Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0647.F
D.F., G., prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Olivier Dupont, avocat au barreau du Brabantwallon.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 mai 2017 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. les faits
Le tribunal correctionnel a statué par un jugement du 13 février 2017 surl'opposition formée par le demandeur contre un jugement rendu par défaut àsa charge le 23 août 2016.
Cette décision a été frappée d'appel tant par le demandeur que par leministère public. Le demandeur n'a pas indiqué ses griefs dans le délaiprévu à l'article 204, alinéa 1^er, du Code d'instruction criminelle. Surson formulaire de griefs, le ministère public a quant à lui coché la case1.12 « autres », en apportant la précision « vu l'appel interjeté et lesformulaires de griefs déposés par la (les) partie(s), le ministère publicsuit l' (les) appel(s) interjeté(s) ».
L'arrêt dit l'appel du demandeur irrégulier, de même que celui duministère public, au motif que ce dernier n'ayant pas élevé d'autresgriefs contre le jugement entrepris et le recours du demandeur étantirrecevable à défaut d'avoir indiqué les griefs élevés contre ce jugement,l'appel du ministère public l'est nécessairement également.
III. la décision de la cour
Sur le premier moyen :
Le moyen, pris de la violation du droit à un procès équitable et duprincipe général du droit relatif au respect des droits de la défense,reproche aux juges d'appel d'avoir renversé la charge de la preuve enmatière pénale en imposant au demandeur d'établir l'existence de la forcemajeure qu'il allègue et qui l'aurait empêché de déposer, dans le délailégal, un formulaire contenant ses griefs contre le jugement entrepris.
Lorsque l'appelant n'a pas précisé dans le délai légal les griefs qu'ilentend élever conformément à l'article 204, alinéa 1^er, du Coded'instruction criminelle, l'appel demeure admissible si cette omissionrésulte d'un événement indépendant de la volonté de l'appelant et quecelui-ci ne pouvait prévoir ou conjurer, pareil événement étantconstitutif de force majeure.
Le juge apprécie souverainement si les circonstances alléguées constituentun cas de force majeure, la Cour contrôlant si, des circonstances qu'il aretenues, il a pu légalement déduire ou non l'existence de la forcemajeure.
Les juges d'appel ont considéré que les circonstances alléguées par ledemandeur n'étaient pas vraisemblables dès lors que l'article 34 de la loidu 25 décembre 2016 modifiant le statut juridique des détenus et lasurveillance des prisons et portant des dispositions diverses en matièrede justice prévoit expressément la faculté, pour l'appelant, de déposer larequête qui contient les griefs élevés contre le jugement au greffe de laprison dans laquelle il est détenu. Ils ont ajouté que le formulaire degriefs qui fut déposé tardivement par le conseil du demandeur ne l'a pasété dès la ré-intervention de ce conseil, quelques jours avant la premièrefixation de la cause, mais seulement après la première audience de lacour, lors de laquelle la difficulté de procédure a été soulevée, de sorteque la force majeure ne pouvait être invoquée.
Ainsi, au terme d'un examen en fait, les juges d'appel se sont bornés àopposer au demandeur une appréciation différente des circonstances qu'ilalléguait. Ni les principes généraux du droit invoqués à l'appui du moyen,ni aucune disposition légale ou conventionnelle, n'imposent au juged'appel, qui estime que ces circonstances sont inaptes à constituer laforce majeure, de rechercher en outre dans les pièces de la procédure lapreuve que, contrairement à ce que le prévenu soutenait, le formulaire degriefs aurait été remis par l'administration pénitentiaire au détenu quisouhaitait interjeter appel.
Sans renverser la charge de la preuve, les juges d'appel ont ainsilégalement justifié leur décision de refuser d'admettre la force majeureinvoquée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen reproche à l'arrêt de dire l'appel du ministère publicirrecevable au motif que ce dernier, d'une part, avait suivi celui dudemandeur, également déclaré irrecevable, et, d'autre part, n'avait élevéaucun autre grief contre le jugement entrepris. Selon le moyen, la cour nepouvait subordonner la recevabilité de l'appel du ministère public à celledu recours du demandeur.
Selon l'article 204 du Code d'instruction criminelle, la requête d'appelindique précisément, à peine de déchéance, les griefs élevés, y comprisles griefs procéduraux, contre le jugement.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 5 février 2016 modifiantle droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diversesen matière de justice, que le principe de l'appel sur grief n'a pas pourobjectif d'obliger l'appelant à préciser les moyens qu'il entenddévelopper devant les juges d'appel mais à déterminer leur saisine.
Par l'énonciation que son appel suit celui du prévenu, le ministère publicindique que, ce faisant, il limite la saisine des juges d'appel audispositif entrepris par ledit prévenu.
Mais lorsque, comme en l'espèce, il y a déchéance de l'appel du prévenu aumotif qu'il n'a lui-même élevé, dans le délai légal, aucun grief contre lejugement entrepris, les seules indications, dans le formulaire de griefsdu ministère public, qu'il déclare suivre l'appel du prévenu et qu'il seréfère, erronément, aux prétendus griefs élevés par ce dernier, sontégalement inaptes à déterminer la saisine de la juridiction d'appel et,partant, à satisfaire à l'exigence formelle qu'impose l'article 204précité.
Dès lors, les juges d'appel n'ont pas subordonné la recevabilité del'appel du ministère public à celle du recours du prévenu. Ils se sontbornés à constater qu'à l'instar de ce dernier, le ministère publicn'avait pas valablement indiqué quels griefs il entendait élever contre ladécision entreprise.
Ainsi, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision de déclarerl'appel du ministère public irrecevable.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept septembre deuxmille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avecl'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
|------------------------+----------------------+------------------------|
| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
+------------------------------------------------------------------------+
27 SEPTEMBRE 2017 P.17.0647.F/5