RENOGEN, société anonyme dont le siège social est établi à Amblève (Born), Holzstraβe, 5,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
COMMUNE D'AMBLÈVE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Amblève, Wittenhof, 9,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 21 novembre 2017, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, le président du tribunal de première instance constate l'existence d'un acte même pénalement réprimé, constituant une violation manifeste ou une menace grave de violation d'une ou plusieurs dispositions des lois, décrets, ordonnances, règlements ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement et il peut ordonner la cessation d'actes qui ont formé un commencement d'exécution ou imposer des mesures visant à prévenir l'exécution de ces actes ou à empêcher des dommages à l'environnement.
L'article 10, § 1er, du décret du conseil régional wallon du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement dispose que nul ne peut exploiter sans un permis d'environnement un établissement de classe 1 ou de classe 2, à l'exception des cas visés à l'article 3 du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets.
Conformément à l'article 45, § 1er, alinéa 2, 1°, de ce décret, outre les mentions prescrites à l'alinéa 1er, la décision accordant le permis mentionne également, le cas échéant, les conditions particulières d'exploitation et les garanties techniques et financières jugées nécessaires par l'autorité compétente.
L'article 58, § 1er, du même décret impose à l'exploitant d'un établissement l'obligation d'observer les conditions d'exploitation générales, sectorielles et particulières dans le cas d'un établissement de classe 1 ou de classe 2.
En vertu de l'article 77, alinéa 1er, dudit décret, commet une infraction de deuxième catégorie au sens de la partie VIII de la partie décrétale du livre Ier du Code de l'environnement et est passible des sanctions prévues à l'article D.151 de cette partie décrétale, celui qui contrevient aux articles 10, § 1er, ou 58, § 1er, précités.
Il suit du rapprochement de ces dispositions que le non-respect par l'exploitant d'un établissement de classe 1 ou de classe 2 des conditions particulières d'exploitation et des garanties techniques et financières jugées nécessaires par l'autorité compétente mentionnées dans la décision accordant le permis d'environnement ou dans la décision de l'autorité de recours constitue la violation de dispositions des lois, décrets, ordonnances, règlements ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement au sens de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille quatre cent soixante-six euros trente-trois centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du huit décembre deux mille dix-sept par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont
S. Geubel
M. Lemal
M. Delange
D. Batselé
Chr. Storck
Requête
REQUETE EN CASSATION
Pour : La s.a. RENOGEN, inscrite à la BCE sous le numéro 0475.384.528, ayant son siège social à B - 4770 AMEL (AMBLEVE), Holzstraße, 5 - BORN,
demanderesse,
assistée et représentée par Maître Jacqueline OOSTERBOSCH, avocate à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à B-4020 LIEGE, Rue de Chaudfontaine 11 où il est fait élection de domicile ;
Contre : La commune d'AMEL (AMBLEVE), représentée par son Collège communal, dont les bureaux sont établis à B-4770 AMEL (AMBLEVE), Wittenhof, 9,
défenderesse.
A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,
Messieurs, Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt prononcé par la 5ème Chambre civile de la Cour d'appel de Liège le 22 septembre 2016 (R.G. 2016/RF/32).
Les faits et antécédents de la cause tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard peuvent être brièvement résumés comme suit.
La demanderesse est, depuis le 1er juillet 2005, titulaire d'une autorisation globale pour l'exploitation d'une centrale de cogénération et de torréfaction située à Amblève.
L'activité de la société consiste principalement dans la transformation de biomasse de bois non contaminé en énergie.
Suite aux doutes émis par plusieurs riverains à propos d'éventuelles atteintes à l'environnement dues à la combustion de matériaux impropres, la demanderesse a chargé, en mai 2014, un bureau d'études d'effectuer une analyse spécifique des émissions des installations qu'elle exploite. En même temps, elle a contacté le fonctionnaire technique compétent de la Région Wallonne, lequel a introduit auprès de la défenderesse une demande de réexamen du permis délivré en application de l'article 65 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement.
Nonobstant cette demande, la défenderesse a diligenté contre la demanderesse une procédure comme en référé devant le Président du Tribunal de première instance d'Eupen, sur base de la loi du 12 janvier 1993 organisant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, afin qu'il prononce, sous la menace d'une astreinte de 50 000 euro par infraction constatée, les mesures suivantes :
• Qu'il soit fait interdiction à la demanderesse de procéder à la combustion de déchets avec résidus de plastique ;
• Qu'il lui soit interdit de dépasser les émissions relevées dans l'autorisation globale telle qu'amendée pour la dernière fois par l'arrêté du gouvernement du 21 février 2013 ;
• Qu'un bureau d'études reconnu soit chargé de contrôler, au moins deux fois par semaine, aux frais de la demanderesse, les émissions émises par la centrale.
Le 9 juin 2015, la défenderesse a octroyé un nouveau permis d'urbanisme contenant des conditions plus sévères que celles proposées par le fonctionnaire technique de la Région Wallonne.
Le 29 juin 2015, la demanderesse a introduit contre cette décision administrative un recours auprès du Ministre, qui a rendu sa décision le 7 septembre 2015.
Le 2 novembre 2015, elle a introduit une requête unique en suspension et en annulation de cette décision ministérielle devant le Conseil d'état.
Redoutant une fermeture de l'entreprise en cas de dépassement des valeurs contenues dans la décision ministérielle, la demanderesse a déposé, le 3 novembre 2015, une requête devant la Haute juridiction administrative. Cette requête a été rejetée par l'arrêt n°234.179 du 18 mars 2016 en raison de l'absence d'urgence suffisante.
Par son ordonnance du 22 janvier 2016, le Président du Tribunal de première instance a déclaré la demande de la défenderesse formée sur la base de la loi du 12 janvier 1993 recevable et fondée dans les limites suivantes et décidé que :
* Il est interdit à la [ demanderesse] de brûler dans ses installations
d'autres matériaux que ceux qui ont été autorisés pour la période
transitoire dans le cadre du permis d'environnement du 07/09/2015 et
en particulier, du matériel de combustion chargé de résidus de
plastique ;
* Un délai jusqu'au 30/06/2016 est accordé à la [demanderesse], afin
d'assurer le respect de cette interdiction, par l'adaptation de ses
installations de production en vue du respect total des conditions
imposées pour la période transitoire, selon le permis d'environnement
du 07/09/2015 ;
* La combustion de matériel de combustion chargé de résidus de
plastique est interdite avec effet immédiat ;
* [La demanderesse] est condamnée à autoriser un contrôle
hebdomadaire ponctuel du matériel de combustion utilisé ;
* [La demanderesse] est condamnée à une astreinte de 10.000 euro pour
chaque infraction à l'ordonnance constatée.
La demanderesse a interjeté appel de cette décision par un premier acte du 26 février 2016. Par un arrêt du 9 juin 2016, la Cour d'appel a déclaré nulle cette requête en raison d'une violation de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 relative l'emploi des langues en matière judiciaire. La demanderesse a déposé, le 18 avril 2016, une deuxième requête d'appel et le 10 juin 2016 une troisième requête d'appel. C'est sur ce dernier acte que statue l'arrêt attaqué du 22 septembre 2016, disant (i) le recours recevable mais non fondé, (ii) la requête du 18 avril 2016 sans objet et (iii) que la demanderesse est condamnée aux dépens.
A l'encontre de cette décision, la demanderesse propose le moyen de cassation suivant.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Disposition violée :
- l'article 1er, spécialement alinéa 1er, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action
en matière de protection de l'environnement.
Décision critiquée :
L'arrêt attaqué, après avoir dit l'appel recevable, le dit non fondé ; confirme l'ordonnance dont appel qui avait décidé :
* Il est interdit à la [ demanderesse] de brûler dans ses installations
d'autres matériaux que ceux qui ont été autorisés pour la période
transitoire dans le cadre du permis d'environnement du 07/09/2015 et
en particulier, du matériel de combustion chargé de résidus de
plastique ;
* Un délai jusqu'au 30/06/2016 est accordé à la [demanderesse], afin
d'assurer le respect de cette interdiction, par l'adaptation de ses
installations de production en vue du respect total des conditions
imposées pour la période transitoire, selon le permis d'environnement
du 07/09/2015 ;
* La combustion de matériel de combustion chargé de résidus de
plastique est interdite avec effet immédiat ;
* [La demanderesse] est condamnée à autoriser un contrôle
hebdomadaire ponctuel du matériel de combustion utilisé ;
* [La demanderesse] est condamnée à une astreinte de 10.000 euro pour
chaque infraction à l'ordonnance constatée,
et condamne la demanderesse aux dépens, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement pour les motifs repris aux pages 11 à 13, dont la teneur est :
3.2. Quant aux violations manifestes par (la demanderesse) de la législation sur l'environnement :
Il ressort d'un procès-verbal de constatation de l'huissier D. R. du 07/10/2015 (pièce 28 de [la défenderesse]) et du rapport du représentant pour l'environnement de (la défenderesse) du 22/10/2015 (pièce 29 de [la défenderesse]) que les installations de combustion de (la demanderesse) ont, à cette époque, encore été alimentées par du matériel qui ne correspondait assurément pas aux conditions de l'arrêté ministériel du 07/09/2015.
Dans le courrier du 22/10/2015 adressé à (la défenderesse), le fonctionnaire R. G. a notamment souligné les anomalies suivantes, qui ont pu être constatées lors de la visite des lieux du 07/10/2015 : « des déchets provenant des installations de compostage se trouvaient dans les boxes, dans lesquels nous avons fait des prélèvements. Le matériel, qui se trouve dans les boxes, est brûlé en permanence, il est déversé au moyen d'une pelle sur un tapis roulant, par lequel il est acheminé dans les fours à combustion.
Des 179 chargements de camions contrôlés, 146 chargements provenaient de sites de compostage, ce matériel est souvent pollué par des substances étrangères (plastique).
Le matériel pollué par du plastique et par d'autres substances étrangères, qui se trouve pour l'instant au dépôt 3 et qui a été mis en quarantaine par la police de l'environnement, provient également de sites de compostage.
Les déchets de ces sites de compostage ne sont pas du bois sec naturel. Le taux d'humidité de ce matériel s'élève à plus de 15 % (suivant la météo entre 30 et 50 %) ».
Les mesures régulières, qui ont été effectuées depuis le mois d'avril 2015 par l'Institut Scientifique du service public dans les installations de l'appelante, ont démontré durant la période entre le 30/12/2015 et le 13/01/2016, de même que durant la période entre le 14/01/2016 et le 27/01/2016, des concentrations de dioxines et de furannes, qui dépassent les valeurs maximum déterminées par l'arrêté ministériel du 07/09/2015, de sorte que les services de contrôle compétents de la région Wallonne ont été amenés, le 25/02/2016, en application de l'article D148 du décret de l'environnement du 05/06/2008, à délivrer à (la demanderesse) un avertissement (pièces 55 et 56 de [la demanderesse]).
Ces constatations prouvent à suffisance une infraction évidente dans le chef de (la demanderesse) aux obligations qui lui incombent en matière de protection de l'environnement.
Contrairement à ses affirmations en sens contraire reprises dans ses conclusions, (la défenderesse) ne peut se référer ni avant ni après l'arrêté ministériel du 7 septembre 2015 à une tolérance expresse ou tacite, lors de la combustion, de « plastique dans la biomasse destinée à l'incinération ».
Les autorisations accordées à (la demanderesse) pour la combustion de déchets de bois non contaminés ne dépendaient pas, ni avant ni après le 7 septembre 2015, de la qualité effective de la « biomasse » livrée, de sorte que l'origine de ces produits ne peut pas non plus servir de critère pour le respect des autorisations environnementales lui incombant.
Si (la demanderesse) a, selon autorisation globale du 10 avril 2013, été habilitée à exploiter « des déchets de compost, des pièces de bois plus grandes avant compostage, provenant de centres de compostage » et « du bois débité provenant de centres de tri de déchets » (requête d'appel, page 23), elle ne peut ainsi déduire de cette autorisation
une permission tacite de combustion de matières, qui se sont retrouvées dans les déchets de bois déjà dans les centres de compostage ou de tri de déchets.
Une éventuelle pollution des déchets de compostage lui livrés par diverses matières étrangères ne délie pas (la demanderesse) de son obligation de n'incinérer que des matériaux, dont l'exploitation lui a été expressément accordée.
Pour cette raison précise, la fonctionnaire technique du service agréments et autorisations de la Région Wallonne, direction de Liège, a introduit, le 11 février 2015, en application de l'article 65 du décret du 11 mars 1999 relatif aux autorisations environnementales, une demande de complément ou de modification des permis d'exploitation particuliers de (la demanderesse) auprès de la Commune d'Amblève, visant entre autres « une adaptation des obligations de l'exploitant à la qualité variable du combustible autorisé et la réduction au minimum des dangers potentiels se rapportant à l'environnement pour la population et l'environnement », [...], en particulier par référence à [...] la suppression de la classification bois A et bois B et au remplacement de celle-ci par les codes déchets correspondants », mais qui sous cette forme n'a pas été accueillie.
L'arrêté ministériel du 7 septembre 2015 accorde à (la demanderesse) un délai de transition de 22 mois pour la garantie de certains seuils d'émission, en ce qu'il lui permet durant ce délai exclusivement l'incinération de bois naturel sec dans les meilleures conditions de combustion possible (pièce 22 de [la demanderesse]).
(La demanderesse) a enfreint à plusieurs reprises les conditions imposées par l'arrêté ministériel du 07/09/2015, comme en attestent les mesures de l'Institut Scientifique du service public, mais ces mêmes valeurs mesurées établissent la faisabilité des mesures transitoires imposées, dont le respect peut de tout évidence être garanti par un tri minutieux des matières non autorisées à la combustion".
Grief
L'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement prévoit que :
"sans préjudice des compétences d'autres juridictions en vertu d'autres dispositions légales, le président du tribunal de première instance, à la requête du procureur du Roi, d'une autorité administrative, d'une personne morale telle que définie à l'article 2, constate l'existence d'un acte même pénalement réprimé, constituant une violation manifeste ou une menace grave de violation, d'une ou plusieurs dispositions des lois, décrets, ordonnances ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement.
Il peut ordonner la cessation d'actes qui ont formé un commencement d'exécution ou imposé des mesures visant à prévenir l'exécution de ces actes ou à empêcher des dommages à l'environnement.
Avant tout débat au fond, une tentative de conciliation aura lieu. Le Président peut accorder au contrevenant un délai pour se conformer aux mesures ordonnées".
Cette disposition implique la constatation d'une violation ou d'une menace grave de violation d'une ou plusieurs dispositions des lois, décrets ou ordonnances ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement, soit d'une disposition à portée réglementaire.
Le règlement désigne un acte non législatif qui prescrit des règles de droit. Par son contenu, il présente plusieurs analogies avec la loi : il est obligatoire, impersonnel et général. Il s'oppose à la décision administrative individuelle qui se définit comme la manifestation unilatérale de volonté destinée à produire des effets juridiques à l'endroit d'une ou plusieurs personne(s) déterminée(s).
La demanderesse avait expressément fait valoir qu'aucune disposition ni norme environnementale n'avait été violée. Elle soutenait (i) que le premier juge et la défenderesse s'étaient trompés, en ce qu'ils estimaient qu'elle aurait manifestement violé les normes environnementales (req., d'app., p. 20, III.2.2.1, al., 2), (ii) qu'aucune législation environnementale n'avait été méconnue (req., d'app., p. 20, III.2.2.1, al., 1er), (iii) que l'autorisation ne prévoit pas de plafond pour les émissions de chlorure d'hydrogène, de dioxine et de furannes et qu'elle exclut expressément l'application des conditions sectorielles contenues dans l'arrêté du gouvernement wallon du 21 février 2013 déterminant les conditions sectorielles relatives aux installations de combustion (M.B., 21 février 2013) (req., d'app.,p., 19, al., 4 et p. 20, III.2.2.1, al., 7) (iv) et que tant la nouvelle que l'ancienne autorisation permettent la combustion de biomasse qui peut contenir des résidus de plastique, sans que cela ne contrevienne à la législation environnementale (req., d'app., p. 21, III.2.2.1, al., 5).
L'application de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 requiert la constatation de la violation ou d'une menace grave de violation d'une norme à portée réglementaire et non la seule violation d'une décision administrative individuelle.
L'arrêt attaqué constate que la demanderesse a violé la première autorisation administrative et l'arrêté ministériel du 7 septembre 2015 (arr., p. 11, al. 1er et 3).
Les autorisations administratives sont des décisions administratives individuelles. Le fait qu'elles soient en partie coulées dans la forme d'un arrêté ministériel n'en modifie pas la nature et ne leur donne aucune portée réglementaire.
L'article D148 du décret relatif à la recherche, la constatation, la poursuite et la répression des infractions et les mesures de réparation en matière d'environnement auquel l'arrêt attaqué se réfère (p. 11, alinéa 3) ne contient en soi aucune disposition relative à la protection de l'environnement.
L'article D148 du Code de l'environnement prévoit qu'
"En cas d'infraction, les agents visés à l'article D.140 peuvent adresser un avertissement à l'auteur présumé de l'infraction ou au propriétaire du bien où elle a été commise ou d'où provient le fait constitutif de l'infraction et fixer un délai de régularisation.
Lorsqu'il est donné verbalement, l'avertissement est confirmé par écrit dans les quinze jours par l'agent auteur de l'avertissement.
Les agents visés à l'article D.140 se tiennent mutuellement informés sans délai des avertissements dont ils sont auteurs et établissent un rapport à l'issue du délai de régularisation".
Il ne s'agit pas d'une norme sanctionnant un comportement déterminé en matière d'environnement mais d'une disposition procédurale qui édicte ce que l'autorité peut faire lorsqu'elle constate une infraction.
Dès lors que les autorisations administratives délivrées à la demanderesse ne peuvent être considérées comme une loi, un décret, une ordonnance ou un arrêté relatif à la protection de l'environnement au sens de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993, l'arrêt attaqué qui fonde sa décision sur le fait que la demanderesse "a transgressé (...) les dispositions de l'arrêté ministériel du 07 septembre 2015", qui n'a pas de portée règlementaire, pas plus que les permis d'exploitation antérieurs du 1er juillet 2005, complétés les 8 février 2007, 18 septembre 2008 et 10 avril 2013, modifiés par l'arrêté ministériel du 6 août 2013, viole l'article 1er, alinéa 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.
Développements du moyen unique de cassation
Le moyen unique de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé la notion de "lois, décrets, ordonnances ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement au sens de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.
La demanderesse avait expressément soutenu qu'aucune législation environnementale n'avait été méconnue.
L'arrêt attaqué considère que l'autorisation administrative valant permis d'exploitation constitue la norme transgressée qui peut servir de fondement à l'ordre de cessation organisé par la loi du 12 janvier 1993.
Cette décision n'est pas légalement justifiée dès lors que la disposition visée par l'article 1er, alinéa 1er de la loi du 12 janvier 1993 est une disposition édictant une règle générale à valeur règlementaire.
Les travaux préparatoires de la loi le confirment. Dans le projet de loi déposé au Sénat, on peut en effet lire, à propos du commentaire de l'article 1er de la loi 12 janvier 1993, que « l'acte visé est ainsi référé à un critère objectivable, celui de la violation d'une norme légale ou réglementaire"(Doc. Senat : 1232(1990-1991), N°1 : Projet de loi, p. 4).
Les autorisations administratives, fussent-elles en partie coulées dans la forme d'un arrêté ministériel, sont des décisions administratives individuelles et non des normes à portée réglementaire.
Le règlement "désigne un acte non législatif qui prescrit des règles de droit. Par son contenu, il présente plusieurs analogies avec la loi : il est obligatoire, impersonnel et général" (M. Leroy, Contentieux administratif, Anthemis, 2011, p. 174). Il s'oppose à la décision administrative individuelle qui se définit comme "la manifestation unilatérale de volonté destinée à produire des effets sur le plan du droit" (M. Leroy, op. cit., p. 193).
Le fait que législateur n'a entendu instaurer l'action en cessation que dans l'hypothèse de la transgression ou de la menace de transgression d'une norme environnementale à caractère général implique qu'il incombe au juge de déterminer quelle règle ayant pareille portée a été violée et non simplement qu'une autorisation administrative n'a pas été respectée.
En effet, en vertu de l'article 45 du Décret wallon du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, l'autorité administrative peut, si elle le juge opportun, imposer des conditions particulières d'exploitation. Le contenu précis de ces conditions particulières n'est défini par aucune norme à caractère général, de sorte que la violation d'une autorisation administrative n'entraine pas ipso facto la violation ou la menace de violation de dispositions à valeur règlementaire au sens de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993.
Le législateur fédéral, en adoptant la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, n'a souhaité ouvrir l'action en cessation que dans les cas qui présentent une certaine gravité et, partant, n'a permis son exercice que dans les cas où une norme environnementale à caractère général a été enfreinte.
Dès lors que l'action en cessation n'est admissible que dans le cas d'une violation ou menace grave de violation d'une norme environnementale, l'arrêt, qui, sans déterminer la norme qui aurait été violée, identifie comme seuls actes transgressés les autorisations détenues successivement par la demanderesse, viole l'article 1er, al. 1er, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.
PAR CES CONSIDERATIONS,
l'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; renvoyer la cause et les parties devant la chambre germanophone de la cour d'appel de Liège autrement composée ; statuer comme de droit quant aux dépens.
Jacqueline Oosterbosch
Liège, le 30 décembre 2016