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21/06/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0275.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 juin 2017, P.17.0275.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0275.F

I. M. E., C., J., prévenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Bernadette Sybille, avocat au barreau de Liège,

contre

1. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE PARC DES ORCHIDEES,représentée par son syndic, la société privée à responsabilité limitéeProgest Immobilière, dont le siège est établi à Waremme, rue Porte deLiège, 68,

2. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DU COMPLEXE GALERIE ELDORADO,représentée par son syndic, la société anonyme Trevi Services G

.I.S., dontle siège est établi à Watermael-Boitsfort, avenue Léopold Wiener, 127,

3. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRE...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0275.F

I. M. E., C., J., prévenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseil Bernadette Sybille, avocat au barreau de Liège,

contre

1. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE PARC DES ORCHIDEES,représentée par son syndic, la société privée à responsabilité limitéeProgest Immobilière, dont le siège est établi à Waremme, rue Porte deLiège, 68,

2. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DU COMPLEXE GALERIE ELDORADO,représentée par son syndic, la société anonyme Trevi Services G.I.S., dontle siège est établi à Watermael-Boitsfort, avenue Léopold Wiener, 127,

3. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE FERNAND PETIT,représentée par son syndic A.C.P. Gérance, dont le siège est établi àLiège, quai Bonaparte, 34/91,

4. ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE DU PARC II, représentéepar Marie Dupuis, dont le siège est établi à Liège, rue du Cheval Blanc,24,

5. AXA BELGIUM, société anonyme,

représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, et ayant pour conseil Maître Georges Liénart, avocat au barreaude Liège, dont le cabinet est établi à Liège, square des Conduites d'eau,9-10/bât G, où il est fait élection de domicile,

parties civiles,

défenderesses en cassation,

II. Maître Béatrice VERSIE, avocat, agissant en qualité de curateur à lafaillite de la société privée à responsabilité limitée LG Gerex, dont lesiège est établi à Liège, rue Lambert-le-Bègue, 9,

partie civile,

demanderesse en cassation,

contre

 1. M. E., mieux qualifié ci-dessus,

 2. M. K., S., D., S.,

prévenus,

défendeurs en cassation.

I. la procédure devant la cour

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 15 février 2017 par lacour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque deux moyens et la demanderesse quatre, chacun dans unmémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.

Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.

L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. la décision de la cour

 A. Sur le pourvoi d'E.M. :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnationrendue sur l'action publique exercée à sa charge :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution.

Le demandeur reproche à l'arrêt de ne pas répondre à ses conclusions danslesquelles il conteste la prévention de détournement visée sous laprévention A. 34, au motif que le crédit du compte de dépôt de larésidence Boverie n'a jamais pu atteindre 37.250 euros, les sommes verséessur ce compte ayant toujours été transférées sur le compte courant de larésidence.

Par adoption des motifs du jugement entrepris, les juges d'appel ontrépondu à cette défense en indiquant qu'il ressortait cependant du dossierrépressif que la somme de 37.250 euros visée au bilan de l'association descopropriétaires de la résidence Boverie a disparu de l'actif de lasociété, des extraits de transferts partiels de ce compte vers LG Gerex(dont le demandeur était le gérant) avec la mention « Tran Ascenc » étantdéposés.

Procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation de la foi due à un jugement du tribunalde première instance de Liège du 23 mai 2012 auquel l'arrêt se réfère dansle cadre de l'examen de la prévention A. 34 dans les termes suivants :

« Il y a lieu d'ajouter que le prévenu a été condamné à rembourser à lacopropriété le montant litigieux par jugement du tribunal de premièreinstance de Liège du 23 mai 2012. Le tribunal notait à propos de cemontant : ` A l'audience, Monsieur M.tant en son nom personnel qu'en saqualité de gérant de la société Gerex a déclaré n'avoir aucunecontestation à formuler à l'encontre de la réclamation. Il a même indiquéque la somme serait payée la semaine suivante '. ».

Le demandeur fait valoir que le montant litigieux dont il s'est reconnuredevable dans cette autre procédure atteignait 37.883,05 euros, soit unmontant différent de celui visé à la prévention A.34 de sorte qu'enconsidérant que le demandeur a déjà été condamné au remboursement desmontants visés à cette prévention, l'arrêt viole la foi due au jugement.

Il ressort de l'arrêt que le demandeur était notamment poursuivi pour desdétournements de 37.250 euros (prévention A.34) et de 633,05 euros(prévention A.35), soit un total de 37.883,05 euros.

Contrairement à ce qu'il soutient, la somme de 37.250 euros n'est pasdistincte de celle de 37.883,05 euros mais y est incluse.

Par l'énonciation critiquée, l'arrêt n'a dès lors pas donné du jugementune interprétation inconciliable avec ses termes.

Le moyen manque en fait.

Le contrôle d'office 

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur lesactions civiles exercées contre le demandeur par les quatre premièresdéfenderesses :

Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il n'apparaît pas que lepourvoi ait été signifié aux défenderesses.

Le pourvoi est, partant, irrecevable.

3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue surl'action civile exercée contre le demandeur par la société anonyme AxaBelgium, statue sur :

 a. le principe de la responsabilité :

Le moyen ne fait valoir aucun moyen spécifique.

b. l'étendue du dommage :

L'arrêt alloue une indemnité provisionnelle à la défenderesse et réserve àstatuer sur le surplus de sa réclamation.

Pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 420, alinéa1^er, du Code d'instruction criminelle, et est étrangère aux cas visés parle second alinéa de cet article.

Le pourvoi est irrecevable.

 B. Sur le pourvoi de Maître Béatrice Versie :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre les dispositions pénales del'arrêt :

Le pourvoi de la demanderesse, partie civile à l'instance d'appel, estirrecevable.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue surl'action civile exercée par la demanderesse contre E. M.:

Sur le premier moyen :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen esttiré d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif del'arrêt.

La demanderesse soutient en substance que les juges d'appel ne pouvaient,sans se contredire, considérer que dès lors que seule la victime d'uneinfraction ou la personne subrogée dans ses droits est recevable à enréclamer réparation à l'auteur de celle-ci et que le défendeur n'est paspoursuivi du chef d'une prévention commise au préjudice de la sociétéfaillie dont il était le gérant, la demande de la curatelle devait êtredéclarée non fondée.

A supposer que les juges d'appel aient dû déclarer la constitution departie civile de la demanderesse irrecevable plutôt que non fondée, lemoyen ne saurait entraîner la cassation et est irrecevable à défautd'intérêt.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen, pris de la violation de l'article 16 de la loi du 8 août 1997sur les faillites, fait grief à l'arrêt de n'avoir pris en considérationl'intervention de la demanderesse à la cause qu'en sa qualité dereprésentante de la société faillie et non en sa qualité de représentantede la masse des créanciers.

En son feuillet 18, point 25, l'arrêt considère que le préjudice alléguéde la curatelle ne constitue pas un dommage collectif causé à la masse desbiens et des droits qui forment le gage commun des créanciers, comme leserait le dommage résultant par exemple d'abus de biens sociaux oud'infractions liées à l'état de faillite telles un détournement d'actif oul'omission d'aveu de faillite dans le délai légal.

Les juges d'appel ont ensuite précisé que si de telles infractions portenten effet atteinte au gage commun des créanciers et sont à l'origine d'undommage collectif pour ceux-ci, il n'en est pas de même dans le cas où legérant d'une société et la société elle-même ont, comme en l'espèce,commis des infractions préjudiciables à des tiers.

Par ces motifs, les juges d'appel ont pris en considération, pour ladébouter de sa demande, la qualité dans le chef de la demanderesse dereprésentante de la masse des créanciers.

Procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution,1382 du Code civil, 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et16 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

L'article 149 de la Constitution impose au juge l'observation d'unecondition de forme et est étranger au grief selon lequel la décision neserait pas légalement justifiée.

A cet égard, le moyen manque en droit.

La demanderesse reproche d'abord à la cour d'appel de s'être limitée auconstat qu'il n'y avait pas de détournements commis au préjudice de lasociété faillie pour contester l'existence de son dommage, omettant lerôle de représentant de la masse des créanciers du curateur.

La cour d'appel a cependant, ce qui est différent, constaté que la sociétéfaillie avait elle-même été condamnée du chef des détournements commis aupréjudice des copropriétés dont elle assurait la gestion et considéré queson curateur ne pouvait dès lors pas réclamer la réparation du préjudicedont la société elle-même était l'auteur.

Elle a aussi retenu que le préjudice allégué de la curatelle ne constituepas un dommage collectif causé à la masse des biens et des droits quiforment le gage commun des créanciers comme le serait le dommage résultantd'abus de biens sociaux ou d'infractions liées à l'état de faillite tellesun détournement d'actif ou l'omission d'aveu de faillite dans le délailégal.

A cet égard, le moyen qui procède d'une lecture incomplète de l'arrêt,manque en fait.

La demanderesse soutient ensuite qu'en la déboutant de sa demande, la courd'appel a méconnu la notion légale de préjudice collectif causé à la massedes créanciers, les détournements commis au préjudice de tiers ayantaggravé le passif de la société faillie et constitué de ce fait un dommagepar répercussion dont la masse a souffert et dont il lui est dès lors dûréparation.

Lorsque le curateur agit en justice au nom de la masse, il exerce lesdroits qui sont communs à l'ensemble des créanciers mais non les droitsindividuels de ceux-ci, alors même que ces droits individuels seraientcumulés.

Le curateur ne peut en effet exercer des droits individuels de créancierset postuler le dédommagement d'un créancier individuel qui aurait étélésé.

Sont communs à l'ensemble des créanciers, les droits résultant desdommages causés par la faute de toute personne qui a eu pour effetd'aggraver le passif de la faillite ou d'en diminuer l'actif.

En raison du dommage ainsi causé à la masse des biens et des droits quiforment le gage commun des créanciers, cette faute est la cause d'unpréjudice collectif pour ceux-ci et lèse des droits qui leur sont, parnature, communs.

Le juge apprécie en fait l'existence d'un dommage causé par un acteillicite, la Cour vérifiant cependant si de ces constatations, il n'a pastiré une déduction qui méconnaît la notion légale de dommage.

Par adoption des motifs du jugement entrepris, l'arrêt constate que :

- les détournements opérés par la société faillie ont été, àl'intervention de son gérant, portés au crédit des comptes de la sociétédont l'actif s'est ainsi trouvé majoré ;

- la dette de remboursement des copropriétés victimes des détournementsétait compensée par le montant de ceux-ci crédités sur les comptes de lasociété ou sur ceux de ses gérants de sorte que son passif n'a pas étéaggravé.

En déclarant non fondée la constitution de partie civile de lademanderesse dès lors que selon les constatations de l'arrêt, l'actionexercée par la curatrice ne mettait pas en œuvre des droits communs àl'ensemble des créanciers, la cour d'appel n'a pas déduit des faitsqu'elle a constatés, des conséquences dépourvues de lien avec ces faits ouqui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

La décision de débouter la demanderesse de sa constitution de partiecivile est, partant, légalement justifiée.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 16de la loi du 8 août 1997 sur les faillites et du principe de l'égalité descréanciers.

Le moyen fait d'abord grief à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusionsde la demanderesse relatives à l'existence d'un préjudice collectif communà l'ensemble des créanciers qui l'autorisait seule à agir en justicecontre le défendeur.

Comme il a été exposé dans le cadre de l'analyse du troisième moyen, lacour d'appel a donné à connaître les raisons pour lesquelles elle aconsidéré que la faute de la société faillie et celle de son gérantn'avaient ni aggravé le passif ni diminué l'actif de celle-ci.

Ainsi, les juges d'appel ont répondu aux conclusions de la demanderesse etont motivé régulièrement leur décision, sans être tenus de répondre àchacun des arguments invoqués par la demanderesse qui ne constituaient pasdes moyens distincts.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

La demanderesse fait ensuite grief à la cour d'appel de ne pas avoir prisen considération la circonstance que plusieurs copropriétés lésées par lesdétournements ont déclaré une créance à la curatelle.

La production d'une créance ne procure au créancier aucun titre exécutoirecontre le failli après la clôture de la faillite, mais lui accordeseulement un droit dans la répartition de l'actif de la faillite.

L'éventuelle déclaration de créance d'un créancier individuel lésé aupassif de la société faillie ne lui interdit donc pas d'exercer ses droitspropres dont celui de se constituer partie civile en vue d'obtenir untitre consacrant le droit à la réparation d'un préjudice découlant de lacommission d'infractions pénales.

La reconnaissance du droit d'agir individuellement se fonde sur le faitque la suspension des poursuites qui résulte de la déclaration de faillitene s'étend pas aux actions pénales qui sont par essence personnelles ensorte que la limitation du droit d'action des créanciers individuelsn'est, dans ce cas, pas justifiée.

Enfin, la méconnaissance alléguée du principe d'égalité des créanciers nesaurait se déduire de la seule circonstance qu'un curateur admis àreprésenter la masse des créanciers en exerçant les droits qui leur sontcommuns n'est pas admis à exercer les droits individuels de ceux-ci.

La circonstance que le créancier obtienne du juge pénal un titreconsacrant le droit à la réparation de son préjudice et fixant le montantde celui-ci n'empêche pas qu'en cas d'insuffisance d'actifs de la sociétéfaillie, l'exécution dudit titre se réalise conformément à la règle duconcours et aux principes de droit commun applicables en la matière.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxés en totalité à la somme de neuf cent septante-neufeuros dix centimes dont I) sur le pourvoi d'E. M. : septante et un eurosun centime dus et trois cent quarante et un euros vingt-six centimes payéspar ce demandeur et II) sur le pourvoi de Maître Béatrice Versie, q.q. lasociété privée à responsabilité limitée LG Gerex : vingt-sept euroscinquante-six centimes dus et cinq cent trente-neuf euros vingt-septcentimes payés par cette demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un juin deuxmille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction deprésident, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

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| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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21 JUIN 2017 P.17.0275.F/4


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0275.F
Date de la décision : 21/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-21;p.17.0275.f ?
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