La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2017 | BELGIQUE | N°P.17.1191.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2017, P.17.1191.F


N° P.17.1191.F

T. I.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Patrick Huget et Guillaume Lys, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 23, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue de la Loi, 34-36,
défendeur en cassation.





I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10

novembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un m...

N° P.17.1191.F

T. I.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Patrick Huget et Guillaume Lys, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 23, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue de la Loi, 34-36,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10 novembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen reproche d'abord à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur, qui faisaient valoir que la demande d'asile qu'il avait introduite après la décision de le maintenir en détention était fondée sur une crainte de persécution et sur des éléments concrets et objectifs issus de son dossier administratif, éléments auxquels renvoyaient ses conclusions d'appel, tandis qu'il avait justifié la raison de l'introduction tardive de cette demande. Il fait également grief à l'arrêt de violer la foi due aux actes.

Dans la mesure où il ne désigne pas un acte dont les juges d'appel auraient violé la foi, le moyen, imprécis, est irrecevable.

Après avoir rappelé les évènements qui ont précédé la décision de priver le demandeur de sa liberté, et notamment son refus non motivé d'embarquer en vue de son éloignement, les juges d'appel, au feuillet 4 de l'arrêt, ont reproduit les termes de la décision de maintien du 10 octobre 2017. Selon celle-ci, d'une part, le demandeur n'a pas introduit sa demande d'asile dans le délai légal de huit jours à partir de son arrivée sur le territoire et, d'autre part, cette demande a été introduite aux fins d'éviter l'exécution d'une mesure d'éloignement. Ils ont ensuite constaté que le dossier administratif contient les pièces justificatives qui accréditent les faits objectifs sur lesquels l'Office des étrangers s'est fondé pour ordonner la mesure de maintien. Les juges d'appel en ont conclu que « le placement en détention [du demandeur] n'est donc pas fondé sur le fait qu'il a demandé l'asile, mais sur une situation et des moyens dilatoires qu'il a générés lui-même ».

Ainsi, les juges d'appel ont répondu, en leur opposant une appréciation différente, aux moyens qui faisaient valoir que la demande d'asile était justifiée et qu'il ne pouvait être fait grief au demandeur de l'avoir introduite de manière tardive. Partant, ils ont régulièrement motivé leur décision de rejeter la requête du demandeur en vue de sa remise en liberté.

Le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, en tant qu'il se borne à reprocher à l'arrêt de ne pas rencontrer les éléments concrets et objectifs du dossier administratif relevés en termes de conclusions, le moyen, imprécis, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Selon le demandeur, l'interprétation de l'article 74/6, § 1erbis, 5°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, suivant laquelle l'étranger peut être détenu lorsqu'il a introduit une demande d'asile tardivement, est contraire à des normes supérieures, en l'occurrence les articles 9 et 26 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale et l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

L'article 8, § 3, alinéa 1er, de la directive 2013/33/UE précitée dispose qu' « un demandeur [d'asile] ne peut être placé en rétention que : [...] d) lorsque le demandeur [d'asile] est placé en rétention dans le cadre d'une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l'éloignement, et lorsque l'État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur [d'asile] a déjà eu la possibilité d'accéder à la procédure d'asile, qu'il existe des motifs raisonnables de penser [qu'il] a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ».

Pour les motifs énoncés en réponse à la première branche, c'est précisément en considération de ces circonstances, par ailleurs visées à l'article 74/6, § 1erbis, 5° et 12°, de la loi du 15 décembre 1980, que les juges d'appel ont décidé de rejeter la requête de mise en liberté du demandeur.

Partant, sans donner de la loi une interprétation contraire aux dispositions visées par le moyen, ils ont légalement justifié leur décision de ne pas faire droit à cette demande.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le demandeur reproche encore aux juges d'appel de n'avoir pas répondu à ses conclusions qui invoquaient, d'une part, la disposition d'un projet de loi visant à remplacer l'article 74/6, § 1erbis, précité, et, d'autre part, le considérant n° 9 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Le juge ne doit répondre aux conclusions d'une partie que dans la mesure où elles contiennent des moyens, c'est-à-dire l'énonciation d'un fait, d'un acte ou d'un texte d'où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d'une demande, d'une défense ou d'une exception.

D'une part, dans la mesure où ce volet des conclusions ne comportait aucun grief distinct, et, d'autre part, dès lors qu'aucun de ces textes ne contient une règle en vigueur ou qui s'impose au juge, celui-ci n'était pas tenu de répondre au moyen qui les invoquait.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel de n'avoir pas répondu aux conclusions qui invoquaient le risque que le demandeur subisse la torture ou des traitements inhumains et dégradants s'il était expulsé vers le Soudan.

Au feuillet 5 de l'arrêt, les juges d'appel ont énoncé que « pour ce qui est du risque de traitements inhumains et dégradants allégué par [le demandeur] en cas de retour au Soudan, [le demandeur] ayant introduit une demande d'asile, il ne peut être éloigné vers ce pays pendant la durée de la procédure d'asile, de sorte que le risque qu'il dénonce est purement hypothétique et non actuel ».

Ainsi, les juges d'appel ont régulièrement motivé leur décision de ne pas faire droit à la requête de mise en liberté du demandeur.

Procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Le demandeur fait également grief aux juges d'appel, en rejetant sa demande de mise en liberté et eu égard au risque qu'il dit encourir au Soudan, d'avoir violé l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Revenant à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel et exigeant, pour son examen, une vérification d'éléments de fait, qui n'est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du six décembre deux mille dix-sept par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz E. de Formanoir
F. Roggen B. Dejemeppe J. de Codt


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1191.F
Date de la décision : 06/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-06;p.17.1191.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award