Cour de cassation de Belgique
Arrêt
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N° P.17.1021.F
I.A., né à Schaerbeek le 10 octobre 1981,
condamné,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 27 septembre 2017 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.
Le 19 octobre 2017, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé desconclusions au greffe de la Cour.
A l'audience du 25 octobre 2017, le conseiller Françoise Roggen a faitrapport et l'avocat général précité a conclu.
II. la décision de la cour
Sur le premier moyen:
Le moyen est pris de la violation des articles 5.1, e, de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 210 duCode d'instruction criminelle et 77/1 à 77/9 de la loi du 5 mai 2014relative à l'internement.
Il est fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir, malgré l'absence derequête d'appel du demandeur, examiné la question de sa compétence.
L'article 210, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle dispose :
« Outre les griefs soulevés comme prescrit à l'article 204, le juged'appel ne peut soulever d'office que les moyens d'ordre public portantsur les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ou sur:
- sa compétence ;
- la prescription des faits dont il est saisi ;
- l'absence d'infraction que présenteraient les faits dont il est saisiquant à la culpabilité ou la nécessité de les requalifier ou une nullitéirréparable entachant l'enquête portant sur ces faits. »
Le moyen repose sur la prémisse que la peine purgée par le demandeur estexpirée depuis le 19 juillet 2017 et qu'au moment de l'arrêt, la courd'appel était dès lors sans compétence pour ordonner son internement.
Le demandeur allègue que cette circonstance est apparue le lendemain del'arrêt attaqué et dépose une copie de sa fiche d'écrou en ce sens.
Exigeant la vérification d'éléments de fait pour laquelle la Cour est sanspouvoir, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 203 et 204du Code d'instruction criminelle et 77/6, 77/7 et 82 de la loi du 5 mai2014 relative à l'internement.
Le demandeur fait grief aux juges d'appel d'avoir considéré que larecevabilité de son appel était soumise à l'obligation de dépôt de larequête contenant les griefs élevés contre la décision entreprise, qui estvisée à l'article 204 du Code d'instruction criminelle.
L'article 82 de la loi du 5 mai 2014 dispose : « Les dispositionsconcernant les poursuites en matière criminelle et correctionnelle sontapplicables aux procédures prévues par la présente loi, sauf lesdérogations qu'elle établit. »
En application des articles 203 et 204 du Code d'instruction criminelle,la déclaration d'appel du justiciable doit être faite au greffe qui arendu la décision attaquée dans un délai de trente jours, le dépôt de larequête contenant les griefs élevés contre celle-ci devant intervenir dansle même délai, sous peine de déchéance de l'appel.
L'article 209 du Code d'instruction criminelle prévoit que l'appel estjugé à l'audience dans le mois.
L'article 77/6, § 2, de le loi du 5 mai 2014 déroge à l'article 203 duCode d'instruction criminelle en prévoyant que le délai d'appel ouvert aucondamné contre une décision d'internement de la chambre de protectionsociale est de quinze jours, ce délai commençant à courir, pour lui, àpartir du jour de la notification.
L'article 77/7, § 4, de la loi du 5 mai 2014 déroge à l'article 209 duCode d'instruction criminelle en prévoyant que la chambre correctionnellede la cour d'appel statue sur l'appel au plus tard dans les quinze joursqui suivent la date de l'appel.
Par ces deux dispositions, le législateur a institué une procédure d'appeldes jugements de la chambre de protection sociale incompatible avecl'obligation de dépôt, dans un délai de trente jours de la décisionattaquée, d'une requête contenant les griefs élevés contre celle-ci, quiest visée à l'article 204 du Code d'instruction criminelle.
Par ailleurs, l'appel d'une décision d'internement d'un condamné porte, enrègle, sur cette mesure de sûreté et sur la désignation de l'annexepsychiatrique dans laquelle le condamné sera transféré dans l'attente quele jugement ait acquis force de chose jugée, de sorte que la précision desgriefs élevés contre celui-ci est sans intérêt pour circonscrire lasaisine de la cour d'appel.
Il s'ensuit que l'arrêt n'est pas légalement justifié.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtcassé ;
Laisse les frais à charge de l'Etat,
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, autrement composée.
Lesdits frais taxés à la somme de cent soixante-cinq eurosquatre-vingt-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deuxmille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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25 OCTOBRE 2017 P.17.1021.F/5