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17/11/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0126.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 novembre 2017, C.16.0126.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.16.0126.F

AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Bruxelles,place du Trône, 1,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67,où il est fait élection de domicile,

contre

G. C.,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régenc

e, 4, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt ren...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.16.0126.F

AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Bruxelles,place du Trône, 1,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67,où il est fait élection de domicile,

contre

G. C.,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il estfait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 novembre2015 par la cour d'appel de Liège.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées 

- articles 1^er, G et I, 2, § 1^er, 3, 37 et 51 de la loi du 25 juin1992 sur le contrat d'assurance terrestre, les articles 37 et 51 avantleur abrogation par la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances ;

- en tant que de besoin, articles 91 et 105 de la loi du 4 avril 2014relative aux assurances ;

- article 6 du Code civil ;

- article 155, § 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, del'urbanisme et de l'énergie du 14 mai 1984, avant son abrogation par ledécret du 24 avril 2014.

Décisions et motifs critiqués 

L'arrêt attaqué décide qu'il n'y a pas de caducité du contratd'assurance et confirme en conséquence le jugement entrepris, qui acondamné la demanderesse à payer au défendeur la somme de 97.911,84euros, par les motifs suivants :

« Quant à la caducité du contrat d'assurance

L'intérêt d'assurance est une condition essentielle de tout contratd'assurance.

L'incendie du chalet désigné relève du volet assurance de choses, soitd'une assurance de dommages.

Toute assurance de dommages a un caractère indemnitaire (article 51 de laloi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).

L'intérêt d'assurance est l'intérêt qu'a 1'assuré à ce que le sinistre nese réalise pas.

L'article 1^er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre reprend ce principe et 1'article 37 le précise dans le cadredes assurances indemnitaires : `l'assuré doit pouvoir justifier d'unintérêt économique à la conservation de la chose ou à 1'intégrité dupatrimoine'.

Le chalet litigieux, quoique construit irrégulièrement et devant êtredétruit, conservait, y compris à la date du sinistre, une valeurpatrimoniale et économique certaine, en sorte que l'intérêt d'assurancerestait présent et que le versement d'une indemnité dans de tellescirconstances ne viole pas le principe indemnitaire : elle peut êtreutilisée pour la reconstruction à un autre endroit ; elle est due mêmesi 1'assuré ne reconstruit pas (indemnité minimale dans les conditionsprévues par l'article 67, § 3, 1°, b), de la loi du 25 juin 1992).

Il n'y a donc pas de caducité du contrat d'assurance ».

Griefs

En vertu de l'article 1^e^r, G, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, l'assurance de dommages est « celle dans laquellela prestation d'assurance dépend d'un événement incertain qui cause undommage au patrimoine d'une personne ».

Le point I [de cet article] précise que l'assurance qui a caractèreindemnitaire est « celle dans laquelle l'assureur s'engage à fournir laprestation nécessaire pour réparer tout ou partie d'un dommage subi parl'assuré ».

L'article 3 de cette loi dispose qu'en principe « les dispositions de laprésente loi sont impératives ».

L'article 37 de la même loi disposait encore, avant son abrogation par laloi du 4 avril 2014 relative aux assurances, qu'en ce qui concerne lesassurances à caractère indemnitaire, l'assuré doit pouvoir justifierd'un « intérêt d'assurance », étant défini comme « un intérêtéconomique à la conservation de la chose ou à l'intégrité du patrimoine».

Cette disposition a été textuellement reprise par l'article 91 de lanouvelle loi du 4 avril 2014.

L'arrêt attaqué constate que, par un contrat « Confort habitation »signé (au plus tard) le 19 juillet 2009, le défendeur avait souscrit,auprès de la demanderesse, un contrat d'assurance couvrant le chaletlitigieux contre le risque d'incendie.

L'arrêt attaqué confirme que « le chalet litigieux constitue l'objetexposé au risque couvert par le contrat », que « l'incendie du chaletdésigné relève du volet assurance de choses, soit d'une assurance dedommages », et que « toute assurance de dommages a un caractèreindemnitaire ».

L'arrêt attaqué conclut à juste titre que « l'intérêt d'assurances estune condition essentielle de tout contrat d'assurance ».

Dans le cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que, par un jugementrendu le 27 mai 2010 par le tribunal correctionnel d'Arlon, confirmé parl'arrêt rendu par la cour d'appel de Liège le 16 mai 2011 (soit avantl'incendie litigieux), le défendeur avait été condamné à détruire leditchalet en raison d'infractions urbanistiques, que ce jugement luiordonnait de remettre en état les parcelles concernées et disait qu'àdéfaut pour lui de s'exécuter dans les douze mois du jour où le jugementaurait acquis force de chose jugée, le fonctionnaire délégué de ladirection de l'urbanisme de la province de Luxembourg ainsi que lecollège communal de Virton seraient autorisés à procéder d'office à cestravaux et à vendre les matériaux et objets en résultant.

La cour d'appel a également constaté qu'en novembre 2011, soit « à ladate de l'incendie, l'arrêt de la cour d'appel du 16 mai 2011 [était]passé en force de chose jugée ».

Il découle donc avec certitude de ces constatations de l'arrêt attaquéqu'au jour de l'incendie, le chalet assuré devait être détruit et que sonmaintien à cette date était contraire à une décision de justice passéeen force de chose jugée.

Or, le contrat d'assurance litigieux avait précisément pour objet decouvrir le dommage du défendeur faisant suite à une destruction de cechalet par incendie.

À la date de l'incendie, le défendeur ne pouvait donc plus justifier d'unquelconque intérêt économique « à la conservation de la chose »,celle-ci ne pouvant plus légalement être conservée.

Quant à l'intérêt économique à l'intégrité du patrimoine du défendeur,celui-ci n'existait déjà plus en raison de l'ordre irrévocable dedestruction d'une partie de ce patrimoine (le chalet litigieux), imposépar une décision judiciaire passée en force de chose jugée.

À la date du sinistre, le maintien d'un « intérêt d'assurance » au sensde l'article 37 précité ne découle pas, comme le décide à tort l'arrêtattaqué, de la seule conservation d'« une valeur patrimoniale etéconomique certaine » de la chose assurée. Il s'agit de l'intérêt qu'al'assuré à conserver la chose ou sa contrepartie patrimoniale. Cetintérêt ne se déduit donc pas de la seule valeur patrimoniale de cettechose mais du lien entre l'assuré et la chose soumise au risque.

En l'espèce, à la date de l'incendie, l'assuré ne pouvait pluslégitimement justifier d'un tel « intérêt d'assurance », c'est-à-direde voir le chalet conservé en l'état, quelle que soit sa valeuréconomique à ce moment.

L'arrêt attaqué pouvait certes décider qu'en l'espèce, « le chaletlitigieux, quoique construit irrégulièrement et devant être détruit,conservait, y compris à la date du sinistre, une valeur patrimonialeéconomique certaine » mais il ne pouvait en déduire que, pour ce seulmotif, « l'intérêt d'assurance restait présent ».

En l'occurrence, l'intérêt d'assurance n'existait plus puisque, depuis ladécision judiciaire ordonnant la démolition de son immeuble, le défendeurne pouvait plus prétendre qu'il avait un intérêt, économique ou autre, àla conservation et à la préservation de son intégrité.

D'autre part, l'article 6 du Code civil interdit de déroger, par des loisparticulières, aux lois qui intéressent l'ordre public. En l'espèce, lamesure de destruction du chalet litigieux imposée au défendeur relève del'ordre public. Le maintien du chalet litigieux (sa « conservation »)viole en effet les règles d'urbanisme.

Le défendeur avait été condamné par le jugement correctionnel du 27 mai2010, confirmé en appel, à remettre les lieux en l'état, par applicationde l'article 155, § 2, du Code wallon de l'aménagement du territoire, del'urbanisme et de l'énergie, règle d'ordre public. Ce jugement décide quela mesure de réparation ainsi ordonnée « aura pour effet de fairedisparaître à la fois l'infraction et le dommage » et que « la mesureest dictée par l'intérêt urbanistique général ».

Or, donner effet au contrat d'assurance en l'espèce, en permettant audéfendeur de tirer un intérêt économique du maintien d'une situationillégale, viole cet article 6. Après l'ordre de destruction du chaletlitigieux, le défendeur devait en effet détruire « la chose », ce quiimpliquait nécessairement la disparition de son intérêt économique à laconservation de ce chalet et portait nécessairement atteinte àl'intégrité de son patrimoine. En continuant néanmoins à donner effet aucontrat d'assurance en dépit de l'ordre de destruction, l'arrêt attaquépermet au défendeur de tirer encore un intérêt économique de laconservation illégale du chalet litigieux .

Un tel intérêt économique est illégitime : si, comme il y était obligé,le défendeur avait détruit le chalet litigieux, il n'aurait en effet puprétendre à aucune indemnité. Le contrat d'assurance, tel qu'il a étéappliqué par l'arrêt attaqué, lui a donné « intérêt » à maintenirillégalement ce chalet. En maintenant de la sorte pour le défendeur unintérêt économique à la conservation d'une chose qui doit être détruiteen application d'une loi d'ordre public, l'arrêt attaqué donne au contratd'assurance une exécution qui donne au défendeur un intérêt à ne pasremettre les lieux en état.

Il en va d'autant plus ainsi lorsque, comme en l'espèce, le contratpermet à l'assuré de prétendre à une indemnité d'assurance correspondantà tout le moins à quatre-vingts p.c. de la valeur intégrale de ce chaletsur pied (non détruit) plutôt que d'engager lui-même les frais dedémolition et de récupérer le cas échéant les matériaux et objets pouvanten résulter.

Il en résulte qu'en décidant que « le chalet litigieux, quoiqueconstruit irrégulièrement et devant être détruit, conservait, y compris àla date du sinistre, une valeur patrimoniale économique certaine, ensorte que l'intérêt d'assurances restait présent », l'arrêt attaqué violetoutes les dispositions légales visées en tête du moyen et spécialementl'article 37 de la loi du 25 juin 1992 et l'article 6 du Code civilpuisque, après que l'ordre de destruction du bâtiment litigieux fut passéen force de chose jugée, le défendeur ne pouvait plus légitimementjustifier « d'un intérêt économique à la conservation de la chose »,celle-ci devant être détruite, ou « à 1'intégrité du patrimoine »,celle-ci ne pouvant être légalement maintenue.

La valeur patrimoniale économique certaine qui était assurée était celled'un chalet non détruit, dont le défendeur avait précisément à redouterla destruction, mais non celle d'un chalet devant irrévocablement êtredétruit par le défendeur lui-même ou par les autorités publiques (auxfrais du défendeur) parce que son maintien était illégal. Dans ce derniercas, le défendeur n'avait plus à redouter la destruction du bien assuré,de sorte que le contrat d'assurance devenait caduc par disparition d'unde ses éléments essentiels, l'intérêt d'assurance.

Il n'y a plus d'intérêt d'assurance pour un immeuble qui fait l'objetd'un ordre de destruction par décision de justice. En effet, lepropriétaire d'un tel immeuble ne peut plus prétendre avoir un intérêtlégitime, économique ou autre, à la conservation de son immeuble ou, end'autres termes, à ce que son immeuble ne soit pas démoli.

Second moyen (subsidiaire) 

Dispositions légales violées 

- articles 39 et 67, § 3, 1°, b), de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre ;

- en tant que de besoin, articles 93 et 121, § 4, 1°, b), de la loi du 4avril 2014 relative aux assurances ;

- article 1134 du Code civil ;

- article 3.5 [des conditions générales du contrat d'assurance, figurant]à la page 37 desdites conditions générales.

Décisions et motifs critiqués 

L'arrêt attaqué condamne la demanderesse à payer au défendeur la sommede 97.911,84 euros correspondant à quatre-vingts p.c. de la valeur àneuf du chalet litigieux, par les motifs suivants :

« B. Montant de l'indemnité due

1. [La demanderesse] soutient qu'en application du principeindemnitaire, [le défendeur] n'a subi aucun dommage puisque le chaletdevait être démoli ; que son indemnisation ne peut être supérieure à sondommage réel, et qu'aucun matériau n'aurait pu être récupéré.

2. Le principe indemnitaire consacré par l'article 39 de la loi du 25juin 1992, [selon lequel] `la prestation due par l'assureur est limitéeau préjudice subi par l'assuré', implique que la prestation de l'assureursoit exactement calquée sur le montant du dommage subi, mais hormis lesexceptions prévues par la loi.

Or, l'article 67, § 3, 1°, b), de la loi du 25 juin 1992 impose uneindemnité minimale de quatre-vingts p.c. en cas de non-reconstruction, etl'article 3.5 des dispositions spécifiques à 1'assurance Habitationinsérées dans les conditions générales reprend le contenu de cettedisposition légale.

3. Les dommages seront évalués comme suit : dommage au bâtiment : 80p.c. de 122.640 euros, soit 98.112 euros vu l'absence de reconstruction; [...] total : 134.912 euros, dont à déduire la franchise de 234,40euros, soit 134.677,60 euros, dont à déduire la somme déjà versée de36.765,76 euros, soit 97.911,84 euros en principal ».

Griefs

Dans le chapitre III de la loi du 25 juin 1992 consacré aux dispositionspropres aux assurances à caractère indemnitaire, l'article 39 traite de1'« étendue de la prestation d'assurances » en prévoyant que : « Laprestation due par l'assureur est limitée au préjudice subi par l'assuré.Ce préjudice peut notamment consister dans la privation de l'usage dubien assuré ainsi que dans le défaut de profit espéré ».

Cette disposition a été textuellement reprise à l'article 93 de lanouvelle loi du 4 avril 2014.

Le second moyen est développé à titre subsidiaire. En cas de rejet dupremier moyen, il en découlerait en effet que l'arrêt attaqué alégalement pu décider qu'une prestation d'assurances est due par lademanderesse au défendeur.

Mais, dans de telles conditions, l'étendue de la prestation d'assurancesne peut, par application de la disposition légale précitée, êtresupérieure au préjudice subi par l'assuré, la cour d'appel reconnaissantelle-même que ce principe, qui « implique que la prestation del'assureur soit exactement calquée sur le montant du dommage subi, sefonde sur 1'article 67 ».

En l'espèce, l'arrêt attaqué se fonde sur l'article 67, § 3, 1°, b), dela loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre pour octroyerau défendeur une indemnité minimale de quatre-vingts p.c., ainsi que sur« l'article 3.5 des dispositions spécifiques à l'assurance Habitationinsérées dans les conditions générales », qui reprend le contenu decette disposition légale.

Cet article 67 précise qu'en matière d'assurance contre l'incendie,l'indemnité qui est « payée » ne peut être inférieure : « b) en casd'assurances en valeur à neuf, lorsque l'assuré ne reconstruit, nereconstitue ou ne remplace pas le bien sinistré, à quatre-vingts p.c. decette valeur à neuf, vétusté déduite, conformément au paragraphe 4 ». En1'espèce, l'arrêt attaqué octroie au défendeur, en application de cesdispositions légales et contractuelle, à titre de « dommage au bâtiment :80 p.c. de 122.640 euros, soit 98.112 euros vu 1'absence dereconstruction ».

L'arrêt attaqué décide en conséquence que le défendeur a droit à cetteindemnité minimale correspondant à quatre-vingts p.c. de la valeur àneuf du chalet litigieux.

Première branche

Dans ses conclusions de synthèse d'appel, la demanderesse soutenait qu'àtitre subsidiaire, concernant le dommage, « il fallait tenir compte desdécisions de justice ordonnant la démolition du bâtiment pour déterminerle préjudice réellement subi », qu'« en 1'espèce, il n'est pascontestable qu'aucun matériau n'aurait pu être récupéré suite à ladémolition du chalet par les autorités », de sorte que le défendeur «n'a subi aucun dommage puisque, de toute façon, l'immeuble devait êtredémoli », et que la décision « ne peut conduire à un enrichissementsans cause [du défendeur] ».

L'arrêt attaqué répond que l'article 39 précité « implique que laprestation de l'assureur soit exactement calquée sur le montant dudommage subi » mais il considère que cette règle s'applique « hormis lesexceptions prévues par la loi » et, parmi celles-ci, l'exception del'indemnité minimale de quatre-vingts p.c. en cas de non-reconstruction,prévue à l'article 67, § 3, précité.

L'arrêt attaqué perd cependant de vue que ce paragraphe 3, 1°, qui imposeà l'assureur « une indemnité minimale de quatre-vingts p.c. en cas denon-reconstruction » s'applique « sans préjudice de l'application desautres dispositions de la présente loi qui permettent de réduirel'indemnité ».

Or, précisément, l'article 39 de cette loi limite la prestation due parl'assureur au préjudice subi par l'assuré. En d'autres termes, s'il n'y apas de préjudice subi, il ne saurait y avoir d'indemnité minimale.

Il en résulte qu'en imposant en l'espèce une indemnité minimale dequatre-vingts p.c. de la valeur à neuf du chalet litigieux enapplication de l'article 67, § 3,  précité, sans vérifier si cettevaleur ne dépassait pas le préjudice subi par le défendeur, l'arrêtviole toutes les dispositions légales et contractuelle visées au moyen,en vertu desquelles l'étendue de la prestation d'assurances est en toutehypothèse limitée au préjudice subi par l'assuré, l'article 67, § 3, 1°,b), précité ne constituant pas une exception à cette règle mais nepouvant au contraire s'appliquer « au préjudice de l'application desautres dispositions » de la loi du 25 juin 1992 « qui permettent deréduire l'indemnité » et notamment de l'article 39.

Seconde branche

Dans ses conclusions de synthèse d'appel précitées, la demanderessesoutenait qu'en raison de la décision de justice ordonnant la démolitiondu bâtiment et du fait qu'il n'était pas contestable « qu'aucunmatériau n'aurait pu être récupéré suite à la démolition du chalet », ledéfendeur n'avait subi aucun préjudice à la suite de l'incendie survenudans la nuit du 3 au 4 novembre 2011.

L'arrêt attaqué octroie au défendeur l'indemnité minimale prévue parl'article 67, § 3, précité, correspondant à un pourcentage de la «valeur à neuf » du chalet litigieux, sans vérifier si le défendeur avaitréellement subi un préjudice à la suite de l'incendie et si lesprestations qu'il imposait à l'assureur étaient « exactement calculéessur le montant du dommage subi ».

Il en résulte qu'en octroyant au défendeur une indemnité correspondant àun pourcentage de la valeur à neuf du chalet litigieux, sans constaterque ce montant n'était pas supérieur au préjudice subi par celui-ci,comme le soutenait la demanderesse, l'arrêt attaqué viole l'article 39de la loi du 25 juin 1992 (article 93 de la loi du 4 avril 2014).

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Suivant l'article 1^er, A, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, on entend par contrat d'assurance le contrat envertu duquel, moyennant le paiement d'une prime fixe ou variable, unepartie, l'assureur, s'engage envers une autre partie, le preneurd'assurance, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas oùsurviendrait un événement incertain que, selon le cas, l'assuré ou lebénéficiaire a intérêt à ne pas voir se réaliser.

En vertu de l'article 1^er, G, de la même loi, l'assurance de dommages estcelle dans laquelle la prestation d'assurance dépend d'un événementincertain qui cause un dommage au patrimoine d'une personne.

L'article 37 de cette loi dispose que l'assuré doit pouvoir justifier,dans les assurances à caractère indemnitaire, d'un intérêt économique à laconservation de la chose ou à l'intégrité du patrimoine.

Aux termes de l'article 51 de la même loi, toute assurance de dommages aun caractère indemnitaire.

Il suit de ces dispositions que, dans les assurances de dommages,l'intérêt assurable est celui qu'a l'assuré à ce qu'un événement incertainsusceptible de causer un dommage à la chose assurée ou au patrimoine del'assuré ou du bénéficiaire ne se réalise pas.

Le juge du fond apprécie en fait si un tel intérêt subsiste à la date dusinistre.

L'arrêt attaqué constate que les parties ont conclu un contrat d'assurancedont l'objet est de couvrir le risque d'incendie d'un chalet dont ledéfendeur était propriétaire et qu'il avait été condamné à détruire duchef d'infractions urbanistiques lorsque l'incendie s'est déclaré.

L'arrêt attaqué considère, sans être critiqué, que « le chalet litigieux,quoique construit irrégulièrement et devant être détruit, conserve, ycompris à la date du sinistre, une valeur patrimoniale et économiquecertaine ».

Partant, l'arrêt attaqué, qui considère que « l'intérêt d'assurance resteprésent et que le versement d'une indemnité dans de telles circonstancesne viole pas le principe indemnitaire : elle peut être utilisée pour lareconstruction à un autre endroit ; elle est due même si l'assuré nereconstruit pas », justifie légalement sa décision que le contratd'assurance n'est pas caduc.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Suivant l'article 39 de la loi du 25 juin 1992, la prestation due parl'assureur en vertu d'une assurance à caractère indemnitaire est limitéeau préjudice subi par l'assuré.

S'agissant des assurances de choses, l'article 53 de la même loi disposeque les parties peuvent déterminer la manière dont les biens sont évaluésen vue de leur assurance et que, par dérogation à l'article 39, lesparties peuvent convenir d'une valeur de reconstruction, de reconstitutionou de remplacement, même sans en déduire la vétusté.

S'agissant de l'assurance contre l'incendie, en vertu de l'article 67, §3, 1°, b), de la même loi, sans préjudice de l'application des autresdispositions de la loi qui permettent de réduire l'indemnité, celle-ci, encas d'assurance en valeur à neuf, ne peut être inférieure à quatre-vingtspour cent de cette valeur lorsque l'assuré ne reconstruit, ne reconstitueou ne remplace pas le bien sinistré.

Il suit de ces dispositions qu'en cas d'assurance contre l'incendie envaleur à neuf, l'assuré qui ne reconstruit, ne reconstitue ou ne remplacepas le bien sinistré a droit, par dérogation à l'article 39 précité, à uneindemnité minimale correspondant à quatre-vingts pour cent de cettevaleur, sans préjudice de l'application des autres dispositions de la loiou du contrat qui permettent de réduire l'indemnité.

Le moyen, qui, en ses deux branches, repose sur le soutènement contraire,manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de neuf cent soixante-cinq euros trente-troiscentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, président, lesprésidents de section Albert Fettweis et Martine Regout, les conseillersMichel Lemal et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique dudix-sept novembre deux mille dix-sept par le président de sectionChristian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | A. Jacquemin | M. Lemal |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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17 NOVEMBRE 2017 C.16.0126.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0126.F
Date de la décision : 17/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-17;c.16.0126.f ?
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