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29/11/2017 | BELGIQUE | N°P.17.1145.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2017, P.17.1145.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.1145.F

* ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et lamigration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont,2,



* demandeur en cassation,

* ayant pour conseils Maîtres Elisabeth Derriks et Anaïs Detournay,avocats au barreau de Bruxelles,









* contre

O. H.,

étrangère, privée de liberté,

défenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
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br>I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

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Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.1145.F

* ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et lamigration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont,2,

* demandeur en cassation,

* ayant pour conseils Maîtres Elisabeth Derriks et Anaïs Detournay,avocats au barreau de Bruxelles,

* contre

O. H.,

étrangère, privée de liberté,

défenderesse en cassation,

ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 octobre 2017 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.

Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.

  L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. les faits

L'arrêt rejette l'appel du demandeur contre l'ordonnance de la chambre duconseil qui a déclaré fondé le recours de la défenderesse contre la mesureprivative de liberté prise à son égard le 26 septembre 2017 en applicationde l'article 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès auterritoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.Cette mesure a été prise aux fins d'exécution d'un ordre de quitter leterritoire, avec reconduite à la frontière, délivré le même jour enapplication des articles 7, alinéas 2 et 3, et 74/14, § 3, 4°, de la loidu 15 décembre 1980.

L'arrêt constate que :

* par une décision du 8 septembre 2016, le commissairegénéral aux réfugiés et aux apatrides a refusé dereconnaître à la défenderesse la qualité de réfugiéeainsi que le statut de protection subsidiaire,

* le 14 septembre 2016, le délégué du secrétaired'Etat à l'asile et la migration a notifié à ladéfenderesse un ordre de quitter le territoire,

* la défenderesse a introduit devant le Conseil ducontentieux des étrangers un recours contre ladécision de refus du commissaire général,

* par un arrêt du 22 février 2017, cette juridiction arejeté ce recours,

* la défenderesse a formé devant le Conseil d'Etat unpourvoi en cassation contre cet arrêt,

* le 3 mai 2017, le Conseil d'Etat a déclaré cerecours admissible.

L'arrêt attaqué considère que l'étranger recouvre sa qualité de demandeurd'asile lorsque le Conseil d'Etat déclare admissible le pourvoi encassation administrative qu'il a formé contre l'arrêt du Conseil ducontentieux des étrangers.

Selon la cour d'appel, puisque la défenderesse a formé un tel pourvoi etque le Conseil d'Etat l'a déclaré admissible, elle a la qualité decandidate réfugiée et, par conséquent, elle ne peut être éloignée vers sonpays d'origine pendant toute la durée de la procédure d'asile. Dès lorsque le Conseil d'Etat n'est pas appelé à statuer sur le recours encassation administrative dans un délai compatible avec la durée légalemaximale d'une détention sur le fondement de l'article 7, alinéa 3, de laloi du 15 décembre 1980, l'arrêt considère que c'est à bon droit que ladéfenderesse sollicite sa mise en liberté.

III. la décision de la cour

Sur les fins de non-recevoir opposées au pourvoi par la défenderesse :

La première fin de non-recevoir est déduite de ce que le pourvoi a étéformé en dehors du délai de vingt-quatre heures visé à l'article 31, § 2,de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

La deuxième fin de non-recevoir est déduite de ce qu'en statuant sur lepourvoi en dehors du délai de quinze jours à compter de la date dupourvoi, la Cour violerait les articles 31, § 3, alinéa 2, de la loi du 20juillet 1990 relative à la détention préventive, 15.2 de la directive2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008relative aux normes et procédures communes applicables dans les Étatsmembres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,5.4 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales et la recommandation 2017/432 de la Commission du 7mars 2017 visant à rendre les retours plus effectifs dans le cadre de lamise en œuvre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et duConseil.

* L'article 72 de la loi du 15 décembre 1980, qui ne fait pas mention dupourvoi en cassation, ne vise que la procédure d'examen des recoursjudiciaires qu'il prévoit et sur lesquels statuent les juridictionsd'instruction. Cette disposition se réfère nécessairement à la loirelative à la détention préventive en vigueur lors de la promulgationde la loi du 15 décembre 1980, à savoir celle du 20 avril 1874, qui necontenait aucune disposition concernant le pourvoi en cassation,lequel était formé et jugé suivant les règles du Code d'instructioncriminelle.

La loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, qui consacreun chapitre au pourvoi en cassation, n'a pas modifié l'article 72 de laloi du 15 décembre 1980. Dès lors, nonobstant l'entrée en vigueur de laloi du 20 juillet 1990, son article 31 n'est pas applicable au pourvoi encassation formé contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation quistatue sur la décision de maintien en détention d'un étranger, ce pourvoiet son jugement demeurant réglés par les dispositions du Coded'instruction criminelle.

* La circonstance que la Cour statue dans un délai de plus de quinzejours à dater du pourvoi ne saurait être considérée, en elle-même,comme incompatible avec l'article 15.2 de la directive 2008/115/CEprécitée ni avec les articles 5.4 et 6 de la Convention.

En vertu de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Unioneuropéenne, une recommandation ne lie pas les Etats membres.

* Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

* La défenderesse fait valoir que dans l'hypothèse où la Cour devaitconsidérer qu'il y a lieu de casser l'arrêt attaqué, il lui incombed'interroger la Cour de Justice de l'Union européenne à propos dudélai que cette dernière estime compatible avec l'exigence d'uncontrôle juridictionnel accéléré.

* En vertu de l'article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales, toute personne arrêtée oudétenue dans les conditions prévues au paragraphe 1^er, f, de cetarticle, a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afinqu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonnesa libération si la détention est illégale.

* D'une part, le droit de la défenderesse à ce que sa cause soitentendue à bref délai, garanti par la disposition précitée de laConvention, risquerait d'être violé en l'espèce si une questionpréjudicielle était posée à la Cour de justice de l'Union européenne.

* D'autre part, aucune disposition ou principe général du droit del'Union européenne ne détermine le délai précis dans lequel devraitintervenir la décision de la Cour de cassation.

* La demande de question préjudicielle doit, dès lors, être rejetée.

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 17, § 1^er, alinéa 1^er, et20 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, 39/69 et 39/70 de la loi du15 décembre 1980 et 23 à 28 du Code judiciaire, de la méconnaissance del'autorité de chose jugée de l'arrêt du Conseil du contentieux desétrangers du 22 février 2017 et de l'erreur de droit.

Le demandeur fait valoir que l'arrêt du Conseil du contentieux desétrangers du 22 février 2017 est exécutoire et que le pourvoi en cassationadministrative formé contre cette décision n'a pas d'effet suspensif, mêmesi le Conseil d'Etat a déclaré ce recours admissible. Selon le moyen,contrairement à ce que la cour d'appel a décidé, la défenderesse n'a plus,depuis cet arrêt, la qualité de demandeur d'asile et la mesured'éloignement peut être exécutée.

Le moyen précise que si la loi interdit d'exécuter de manière forcée unemesure d'éloignement pendant le délai fixé pour l'introduction du recourscontre la décision de refus du commissaire général et pendant l'examen decelui-ci par le Conseil du contentieux des étrangers, la loi n'a pas prévuune telle interdiction durant l'examen du pourvoi en cassationadministrative formé contre l'arrêt de cette juridiction.

En vertu de l'article 39/70, alinéa 1^er, de la loi du 15 décembre 1980,sauf accord de l'intéressé, aucune mesure d'éloignement du territoire oude refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à l'égard del'étranger pendant le délai fixé pour l'introduction du recours de pleinejuridiction contre les décisions du commissaire général aux réfugiés etaux apatrides et pendant l'examen de celui-ci.

L'article 39/67 de cette loi dispose que les décisions du Conseil ducontentieux des étrangers ne sont susceptibles ni d'opposition, ni detierce opposition, ni de révision, et qu'elles sont uniquementsusceptibles du pourvoi en cassation prévu à l'article 14, § 2, des loiscoordonnées sur le Conseil d'Etat.

En vertu de cette dernière disposition, la section du contentieuxadministratif du Conseil d'Etat statue par voie d'arrêts sur les recoursen cassation formés contre les décisions contentieuses rendues en dernierressort par les juridictions administratives pour contravention à la loiou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peinede nullité. Dans ce cas, elle ne connaît pas du fond des affaires.L'article 20, § 1^er, desdites lois coordonnées énonce que le recours encassation n'est traité que lorsqu'il est déclaré admissible en applicationdu § 2 de cet article.

Il ne résulte pas de ces dispositions ou de celles que le moyen invoque,ni d'aucune autre disposition de la loi du 15 décembre 1980 ou des loiscoordonnées sur le Conseil d'Etat, que l'autorité compétente ne peut pasprendre une mesure privative de liberté en application de l'article 7,alinéa 3, de la loi précitée, pendant le traitement du pourvoi encassation visé à l'article 39/67 de cette loi, même si le Conseil d'Etat adéclaré ce recours admissible.

En décidant du contraire, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;

Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction derenvoi ;

Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises enaccusation, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf novembre deuxmille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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29 NOVEMBRE 2017 P.17.1145.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1145.F
Date de la décision : 29/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-29;p.17.1145.f ?
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