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05/09/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0645.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 septembre 2017, P.17.0645.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0645.N

PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION,

demandeur en annulation,

en la cause

1. A. A.,

2. H. D.V.,

prévenues.

I. le réquisitoire

À la deuxième chambre de la Cour de cassation,

Le procureur général soussigné a l'honneur d'exposer que, par lettre du 30mai 2017, ayant pour références 2009/PGA/1707, 2016/VJ11/582 et2017/VJ11/17, le procureur général près la cour d'appel d'Anvers l'achargé de dénoncer à la Cour, conformément à l'article 441 du C

oded'instruction criminelle, l'arrêt dont il est pris acte dans la feuilled'audience du 17 mai 2017, signé par les trois conseillers et ...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0645.N

PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION,

demandeur en annulation,

en la cause

1. A. A.,

2. H. D.V.,

prévenues.

I. le réquisitoire

À la deuxième chambre de la Cour de cassation,

Le procureur général soussigné a l'honneur d'exposer que, par lettre du 30mai 2017, ayant pour références 2009/PGA/1707, 2016/VJ11/582 et2017/VJ11/17, le procureur général près la cour d'appel d'Anvers l'achargé de dénoncer à la Cour, conformément à l'article 441 du Coded'instruction criminelle, l'arrêt dont il est pris acte dans la feuilled'audience du 17 mai 2017, signé par les trois conseillers et le greffieret considéré comme l'arrêt portant le numéro C/593/17 et le numéro derépertoire 2017/1776 en la cause du ministère public contre A. A. et crtsen laquelle la cour d'appel a statué ainsi qu'il suit :

« La cour a demandé au ministère public sur quelles pièces il se fondecomme élément de preuve de la prévention A.1. Le ministère public n'amentionné aucune pièce précise portant un numéro dans le dossier maiss'est borné à faire référence à l'exposé des motifs du jugement entrepriset au procès-verbal de synthèse.

La cour ne constate pas qu'il a été satisfait à sa demande d'indiquerprécisément sur quelle pièce concrète du dossier le ministère public fondela prévention A.1.

La cour constate que la cause n'est pas en état d'être jugée et la met encontinuation à l'audience du mardi 31 octobre 2017 à 9h00. »

L'article 210 du Code d'instruction criminelle définit la procédure enappel ainsi qu'il suit : « Avant que les juges émettent leur opinion, leprévenu, soit qu'il ait été acquitté, soit qu'il ait été condamné, lespersonnes civilement responsables du délit, la partie civile, ou leuravocat et le procureur général seront entendus sur les griefs précisélevés contre le jugement et dans l'ordre qui sera réglé par le juge. Leprévenu ou son avocat, s'il le demande, aura toujours le dernier laparole. »

Aucune disposition légale ne prescrit que le ministère public fera, endegré d'appel, un résumé de l'affaire (Cass. 19 septembre 2001, RGP.11.1143.F). Seul le réquisitoire constitue une formalité.

De plus, aucune disposition légale ne prescrit que le ministère publicdevrait préciser par prévention où trouver les pièces dans le dossier. Lasaisine s'opère par l'ordonnance de renvoi ou par la citation et il estuniquement prévu que le renvoi ou la citation mentionne le fait de laprévention, ce qui permet au prévenu d'en connaître l'objet à suffisanceet de garantir ses droits de défense. Cela a été observé en l'espèce.

En demandant au ministère public de préciser par prévention où trouver lespièces dans le dossier, à partir de la prévention A.1, la cour d'appelviole l'article 210 du Code d'instruction criminelle et assortit lamission du ministère public en degré d'appel d'un rôle contraire à la loi.Une telle demande ne peut être interprétée autrement que comme un ordreillégal.

La décision par laquelle la cour d'appel constate que la cause n'est pasen état au seul motif qu'en ne se référant pas à une pièce précise portantun numéro dans le dossier, le ministère public n'a pas satisfait à la couret n'aurait, par conséquent, pas accédé à la demande concrète de la cour,est contraire à la loi et n'est pas justifiée légalement. En effet,l'ordre illégal est associé à la déduction illégale que la cause ne seraitpas en état parce qu'il n'a pas été satisfait à cet ordre illégal.

De la lecture combinée de la demande et des remarques dont la cour d'appela pris acte à l'audience du 16 mai 2017 (« À la question de la cour desavoir de combien de temps une personne qui ne connaît pas le dossier abesoin pour lire le dossier dans son intégralité indépendamment de sontraitement juridique, le ministère public répond que cela prendrait desmois. La cour indique au ministère public qu'aucune référence aux piècesdu dossier répressif ne se trouve dans les préventions) et de la décisionde déclarer que la cause n'est pas en état, il pourrait se déduire que lacour d'appel exige que le ministère public facilite la lecture du dossierrépressif par la cour en procédant à l'énumération des pièces concrètes dudossier, alors qu'il y a certes lieu de remarquer qu'une telle énumérationne saurait jamais soustraire la cour d'appel à sa mission consistant àvérifier le dossier répressif dans son intégralité, à examiner si lesurplus des pièces comportent éventuellement des constatations divergentespar rapport à l'énumération.

La position de la cour d'appel à l'égard du ministère public entrave lasuite de l'exercice de l'action publique et constitue un prétexte pourrefuser de juger (violation de l'article 5 du Code judiciaire). En effet,tant que le ministère public n'accède pas à la demande expresse de la courd'appel, la cause ne sera pas en état, dans l'esprit de la motivation dela cour. Mettre la cause en continuation n'a ainsi d'autre intérêt que decontraindre le ministère public à satisfaire à l'ordre de la cour d'appel.De cette manière, la cour d'appel interrompt de manière illicite le coursnormal de la procédure.

Par la décision de déclarer que la cause n'est pas en état parce que leministère public ne précise pas à l'audience la pièce pertinente dudossier répressif par prévention, la cour d'appel ajoute à l'exerciceultérieur de l'action publique un critère ou une condition que la loi neprévoit pas.

Cette décision viole non seulement les articles 210 du Code d'instructioncriminelle et 5 du Code judiciaire, mais est, de surcroît, contraire àl'article 151 de la Constitution qui consacre l'indépendance du ministèrepublic dans l'exercice des recherches et des poursuites.

Dès lors qu'une décision a certes été prise, mais limitée à la mise encontinuation de la cause, un pourvoi en cassation immédiat est,conformément à l'article 420 du Code d'instruction criminelle,irrecevable, raison pour laquelle une demande a été formulée, en l'espèce,en application de l'article 441 du même code.

La décision citée précédemment est illégale.

Par ces motifs, le procureur général soussigné requiert qu'il plaise à laCour annuler l'arrêt indiqué, ordonner qu'il soit fait mention de sonarrêt en marge de la décision annulée et dire qu'il n'y a pas lieu àrenvoi.

Bruxelles, le 6 juin 2017,

Pour le procureur général,

Luc Decreus,

avocat général près la Cour de cassation.

II. la procédure devant la cour

Le réquisitoire vise l'annulation, en raison de la violation des articles151 de la Constitution, 210 du Code d'instruction criminelle et 5 du Codejudiciaire, de l'arrêt repris dans le procès-verbal de l'audience du 17mai 2017 par lequel il a été décidé que la cause n'est pas en état etqu'elle est mise en continuation à l'audience du 31 octobre 2017 à 9h00.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat général Luc Decreus a conclu. 

III. les éléments pertinents

Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :

- à l'audience du 31 janvier 2017 de la dixième chambre de la cour d'appeld'Anvers, les parties ont été citées afin que la cour d'appel puisse seprononcer sur les appels formés contre le jugement interlocutoire rendu le22 mars 2016 par le tribunal correctionnel du Limbourg, division Tongres ;

- à cette audience, des délais pour conclure ont été fixés conformément àl'article 152 du Code d'instruction criminelle, et l'examen de la cause aété fixé au 16 mai 2017 (en matinée) ;

- selon le procès-verbal de l'audience du 16 mai 2017 :

* les juges d'appel ont entendu les parties sur les griefs précis élevéscontre le jugement dont appel, dans l'ordre réglé par le président, etce, conformément à l'article 210, alinéa 1^er, du Code d'instructioncriminelle ;

* les juges d'appel ont demandé au magistrat qui exerce les fonctions duministère public (ci-après : le ministère public) combien de temps unepersonne qui ne connaît pas le dossier a besoin pour lire le dossierdans son intégralité indépendamment de son traitement juridique ;

* le ministère public répond que cela prendrait des mois ;

* la cour indique ensuite au ministère public qu'aucune référence auxpièces du dossier répressif ne se trouve dans les préventions ;

* sur ce, les juges d'appel ont suspendu l'examen de la cause afin depermettre au ministère public de se concerter avec ses collègues ;

* le ministère public a alors informé les juges d'appel que la cause esten état d'être examinée en ce qui concerne le ministère public, maisque vu l'heure tardive, il demande que l'examen de la cause soit misen continuation ;

- selon ce même procès-verbal de l'audience, les juges d'appel, après enavoir délibéré, ont décidé de mettre la cause en continuation à l'audiencedu mercredi 17 mai 2017 à 9h00 pour le réquisitoire du ministère publicqui indiquera, par prévention, où trouver les pièces dans le dossierrépressif, ainsi que pour les plaidoiries des prévenus ;

- selon le procès-verbal de l'audience du 17 mai 2017 :

* la cour d'appel demande au ministère public de préciser par préventionoù trouver les pièces dans le dossier, à partir de la prévention A.1 ;

* le ministère public se réfère, en termes généraux, à la motivation dujugement entrepris et au procès-verbal de synthèse et ajoute qu'ils'en réfère à la sagesse de la cour d'appel ;

* après la suspension de l'audience, la cour d'appel constate que lesjuges d'appel ont demandé au ministère public sur quelles pièces ils'est fondé comme élément de preuve de la prévention A.1, le ministèrepublic ne précise aucune pièce portant un numéro dans le dossier, maisse borne à se référer à la motivation du jugement entrepris et auprocès-verbal de synthèse, qu'il n'est pas satisfait à la demande desjuges d'appel d'indiquer précisément sur quelle pièce concrète dudossier le ministère fonde la prévention A.1 et que la cour d'appelconstate que la cause n'est pas en état et qu'elle la met encontinuation à l'audience du 31 octobre 2017.

IV. la décision de la cour

1. L'article 210, alinéa 1^er, du Code d'instruction criminelle prévoitqu'avant que les juges émettent leur opinion, le prévenu, soit qu'il aitété acquitté, soit qu'il ait été condamné, les personnes civilementresponsables du délit, la partie civile, ou leur avocat et le procureurgénéral seront entendus sur les griefs précis élevés contre le jugement etdans l'ordre qui sera réglé par le juge.

2. Il ne résulte ni de cette disposition ou d'aucune autre ni d'unprincipe général du droit que le magistrat qui exerce les fonctions duministère public près la cour d'appel est obligé, en indiquant ses griefsprécis, de mentionner également par prévention les pièces du dossierrépressif sur lesquelles les préventions sont fondées, en précisant parprévention où trouver ces pièces dans le dossier.

3. Le juge pénal peut certes inviter le magistrat qui exerce lesfonctions du ministère public à le faire, mais il ne peut le lui ordonnerou l'y contraindre. En effet, le ministère public est indépendant du jugepénal qui n'a pas d'ordre explicite ou implicite à donner aux magistratsdu ministère public. Cela constituerait une immixtion illicite dans lamission du ministère public.

4. Les juges d'appel qui, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux desaudiences des 16 et 17 mai 2017, après que le ministère public eut, defaçon incontestable, indiqué qu'un renvoi à la motivation du jugement dontappel et au procès-verbal de synthèse peut suffire et n'eut donc pasaccédé à la demande des juges d'appel de mentionner par prévention lespièces du dossier répressif sur lesquelles celles-ci sont fondées, ontconstaté qu'il n'avait pas été satisfait à leur demande et ont décidé quela cause n'est pas en état d'être jugée et l'ont mise en continuation, ontdonné au ministère public un ordre illégal.

L'action publique est entravée par l'émission de cet ordre illégal et parle refus d'examiner la cause en raison de l'inexécution de cet ordre.

Dans cette mesure, le réquisitoire est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Annule l'arrêt de la cour d'appel d'Anvers, dixième chambre, telqu'indiqué dans le procès-verbal de l'audience du 17 mai 2017 (arrêtC/593/17 - numéro de répertoire 2017/1776 - numéro de greffe 2017/C0/23 -numéros de parquet 2009/PGA/1707 et 17/VJ11/17) par lequel il est constatéque le ministère public n'a pas accédé à la demande des juges d'appeld'indiquer précisément sur quelle pièce concrète du dossier le ministèrepublic fonde la prévention A.1 et que la cause n'est ainsi pas en état etqu'elle est mise en continuation à l'audience du 31 octobre 2017 ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du procès-verbalde l'audience dans lequel il est fait mention de l'arrêt annulé ;

Laisse les frais à charge de l'État ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch,Peter Hoet et Antoine Lievens, conseillers, et prononcé en audiencepublique du cinq septembre deux mille dix-sept par le président PaulMaffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistancedu greffier Frank Adriaensen.

* Traduction établie sous le contrôle du président de section BenoîtDejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

* Le greffier, Le président de section,

5 SEPTEMBRE 2017 P.17.0645.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0645.N
Date de la décision : 05/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-09-05;p.17.0645.n ?
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