Cour de cassation de Belgique
Arrêt
* N° C.16.0330.N
* HERMA DIY, s.a.,
* Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
*
* contre
1. E. G.,
2. PRODIVERTI, s.p.r.l.
I. La procédure devant la Cour
VI. Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 25février 2016 par le tribunal de première instance de Flandreoccidentale, section Furnes, statuant en degré d'appel.
* Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
* L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
* II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiéeconforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
* Quant à la première branche :
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1. En vertu de l'article 25, alinéa 1^er, 3° et 6°, de la loi du 30 avril1951 sur les baux commerciaux, en vue de la protection du fonds decommerce, si le preneur a régulièrement manifesté sa volonté d'user de sondroit de renouvellement et se l'est vu refuser, il a droit, dans les casdéterminés ci-après, à une indemnité qui, sauf accord des parties,survenant après l'ouverture de ce droit, est fixée forfaitairement commesuit :
* « 3° L'indemnité est de trois ans de loyer, majoréeéventuellement des sommes suffisantes pour assurerune réparation intégrale du préjudice causé, si lebailleur, sans justifier d'un motif grave, neréalise pas dans les six mois et pendant deux ansau moins l'intention pour laquelle il a pu évincerle preneur (…) » ;
* « 6° L'indemnité d'éviction est de trois ans deloyer, majorée éventuellement des sommessuffisantes pour assurer une réparation intégraledu préjudice causé, si le bailleur ou le nouveaupreneur ouvre avant l'expiration d'un délai de deuxans un commerce similaire, sans en avoir donnéconnaissance au preneur sortant lors de sonéviction. Le bailleur et le tiers nouvel occupantsont solidairement tenus ».
2. Le droit du preneur à l'indemnité d'éviction en vertu de l'article 25,alinéa 1^er, 3° et 6°, de la loi du 30 avril 1951 précitée naîtrespectivement au moment où le bailleur, sans justifier d'un motif grave,ne réalise pas dans les six mois et pendant deux ans au moins l'intentionpour laquelle il a pu évincer le preneur, et au moment où le bailleur oule nouveau preneur ouvre avant l'expiration d'un délai de deux ans uncommerce similaire, sans en avoir donné connaissance au preneur sortantlors de son éviction. Il s'ensuit que l'accord visé à l'article 25, alinéa1^er, ne peut être conclu qu'à partir de ce moment.
3. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
* la première défenderesse, en tant que bailleur, etla demanderesse, en tant que preneur, ont conclu le27 décembre 1995 un bail commercial pour une duréede 18 ans prenant cours à partir du 1^er mars1995 ;
* la demanderesse exploitait dans le bien loué unmagasin de bricolage ;
* le 8 septembre 2011, la demanderesse a demandé lerenouvellement du bail commercial aux mêmesconditions à partir du 1^er mars 2013 ;
* le premier défendeur a refusé ce renouvellement le17 novembre 2011, sur la base de l'article 16.I,1°, de la loi sur les baux commerciaux : ilsouhaitait occuper le bien loué personnellement eteffectivement ou le faire occuper de telle manièrepar une des personnes mentionnées dans cetarticle ; il insistait également pour que lademanderesse quitte le bien aussi rapidement quepossible, et ce avant la fin du contrat ;
* le bail commercial a été résilié de commun accordpar acte notarié du 13 mars 2012, à dater du 1^eraoût 2012 ;
* le 3 avril 2013, le premier défendeur a conclu unbail commercial avec la seconde défenderesseprenant cours à partir du 1^er avril 2013 ayantpour objet l'exploitation d'un magasin debricolage.
4. Les juges d'appel ont considéré que :
* le droit à une indemnité d'éviction de trois annéesde loyer consacré par l'article 25, alinéa 1^er,6°, de la loi sur les baux commerciaux est né pourla première fois lors de la conclusion du nouveaubail commercial avec la seconde défenderesseprenant cours le 1^er avril 2013 ;
* le bail a toutefois été résilié le 13 mars 2012 parun acte authentique, dans lequel une éventuelleindemnisation aurait dû être réglée mais elle n'y apas été stipulée, et dans lequel il n'a pasdavantage été fait de réserve ;
* lorsque le preneur signe sans plus, c'est-à-diresans disposition contraire, il perd tous sesdroits, comme celui de demander un renouvellementet celui de réclamer une indemnité d'éviction ;
* la clause de l'acte précité, « Les partiesdéclarent que le présent bail commercial estrésilié DE COMMUN ACCORD et que ni le bailleur nile preneur n'auront plus d'autres obligations l'unenvers l'autre à la résiliation du bail le 31juillet 2012 », contient certes une fautegrammaticale mais ne peut en aucune manière êtreinterprétée comme signifiant que les partiesentendaient avoir encore des obligations l'uneenvers l'autre après la résiliation du bailcommercial ;
* la disposition légale relative à l'indemnitéd'éviction étant une disposition supplétive, il estpossible d'y déroger de sorte que le preneur peutrenoncer à son droit à une indemnité d'éviction,après que ce droit est né pour le preneur ;
* le preneur perd le droit d'obtenir une indemnitéd'éviction lors de la résiliation amiable du bailcommercial, s'il n'a rien stipulé à cet égard nifait de réserve ;
* la demanderesse et le premier défendeur n'ont pasconclu de transaction, mais résilié le bailcommercial à l'amiable, de commun accord,conformément à l'article 3, alinéa 4, de loi surles baux commerciaux ;
* la clause de l'acte précité, « Les partiesconfirment également que le notaire instrumentantles a informées comme il se doit des droits,obligations et charges résultant du présent acte etles a conseillées de façon impartiale. Les partiesdéclarent en outre que le présent acte est lareproduction exacte de leur intention quand bienmême les clauses et conditions du présent actedérogeraient à celles figurant dans des contratsprécédents », a pour conséquence que c'est enconnaissance de cause que la demanderesse a renoncéà son droit à une indemnité d'éviction.
5. En décidant dans ces circonstances que la demanderesse n'a pas droit àune indemnité d'éviction, les juges d'appel ont violé l'article 25, alinéa1^er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, en vue de laprotection du fonds de commerce.
* Le moyen, en cette branche, est fondé.
* Quant à la seconde branche :
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6. Il n'y a pas lieu, eu égard à la réponse au moyen, en sa premièrebranche, de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielleproposée.
* Par ces motifs,
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* La Cour
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* statuant à l'unanimité,
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* Casse le jugement ;
* Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugementcassé ;
* Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge dufond ;
* Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Flandreorientale siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillersBart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique duvingt-huit septembre deux mille dix-sept par le président de section EricDirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avecl'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Didier Batselé ettranscrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,
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Requête
28 SEPTEMBRE 2017 C.16.0330.N/1
Requête/1