Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0902.F
I. H. I.,
mère de l'enfant mineur A.M.,
II. M.R.,
père de l'enfant mineur A. M.,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Guerric Goubau, Madeleine Genot et JacquesFierens, avocats au barreau de Bruxelles.
I. la procédure devant la cour
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 27 juin 2017 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre de la jeunesse.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire commun annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.
Le 18 octobre 2017, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé desconclusions au greffe.
A l'audience du 29 novembre 2017, le conseiller Frédéric Lugentz a faitrapport et l'avocat général précité a conclu.
II. la décision de la cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3, § 1^er,et 7 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant,22 et 22bis de la Constitution et 8 de l'ordonnance du 29 avril 2004 del'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune relative àl'aide à la jeunesse. Les demandeurs reprochent au juge d'appel d'avoirordonné le maintien du placement de leur enfant mineur chez une personnedigne de confiance, en application de l'article 10, 9°, de l'ordonnance du29 avril 2004, alors que les circonstances indiquées à l'arrêt ne révèlentpas que « la santé ou la sécurité [du] jeune est actuellement et gravementcompromise » ou que la mesure décidée est nécessaire en raison d'un dangerimmédiat ou du comportement actuel des parents.
En vertu de l'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance du 29 avril 2004relative à l'aide à la jeunesse, la santé ou la sécurité d'un jeune estconsidérée comme actuellement et gravement compromise lorsque sonintégrité physique ou psychique est menacée, soit parce que le jeuneadopte de manière habituelle ou répétée des comportements quicompromettent réellement et directement ses possibilités d'épanouissementaffectif, social ou intellectuel, soit parce que le jeune est victime denégligences graves, de mauvais traitements, d'abus d'autorité ou d'abussexuels le menaçant directement et réellement.
Lorsqu'il décide de prendre à l'égard d'un jeune, de sa famille ou de sesfamiliers l'une des mesures prévues à l'article 10 de l'ordonnance, aumotif que le mineur adopte de la manière précitée un comportementdangereux ou que ce jeune est victime de négligences graves, de mauvaistraitements, d'abus d'autorité ou d'abus sexuels le menaçant directementet réellement, le juge est tenu de constater au préalable l'existenceconcrète de l'une de ces circonstances et la nécessité de recourir à tellemesure qu'il envisage, parmi celles que prévoit l'article 10.
Après avoir souligné que l'éloignement de l'enfant de ses parentsconstitue une mesure extrême qui s'est avérée indispensable lors del'intervention du tribunal de la jeunesse et précisé que la situation desdemandeurs s'est entretemps nettement améliorée, la cour d'appel atoutefois rappelé que la mesure prise avait également été jugée nécessaireen raison de comportements inadaptés de ces derniers. Elle relève ensuitela présence de troubles psychiques (attachement indifférencié) qui, selondes intervenants sociaux, ont été constatés chez l'enfant, la pauvreté deséchanges entre ce dernier et ses parents ainsi que des comportementsinadéquats adoptés par ces derniers pendant les visites, nécessitantl'intervention régulière de la « référente psycho-sociale », mais nonautrement précisés au regard des conditions visées à l'article 8, alinéa2, de l'ordonnance du 29 avril 2004.
Ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié concrètement pourquoi la santé oula sécurité de l'enfant seraient actuellement exposées dans son milieufamilial à un danger grave, en raison soit de comportements visés àl'article 8, alinéa 2, de l'ordonnance, que le jeune pourrait adopter demanière habituelle et répétée, soit du fait que ce jeune pourrait êtrevictime, dans ce milieu, de négligences graves, de mauvais traitements,d'abus d'autorité ou d'abus sexuels le menaçant directement et réellement.
Partant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision demaintenir le placement de l'enfant dans une famille ou chez une personnedigne de confiance.
La cassation de la décision rendue sur cette mesure de placement entraînela cassation des autres décisions qui en sont la conséquence.
Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne sauraitentraîner une cassation dans des termes différents de ceux du dispositif.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction derenvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Mireille Delange, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf novembre deuxmille dix-sept par Mireille Delange, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
|------------------------+-----------------------+-----------------------|
| E. de Formanoir | F. Roggen | M. Delange |
+------------------------------------------------------------------------+
29 NOVEMBRE 2017 P.17.0902.F/4