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21/11/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0777.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 novembre 2017, P.17.0777.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0777.N

I. H. S.

Me Lucas Decreus, avocat au barreau de Gand,

II. E. T.,

Me Joris Van Cauter, avocat au barreau de Gand,

* prévenus,

* demandeur en cassations.











I. la procédure devant la cour

IV. 







Les deux pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 26 janvier2017 (ci-après : l'arrêt I) et le 15 juin 2017 (ci-après : arrêt II)par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

* Le demandeur I invoque deux moyens dans un mémoire annexé auprésent arrêt, en copie certifiée conforme.

* Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé auprésent arrêt, en c...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0777.N

I. H. S.

Me Lucas Decreus, avocat au barreau de Gand,

II. E. T.,

Me Joris Van Cauter, avocat au barreau de Gand,

* prévenus,

* demandeur en cassations.

I. la procédure devant la cour

IV. 

Les deux pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 26 janvier2017 (ci-après : l'arrêt I) et le 15 juin 2017 (ci-après : arrêt II)par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

* Le demandeur I invoque deux moyens dans un mémoire annexé auprésent arrêt, en copie certifiée conforme.

* Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé auprésent arrêt, en copie certifiée conforme.

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. la décision de la cour

IX. 

Sur le moyen du demandeur II :

Quant à la seconde branche

 1. Le moyen, en cette branche, est pris de la violationdes articles 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertés fondamentales, 14du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques et 152 du Code [d'instruction criminelle],ainsi que de la méconnaissance des principes générauxrelatifs au droit à un procès équitable et aux droitsde la défense : l'arrêt II écarte, à tort, des débatsles conclusions déposées par le demandeur àl'audience du 19 mai 2017 sur le fondement del'article 152, §§ 1 et 2, du Code d'instructioncriminelle ; les juges d'appel n'ayant jamais fixé dedélais pour conclure, l'article 152 ne s'appliquepas ; ils ne constatent pas non plus que lesconclusions du demandeur n'étaient qu'une manœuvredilatoire, ont entravé la bonne administration de lajustice, lésé fautivement les droits de l'autrepartie ou porté atteinte au droit à un procèséquitable.

 2. L'article 152, §§ 1 et 2, du Code d'instructioncriminelle dispose :

« § 1^er. Les parties qui souhaitent conclure et n'ont pasencore déposé de conclusions demandent à l'audienced'introduction de fixer des délais pour conclure.

En pareil cas, le juge fixe les délais dans lesquels lesconclusions doivent être déposées au greffe et communiquéesaux autres parties et la date de l'audience, après avoirentendu les parties. La décision est mentionnée dans leprocès-verbal d'audience. Les conclusions sont rédigéesconformément aux articles 743 et 744 du Code judiciaire.

Les conclusions qui n'ont pas été déposées et communiquéesau ministère public, si elles ont trait à l'action publique,et le cas échéant, à toutes les autres parties concernéesavant l'expiration des délais fixés, sont écartées d'officedes débats.

« § 2. À moins que le juge ne constate que le dépôt tardifou la communication tardive poursuit des fins purementdilatoires ou porte atteinte aux droits des autres partiesou au déroulement de la procédure, des conclusions peuventêtre déposées après l'expiration des délais fixésconformément au paragraphe 1^er :

- moyennant l'accord des parties concernées, ou

- en cas de découverte d'une pièce ou d'un fait nouveau etpertinent justifiant de nouvelles conclusions.

Le juge peut, en conséquence, fixer de nouveaux délais pourconclure et une nouvelle date d'audience. Dans ce cas, leparagraphe 1^er est d'application. »

 3. Pour que le juge pénal puisse écarter des débats lesconclusions d'une partie en s'appuyant sur cesdispositions, il est requis qu'il ait fixé desdélais pour conclure et que, sous réserve desexceptions prévues au deuxième paragraphe, ilconstate que cette partie a déposé ses conclusionstardivement ou les a transmises avec retard auxautres parties.

Cependant, lorsque le juge pénal n'a pas fixé de délais pourconclure, chaque partie peut déposer des conclusions àl'audience jusqu'à la clôture des débats. Le juge pénal nepeut écarter ces conclusions des débats que s'il considèrequ'elles sont constitutives d'un abus de procédure parcequ'elles entravent la bonne administration de la justice,lèsent fautivement les droits de l'autre partie et portentatteinte au droit à un procès équitable.

 4. L'arrêt II constate et considère que :

* aucun délai pour conclure n'a étéfixé au cours de la procédurepréalable à la réouverture desdébats ;

* la défense du demandeur I a déposéune requête en réouverture des débatsle 2 janvier 2017, soit au cours dudélibéré ;

* par arrêt interlocutoire du26 janvier 2017, les juges d'appelont rouvert les débats et fixé lacause à l'audience du 23 février 2017afin de permettre aux parties deprendre connaissance de la pièceproduite par le demandeur I et deprendre position à cet égard ;

* le ministère public a prévenu lesparties que l'instance devait êtrereprise dans son intégralité le23 février 2017, vu la modificationde la composition du siège ;

* à cette audience, l'instruction de lacause a été fixée, avec l'accord detoutes les parties, à l'audience du18 mai 2017 ;

* la défense du demandeur I a déposédes conclusions au greffe le 21 avril2017 ;

* la défense du demandeur II a déposédes conclusions à l'audience du 19mai 2017 ;

* les juges d'appel constatent que denouveaux délais pour conclure n'ontpas été demandés à l'audience du23 février 2017, date à laquelle lacause a été fixée à la suite de laréouverture des débats ;

* par conséquent, les conclusionsdéposées, entre autres, par lesdemandeurs I et II après laréouverture des débats doivent êtreécartées des débats conformément auxdispositions de l'article 152, §§ 1et 2, du Code d'instructioncriminelle.

Les juges d'appel qui, de la sorte, n'ont pas fixé de délaispour conclure en se fondant sur l'article 152 du Coded'instruction criminelle ne constatent pas dans l'arrêt IIque les conclusions déposées par le demandeur à l'audiencedu 19 mai 2017 sont constitutives d'un abus de procédure telque visé ci-dessus. En conséquence, ils ne justifient paslégalement la décision d'écarter ces conclusions des débats.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs du demandeur II :

 5. Il n'y a pas lieu de répondre aux griefs qui nesauraient entraîner une cassation sans renvoi.

Sur le premier moyen du demandeur I, pris dans sonensemble :

 6. Le moyen, en sa première branche, est prisde la violation de l'article 152 du Coded'instruction criminelle : l'arrêt IIécarte indûment des débats les conclusionsdéposées au greffe le 21 avril 2017 par ledemandeur ; l'audience d'introductionn'était pas l'audience du 23 avril 2017,mais bien celle du 21 janvier 2016 ; àcette date, l'article 152 n'était pasencore entré en vigueur ; à tout le moins,l'audience d'introduction était celle du9 septembre 2016, dès lors que les partiesy ont été citées à comparaître.

Le moyen, en sa deuxième branche, est pris de laviolation de l'article 149 de la Constitution :l'arrêt II est motivé de manière contradictoirepuisqu'il écarte des débats les conclusionsprécitées du demandeur, alors qu'il ne le fait paspour les conclusions déposées par des coprévenus àl'audience du 21 octobre 2016, bien que ce dépôtait également eu lieu en dehors de l'applicationde l'article 152 du Code d'instruction criminelle.

Le moyen, en sa troisième branche, est pris de laviolation des articles 149 de la Constitution et152 du Code d'instruction criminelle : enn'appliquant pas aux conclusions précitées dudemandeur la vérification prévue à l'article 152alors que, malgré le refus de fixer des délaispour conclure à l'audience du 9 septembre 2016,cette vérification a bien été effectuée en ce quiconcerne les conclusions de coprévenus déposées le21 octobre 2016, l'arrêt II procède à uneapplication absolument arbitraire del'article 152 ; il présente, par conséquent, unemotivation contradictoire et n'est pas légalementjustifié.

Le moyen, en sa quatrième branche, est pris de laviolation des articles 149 de la Constitution et152 du Code d'instruction criminelle : il estégalement absolument contradictoire, nonlégalement justifié et arbitraire que l'arrêt II,d'une part, fasse application des dispositions del'article 152 pour ne pas écarter des conclusions,alors que la demande d'appliquer ce même article aété refusée le 9 septembre 2016 et, d'autre part,invoque ce même article pour écarter lesconclusions du demandeur, alors qu'aucune demandeen ce sens n'aurait été formulée à l'occasiond'une audience d'introduction.

Le moyen, en sa cinquième branche, est pris de laviolation de l'article 152 du Code d'instructioncriminelle : l'arrêt II ne mentionne pas lesconclusions que le demandeur a déposées au greffele 10 mars 2016, préalablement à l'audience de lamême date ; le demandeur peut déduire des termesunivoques utilisés par la cour d'appel concernantla prise de conclusions, tant avant qu'après laréouverture des débats, que les juges d'appeln'ont pas tenu compte de ces conclusions dans ledélibéré ; en outre, le fait de ne pas écarter lesconclusions en question est une indication del'application erronée de l'article 152, commementionné dans les branches précédentes du moyen.

Le moyen, en sa sixième branche, est pris de laviolation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, 14 du Pacte international relatifaux droits civils et politiques, 149 de laConstitution et 152 du Code d'instructioncriminelle : l'arrêt II fait une applicationerronée et contradictoire de l'article 152, d'unepart, en refusant de fixer des délais pourconclure en dépit de la demande formulée à ceteffet à l'audience du 9 septembre 2016 et destermes univoques de la loi et, d'autre part, eninvoquant ce même article pour écarter lesconclusions du demandeur.

Le moyen, en sa septième branche, est pris de laviolation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, 14 du Pacte international relatifaux droits civils et politiques, 149 de laConstitution et 152 du Code d'instructioncriminelle : l'arrêt II présente une motivationcontradictoire, d'une part, en considérant que ladéfense a eu largement la possibilité decontredire les éléments obtenus et lesconstatations effectuées et a pu faire valoir tousarguments pour les défendre et, d'autre part, enécartant les conclusions de la défense sur la based'une application erronée de l'article 152 ; cefaisant, il viole également les droits de défensedu demandeur.

Le moyen, en sa huitième branche, est pris de laviolation de l'article 149 de la Constitution :l'arrêt II présente une motivation lacunaire : ledemandeur ne peut déduire de l'arrêt la mesuredans laquelle ses conclusions déposées le 10 mars2016 ont été prises en considération dans ledélibéré, ni si une réponse directe leur a étéapportée.

 7. En matière répressive, les conclusionsdoivent, en règle, résulter d'un écrit,quelle que soit sa dénomination ou saforme, qui est remis au juge au cours desdébats à l'audience, par une partie ou sonavocat, dont il est régulièrement constatéque le juge en a eu connaissance et danslequel sont invoqués des moyens à l'appuid'une demande, d'une défense ou d'uneexception. Par conséquent, l'écrit émanantd'une partie ou de son avocat qui, mêmes'il contient de tels moyens, n'a pas étésoumis au juge au cours des débats mais aété transmis au greffe, sans qu'ilapparaisse des pièces de la procédurequ'il aurait été à nouveau déposé àl'audience ou que le demandeur aurait faitvaloir verbalement les moyens qu'ilproposait, ne constitue pas, en règle, desconclusions écrites dont le juge doittenir compte.

 8. Sous réserve du cas, non applicable enl'espèce, prévu à l'article 4 du Titrepréliminaire du Code de procédure pénale,une partie ne peut déposer ses conclusionsau greffe de la juridiction répressive quelorsque le juge a fixé des délais pourconclure sur la base de l'article 152 duCode d'instruction criminelle.

Dans la mesure où il est déduit d'une autreprémisse juridique, le moyen, en ces branches,manque en droit.

 9. Il appert des pièces auxquelles la Courpeut avoir égard que le demandeur n'a pasdéposé ses conclusions des 10 mars 2016 et21 avril 2017 à l'audience tenue par lesjuges d'appel, mais au greffe de la courd'appel. Par conséquent, les jugesd'appel, qui n'avaient pas fixé de délaispour conclure, ne devaient pas tenircompte de ces conclusions dans l'arrêt II.

Dans cette mesure, les branches du moyen,fussent-elles fondées, ne sauraient entraîner lacassation et sont irrecevables à défaut d'intérêt.

Pour le surplus, les branches du moyen sontdéduites de l'illégalité vainement invoquée et,dénuées d'intérêt, ne sont pas non plusrecevables.

* Sur le second moyen du demandeur I :

10. Le moyen est pris de la violation desarticles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme etdes libertés fondamentales, 14 duPacte international relatif aux droitscivils et politiques, 149 de laConstitution et 32 du Titrepréliminaire du code de procédurepénale, ainsi que de la méconnaissancedu principe général du droit selonlequel nul n'est censé ignorer la loi.

11. Il n'existe aucun principe général dudroit selon lequel nul n'est censéignorer la loi.

Dans la mesure où il est pris de laméconnaissance de ce prétendu principegénéral du droit, le moyen manque en droit.

Quant à la première branche :

12. Le moyen, en cette branche,invoque que l'arrêt II considère,à tort, que la perquisitionillégale ne viole pas le droit àun procès équitable, au motif queles verbalisateurs n'ont pascommis délibérément l'illégalitéet qu'il n'est pas question denégligence inexcusable dans leurchef ; nul n'est censé ignorer laloi et cela s'applique d'autantplus à des fonctionnaires depolice dans l'exercice de leurfonction ; statuer autrementautorise l'arbitraire ; l'arrêtn'expose pas les raisons pourlesquelles il ne peut êtrequestion de la moindre intentiondans le chef des verbalisateurs.

13. L'arrêt énonce les circonstancesfactuelles dans lesquelles a prisplace la perquisition réaliséepar les verbalisateurs, pour endéduire qu'ils étaient de bonnefoi et présumaient qu'ilsagissaient correctement, de sortequ'il n'est pas question dansleur chef d'intention ou denégligence inexcusable. Ainsi,l'arrêt expose les raisons pourlesquelles il n'existait pasd'intention dans le chef desverbalisateurs et il estrégulièrement motivé.

Dans la mesure où il procède d'unelecture erronée de l'arrêt, le moyen, encette branche, manque en fait.

14. La seule circonstance que lesfonctionnaires de police ne sontpas censés ignorer les lois quirégissent l'exécution de leursmissions n'implique pas que lesirrégularités qu'ils commettentdans l'exercice de celles-cisoient toujours intentionnellesou inexcusables. Le juge statuesouverainement à cet égard sur labase des faits concrets qui luiont été régulièrement soumis. Parconséquent, l'arbitraire n'estpas autorisé et le droit à unprocès équitable n'est pas violé.

Dans la mesure où il est déduitd'une autre prémisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque endroit.

(…)

Le contrôle d'office pour lesurplus

 1. Les formalités substantielles ouprescrites à peine de nullité ontété observées et les décisionssont conformes à la loi.

* PAR CES MOTIFS,

* LA COUR

* Casse l'arrêt attaqué du 15 juin2017 en tant qu'il statue surl'action publique exercée à chargedu demandeur II ;

* Rejette le pourvoi II pour lesurplus ;

* Ordonne que mention du présentarrêt sera faite en marge del'arrêt partiellement cassé ;

* Rejette le pourvoi I ;

* Condamne le demandeur I aux fraisde son pourvoi ;

* Condamne le demandeur II à lamoitié des frais de son pourvoi ;

* Réserve la décision sur le surplusdes frais du pourvoi II afin qu'ilsoit statué sur celui-ci par lajuridiction de renvoi ;

* Renvoie la cause ainsi limitée à lacour d'appel de Bruxelles.

* Ainsi jugé par la Cour decassation, deuxième chambre, àBruxelles, où siégeaient PaulMaffei, président, Alain Bloch,Peter Hoet, Antoine Lievens etErwin Francis, conseillers, etprononcé en audience publique duvingt et un novembre deux milledix-sept par le président PaulMaffei, en présence de l'avocatgénéral délégué Alain Winants, avecl'assistance du greffier FrankAdriaensen.

* Traduction établie sous le contrôledu conseiller Eric de Formanoir ettranscrite avec l'assistance dugreffier Tatiana Fenaux.

* Le greffier, Le conseiller,

21 NOVEMBRE 2017 P.17.0777.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0777.N
Date de la décision : 21/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-21;p.17.0777.n ?
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