 58, § 1er, de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, applicable aux faits, sont visées par la section relative aux contrats conclus en dehors des locaux de l'entreprise, les ventes au consommateur de biens et services effectuées par une entreprise à la résidence du consommateur ou d'un autre consommateur, ainsi qu'au lieu de travail du consommateur, pendant une excursion organisée par ou pour l'entreprise en dehors de sa surface de vente ou dans les salons, foires et expositions, pour autant qu'il n'y ait pas paiement sur place de la somme totale et que le prix excède 200 euros.

En vertu de l'article 60 de cette loi, les ventes au consommateur visées par ladite section doivent faire l'objet d'un contrat écrit et ce contrat doit notamment mentionner, à peine de nullité, la clause de rétractation, rédigée en caractères gras dans un cadre distinct du texte, au recto de la première page, stipulant que, dans les sept jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du contrat, le consommateur a le droit de se rétracter sans frais de son achat, à condition d'en prévenir l'entreprise par lettre recommandée à la poste, que toute clause par laquelle le consommateur renoncerait à ce droit est nulle et qu'en ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci.

Il suit de ces dispositions que, pour être soumis à l'obligation faite par l'article 60 précité d'insérer une clause de rétractation, le contrat doit avoir pour objet la vente par une entreprise à un consommateur de biens ou de services.

Au sens de ces dispositions, est un contrat de vente, celui en vertu duquel une entreprise transfère ou s'engage à transférer la propriété des biens à un consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services, et est un contrat de service, tout contrat autre qu'un contrat de vente en vertu duquel une entreprise fournit ou s'engage à fournir un service à un consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de celui-ci.
Aux termes de l'article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

Un tel contrat n'est pas un contrat de vente ou de service au sens des articles 58 et 60 précités.

Par adoption des motifs du premier juge, l'arrêt constate que le défendeur a fait assurer son immeuble contre le risque incendie auprès de la demanderesse, que cet immeuble a été détruit par un incendie le 2 février 2012, qu'une réunion d'expertise s'est tenue le 13 avril 2012 en présence des experts respectifs de la demanderesse et du défendeur, que, « lors de cette réunion, un procès-verbal d'évaluation de dommage est établi et signé par l'expert de la compagnie et [le défendeur]. Le montant du dommage est alors estimé à 345.661,12 euros, majoré de la taxe sur la valeur ajoutée sur 278.734,57 euros. Il y est précisé que cette évaluation est faite sans aucune reconnaissance préjudiciable tant en ce qui concerne les responsabilités qu'en ce qui concerne l'applicabilité du contrat d'assurance en cause et sous réserve de son approbation par la compagnie » et qu'interrogé par le détective mandaté par la demanderesse, le défendeur a fait trois déclarations, dont la troisième, « signée vers 16 heures 10, [est] libellée comme suit : ‘Vous pouvez clôturer ce dossier par le versement de 245.207,40 euros + taxe sur la valeur ajoutée sur 209.923,05 euros (taxe sur la valeur ajoutée payée sur présentation des factures acquittées). Les frais d'expertise contractuels seront payés au contre-expert. Des montants susmentionnés seront déduites les avances déjà consenties et la franchise contractuelle. Dès ce jour, les travaux peuvent être commencés. Un versement de 50.000 euros moins avances consenties sera effectué au compte [...] au nom [du défendeur] avant la fin de ce mois' ».
L'arrêt, qui considère que, « dès lors que la convention litigieuse [du 13 avril 2012] est une transaction et non une ‘vente' d'assurance, elle doit être comprise comme une vente de service à laquelle la loi sur les pratiques du marché s'applique et [qu']à défaut pour l'assureur d'avoir mentionné le droit de rétractation sur la convention litigieuse, celle-ci doit être annulée », viole les dispositions légales précitées.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Et il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du huit décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

P. De Wadripont
S. Geubel
M. Lemal
M. Delange
D. Batselé
Chr. Storck


Requête

POURVOI EN CASSATION

POUR : La société anonyme AG INSURANCE, inscrite à la Banque Carre¬four des Entreprises sous le numéro 0404.494.849, dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain 53,

Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me. Hu¬guette Geinger, avocat à la Cour de Cassation, dont le ca¬binet est établi à 1000 Bruxelles, rue Quatre Bras 6, chez qui il est fait élec¬tion de domicile,

CONTRE: A. K.,

Défendeur en cassation.

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Mes¬sieurs les Conseillers, composant la Cour de Cassation,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à la censure de Vo¬tre Cour l'arrêt, rendu le 4 octobre 2016 par la troisième chambre A de la Cour d'appel de Liège (2014/RG/1274).

* * *

RETROACTES

1.1 Le défendeur avait conclu avec la demanderesse un contrat d'assurance incendie relatif à son immeuble sis à B., pre¬nant effet le 15 juin 2002.

L'immeuble assuré fut détruit par un incendie en date du 2 février 2012.

1.2 Le préjudice, subi à l'immeuble, fut fixé en valeur contractuelle, selon procès-verbal d'estimation amiable contradictoire établi le 13 avril 2012, à 345.661,12 EUR + la tva sur 278.734,57 EUR. Ce procès-verbal précisa que l'évaluation est établie sans aucune reconnaissance préjudiciable, tant en ce qui concerne les responsabilités qu'en ce qui concerne l'applicabilité du contrat d'assurance en cause et sous réserve de son approbation par la compagnie.

Il était apparu, après la réalisation du sinistre, que le risque n'avait pas été correctement déclaré lors de la souscription du contrat (le contrat pré¬voyait e.a. que le bâtiment principal n'était pas en bois et que les éléments por¬tants étaient en matériaux incombustibles, tandis qu'il s'agissait d'une maison à ossature bois, dont les éléments portants et toute la structure était en matériaux combustibles), de sorte que la demanderesse était en droit de réduire sa pres¬tation conformément aux conditions générales du contrat d'assurance et à l'ar¬ticle 7, §3 de la loi du 25 juin 1992.

La demanderesse était en outre, compte tenu des origines incer-taines du sinistre et de certains éléments de suspicion, en droit de suspendre sa prestation dans l'attente de pouvoir prendre connaissance du dossier pénal.

Lors de la réunion d'expertise du 13 avril 2012, après délibération entre les parties, le défendeur signa une déclaration valant accord transaction¬nel, libellée comme suit :
« Vous pouvez clôturer ce dossier par le versement de 245.207,40 euro plus TVA 21% sur 209.923,05 euro (TVA payée sur présentation des factures acquittées). Les frais d'expertise contractuels seront payés au contre expert. Les pertes in¬directs seront payés en fonction des conditions du contrat. Des montants sus¬mentionnés seront déduits des avances déjà consenties et la franchise contrac¬tuelle. Dès ce jour, les travaux peuvent être commencés. Un versement de 50.000 euro moins avances consenties sera effectué au compte ... au nom de K. avant la fin de ce mois ».

Il fut ainsi transigé afin de faire bref procès et de couper court à toute discussion, notamment sur certaines incertitudes concernant les causes du sinistre, la composition des matériaux, la règle proportionnelle qui serait éventuellement applicable et qui aurait nécessité des investigations complé¬mentaires pour déterminer le pourcentage exact de matériaux combustibles uti¬lisés dans la construction.

Le solde de l'indemnité (soit 195.207,40 EUR) revenant au défen-deur en exécution de l'accord intervenu, lui fut versé en date du 8 avril 2013. Les frais d'expertise furent payés à l'expert du défendeur et les pertes indirectes furent payées le 2 décembre 2013. Le 4 février 2015, la demanderesse versa encore la somme de 31.277,45 EUR au défendeur, pour les droits d'enregistre¬ment payés pour l'acquisition d'un nouvel immeuble et la TVA sur les factures produites.

1.3 Le 8 avril 2013, le défendeur cita la demanderesse devant le Tribunal de première instance de Liège. Invoquant la nullité de la transaction, il sollicita la condamnation de la demanderesse à lui payer un montant de 294.661,12 EUR à titre provisionnel, à augmenter des intérêts.

En ses ultimes conclusions de synthèse, le défendeur demanda au tribunal de première instance de dire la transaction du 13 avril 2012 nulle et sans effet à défaut de concessions dans le chef de la demanderesse et de con¬damner la demanderesse à lui payer un montant de 153.209 EUR, à augmenter des intérêts.

Par jugement du 24 juin 2014, le Tribunal de première instance de Liège dit la demande du défendeur irrecevable, au motif qu'un contrat de tran¬saction avait été conclu le 13 avril 2012 ayant entre les parties autorité de chose jugée en dernier ressort.

Le défendeur interjeta appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions de synthèse d'appel, il sollicita la condamnation de la demande¬resse à lui payer, à titre principal, 114.561,61 EUR ou, à titre subsidiaire, 13.107,89 EUR, montants à augmenter des intérêts.

Par arrêt du 4 octobre 2016, la Cour d'appel de Liège réforma le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la validité de la convention de transac¬tion litigieuse, celle-ci étant nulle.

Avant d'examiner le bien-fondé de la demande du défendeur, sans tenir compte de la transaction invoquée, la cour d'appel ordonna la réouverture des débats.

La demanderesse estime pouvoir présenter le moyen de cassa-tion ci-après développé à l'encontre dudit arrêt du 4 octobre 2016.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violées

- l'article 149 de la Constitution,
- les articles 2,4°, 2,5°, 2,6°, 40,§2, 58, 59 et 60 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du commerce et à la protection du consommateur, tels qu'en vigueur avant l'abrogation de cette loi par l'article 8 de la loi du 21 décembre 2013 portant insertion du titre VI "Pratiques du marché et protection du con¬sommateur" dans le Code de droit économique et portant insertion des défi¬nitions propres au livre VI, et des dispositions d'application de la loi propres au livre VI, dans les Livres Ier et XV du Code de droit économique (ci-après : « la loi du 6 avril 2010 »),
- les articles 1582 et 2044 du Code civil.

Décision attaquée

Dans l'arrêt du 4 octobre 2016, la Cour d'appel de Liège reçoit l'ap¬pel formé par le défendeur à l'encontre du jugement, rendu le 24 juin 2014 par le Tribunal de première instance de Liège, division Liège, et réforme ce juge¬ment en ce qu'il a reconnu la validité de la convention de transaction litigieuse, celle-ci étant nulle.

En ce qui concerne les faits de la cause, la cour d'appel constate, en tenant l'exposé du premier juge pour reproduit (arrêt, p. 2, avant dernier ali¬néa) :

« (Le défendeur) a fait assurer en RC incendie son immeuble situé à B. auprès de (la demanderesse) avec prise d'effet au 15 juin 2002. Le 2 février 2012, cet immeuble a été détruit par un incendie.

Un dossier répressif a été ouvert et classé sans suite le 4 avril 2012.

Une réunion d'expertise s'est tenue le 13 avril 2012 en présence l'expert (du défendeur), monsieur B. et de l'expert de (la demanderesse), soit le bureau V.

Lors de cette réunion, un procès-verbal d'évaluation de dommage est établi et signé par l'expert de la compagnie et (le défendeur). Le montant du dommage est alors estimé à 345.661,12 euros majoré de la TVA sur 278.734,57 euros. Il y est précisé que cette évaluation est faite sans aucune reconnaissance préju¬diciable tant en ce qui concerne les responsabilités qu'en ce qui concerne l'ap¬plicabilité du contrat d'assurance en cause et sous réserve de son approbation par la compagnie.

Un détective privé mandaté par (la demanderesse) en la personne de monsieur N. était également présent lors de cette réunion.

Interrogé par Monsieur N., (le défendeur) va faire trois déclarations :

- Une première déclaration signée à 15 h libellée comme suit : « l'architecte était le Bureau d'Architecture A. dont je pourrais vous communiquer les coordonnées. Il n'y a pas eu de surveillance du chantier. J'ai construit moi-même ma maison tout en respectant le plan de l'architecte. Le gros œuvre a été réalisé par la société M. S .A. Je n'entreposais ni essence, ni produit inflammable dans la maison. Le jour du sinistre, j'ai quitté à 6.30h et je suis prévenu vers 8.30h à mon GSM par un voisin P. H. (dans la même rue) de la fumée sortait du toit. Cela faisait deux à trois jours que le feu ouvert tournait en continu (il s'agit en fait d'une cassette) ».

- Une deuxième déclaration non signée libellée comme suit : Les éléments portant et toute la structure sont en matériaux combustibles. Je vous trans¬mettrai les plans et le cahier des charges de la construction. J'ai pris note que :
ͦ Le bâtiment doit rester en l'état sauf accord écrit et explicite de la compa¬gnie,
ͦ Que la compagnie se réserve le droit à une expertise des matériaux de construction utilisés et de la cause du sinistre ;
ͦ Que cette expertise pourrait éventuellement déboucher sur la non inter¬vention de la compagnie ou une réduction de l'indemnité de +/- 67 %.

- Une troisième déclaration est ensuite signée vers 16 h 10 et libellée comme suit : « Vous pouvez clôturer ce dossier par le versement de 245.207,40 euro + TVA sur 209.923,05 euro (tva payée sur présentation des factures acquittées). Les frais d'expertise contractuels seront payés au contre expert. Des mon¬tants susmentionnés seront déduites les avances déjà consenties et la fran¬chise contractuelle. Dès ce jour, les travaux peuvent être commencés. Un versement de 50.000 euro moins avances consenties sera effectué au compte ... au nom de K. avant la fin de ce mois » » (jugement du Tribunal de première instance de Liège, division Liège, du 24 juin 2014, pp. 2-4).

La cour d'appel fonde ensuite sa décision sur les motifs suivants :

« (Le défendeur) postule la condamnation de son assureur à lui payer la pres¬tation d'assurance qu'il estime lui être due, suite à un incendie qui a endom¬magé son immeuble le 2/2/2012, risque assuré auprès de (la demanderesse).

(La demanderesse) considère avoir rempli ses obligations en payant à son as¬suré la somme de 290.931,08 euro , en exécution d'une transaction intervenue entre les parties le 13/4/2012.

1. (Le défendeur) conteste cette transaction pour plusieurs raisons dont une qu'il n'avait pas soumise au premier juge, il allègue le droit, octroyé au consom¬mateur par la loi du 6/4/2010 sur les Pratiques du Marché, de se rétracter des contrats conclus en dehors des locaux de l'entreprise, droit qui doit être men¬tionné dans ledit contrat, à défaut de quoi celui-ci peut être annulé.

L'article 60 de ladite loi énonce en effet :

« Sans préjudice des règles régissant la preuve en droit commun, les ventes au consommateur visées par la présente section doivent, à peine de nullité, faire l'objet d'un contrat écrit, rédigé en autant d'exemplaires qu'il y a de parties con¬tractantes ayant un intérêt distinct. Ce contrat doit mentionner : - le nom et l'adresse de l'entreprise; - la date et le lieu de la conclusion du contrat;
- la désignation précise du bien ou du service, ainsi que ses caractéristiques principales; - le délai de livraison du bien ou de la prestation de service;
- le prix à payer et les modalités de paiement; - la clause de rétractation sui¬vante, rédigée en caractères gras dans un cadre distinct du texte, au recto de la première page : "Dans les sept jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du présent contrat, le consommateur a le droit de se rétracter sans frais de son achat, à condition d'en prévenir l'entreprise par lettre recom¬mandée à la poste. Toute clause par laquelle le consommateur renoncerait à ce droit est nulle. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci". Cette dernière mention est prescrite à peine de nullité du contrat. »

Il n'est pas contesté que la transaction litigieuse a été conclue chez l'assuré, dans sa maison incendiée, soit en dehors des locaux de (la demanderesse) qui est une entreprise au sens de l'article 2.1° de la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.

Certes, l'article 59 de la dite loi énonce que la section 3 du chapitre III DES CONTRATS AVEC LES CONSOMMATEURS ne s'applique pas aux ventes d'assurances ; toutefois, les transactions conclues en exécution des obligations découlant de ces ventes ne sont pas des ventes et tombent dans le champ d'application de la disposition alléguée.

En effet, la loi du 25/6/1992 a exclu les ventes d'assurance du champ d'appli¬cation de la disposition spécifique.

Il apparaît que cette exclusion de la « vente d'assurance » figurait déjà dans la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et la protection du consom¬mateur et a été reprise par la suite tel quel notamment par la loi du 6 avril 2010.

Cette exclusion a été insérée par un amendement dont la justification a été la suivante :

« Il convient d'exclure de l'application des articles 69 et 72 et notamment le bénéfice d'un délai de réflexion les assurances ; en effet, ce délai risque de donner lieu à des abus de la part de consommateurs mal intentionnés qui cher¬cheraient à se faire couvrir par une assurance, en cas de couverture immédiate, sans devoir payer la prime. »

(Sénat de Belgique - Session 1986-1987-n° 810 - Projet de loi sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur - Rapport de la commission de l'économie)

Dès lors que la convention litigieuse est une transaction et non une « vente » d'assurance, elle doit être comprise comme une vente de service à laquelle la loi sur les pratiques du marché s'applique et à défaut pour l'assureur d'avoir mentionné le droit de rétractation sur la convention litigieuse, celle-ci doit être annulée, comme le demande l'assuré.

Le vocabulaire utilisé par la loi n'est pas univoque mais l'interprétation retenue et son application au contrat de transaction se font par application de l'article 40 § 2 de ladite loi qui énonce que l'interprétation la plus favorable au consomma¬teur prévaut et ce d'autant que la raison ayant conduit le législateur à exclure la vente d'assurance - fraude à l'assurance - n'a pas de justification pour une tran¬saction.

2. Il convient dès lors d'examiner le bien-fondé de la demande de l'assuré, sans tenir compte de la transaction invoquée, à l'aune de la police d'assurance et de la fixation des dommages faite par les parties » (arrêt, pp. 2-4).

Griefs

1.1 En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement et arrêt sont motivés.

Une contradiction entre les motifs d'un arrêt équivaut à une ab-sence de motifs, de sorte que l'arrêt viole l'article 149 de la Constitution.

1.2 Le chapitre 3 (« des contrats avec les consommateurs ») de la loi du 6 avril 2010 contient la section 3 (articles 58 à 64) concernant les « con¬trats conclus en dehors des locaux de l'entreprise ».

Sont, aux termes de l'article 58, §1 de la loi du 6 avril 2010, visés par la section 3 : « les ventes au consommateur de biens et services effectués par une entreprise (e.a.) à la résidence du consommateur ou d'un autre con¬sommateur, ainsi qu'au lieu de travail du consommateur ».

Les « biens » et « services » visés par l'article 58, §1 de la loi du 6 avril 2010 sont définis par l'article 2 de cette loi :
- « les biens » (article 2,5°), sont les biens meubles corporels,
- « les services » (article 2,6°) sont toute prestation effectuée par une entre¬prise dans le cadre de son activité professionnelle ou en exécution de son objet statutaire.

L'article 2,4° de la loi du 6 avril 2010 définit en outre « les produits » comme étant « les biens et les services, les biens immeubles, les droits et les obligations". La section 3 du chapitre 3 de la loi du 6 avril 2010 ne vise cepen¬dant pas les ventes de « produits », mais les ventes de biens et de services.

La vente au consommateur visée par la section 3 du chapitre 3 de la loi du 6 avril 2010 doit, en vertu de l'article 60 de cette loi, à peine de nullité faire l'objet d'un contrat écrit, rédigé en autant d'exemplaires qu'il y a de parties contractantes ayant un intérêt distinct et doit, à peine de nullité, mentionner la clause de rétractation suivante, rédigée en caractères gras dans un cadre dis¬tinct du texte, au recto de la première page :
"Dans les sept jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du présent contrat, le consommateur a le droit de se rétracter sans frais de son achat, à condition d'en prévenir l'entreprise par lettre recommandée à la poste. Toute clause par laquelle le consommateur renoncerait à ce droit est nulle. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci.".

Aux termes de l'article 59 de la loi du 6 avril 2010, les ventes d'as¬surance ne tombent pas sous l'application de la section 3 du chapitre 3 de la loi.

1.3 La transaction est, en vertu de l'article 2044 du Code civil, un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Il s'agit d'un contrat synallagmatique par lequel les parties se font mutuellement des concessions en vue de terminer ou de prévenir un litige sans pour autant que l'une des parties reconnaisse le bien-fondé des prétentions de l'autre.

L'article 1582 du Code civil définit la vente comme étant une con-vention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

2. La décision par laquelle la cour d'appel décide que
- le contrat de transaction intervenue entre les parties le 13 avril 2012 dans la maison incendiée du défendeur est un « contrat conclu en dehors des locaux de l'entreprise » qui devait, conformément l'article 60 de la loi du 6 avril 2010, contenir à peine de nullité la clause de rétractation,
- à défaut pour la demanderesse d'avoir mentionné le droit de rétractation sur la convention de transaction litigieuse, celle-ci doit être annulée,
n'est pas légalement justifiée.

3. Première branche

La cour d'appel décide que
- les transactions conclues en exécution des obligations découlant de ventes d'assurances ne sont pas des ventes (arrêt, p. 3, in fine),
- la convention litigieuse - une transaction intervenue entre les parties le 13 avril 2012 afin de clôturer le dossier concernant l'incendie de la maison du défendeur assurée auprès de la demanderesse - doit être comprise comme une vente de service (arrêt, p. 4, al. 6).

En décidant, d'une part, que les transactions ne sont pas des ventes et, d'autre part, que la transaction litigieuse doit être comprise comme une vente de service, la cour d'appel appuie sa décision sur des motifs contra¬dictoires.

L'arrêt entrepris n'est partant pas régulièrement motivé et viole l'ar¬ticle 149 de la Constitution.

Après avoir décidé que les transactions conclues en exécution des obligations découlant de ventes d'assurances ne sont pas des ventes, la cour d'appel ne pouvait en tout cas pas légalement décider que le contrat de tran¬saction conclue entre les parties à la suite de l'incendie de l'immeuble du défen¬deur assuré auprès de la demanderesse concernant les indemnités dues par la demanderesse, concerne une vente de service visé à l'article 60 de la loi du 6 avril 2010.

En décidant que la transaction litigieuse est nulle parce qu'elle ne mentionne pas le droit de rétractation, tel que prescrit à peine de nullité par l'article 60 de la loi du 6 avril 2010, l'arrêt entrepris viole l'article 60 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du commerce et à la protection du consom¬mateur, tel qu'en vigueur avant l'abrogation de cette loi par l'article 8 de la loi du 21 décembre 2013 portant insertion du titre VI "Pratiques du marché et protec¬tion du consommateur" dans le Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre VI, et des dispositions d'application de la loi propres au livre VI, dans les Livres Ier et XV du Code de droit économique, ainsi que les articles 2,4°, 2,5°, 2,6°, 58 et 59 de cette loi.

4. Seconde branche

Une transaction conclue entre un assuré et un assureur après sur¬venance du risque assuré - c'est-à-dire un contrat par lequel les parties se font mutuellement des concessions en vue de terminer ou de prévenir un litige sans pour autant que l'une des parties reconnaisse le bien-fondé des prétentions de l'autre - n'est pas une vente (c'est-à-dire une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer) de biens (c'est-à-dire de biens meubles corporels) ou de services (c'est-à-dire de prestations effectuées par une entreprise dans le cadre de son activité professionnelle ou en exécution de son objet statutaire).

En décidant que la transaction litigieuse est une vente de service à laquelle l'article 60 de la loi du 6 avril 2010 s'applique, l'arrêt entrepris viole les articles 2,4°, 2,5°, 2,6°, 58, 59 et 60 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pra¬tiques du commerce et à la protection du consommateur, tels qu'en vigueur avant l'abrogation de cette loi par l'article 8 de la loi du 21 décembre 2013 por¬tant insertion du titre VI "Pratiques du marché et protection du consommateur" dans le Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre VI, et des dispositions d'application de la loi propres au livre VI, dans les Livres Ier et XV du Code de droit économique, ainsi que les articles 1582 et 2044 du Code civil.

5. Troisième branche

L'article 40, §2 de la loi du 6 avril 2010 - qui fait partie de la section 1er (« Dispositions générales ») du chapitre 3 (« des contrats avec les consom¬mateurs ») de cette loi - dispose qu'en cas de doute sur le sens d'une clause d'un contrat entre une entreprise et un consommateur, l'interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.

Cette disposition légale concerne l'interprétation des clauses du contrat entre une entreprise et un consommateur; elle ne concerne point l'in¬terprétation des dispositions de la loi du 6 avril 2010.

L'article 40, §2 de la loi du 6 avril 2010 ne permet partant pas de justifier l'application des dispositions de la section 3 du chapitre 3 (plus particu¬lièrement les articles 58 et 60) concernant les ventes au consommateur de biens et services effectués par une entreprise à un contrat de transaction conclu entre un assuré et son assureur incendie après survenance du risque assuré, au motif que le vocabulaire de la loi n'est pas univoque mais que l'interprétation de la loi la plus favorable au consommateur prévaut.

La circonstance que le législateur a exclu les ventes d'assurance du champ d'application de la section 3 du chapitre 3 de la loi du 6 avril 2010 afin d'éviter la fraude à l'assurance et que le risque de fraude à l'assurance est étranger à un contrat de transaction conclu entre l'assureur et l'assuré, ne per¬met pas davantage de conclure qu'un tel contrat de transaction doit répondre aux dispositions du section 3 du chapitre 3 de la loi du 6 avril 2010.

L'arrêt entrepris, aux termes duquel la convention de transaction litigieuse devait répondre au prescrit de l'article 60 de la loi du 6 avril 2010 parce que l'interprétation de la loi la plus favorable au consommateur prévaut et que le risque de fraude à l'assurance ne justifie pas d'exclure le contrat de transac¬tion du champ d'application de cet article 60, viole partant les articles 2,4°, 2,5°, 2,6°, 40,§2, 58, 59 et 60 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du com¬merce et à la protection du consommateur, tels qu'en vigueur avant l'abrogation de cette loi par l'article 8 de la loi du 21 décembre 2013 portant insertion du titre VI "Pratiques du marché et protection du consommateur" dans le Code de droit économique et portant insertion des définitions propres au livre VI, et des dis¬positions d'application de la loi propres au livre VI, dans les Livres Ier et XV du Code de droit économique.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de Cassation soussignée conclut pour la de¬man¬deresse à ce qu'il Vous plaise, Mesdames et Messieurs, casser l'arrêt entrepris, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel, dépens comme de droit.

Bruxelles, le 13 février 2017


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C.17.0101.F
Date de la décision : 08/12/2017

Analyses

Pratique du commerce ; Contrat ; Clause de rétractation ; Insertion ; Obligation ; Transaction ; Application

l suit des articles 58, § 1er et 60 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur que pour être soumis à l'obligation faite par l'article 60 précité d'insérer une clause de rétractation, le contrat doit avoir pour objet la vente par une entreprise à un consommateur de biens ou de services; la transaction, qui, aux termes de l'article 2044 du Code civil, est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, n'est pas un contrat de vente ou de service au sens des articles 58 et 60 précités (1). (1) Voir les concl. du MP.


Parties
Demandeurs : AG INSURANCE
Défendeurs : A. K.

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-08;c.17.0101.f ?
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