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08/11/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0659.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 novembre 2017, P.17.0659.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0659.F

D'A. M-R.

accusée,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maître Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,

contre

1. D. C.

2. F. N.

3. F. N.

parties civiles,

défenderesses en cassation.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre les arrêts de motivation et de condamnationrendus le 12 mai 2017 par la cour d'assises de la province de Namur, ainsique contre l'arrêt rendu sur les intérêts civils le 18 mai 201

7 par laditejuridiction.

La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

Le conseiller...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0659.F

D'A. M-R.

accusée,

demanderesse en cassation,

ayant pour conseil Maître Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,

contre

1. D. C.

2. F. N.

3. F. N.

parties civiles,

défenderesses en cassation.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre les arrêts de motivation et de condamnationrendus le 12 mai 2017 par la cour d'assises de la province de Namur, ainsique contre l'arrêt rendu sur les intérêts civils le 18 mai 2017 par laditejuridiction.

La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.

L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. la décision de la cour

 A. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de motivation :

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 411, 414 et 416 du Codepénal, 334 du Code d'instruction criminelle, 10, 11 et 149 de laConstitution, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertés fondamentales ainsi que du principe général du droit relatifau respect des droits de la défense.

Quant à la première branche :

Il est reproché à l'arrêt de ne donner du verdict de culpabilité du chefd'assassinat qu'une motivation inapte à en faire comprendre lesprincipales raisons, empêchant ainsi la Cour de contrôler la légalité dela décision qui écarte la légitime défense et la provocation.

En application de l'article 416 du Code pénal, il y a légitime défenselorsque, n'ayant pas la possibilité d'écarter une agression grave etactuelle contre sa personne ou un tiers autrement qu'en commettantl'infraction, l'agent se défend d'une manière proportionnée de cetteattaque injuste.

Aux termes de l'article 411 du même code, l'homicide, les blessures et lescoups portés sont excusables s'ils ont été immédiatement provoqués par desviolences graves envers les personnes.

L'arrêt considère que

* l'intention homicide est révélée par le type d'arme utilisé, un grandcouteau, par l'endroit du corps visé, soit la région du cœur, organevital par excellence, et par la force avec laquelle ce coup qualifiéde ciblé par le médecin légiste fut porté, la pénétration de la lamesur 12,5 centimètres ne laissant aucune chance de survie à lavictime ;

* la préméditation apparaît par la circonstance que la demanderesses'est enfermée dans sa chambre munie du couteau qu'elle a caché touten le conservant à portée de main et qu'elle a réfléchi à l'usagequ'elle en ferait si la victime revenait à la charge après la disputequi venait de les opposer ;

* les explications de la demanderesse n'accréditent pas l'imminenced'une agression dont elle aurait dû se défendre ; contrairement à sesallégations, aucune trace de coups dont elle aurait été victime n'aété constatée par le médecin légiste ni par le juge d'instruction lorsde son interrogatoire en présence de son avocat ; en outre, aucunetrace du coup qu'elle prétend avoir porté à la tête de son compagnon,geste qui l'aurait mis hors de lui, n'a davantage été constatée ;

* le mode habituel de fonctionnement du couple vivant dans un climat deviolences verbales, morales et physiques ne permet pas de considérerque l'injure proférée par la victime à l'endroit de la demanderesserévèle un réel degré de gravité ;

* la demanderesse pouvait trouver refuge chez un de ses fils habitant àproximité, dans le même complexe immobilier ;

* à supposer même que la demanderesse ait subi des coups, tels qu'elleles décrit, le coup de couteau porté n'est en rien proportionnel àl'agression dont elle se dit victime ;

* l'excuse de provocation ne peut davantage être retenue, aucun élémentobjectif du dossier ne permettant de soutenir l'existence de violencesgraves avant le coup de couteau ; en outre, à supposer que lademanderesse ait reçu quelques claques et ait été saisie au menton, lecoup de couteau porté dans ces circonstances à son compagnon estdisproportionné et donc inexcusable au sens de l'article 411 du Codepénal.

En indiquant ainsi pourquoi l'existence d'une agression grave et actuelleet celle de violences graves envers la demanderesse avant le coup decouteau porté à son compagnon n'étaient pas établies, et les raisons pourlesquelles leur dispute préalable ne pouvait être considérée commerevêtant un degré de gravité suffisant pour justifier ou excuser le coupde couteau précité, l'arrêt donne à connaître les raisons pour lesquellesil considère que les conditions d'application des articles 411 ou 416 duCode pénal ne sont pas remplies.

Fondées sur les circonstances concrètes de la cause, ces considérationspermettent à la demanderesse de comprendre le verdict de culpabilité et àla Cour d'exercer son contrôle de légalité.

Pour le surplus, dès lors que le collège qui statue sur la culpabilitén'est tenu qu'à formuler les principales raisons de la décision dujury, il ne saurait se déduire de la seule circonstance que l'arrêt nefait pas état de certains éléments présentés pour la défense de lademanderesse, que la cour d'assises ait méconnu le droit à un procèséquitable.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen soutient d'abord que les motifs retenus par l'arrêt pour écarterla menace grave et effective sur l'intégrité de la demanderesse au momentdes faits sont contradictoires avec ceux admettant « la vraisemblance etl'imminence de semblable menace eu égard au climat habituel de violencesplurielles (morales, verbales et physiques) existant au sein du couple etau retour à la charge de la victime opposant ainsi les parties pour laseconde fois à une heure avancée de la nuit alors même que la demanderesses'était enfermée dans sa chambre à coucher de sa propre habitation, arméed'un couteau ».

Mais les juges d'appel n'ont pas considéré que le climat de violence ausein du couple ou la reprise de leur dispute attestaient la vraisemblanceet l'imminence d'une menace d'atteinte grave et effective à l'intégrité dela demanderesse au moment où les faits se sont produits.

Procédant d'une lecture inexacte de l'arrêt, le moyen, dans cette mesure,manque en fait.

Par ailleurs, la demanderesse reproche également à l'arrêt d'exclure lescas assimilés à la légitime défense qui sont visés à l'article 417 du Codepénal, au vu de la seule qualité d'occupant de l'habitation de la victime.

L'article 417 du Code pénal vise à justifier les personnes qui, dans lesconditions qui y sont reprises, sont victimes d'une intrusion dans leurhabitation.

En tant qu'il revient à soutenir que les cas de justification visés àl'article 417 précité s'appliquent à l'intrusion du résident d'un immeubledans l'une des pièces de celui-ci, la porte d'une chambre étant dans cettethèse assimilée à une clôture, le moyen manque en droit.

En énonçant que cet article ne s'applique pas, au motif que la victime« résidait chez la [demanderesse], sa compagne, qui ne lui a jamaisinterdit de pénétrer dans l'immeuble dont il disposait par ailleurs desclefs » , l'arrêt justifie légalement sa décision d'écarter les cas delégitime défense visés à l'article 417 du Code pénal, sans être tenu derencontrer l'existence éventuelle des autres conditions d'application quiy sont reprises.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Les principes d'égalité et de non-discrimination garantis par les articles10 et 11 de la Constitution régissent les relations de droit public entreles pouvoirs publics et les citoyens. Ils n'ont pas pour objet de limiterle pouvoir du juge, inhérent à son office, d'opérer les distinctions quedictent les particularités du cas d'espèce.

N'est dès lors pas critiquable au regard des dispositionsconstitutionnelles précitées, le motif suivant lequel l'injure alléguéepar la demanderesse ne présente aucun caractère de gravité au regard duclimat habituel de violences verbales dans lequel cette injure a surgi.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen reproche à l'arrêt de rejeter la cause d'excuse de provocation enne tenant pas compte de la réaction objective qu'aurait eue toute personnenormale et raisonnable confrontée, dans les circonstances de la cause, autraitement querelleur, violent et injurieux infligé par la victime à lademanderesse.

Le juge du fond apprécie en fait si les violences présentent le caractèrede gravité requis par cette disposition, la Cour vérifiant si le juge apu, de ses constatations en fait, légalement déduire ou écarterl'existence ou l'absence de la cause d'excuse.

L'arrêt constate, à l'appui des motifs mentionnés en réponse à la premièrebranche, qu'aucun élément objectif du dossier ne permet de soutenir avecvraisemblance que la demanderesse a été victime de violences gravesimmédiatement avant le coup de couteau et qu'à supposer même qu'elle aitreçu des claques et ait été saisie par le menton, le coup de couteau portéest disproportionné et n'est donc pas excusable.

Par ces considérations, la cour d'assises a pu légalement justifier sadécision d'écarter l'excuse de provocation.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

 B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de condamnation :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarésconstants par le jury.

 C. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt statuant sur lesintérêts civils :

La demanderesse ne fait valoir aucun moyen spécifique.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux frais.

Lesdits frais taxés à la somme de sept cent quatre-vingt-un euros dix-septcentimes en débet.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Benoît Dejemeppe,Françoise Roggen, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, etprononcé en audience publique du huit novembre deux mille dix-sept par lechevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Michel Nolet deBrauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
|-----------------------+------------------------+-----------------------|
| F. Roggen | B. Dejemeppe | J. de Codt |
+------------------------------------------------------------------------+

8 NOVEMBRE 2017 P.17.0659.F/8


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0659.F
Date de la décision : 08/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-08;p.17.0659.f ?
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