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07/11/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0034.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 novembre 2017, P.17.0034.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0034.N

A. Z.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Cavit Yurt, avocat au barreau de Bruxelles.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 6 décembre 2016 par letribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuanten degré d'appel.

Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.

L'avocat général Marc Timperm

an a conclu. 

II. la décision de la cour

Sur la recevabilité du pourvoi :

1. Le jugement constate que l'action publique exerc...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0034.N

A. Z.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Cavit Yurt, avocat au barreau de Bruxelles.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 6 décembre 2016 par letribunal correctionnel de Flandre orientale, division Termonde, statuanten degré d'appel.

Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.

L'avocat général Marc Timperman a conclu. 

II. la décision de la cour

Sur la recevabilité du pourvoi :

1. Le jugement constate que l'action publique exercée du chef despréventions B et C est prescrite.

Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, lepourvoi est irrecevable, à défaut d'intérêt.

Sur le premier moyen :

2. Le moyen invoque la violation de l'article 23 de la loi du 15 juin 1935concernant l'emploi des langues en matière judiciaire : le jugementattaqué rejette, à tort, la demande visant à être renvoyé au tribunalfrancophone le plus proche, formulée par le demandeur ; un prévenu quiparle en français avec les verbalisateurs, qui n'est donc pas entendu ennéerlandais, qui est examiné en français par l'expert et pour lequel ilest fait appel à un interprète devant le tribunal de police, connaîtuniquement le français ou s'exprime plus facilement dans cette langue ;les juges d'appel ont constaté que la cause est tout sauf complexe, qu'iln'y a pas de contestation sur l'infraction sous la prévention A, que ledemandeur a omis de comparaître en personne alors que le premier jugel'avait ordonné par jugement interlocutoire et que le demandeur, d'aborddéfaillant, a bénéficié de l'assistance d'un conseil pour signifierl'opposition et s'est fait représenter sur l'opposition et en degréd'appel ; ces motifs ne constituent pas des circonstances de la cause surla base desquelles le juge peut décider de ne pas accéder à la demande derenvoi.

3. L'article 23, alinéas 2 et 4, de la loi du 15 juin 1935 dispose :

« Le prévenu qui ne connaît que le français ou s'exprime plus facilementdans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou untribunal correctionnel où la procédure est faite en néerlandais, peutdemander que celle-ci ait lieu en français.

Dans les cas visés aux alinéas 1 à 3, le tribunal ordonne le renvoi à lajuridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faitedans la langue demandée par le prévenu. Toutefois le tribunal peut déciderqu'il ne peut faire droit à la demande du prévenu à raison descirconstances de la cause. »

4. L'article 23 de la loi du 15 juin 1935 accorde, en principe, au prévenuqui ne connaît que le français ou s'exprime plus facilement dans cettelangue le droit de demander le renvoi à une juridiction où la procédureest faite en français.

5. Non seulement la personne qui ne connaît que le français, maiségalement celle qui s'exprime plus facilement dans cette langue peutdemander le renvoi. Il ne résulte pas de l'article 23 de la loi du 15 juin1935 que la personne qui sollicite le renvoi doit démontrer ou rendreplausible le fait qu'elle ne connaît que le français ou qu'elle s'exprimeplus facilement dans cette langue.

6. Le juge apprécie souverainement si le requérant ne connaît que lefrançais ou s'il s'exprime plus facilement dans cette langue. La Courvérifie cependant si le juge ne tire pas de ses constatations desconséquences qu'elles ne sauraient justifier.

7. Le jugement attaqué statue, concernant les connaissances linguistiquesdu demandeur, ainsi qu'il suit :

- l'existence d'un sérieux problème de langue dont il est question dansles conclusions du demandeur n'est absolument pas démontrée ;

- aucun élément du dossier ne permet de se prononcer sur les connaissanceslinguistiques du demandeur ;

- la seule certitude est que le demandeur s'est exprimé en français aumoment des faits et qu'il a également employé cette langue face à l'expertdésigné ;

- les documents présentés et les informations disponibles ne permettentpas d'admettre, encore moins de considérer établi, le fait que le niveaude néerlandais du demandeur est insuffisant pour être jugé dans cettelangue ;

- il n'appert pas que la maîtrise du français par le demandeur soit bienmeilleure que celle du néerlandais ;

- les informations disponibles ne permettent pas d'admettre que ledemandeur ne maîtrise pas ou pas à suffisance le néerlandais ;

- même le fait que le demandeur, certes né à l'étranger, habite depuisl'âge de dix ans en Belgique et en divers endroits à Bruxelles et dans desquartiers de cette ville où il a probablement été scolarisé et où il anotamment exercé la profession de commerçant et de gérant, ne permet pasd'admettre qu'il connaît uniquement le français ;

- le demandeur ne rend pas crédible sa simple allégation selon laquelle ilconnaît uniquement le français ;

- selon le bulletin de renseignements, le demandeur s'est marié à Alostet, selon plusieurs condamnations pénales, il fréquente souvent des lieuxtrès variés où on parle le néerlandais et il a été condamné à diversesreprises par des juridictions où le néerlandais est la langue de laprocédure ;

- alors qu'il en a eu largement l'opportunité, le demandeur n'a pas prisla peine de prouver ou, à tout le moins, de rendre crédible son allégationselon laquelle il connaît uniquement le français ou peut s'exprimer plusfacilement dans cette langue.

Par ces motifs, non seulement le jugement attaqué impose illégalement audemandeur l'obligation de démontrer ou de rendre crédible le fait qu'ilconnaît uniquement le français ou qu'il s'exprime plus facilement danscette langue, mais il ne peut davantage décider légalement que ledemandeur invoque, à tort, qu'il connaît uniquement le français ous'exprime plus facilement dans cette langue. Ainsi, cette décision n'estpas légalement justifiée.

8. Sur la base de l'article 23 de la loi du 15 juin 1935 concernantl'emploi des langues en matière judiciaire, si le demandeur connaîtuniquement le français ou s'exprime plus facilement dans cette langue, lejuge peut décider de ne pas accéder à la demande en raison decirconstances de la cause. Le juge peut rejeter la demande s'il existe descirconstances objectives propres à la cause, en raison desquelles ils'indique qu'il statue lui-même.

9. Le juge apprécie souverainement en fait s'il existe des circonstancesobjectives propres à la cause, propices ou non à une bonne administrationde la justice. La Cour examine si le juge ne déduit pas de sesconstatations des conséquences qu'elles ne peuvent justifier.

10. Le jugement attaqué admet comme étant de telles circonstances lecaractère tout sauf complexe de la cause, la circonstance que le demandeurn'a jamais contesté le fait, le refus de comparaître en personne, ledéfaut devant le juge du fond et le choix de se faire représenter par sonconseil en procédure sur opposition et en degré d'appel, pour déduire quele demandeur se sert de la législation en matière linguistique pouréchapper à l'appréciation du tribunal et que cela constitue un abus dudroit garanti par l'article 23 de la loi du 15 juin 1935.

Le jugement attaqué ne peut voir en ces circonstances de fait, dontcertaines sont associées à l'exercice des droits de la défense, descirconstances objectives propres à la cause et ne peut donc davantagedécider que le demandeur a abusé du droit garanti par l'article 23 de laloi du 15 juin 1935. Ainsi, cette décision n'est pas légalement justifiée.

Le moyen est fondé.

(…)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse le jugement attaqué, en tant qu'il se prononce sur la prévention A ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementpartiellement cassé ;

Condamne le demandeur à la moitié des frais de son pourvoi ;

Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu'il soit statué surcelui-ci par la juridiction de renvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel néerlandophonede Bruxelles, statuant en degré d'appel.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg,conseillers, et prononcé en audience publique du sept novembre deuxmille dix-sept par le conseiller faisant fonction de président FilipVan Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.

* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

* Le greffier, Le conseiller,

7 NOVEMBRE 2017 P.17.0034.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0034.N
Date de la décision : 07/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-11-07;p.17.0034.n ?
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