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01/12/2017 | BELGIQUE | N°C.17.0069.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 décembre 2017, C.17.0069.F


N° C.17.0069.F

W. W. K.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

P. D.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le

7 septembre 2016 par la cour d'appel de Liège.

Le président de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avo...

N° C.17.0069.F

W. W. K.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

P. D.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2016 par la cour d'appel de Liège.

Le président de section Albert Fettweis a fait rapport.

L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens, dont le premier est libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 23, tel qu'applicable avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, 25, 1026, 1027, 1029, 1030 et 1032 du Code judiciaire ;
- articles 23, §§ 1er et 3, 24 et 25 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code du droit international privé.

Décisions et motifs critiqués

Par l'arrêt attaqué du 7 septembre 2016, la cour d'appel de Liège reçoit l'appel et la demande incidente, confirme le jugement du premier juge dans toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a dit la requête irrecevable, et condamne la demanderesse à payer au défendeur 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire ainsi que les dépens d'appel du défendeur liquidés à 7.500 euros, ce après avoir considéré que :
« Par de justes motifs que la cour [d'appel] adopte, le jugement du premier juge a déclaré la demande irrecevable sur la base de l'article 25 du Code judiciaire qui précise que ‘l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande'.

Il résulte des éléments de la cause que la demande formée par requête unilatérale du 7 novembre 2014 est identique à celle formée par requête déposée le 27 août 2012 qui a fait l'objet d'un jugement prononcé le 13 mars 2013 par le tribunal de première instance de Liège et qui n'a fait l'objet d'aucun recours.

Les conditions requises par l'article 23 du Code judiciaire pour qu'il y ait autorité de chose jugée sont réunies dès lors que la demande est la même, qu'elle est fondée sur la même cause et formée entre les mêmes parties.

Dès lors que la requête est irrecevable, la cour d'appel n'a pas à statuer sur la motivation du jugement du 13 mars 2013 ni sur le fondement de la demande par rapport à l'ordre public.

Il suit de ces considérations que les moyens invoqués par les parties sont dénués de pertinence.
(...) ».

Le premier juge avait quant à lui considéré :
« Qu'à ce stade, il nous paraît inévitable, avant de poursuivre l'analyse de la demande sous cet aspect et de développer les arguments en ce sens par la (demanderesse), de se poser la question de savoir si la présente demande a déjà fait l'objet d'un jugement prononcé par le tribunal de première instance de Liège, division de Liège, en date du 13 mars 2013, ce que soutient l'intervenant volontaire et qui est également l'avis du procureur du Roi qui précise qu'à titre principal, la demande doit être déclarée recevable mais non fondée sur la base du principe non bis in idem ;

Qu'aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, ‘l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité'. Il s'agit de la règle de la triple identité de partie, d'objet et de cause ;

Que la condition d'identité des parties est rencontrée en l'espèce ainsi que l'identité d'objet puisque cette dernière condition vise la chose demandée qui est effectivement la même que lors de la première demande. En effet, le tribunal constate que le dispositif de la requête qui avait été déposée au greffe du tribunal de première instance de Liège en date du 27 août 2012 est identique à celui de la présente requête ;

Que concernant l'identité de cause, pour délimiter l'autorité de chose jugée, il convient de comparer non pas le contenu de la demande initiale par rapport à celle qui est introduite après le jugement statuant sur la première mais de comparer ce qui a été antérieurement jugé et ce qui est actuellement demandé à l'aune de la même norme juridique, la comparaison portant tant sur les faits allégués que sur la règle de droit appliquée. En effet, la ‘chose' dont l'autorité est invoquée n'a pu être ‘jugée' que sur le fondement des faits juridiquement qualifiés et appréciés par le juge en vertu des règles de droit applicables. Ainsi, un jugement de débouté fait obstacle à la présentation d'une nouvelle demande si celle-ci repose sur les mêmes faits envisagés au regard de la même règle de droit ;

Qu'en l'espèce, les faits juridiquement qualifiés et appréciés par le premier juge n'ont pas changé et, sans préjudice de l'exercice de voies de recours, la production de nouveaux moyens de preuve étayant la même demande ne peut, en principe, remettre en question l'autorité de chose jugée au fond. Un jugement rendu en l'état des preuves produites est irrégulier car si les preuves ne sont pas suffisantes, il appartient au juge d'ordonner toutes les mesures d'instruction utiles, et faute de preuve, de statuer par application de la charge de la preuve ;

Qu'en l'espèce, le tribunal de première instance de Liège, division de Liège, a rendu un jugement qui a débouté la (demanderesse) en constatant que son dossier ne contenait que le dispositif de la décision du 29 mars 2012 sans que les commentaires de cette décision ne soient produits, constatant que l'examen du respect des prescriptions édictées à l'article 25 du Code de droit international privé ne pouvait dès lors être effectué ;

Que la production actuelle des commentaires manquants ne permet donc pas de remettre en cause la décision ainsi intervenue qui, rappelons-le, déboute la (demanderesse), sans faire fi du principe de l'autorité de chose jugée ;

Qu'il suit de ces éléments et considérations que la présente requête doit être déclarée irrecevable dans la mesure où il y a autorité de chose jugée».

Griefs

1. Aux termes de l'article 25 du Code judiciaire, l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande.

Selon l'article 23 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'autorité de la chose jugée s'attache à ce que le juge a décidé sur un point litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et soumise à la contradiction des parties, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision.

Il s'ensuit que le dispositif ne peut être envisagé isolément des motifs qui en sont le soutien nécessaire, c'est-à-dire qui permettent d'en déterminer, voire d'en limiter la portée.

Seule la décision définitive sur le fond ou sur incident a autorité de chose jugée.

Ainsi, la décision déboutant le demandeur de sa demande en raison de motifs purement formels, qui ont empêché le juge d'aborder le fond, ne sera point revêtue d'autorité de chose jugée quant au fond qui en raison du motif de forme n'a pas été abordé par le juge.

Il s'ensuit qu'il ne suffit pas de constater que l'objet et la cause d'une demande sont identiques ; encore faut-il constater que la demande, ayant un objet et une cause identiques, a déjà fait l'objet d'une décision quant au fond, empêchant sa réitération, ce qui implique un examen des motifs décisifs de la décision.

2. Il en est de même en matière d'exequatur.

Aux termes de l'article 23, § 1er, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, hormis les cas visés à l'article 121, le tribunal de première instance est compétent pour connaître d'une demande concernant la reconnaissance ou la déclaration de la force exécutoire d'une décision judiciaire étrangère.

L'article 23, § 3, dudit code dispose que la demande est introduite et instruite conformément à la procédure visée aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire. Le requérant doit faire élection de domicile dans le ressort du tribunal. Le juge statue à bref délai.

L'article 1027 du Code judiciaire dispose notamment que la requête est adressée en double exemplaire au juge appelé à statuer sur la demande.

Sauf les exceptions expressément prévues par la loi, elle ne peut être présentée que par un avocat. Le requérant reproduit au pied de la requête l'inventaire des pièces numérotées et enliassées qu'il joint à celle-ci.

Aux termes de l'article 1028 du Code judiciaire, le juge vérifie la demande. Il peut à cet effet convoquer le requérant et les parties intervenantes en chambre du conseil. La convocation est adressée aux parties par le greffier sous pli judiciaire.

Il ressort des articles 1029, 1030 et 1032 du Code judiciaire, se rapportant respectivement à la force exécutoire de l'ordonnance, aux voies de recours ouvertes à l'encontre de l'ordonnance, ainsi qu'à la requête en modification ou en rétractation de l'ordonnance, que la décision, rendue sur la requête unilatérale, s'impose aux parties, sauf exercice des voies de recours prévues par la loi, mais dans les limites de ce qui y a été décidé, ce conformément à l'article 23 du Code judiciaire.

3. Aux termes de l'article 25 du Code de droit international privé, une décision judiciaire étrangère n'est ni reconnue ni déclarée exécutoire si :

1° l'effet de la reconnaissance ou de la déclaration de la force exécutoire serait manifestement incompatible avec l'ordre public ; cette incompatibilité s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge et de la gravité de l'effet ainsi produit ;

2° les droits de la défense ont été violés ;

3° la décision a été obtenue, en une matière où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits, dans le seul but d'échapper à l'application du droit désigné par la présente loi ;

4° sans préjudice de l'article 23, § 4, elle peut encore faire l'objet d'un recours ordinaire selon le droit de l'État dans lequel elle a été rendue ;

5° elle est inconciliable avec une décision rendue en Belgique ou avec une décision rendue antérieurement à l'étranger et susceptible d'être reconnue en Belgique ;

6° la demande a été introduite à l'étranger après l'introduction en Belgique d'une demande, encore pendante, entre les mêmes parties et sur le même objet ;

7° les juridictions belges étaient seules compétentes pour connaître de la demande ;

8° la compétence de la juridiction étrangère était fondée uniquement sur la présence du défendeur ou de biens sans relation directe avec le litige dans l'État dont relève cette juridiction ; ou

9° la reconnaissance ou la déclaration de la force exécutoire se heurte à l'un des motifs de refus visés aux articles 39, 57, 72, 95, 115 et 121.
Ces raisons de refus sont énumérées de manière limitative.

Si l'article 25, § 2, du Code de droit international précise qu'en aucun cas la décision judiciaire étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond, il n'empêche que le juge, auquel est soumis une demande de déclaration de la force exécutoire, devra examiner s'il existe des raisons de refus avant de faire droit à la demande ou d'en débouter le demandeur, ce qui implique qu'il doit être en mesure d'aborder cette question.

Selon l'article 24, § 1er, dudit code, la partie qui invoque la reconnaissance ou demande la déclaration de la force exécutoire d'une décision judiciaire étrangère doit produire :

1° une expédition de la décision, réunissant les conditions nécessaires à son authenticité selon le droit de l'État dans lequel elle a été rendue ;

2° s'il s'agit d'une décision par défaut, l'original ou une copie certifiée conforme du document établissant que l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent a été signifié ou notifié à la partie défaillante selon le droit de l'État dans lequel la décision a été rendue ;

3° tout document de nature à établir que, selon le droit de l'État dans lequel la décision a été rendue, celle-ci est exécutoire et a été signifiée ou notifiée.

L'article 24, § 2, du Code de droit international privé dispose qu'à défaut de production des documents mentionnés au § 1er, le juge peut impartir un délai pour les produire ou accepter des documents équivalents ou, s'il s'estime suffisamment éclairé, en dispenser.
Ces pièces doivent permettre au juge de vérifier s'il existe des motifs de refus de la reconnaissance ou de la déclaration de la force exécutoire.

4. En l'occurrence, par ordonnance du 13 mars 2013, le tribunal de première instance de Liège, statuant sur une demande concernant la déclaration de la force exécutoire de la décision du 29 mars 2012, rendue par le « District Court of Hong Kong Spécial Administrative Région » (tribunal d'arrondissement de la Région spéciale administrative de Hong Kong) en matière matrimoniale, a débouté la demanderesse de sa demande au motif que « le dossier de (la demanderesse) ne contient que le dispositif de la décision du 29 mars 2012 sans que les commentaires de cette décision, lesquels peuvent s'assimiler à sa motivation, ne soient produits ; l'examen du respect des prescriptions édictées à l'article 25 du Code de droit international privé, notamment le respect de l'ordre public et des droits de la défense, ne peut dès lors être effectué ».

Il s'ensuit qu'à l'époque, le tribunal n'a nullement examiné s'il existait ou non des causes de refus de la déclaration de force exécutoire de la décision étrangère précitée, l'absence de dépôt du texte intégral de ladite décision ayant rendu impossible cet examen.

Or, comme précisé ci-dessus, l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'à ce que le juge a décidé sur un point litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et soumise à la contradiction des parties, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision.

En l'occurrence, la cour d'appel se contente de constater qu'« il résulte des éléments de la cause que la demande formée par requête unilatérale du 7 novembre 2014 est identique à celle formée par requête déposée le 27 août 2012 qui a fait l'objet d'un jugement prononcé le 13 mars 2013 par le tribunal de première instance de Liège et qui n'a fait l'objet d'aucun recours », alors que le premier juge, dont la cour d'appel adopte les motifs, constatait que la chose demandée était la même, « que les faits juridiquement qualifiés et appréciés par le premier juge n'ont pas changé » et considérait « que la production actuelle des commentaires manquants ne permet donc pas de remettre en cause la décision ainsi intervenue qui, rappelons-le, déboute la (demanderesse), sans faire fi du principe de l'autorité de chose jugée », passant outre au fait qu'en raison de l'absence de production de la copie intégrale de la décision étrangère, prescrite par l'article 24, § 1er, du Code de droit international privé, le premier juge n'avait nullement procédé à l'examen au fond de l'(in)existence de causes de refus de la déclaration de la force exécutoire en conformité avec l'article 25 du Code de droit international privé.

5. Partant, dans la mesure où la cour d'appel considère dans l'arrêt attaqué qu'il suffit qu'une demande soit identique à une demande formée précédemment, dont le demandeur a été débouté, et, en adoptant les motifs du premier juge, qu'il suffit que les faits juridiquement qualifiés et appréciés par le premier juge n'aient pas changé, pour que l'exception de chose jugée fasse obstacle à la réitération de la demande, et conclut à l'irrecevabilité de la demande, et ce sans examiner d'abord si la contestation, telle qu'elle lui est soumise, a effectivement été tranchée, au fond, par la décision antérieure invoquée, notamment eu égard aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire, elle méconnaît la notion d'autorité de chose jugée, laquelle est limitée à ce que le juge a réellement décidé (violation de l'article 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015) et, partant, n'a pas pu décider légalement que la demande était irrecevable (violation de l'article 25 du Code judiciaire).
En outre, la cour d'appel méconnaît la notion d'autorité de chose jugée en ce qu'elle considère, au moins implicitement, que celle-ci empêche la réitération de la demande, quel que soit le motif qui a conduit le juge à débouter le demandeur, que ce soit un motif de fond ou un motif de forme ou de procédure, tel que le défaut de production d'une pièce prescrite par la loi, qui a empêché le juge d'aborder le fond conformément au prescrit des articles 24 et 25 du Code de droit international privé (violation des articles 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, 1026, 1027, 1029, 1030 et 1032 du Code judiciaire, 23, §§ 1er et 3, 24 et 25 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé).

Enfin, en décidant que « les conditions requises par l'article 23 du Code judiciaire pour qu'il y ait autorité de chose jugée sont réunies dès lors que la demande est la même, qu'elle est fondée sur la même cause et formée entre les mêmes parties », alors qu'il ressort de la décision du 13 mars 2013, à laquelle se réfère la cour d'appel, que le tribunal de première instance de Liège y a débouté la demanderesse de sa demande au motif que « le dossier de (la demanderesse) ne contient que le dispositif de la décision du 29 mars 2012 sans que les commentaires de cette décision, lesquels peuvent s'assimiler à sa motivation, ne soient produits ; l'examen du respect des prescriptions édictées à l'article 25 du Code de droit international privé, notamment le respect de l'ordre public et des droits de la défense, ne peut dès lors être effectué », et, partant, ne s'est à l'époque nullement prononcé sur la présence de causes, énumérées limitativement à l'article 25 précité, pouvant justifier le refus de la déclaration de la force obligatoire de la décision étrangère, se déclarant au contraire être dans l'impossibilité de procéder à un tel examen en raison de l'absence de la pièce précitée, méconnaît l'autorité de chose jugée, attachée à cette décision du 13 mars 2013 (violation des articles 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, 1026, 1027, 1028, 1029, 1030 et 1032 du Code judiciaire, et 23, §§ 1er et 3, 24 et 25 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé).

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 24, § 1er, 1°, du Code de droit international privé, la partie qui demande la déclaration de la force exécutoire d'une décision étrangère doit produire une expédition de cette décision.

Aux termes de l'article 23, première phrase, du Code judiciaire, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet de la décision.

Il suit de ces dispositions que la décision du juge que la demande de déclaration de la force exécutoire d'une décision judiciaire étrangère ne peut être admise, au motif que cette décision n'est pas produite dans son intégralité, n'empêche pas le demandeur de réitérer sa demande en produisant cette décision intégralement.

Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- par une requête unilatérale du 27 août 2012, la demanderesse a saisi le tribunal de première instance d'une demande en déclaration de la force exécutoire d'une décision rendue le 29 mars 2012 par le District Court of Hong Kong Special Administrative Région, Matrimonial Causes ;
- par un jugement du 13 mars 2013, la demanderesse a été déboutée de sa demande au motif que « le dossier [de la demanderesse] ne contient que le dispositif de la décision du 29 mars 2012 sans que les commentaires de cette décision, lesquels peuvent s'assimiler à sa motivation, ne soient produits » et que « l'examen du respect des prescriptions édictées à l'article 25 du Code de droit international privé, notamment le respect de l'ordre public et des droits de la défense, ne peut dès lors être effectué » ;
- par une nouvelle requête unilatérale du 7 novembre 2014, la demanderesse a réitéré sa demande devant le même tribunal en produisant la décision du 29 mars 2012 avec ses « commentaires ».

L'arrêt attaqué, qui, par confirmation du jugement du premier juge, déclare la demande irrecevable, en considérant, par des motifs propres, que « les conditions requises par l'article 23 du Code judiciaire pour qu'il y ait autorité de la chose jugée sont réunies dès lors que la demande est la même, qu'elle est fondée sur la même cause et formée entre les mêmes parties » et, par adoption des motifs du premier juge, que « la production actuelle des commentaires manquants » ne permet pas de remettre en cause le jugement du 13 mars 2013 « sans faire fi du principe de l'autorité de la chose jugée », viole les dispositions légales précitées.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur l'étendue de la cassation :

La cassation de la décision déclarant la demande principale irrecevable s'étend à la décision rendue sur la demande incidente, en raison du lien établi par le juge du fond entre ces décisions.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Albert Fettweis, président, le président de section Martine Regout, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du premier décembre deux mille dix-sept par le président de section Albert Fettweis, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M.-Cl. Ernotte M. Regout A. Fettweis


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0069.F
Date de la décision : 01/12/2017

Parties
Demandeurs : EXEQUATUR, CHOSE JUGEE, AUTORITE DE CHOSE JUGEE, Matière civile

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-01;c.17.0069.f ?
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