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17/11/2017 | BELGIQUE | N°C.12.0427.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 novembre 2017, C.12.0427.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.12.0427.F

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires étrangères, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est faitélection de domicile,

contre

M.-F. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 ma

rs 2012 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le président de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Philippe de ...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.12.0427.F

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires étrangères, dont lecabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est faitélection de domicile,

contre

M.-F. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 mars 2012 parla cour d'appel de Bruxelles.

Le président de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;

- principe général du droit dit principe dispositif, consacré parl'article 1138, 2°, du Code judiciaire, et cet article ;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ;

- articles 146bis, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 46 et 47 du Code de droit international privé ;

- article 65 du Code marocain de la famille.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt, par confirmation du jugement entrepris, condamne le demandeur àdélivrer à la défenderesse, de nationalité belge, un certificat denon-empêchement à mariage avec le sieur T., de nationalité marocaine, cedocument étant destiné aux autorités marocaines en vue du mariage de cespersonnes au Maroc, et fonde cette décision sur les motifs suivants :

« Les parties s'accordent à considérer que le certificat denon-empêchement à mariage requis par les autorités marocaines pour lacélébration du mariage au Maroc n'est pas un acte d'état civil belge ; [ledemandeur] ajoute à juste titre que ce certificat n'est pas un documentconnu du droit belge ;

Il apparaît dès lors justifié de se référer au droit étranger, enl'occurrence le droit marocain, pour examiner les exigences poséesconcernant ce certificat ;

L'article 13 du Code marocain de la famille prévoit que `la conclusion dumariage est subordonnée aux conditions suivantes : […] 5. l'absenced'empêchements légaux' ;

Les `empêchements légaux' sont visés au titre III du Code marocain de lafamille - `Des empêchements au mariage' - et sont de deux sortes,perpétuels (articles 36 à 38) ou temporaires (articles 39 à 46) ;

Les empêchements perpétuels résultent de liens de parenté ou d'alliance ;les empêchements temporaires résultent essentiellement de la polygamie(interdite sauf autorisation spéciale), du respect d'un délai de viduitéet de motifs religieux ;

Concernant les formalités requises pour l'établissement de l'acte demariage, l'article 65 du Code marocain de la famille dispose qu'`il estconstitué pour la conclusion du mariage un dossier conservé ausecrétariat-greffe de la section de la justice de la famille du lieu del'établissement de l'acte et composé des documents suivants : […] 6. uncertificat d'aptitude au mariage ou ce qui en tient lieu pour lesétrangers' ;

Au vu des dispositions qui précèdent, il convient d'admettre que le`certificat d'aptitude au mariage' (ou de non-empêchement à mariage) pourun sujet marocain doit attester de l'absence de motifs d'empêchement àmariage tels qu'ils sont visés au titre III du Code marocain de lafamille ;

Le libre consentement au mariage et la nécessité de l'intention de créerune communauté de vie durable sont, en droit marocain comme en droitbelge, également des conditions de validité du mariage mais font l'objetd'autres dispositions du Code marocain de la famille ;

Ainsi, selon l'article 4 de ce code, `le mariage est un pacte fondé sur leconsentement mutuel en vue d'établir une union légale et durable entre unhomme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, lapureté et la fondation d'une famille stable sous la direction des deuxépoux, conformément aux dispositions du présent code' ;

En vertu de l'article 10, le mariage est conclu par le consentement mutueldes deux contractants ; lorsque le consentement est vicié par le dol ou lacontrainte, le mariage peut être résilié (articles 12, 63 et 66) ;

L'article 57 prévoit que le mariage est nul, notamment, lorsque lesconsentements des deux parties ne sont pas concordants. La nullité peutêtre prononcée par le tribunal dès qu'il en a connaissance ou à la demandede toute personne concernée (article 58) ;

Le contrôle du libre consentement au mariage ou de l'intention sincère decréer une communauté de vie durable ne s'effectue pas à l'évidence, endroit marocain, à l'occasion de la délivrance d'un certificat d'aptitudeau mariage, qui n'a pour but que d'attester l'absence d'empêchements liésà des liens de parenté, à des motifs religieux ou à des mariagesprécédents ;

La cour [d'appel] se rallie, dès lors, à la position du premier jugelorsqu'il déclare partager l'opinion suivant laquelle, `quelles que soientles exigences posées par les autorités étrangères, la délivrance ducertificat ne doit, en règle, pas nécessiter d'examen concret du projet demariage et en particulier de la réalité du consentement au mariageprojeté' [...] ;

La cour [d'appel] ne partage pas l'opinion [du demandeur] selon laquelle`la délivrance du certificat de non-empêchement à mariage doit êtreexaminée sur la base des dispositions légales belges fixant les conditionsde fond du mariage', y compris l'article 146bis du Code civil, et ladélivrance de ce certificat doit, dès lors, être subordonnée à lavérification de la sincérité de l'intention de chacun des époux decontracter mariage en vue de la formation d'une communauté de viedurable ;

S'agissant d'un document administratif inconnu du droit belge mais exigépar une autorité étrangère, il convient de se limiter aux mentionsrequises par cette autorité étrangère, elle-même compétente pour apprécierla sincérité du consentement au mariage des époux désireux de contractermariage sur son territoire ;

L'on ne voit d'ailleurs pas de quels moyens d'investigation pourraitdisposer l'autorité judiciaire belge (en l'espèce le procureur du Roi)dont l'avis est sollicité par les autorités consulaires ou diplomatiquesbelges pour apprécier la sincérité du consentement au mariage d'un sujetétranger résidant dans son pays d'origine et souhaitant y contractermariage ;

En l'espèce, la sincérité du consentement au mariage est remise en causeuniquement dans le chef du sieur T. (il est question, dans l'avis duprocureur du Roi auquel se réfère le consulat général pour motiver lerefus de délivrance du certificat de non-empêchement à mariage, d'un`mariage « gris » par lequel une compatriote vieillissante se trouvemanipulée par un jeune homme sans scrupule...') ; or, le sieur T. n'ajamais pu être entendu dans le cadre de l'enquête menée en Belgique par leprocureur du Roi à Bruxelles et n'a été entendu que sommairement par unfonctionnaire du consulat général de Belgique à Casablanca en août 2009 ;

La cour [d'appel] ne peut davantage se rallier à l'argumentation [dudemandeur] selon laquelle il ne pourrait délivrer un certificat denon-empêchement à mariage sans vérifier notamment le consentement sincèredes deux époux sous peine d'engager sa responsabilité sur le planinternational ;

Il suffit que l'autorité consulaire ou diplomatique, lors de la délivrancedu certificat de non-empêchement à mariage, mentionne que ce certificat neconcerne que l'absence d'empêchements objectifs au mariage et qu'iln'atteste pas de la sincérité du consentement au mariage du futur épouxbelge ; l'on pourrait également concevoir que cette autorité puisse, sielle le juge nécessaire, émettre des réserves à cet égard à l'attention del'autorité étrangère amenée à célébrer le mariage sur son territoire ;

Certes, il convient d'admettre que l'autorité consulaire ou diplomatiquecompétente ne peut se rendre complice d'une fraude manifeste et qu'ellepourra refuser de délivrer un certificat de non-empêchement à mariage encas de fraude manifeste du candidat au mariage belge ;

En l'espèce, aucune fraude manifeste de ce type n'apparaît établie ;

En l'absence de toute fraude manifeste, et dès lors qu'il n'est pascontesté que [la défenderesse] remplissait les conditions légalesobjectives fixées par la loi belge pour pouvoir se marier, il appartenaitaux autorités consulaires belges de lui délivrer le certificat sollicitéde non-empêchement à mariage ».

Griefs

Première branche

En vertu de l'article 1138, 2°, du Code judiciaire, le juge est tenu detrancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sontapplicables, doit examiner la nature juridique des faits et actes invoquéspar les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique queles parties leur ont donnée, suppléer d'office aux motifs proposés parelles.

Ceci implique cependant que le juge, à cette occasion, ne soulève pas decontestation dont les parties ont exclu l'existence dans leursconclusions, se fonde uniquement sur des éléments qui ont étérégulièrement soumis à son appréciation, sans modifier l'objet de lademande, et, ce faisant, ne viole pas le droit de défense des parties.

L'arrêt décide que seul le droit marocain s'appliquait pour déterminer lesconditions nécessaires à la délivrance d'un certificat de non-empêchementà mariage.

Or, une telle thèse n'était soutenue par aucune des parties.

Le demandeur soutenait en conclusions que les informations à délivrer parle consulat de Belgique à l'attention des autorités marocaines dans lecadre d'un certificat de non-empêchement à mariage étaient, en ce quiconcerne le candidat au mariage de nationalité belge, définies par la loibelge.

La défenderesse concluait uniquement à ce propos que :

« Le certificat de non-empêchement à mariage n'est [donc] pas un acted'état civil prévu par la loi belge mais uniquement un documentadministratif qui est demandé par certaines autorités étrangères (enl'espèce l'autorité marocaine) et qui vise à attester qu'il n'existe pasd'empêchement légal au mariage d'un Belge à l'étranger. Ainsi, dans le casd'espèce il s'agit essentiellement d'attester que la [défenderesse]remplit les conditions requises par la loi belge pour pouvoir contractermariage et qu'elle est libre de contracter mariage (célibataire,dissolution ou annulation des précédents mariages), d'âge légal pour semarier et saine d'esprit (ne faisant pas l'objet d'une mesured'interdiction ou équivalente et ne nécessitant, dès lors, aucunconsentement pour pouvoir se marier), bref que le Belge qui désire semarier à l'étranger est légalement apte à le faire et qu'aucunedisposition légale de son statut personnel ne s'y oppose ;

Pour les mariages contractés en Belgique, la loi a apporté certainesrestrictions à la liberté du mariage, qui sont de stricte interprétation,justifiées par la volonté de lutter contre la pratique des mariagessimulés (mariages `blancs') pour lesquels la volonté des parties de fonderun foyer serait feinte ;

En pratique, ce certificat de non-empêchement à mariage est uniquementdestiné à certifier que l'étranger qui désire se marier au Maroc remplitles conditions prévues par sa loi nationale pour pouvoir se marier(majorité, non-marié, consentement éventuel...). Il ne saurait évidemmentpas être tenu compte de l'éventuel autre candidat au mariage (denationalité marocaine et vivant au Maroc), à l'égard duquel l'autoritéconsulaire étrangère (belge en l'espèce) ne dispose d'aucune espèce decompétence généralement quelconque pour certifier quoi que ce soit ».

La défenderesse admettait ainsi que le droit belge s'applique à ladélivrance du certificat de non-empêchement à mariage en ce qui laconcerne. Or, en droit belge, l'article 146bis du Code civil prévoit quele mariage n'est pas valable dès le moment où il apparaît « quel'intention de l'un au moins des deux époux n'est manifestement pas lacréation d'une communauté de vie durable ».

La défenderesse ayant admis que le droit belge s'appliquait en ce qui laconcerne, elle admettait également que la délivrance du certificat denon-empêchement supposait le respect de l'article 146bis du Code civil et,par voie de conséquence, que le consentement des deux époux devait êtresincère.

En décidant néanmoins que les autorités compétentes représentant ledemandeur pour la délivrance du certificat de non-empêchement à mariageétaient tenues d'appliquer le droit marocain et non le droit belge, etn'étaient pas tenues de vérifier la sincérité du consentement des deuxcandidats au mariage, conformément à l'article 146bis du Code civil,l'arrêt élève une contestation dont les conclusions des parties excluaientl'existence et, partant, viole le principe général du droit dit principedispositif et l'article 1138, 2°, du Code judiciaire, qui le consacre. Entout cas, en soulevant ce moyen sans rouvrir les débats pour que lesparties s'expliquent à ce propos, il viole le principe général du droitrelatif au respect des droits de la défense.

Deuxième branche

Le demandeur soutenait en conclusions que :

« Le certificat de non-empêchement à mariage est un document établi parl'autorité belge destiné à l'autorité étrangère dans le cadre d'un projetde mariage d'un ressortissant belge à l'étranger et attestant que lesconditions de fond du droit belge sont remplies et ce, au regard du droitinternational privé étranger ;

[…] C'est ainsi que la délivrance du certificat de non-empêchement àmariage doit être examinée sur la base des dispositions légales belgesfixant les conditions de fond du mariage, à savoir le titre V du Codecivil - Du mariage - , chapitre I^er - Des qualités et conditions requisespour pouvoir contracter mariage ;

L'article 146bis, qui fait partie intégrante de ce chapitre, y a étéintroduit par la loi du 4 mai 1999 modifiant certaines dispositionsrelatives au mariage, qui avait notamment pour but d'éviter les mariagessimulés. Cet article 146bis vise, de manière cumulative, l'intention desdeux candidats au mariage, comme l'impliquent nécessairement les termes`les consentements' au pluriel et `l'un au moins des époux'. D'ailleurs,l'article 46 du Code de droit international privé n'implique pasnécessairement une application distributive de chacune des législations àchacun des candidats au mariage mais bien une application cumulative quandla condition de fond l'implique. Ainsi en est-il nécessairement desconditions des articles 161 à 163 du Code civil mais également del'article 146bis tenant compte des termes utilisés ;

Toute autre interprétation de l'article 46 du Code de droit internationalprivé conduirait à une situation absurde, contraire aux textes légaux et àla volonté du législateur, puisque éluder la vérification du consentementréel et des intentions du futur conjoint étranger, non seulement ôteraittout effet à l'article 167 de ce code, mais déformerait l'article 146bisen enlevant de fait la forme du pluriel aux termes `les consentements' eten ignorant la formule `l'un au moins des époux' ;

Cette application cumulative des conditions de fond du mariage se retrouved'ailleurs en droit marocain. Ainsi, lorsque l'article 39 de la Moudawanaprohibe le mariage d'une musulmane avec un non-musulman ou d'un musulmanavec une non-musulmane n'appartenant pas aux `gens du livre', il impliquenécessairement que l'autorité marocaine examinera cette condition de fondpar rapport à la religion du ressortissant marocain et du ressortissantétranger. L'application cumulative des conditions de fond s'applique doncen droit belge comme en droit marocain ».

Le demandeur contestait ainsi en conclusions que la défenderesse remplîtles conditions objectives fixées par la loi belge pour se marier et, enaffirmant « qu'il n'est pas contesté que [la défenderesse] remplissait lesconditions légales objectives fixées par la loi belge pour pouvoir semarier », l'arrêt viole la foi due à ces conclusions (violation desarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Troisième branche

Par les conclusions reproduites à la deuxième branche du moyen, ledemandeur soutenait qu'il convenait de s'en référer au droit belge pourapprécier si l'autorité belge compétente pouvait délivrer un certificat denon-empêchement à mariage.

L'arrêt décide d'appliquer le droit marocain au certificat demandé auxautorités belges au seul motif que ce document est « un documentadministratif inconnu du droit belge ».

L'arrêt ne précise pas la base légale sur laquelle il fonde cetteaffirmation pour le moins curieuse.

Ce n'est en effet pas parce que le document administratif qu'une autoritéest chargée d'établir n'est pas connu en tant que tel en Belgique quecette autorité devrait appliquer aux mentions prévues par ce document lesrègles de fond de la loi étrangère qui en prévoit la délivrance.

À défaut d'indiquer la base légale qui l'amène à considérer que la loimarocaine serait applicable aux règles de fond que l'autorité compétentedoit appliquer pour délivrer ou non un certificat de non-empêchement àmariage, l'arrêt rend impossible le contrôle de sa légalité par la Couret, partant, viole l'article 149 de la Constitution.

Quatrième branche

En vertu de l'article 47 du Code de droit international privé, lesformalités relatives à la célébration du mariage sont régies par le droitde l'État sur le territoire duquel le mariage est célébré.

Comme le constate l'arrêt, l'article 65 du Code marocain de la familleprévoit que le dossier des candidats à un mariage à célébrer au Maroc doitcomporter « un certificat d'aptitude au mariage ou ce qui en tient lieupour les étrangers ».

La loi marocaine renvoie ainsi elle-même au droit de l'étranger candidatau mariage pour la détermination de la teneur du document denon-empêchement au mariage à délivrer aux autorités marocaines avant lacélébration de celui-ci.

On ne voit d'ailleurs pas pourquoi le droit marocain exigerait laproduction d'un certificat de non-empêchement au mariage délivré parl'autorité belge si celle-ci devait cantonner son appréciation au respectdes conditions prévues par le droit marocain.

En décidant que seul le droit marocain s'applique au certificat denon-empêchement à mariage à délivrer par une autorité belge, l'arrêt violepar conséquent l'article 65 du Code marocain de la famille, renduapplicable par l'article 47 du Code de droit international privé à lacélébration du mariage de la défenderesse, et, partant, viole égalementledit article 47.

Cinquième branche

En vertu de l'article 46, alinéa 1^er, du Code de droit internationalprivé, les conditions de validité du mariage sont déterminées, pour chacundes époux, par le droit de l'État dont il a la nationalité au moment dumariage. Cette disposition vise notamment les conditions de validité duconsentement des époux.

Or, parmi les conditions du consentement requises par la loi belge, figurecelle qui est prévue par l'article 146bis du Code civil, dont il résulteque ce consentement n'est pas valablement acquis s'« il ressort d'unecombinaison de circonstances que l'intention de l'un au moins des épouxn'est manifestement pas la création d'une communauté de vie durable maisvise uniquement l'obtention d'un avantage en matière de séjour lié austatut d'époux ».

Cette norme vise, ainsi que le demandeur le soutenait en conclusions,« l'intention réelle des deux candidats au mariage, comme l'impliquentnécessairement les termes `les consentements' au pluriel et `l'un aumoins des époux' ».

Si, selon le droit belge, le consentement au mariage n'est pas acquislorsque l'intention de l'un au moins des époux n'est manifestement pas lacréation d'une communauté de vie durable mais vise uniquement l'obtentiond'un avantage en matière de séjour, lié au statut d'époux, l'autoritécompétente peut et même doit, pour apprécier la condition précitée, en vuede la délivrance d'un certificat de non-empêchement, prendre enconsidération la sincérité du consentement de chacun des époux etconsidérer que ce consentement n'est pas acquis lorsqu'il s'avère que leconsentement de l'un d'entre eux n'est pas sincère.

En décider autrement, comme le fait l'arrêt, revient à priver de touteffet l'article 146bis du Code civil en cas de mariage entre unressortissant belge et un étranger célébré à l'étranger.

En condamnant le demandeur à la délivrance à la défenderesse d'uncertificat de non-empêchement à mariage, au motif que les autorités belgescompétentes avaient uniquement mis en cause la sincérité du consentementdu sieur T., alors qu'en vertu de l'article 146bis du Code civil, ilsuffit, pour que le mariage ne soit pas valable, que le consentement del'un des époux ne soit pas sincère, l'arrêt viole ledit article 146bis,rendu applicable par l'article 46 du Code de droit international privé,ainsi que ledit article 46.

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Devant la cour d'appel, alors que le demandeur, après avoir précisé que« le certificat de non-empêchement à mariage » requis par la loi marocaine« n'est […] pas un document connu du droit belge », concluait que « [la]délivrance [de ce] certificat […] doit être examinée sur la base desdispositions légales belges fixant les conditions de fond du mariage »,dont « fait partie l'article 146bis du Code civil », qui impose devérifier le « consentement réel et [les] intentions du futur conjointétranger », la défenderesse, qui rappelait que « la loi marocaine exige,pour que le mariage puisse être valablement contracté au Maroc, l'absenced'empêchements légaux au mariage » en se référant « à l'article 65 [duCode marocain de la famille], qui exige `un certificat d'aptitude aumariage ou ce qui en tient lieu pour les étrangers' », répondait que ledemandeur « tente de donner à la loi marocaine […] une portée qu'elle n'apas en ce qui concerne la portée et le contenu [dudit certificat], quivise uniquement à attester que le partenaire belge est àpte' au mariage »mais « n'implique en rien que l'autorité consulaire belge puisse, sous cecouvert, s'autoriser à vérifier la sincérité du consentement du partenaireétranger ».

En considérant, pour écarter la thèse du demandeur, qu'« il est justifiéde se référer au droit […] marocain pour examiner les exigences poséesconcernant ce certificat » et que, « s'agissant d'un documentadministratif inconnu du droit belge mais exigé par une autoritéétrangère, il convient de se limiter aux mentions requises par cetteautorité », l'arrêt n'élève pas une contestation dont les conclusions desparties excluaient l'existence et, compte tenu des termes du débat quis'est noué entre elles, ne méconnaît pas leur droit de défense.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Il ressort de l'ensemble de ses motifs qu'en affirmant qu'« il n'est pascontesté que [la défenderesse] remplissait les conditions légalesobjectives visées par la loi belge pour pouvoir se marier », l'arrêt nevise pas la condition prévue à l'article 146bis du Code civil, sur lequelportait la contestation du demandeur, et ne viole pas, dès lors, la foidue aux conclusions de celui-ci.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

L'article 149 de la Constitution, en vertu duquel les motifs que le jugedonne de sa décision doivent permettre à la Cour d'exercer le contrôle delégalité qui lui est confié, n'exige pas que ce juge indique la baselégale de sa décision.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

Aux termes de l'article 47, § 1^er, du Code de droit international privé,les formalités relatives à la célébration du mariage sont régies par ledroit de l'État sur le territoire duquel le mariage est célébré.

En vertu de l'article 65, 6, du Code marocain de la famille, le dossierconstitué pour la conclusion du mariage doit comporter un certificatd'aptitude au mariage ou ce qui en tient lieu pour les étrangers.

Si, en énonçant cette dernière précision, ledit article 65, 6, entendpermettre, pour les étrangers, la jonction au dossier constitué pour laconclusion du mariage d'un document étranger équivalent au certificatd'aptitude au mariage connu de la loi marocaine, quelle qu'en soit laforme, il ne renvoie pas à la loi étrangère en ce qui concerne ladétermination de la teneur de ce document.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la cinquième branche :

L'arrêt ne condamne pas le demandeur à délivrer à la défenderesse uncertificat de non-empêchement au mariage au seul motif que les autoritésbelges compétentes n'ont mis en cause que la sincérité du consentement deson futur conjoint mais parce qu'il considère que les conditions devalidité du mariage sur lesquelles doit porter ce certificat necomprennent pas, selon la loi marocaine, celles qui sont relatives au« libre consentement au mariage » et à « l'intention sincère de créer unecommunauté de vie durable », dont « le contrôle ne s'effectue […] pas, endroit marocain, à l'occasion de la délivrance d'un certificat d'aptitudeau mariage ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de cinq cent vingt-cinq euros quarante-sixcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, président, lesprésidents de section Albert Fettweis et Martine Regout, les conseillersMichel Lemal et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique dudix-sept novembre deux mille dix-sept par le président de sectionChristian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | A. Jacquemin | M. Lemal |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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17 NOVEMBRE 2017 C.12.0427.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0427.F
Date de la décision : 17/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-17;c.12.0427.f ?
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