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19/06/2017 | BELGIQUE | N°S.16.0011.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 juin 2017, S.16.0011.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° S.16.0011.F

* SERVICE FÉDÉRAL DES PENSIONS, établissement public dont le siège estétabli à Saint-Gilles, Tour du Midi, Esplanade de l'Europe, 1,

* demandeur en cassation,

* représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où ilest fait élection de domicile,











contre

A. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourv

oi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2015par la cour du travail de Bruxelles.

Le 8 mai 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a dépo...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° S.16.0011.F

* SERVICE FÉDÉRAL DES PENSIONS, établissement public dont le siège estétabli à Saint-Gilles, Tour du Midi, Esplanade de l'Europe, 1,

* demandeur en cassation,

* représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où ilest fait élection de domicile,

contre

A. D.,

défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2015par la cour du travail de Bruxelles.

Le 8 mai 2017, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé desconclusions au greffe.

Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgénéral Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 9 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlementgénéral du régime de pension de retraite et de survie des travailleurssalariés ;

- articles 2, §§ 1^er et 3, avant sa modification par la loi du 10 août2015, et 4, avant sa modification par la loi du 28 décembre 2011, del'arrêté royal du 23 décembre 1996 portant exécution des articles 15, 16et 17 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécuritésociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions ;

- articles 108 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositionsdiverses, tant avant sa modification par la loi du 20 juillet 2012 etavant sa modification par la loi du 24 juin 2013 portant des dispositionsdiverses en matière de pensions qu'en sa version actuelle ;

- article 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012 portant exécution, enmatière de pension des travailleurs salariés, de la loi du 28 décembre2011 portant des dispositions diverses.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué dit l'appel du demandeur non fondé, confirme le jugemententrepris en ce qu'il a dit que la défenderesse a droit à la pensionanticipée à partir du 1^er septembre 2013 et condamne l'Office nationaldes pensions aux dépens, par les motifs suivants :

« Le 9 novembre 2010, la société Toyota a annoncé l'ouverture d'unprogramme de départ volontaire ;

[...] Dans une lettre qui lui a été adressée le 16 novembre 2010, [cettesociété] a indiqué à [la défenderesse] que, compte tenu de son ancienneté,son départ pourrait se faire contre paiement d'une somme correspondant àtrente mois de rémunération. [La défenderesse] était alors âgée decinquante-sept ans et trois mois ;

Elle a interrogé l'Office national des pensions concernant ses droits à laretraite anticipée. Elle lui a envoyé un courriel rédigé comme suit :

`Question : j'ai une carrière de trente-sept ans et six mois chez le mêmeemployeur.

Aujourd'hui, il propose aux employés un plan de départ et de démissionvolontaire par lequel une prime sera versée selon un calcul tenant comptedu salaire et de l'ancienneté limitée à trente ans. Si je souscris à ceplan, quel sera l'impact si je désire prendre ma pension à soixante ans ?Merci d'avance pour votre réponse' (courriel du 4 décembre 2010) ;

L'Office national des pensions lui a répondu par lettre du 25 janvier 2011que, suivant la réglementation en vigueur, elle pourrait bénéficier d'unepension de retraite à l'âge de soixante ans étant donné qu'elle justifiede trente-cinq ans de carrière ;

[…] À la réception de la lettre de l'Office national des pensions, [ladéfenderesse] a adhéré au programme de départ volontaire et a conclu uneconvention avec la société Toyota le 28 janvier 2011 ;

Cette convention prévoyait la démission de [la défenderesse] au 28 février2011 moyennant le paiement d'une prime unique de 302.102,38 euros brut.Cette indemnité devait couvrir la période du 1^er mars 2011 au 31 août2013 ;

[…] Le 21 février 2013, [la défenderesse] a introduit sa demande depension à partir du 1^er septembre 2013 ;

[…] Discussion

Application de l'article 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012

L'article 3/1, qui a été introduit dans l'arrêté royal du 26 avril 2012par un arrêté royal du 20 décembre 2012 avec effet au 1^er janvier 2013,précise que `les travailleurs salariés qui ont introduit avant le 28novembre 2011 auprès de l'Office national des pensions une demande visantà obtenir une pension de retraite anticipée en 2013 peuvent l'obtenirs'ils remplissent, à la date de prise de cours demandée, les conditionsd'âge et de carrière prévues par l'article 4, §§ 1^er et 2, de l'arrêtéroyal du 23 décembre 1996, tels qu'ils étaient en vigueur avant leurmodification par l'article 107 de la loi du 28 décembre 2011' ;

La cour du travail a estimé, en ce qui concerne l'application éventuellede l'article 3/1, que [la défenderesse] semble y satisfaire mais qu'il yavait lieu de rouvrir les débats afin de connaître le point de vue del'Office national des pensions ;

[Celui-ci] ne conteste pas que la demande dont question à l'article 3/1 del'arrêté royal ne peut être une demande de pension `en bonne et dueforme' ;

En effet, selon l'article 9, § 2, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967,`la demande de pension de retraite [ne] peut être introduite [qu']au plustôt le premier jour du mois précédant d'une année la date de prise decours choisie par le demandeur' ;

Ainsi, il serait absurde d'exiger que la demande introduite avant le 28novembre 2011 pour une pension devant prendre cours au plus tôt en 2013soit une demande au sens de cet article 9, § 2 ;

L'Office national des pensions évoque l'existence d'une bizarrerie ;

Il relève à juste titre que cette anomalie résulte aussi de l'article 108de la loi du 28 décembre 2011, modifié par la loi du 20 juillet 2012. Eneffet, dans cette loi, il était déjà question de régler le sort desdemandes formulées avant le 28 novembre 2011 ;

L'Office en déduit toutefois à tort que le dispositif légal estnécessairement sans portée pratique et devrait par conséquent êtrenégligé, puisque `la cour [du travail] ne peut contrôler la régularitéd'une loi' ;

En effet, la question n'est pas de se prononcer sur la régularité del'article 108 de la loi du 28 décembre 2011, modifié par la loi du 20juillet 2012, mais de déterminer le sens et la portée de ce texte et del'article 3/1 de l'arrêté royal en ce qu'ils mettent en place un régimespécifique pour les `travailleurs salariés qui ont introduit une demandede pension anticipée avant le 28 novembre 2011' et qui, comme l'indiquel'article 3/1 de l'arrêté royal, souhaitent prendre cette pensionanticipée en 2013 à soixante ans ;

En l'espèce, l'objectif de ces règles est de permettre aux personnes qui,avant l'annonce des mesures en matière de pension anticipée, soit avant le28 novembre 2011, ont exprimé leur volonté de bénéficier en 2013 de leurpension anticipée à soixante ans de concrétiser cette intention ;

Lors d'une correction subséquente de l'article 108 de la loi du 28décembre 2011, il a été rappelé que, `lors de la concertation socialerelative à la réforme de la pension de retraite anticipée, il avait étédécidé de ne pas préjudicier les travailleurs qui se trouvaient déjà dansun processus de départ anticipé pour pouvoir prendre leur pensionanticipée à l'âge de soixante ans' (Doc. parl., n° 53-28231, p. 6) ;

L'objectif est donc de valider les démarches effectuées de manièrecertaine en période non suspecte ;

Dans la mesure où il est exclu qu'ils visent une demande de pension ausens de l'article 9, § 2, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967 et au vudes objectifs du législateur, l'article 108 de la loi du 28 décembre 2011,modifié par la loi du 20 juillet 2012, et l'article 3/1 de l'arrêté royaldu 26 avril 2012, introduit dans cet arrêté par l'arrêté royal du 20décembre 2012, doivent être interprétés comme visant toute démarcheeffectuée de manière certaine auprès de l'Office national des pensionsavant le 28 novembre 2011 dans le cadre d'un processus de départ anticipéimpliquant une pension anticipée à soixante ans en 2013 ;

En l'espèce, le caractère certain de la démarche résulte à suffisance dela réponse écrite de l'Office national des pensions du 25 janvier 2011. Ilest de même certain que cette démarche s'inscrit dans le processus dedépart volontaire proposé par l'employeur, la société anonyme Toyota. [Ladéfenderesse] a attendu la réponse de l'Office national des pensions pourrépondre favorablement à la proposition de son employeur et pourdémissionner à une date qui lui permettrait au terme de la périodecouverte par l'indemnité de départ de bénéficier d'une pension anticipée àsoixante ans ;

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il décide que [la défenderesse] adroit, dans les conditions légales et réglementaires, à la pensionanticipée à partir du 1^er septembre 2013 ;

[…] En conclusion, la cour du travail confirme le jugement sur une autrebase juridique ».

Griefs

L'article 9 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlementgénéral du régime de pension de retraite et de survie des travailleurssalariés dispose que :

« § 1^er. Toute prestation prévue par la législation en matière depension, à l'exception du pécule de vacances et de l'allocation dechauffage, doit faire l'objet d'une demande.

§ 2. Sans préjudice des dispositions de l'article 2, §§ 1^er et 2, de laloi du 20 juillet 1990 et des articles 2, 3 et 4 de l'arrêté royal du 23décembre 1996 portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loi du 26juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant laviabilité des régimes légaux des pensions, la demande de pension deretraite peut être introduite au plus tôt le premier jour du moisprécédant d'une année la date de prise de cours choisie par ledemandeur ».

Aux termes de l'article 2, § 1^er, de l'arrêté royal du 23 décembre 1996portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loi du 26 juillet 1996portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité desrégimes légaux des pensions, avant sa modification par la loi du 10 août2015, la pension de retraite prend cours le premier jour du mois qui suitcelui au cours duquel l'intéressé en fait la demande et au plus tôt lepremier jour du mois qui suit celui au cours duquel il atteint l'âge de lapension. L'âge de la pension est de soixante-cinq ans.

L'article 2, § 3, de cet arrêté dispose que le Roi détermine les cas danslesquels les droits à la pension de retraite attribuée en vertu de cetarticle sont examinés d'office.

L'article 4 du même arrêté, avant sa modification par la loi du 28décembre 2011, disposait toutefois :

« § 1^er. Par dérogation aux articles 2, ^ § 1^er, et 3 du présent arrêtéet sans préjudice des dispositions du paragraphe 3 de cet article, lapension peut prendre cours anticipativement au choix et à la demande del'intéressé. La date de prise de cours choisie ne peut être antérieure aupremier jour du mois suivant celui au cours duquel il a introduit sademande ni au premier jour du mois suivant celui au cours duquel ilatteint l'âge de soixante ans.

§ 2. La possibilité d'obtenir une pension de retraite anticipéeconformément au paragraphe 1^er est soumise dans le chef de l'intéressé àla condition qu'il prouve une carrière d'au moins trente-cinq annéesciviles susceptibles d'ouvrir des droits à la pension en vertu du présentarrêté, de la loi du 20 juillet 1990 instaurant un âge flexible de laretraite pour les travailleurs salariés et adaptant les pensions destravailleurs salariés à l'évolution du bien-être général, de l'arrêtéroyal n° 50, d'un régime belge pour ouvriers, employés, mineurs, marins ouindépendants, d'un régime belge applicable au personnel des servicespublics ou de la Société nationale des chemins de fer belges, de toutautre régime légal belge ou de tout régime étranger qui relève du champd'application des règlements européens de sécurité sociale ou d'uneconvention de sécurité sociale conclue par la Belgique ».

Il ressort de cette disposition que l'intéressé doit en faire la demande.

L'article précité fut modifié par l'article 107 de la loi du 28 décembre2011 portant des dispositions diverses, portant le texte suivant :

« § 1^er. Par dérogation à l'article 2, § 1^er, et sans préjudice desdispositions du paragraphe 3 du présent article, la pension peut prendrecours anticipativement au choix et à la demande de l'intéressé. La date deprise de cours choisie ne peut être antérieure au premier jour du moissuivant celui au cours duquel il a introduit sa demande ni :

1° au premier jour du septième mois suivant celui au cours duquel ilatteint l'âge de soixante ans, pour les pensions qui prennent courseffectivement et pour la première fois au plus tôt le 1^er janvier 2013 etau plus tard le 1^er décembre 2013 […].

§ 2. La possibilité d'obtenir une pension de retraite anticipéeconformément au paragraphe 1^er est soumise à la condition que l'intéresséprouve une carrière constituée d'un nombre déterminé d'années civilessusceptibles d'ouvrir des droits à la pension en vertu du présent arrêté,de la loi du 20 juillet 1990 instaurant un âge flexible de la retraitepour les travailleurs salariés et adaptant les pensions des travailleurssalariés à l'évolution du bien-être général, de l'arrêté royal n° 50, d'unrégime belge pour ouvriers, employés, mineurs, marins ou indépendants,d'un régime belge applicable au personnel des services publics ou de laSociété nationale des chemins de fer belges, de tout autre régime légalbelge ou de tout régime étranger qui relève du champ d'application desrèglements européens de sécurité sociale ou d'une convention de sécuritésociale conclue par la Belgique. La condition de carrière requise est :

1° d'au moins trente-huit ans, pour les pensions qui prennent courseffectivement et pour la première fois au plus tôt le 1^er janvier 2013 etau plus tard le 1^er décembre 2013. […]

§ 3. Par dérogation aux paragraphes 1^er et 2,

1° si l'intéressé prouve une carrière d'au moins quarante années civilestelles qu'elles sont définies au paragraphe 2, sa pension de retraiteanticipée peut prendre cours le premier jour du mois suivant celui aucours duquel il atteint l'âge de soixante ans, pour les pensions quiprennent cours effectivement et pour la première fois au plus tôt le 1^erjanvier 2013 et au plus tard le 1^er décembre 2014 ».

L'article 108 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositionsdiverses disposait toutefois :

« Le Roi prendra, par arrêté délibéré en conseil des ministres, desmesures transitoires pour les travailleurs salariés dont le préavis débuteavant le 1^er janvier 2012 et prend fin après le 31 décembre 2012 ainsique pour les travailleurs qui ont conclu avec leur employeur, en dehors ducadre d'une prépension conventionnelle, avant le 28 novembre 2011, uneconvention de départ anticipé venant à échéance à l'âge de soixante ans,pour autant qu'à ce moment, ces travailleurs aient une carrière d'au moinstrente-cinq ans ».

Cet article fut modifié une première fois par la loi du 20 juillet 2012,disposant que le Roi prend, par arrêté délibéré en conseil des ministres,des mesures transitoires pour :

1° les travailleurs salariés dont le préavis débute avant le 1^er janvier2012 et prend fin ou aurait dû prendre fin après le 31 décembre 2012 ;

2° les travailleurs salariés qui ont conclu avec leur employeur, en dehorsdu cadre d'une prépension conventionnelle, avant le 28 novembre 2011, uneconvention de départ anticipé venant à échéance au plus tôt à l'âge desoixante ans, pour autant qu'à ce moment, ces travailleurs justifient unecarrière d'au moins trente-cinq ans ;

3° les travailleurs salariés qui ont introduit une demande de pensionanticipée avant le 28 novembre 2011.

Il fut modifié une seconde fois par l'article 3 de la loi du 24 juin 2013portant des dispositions diverses en matière de pensions, remplaçant dansl'article 108 de la loi du 28 décembre 2011, remplacé par la loi du 20juillet 2012, le 2° par ce qui suit :

« 2° les travailleurs salariés qui, en dehors du cadre d'une prépensionconventionnelle,

a) ont conclu de commun accord avec leur employeur, avant le 28 novembre2011, une convention de départ anticipé venant à échéance au plus tôt àl'âge de soixante ans, pour autant qu'à ce moment, ces travailleursjustifient une carrière d'au moins trente-cinq ans au sens de l'article 4,§ 2, de l'arrêté royal du 23 décembre 1996 ».

L'article 4 de la loi du 24 juin 2013 dispose que « les dispositions desarticles 2 et 3 sont applicables aux pensions qui prennent courseffectivement et pour la première fois au plus tôt le 1^er janvier 2013 ».

En exécution de l'article 108 de la loi du 28 décembre 2011 fut prisl'arrêté royal du 20 décembre 2012.

L'article 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012 portant exécution, enmatière de pension des travailleurs salariés, de la loi du 28 décembre2011 portant des dispositions diverses, inséré par l'arrêté royal du 20décembre 2012, dispose que « les travailleurs salariés qui ont introduitavant le 28 novembre 2011, auprès de l'Office national des pensions, unedemande visant à obtenir une pension de retraite anticipée en 2013 peuventl'obtenir s'ils remplissent, à la date de prise de cours demandée, lesconditions d'âge et de carrière prévues par l'article 4, §§ 1^er et 2, del'arrêté royal du 23 décembre 1996, en vigueur avant leur modification parl'article 107 de la loi du 28 décembre 2011 ».

Il ressort de cette disposition que certains travailleurs continueraient àbénéficier de la réglementation existant avant la modification de la loidu 28 décembre 2011, pourvu qu'ils aient introduit avant le 28 novembre2011 auprès de l'Office national des pensions une demande visant à obtenirune pension de retraite anticipée en 2013.

Il en ressort aussi qu'une simple demande d'information ne suffit pas.

L'article exige clairement une demande introduite auprès de l'Officenational de pensions, dans laquelle le travailleur exprime la volonté debénéficier de la pension anticipée dès qu'il aura atteint l'âge desoixante ans.

Le mot « demande » se définit en effet comme une action consistant àdemander quelque chose, en l'espèce l'obtention d'une pension anticipée,alors que l'expression « introduire une demande » désigne la mise en œuvrede cette demande auprès de la personne compétente. Enfin, une demande nepeut sortir des effets que pour autant que son destinataire en soitinformé.

Une simple demande d'information ne peut être assimilée à une demandevisant à obtenir une pension anticipée.

En effet, une demande d'information qui ne tend qu'à obtenir desinformations sur quelque chose n'exprime à ce stade aucune décision.

Il s'ensuit que, même s'il était exclu d'appliquer tel quel l'article 9, §2, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967, en ce que cette dispositionprévoit que « la demande de pension de retraite peut être introduite auplus tôt le premier jour du mois précédant d'une année la date de prise decours choisie par le demandeur », condition qui excluait de facto sonapplication à toute retraite anticipée devant prendre cours après le 1^erjanvier 2013, le régime transitoire nécessite néanmoins l'introductiond'une demande auprès de l'Office national des pensions avant le 28novembre 2011 en vue d'obtenir cette pension anticipée, une simple demanded'information ne suffisant pas.

Il ressort des dispositions précitées que l'Office national des pensionsdevait, à tout le moins, être informé avant le 28 novembre 2011 de ladécision du travailleur de prendre sa retraite anticipée à soixante ans.

Or, en l'occurrence, il ne ressort aucunement des constatations de l'arrêtque la défenderesse aurait introduit avant le 28 novembre 2011 une demandetendant à obtenir une pension anticipée ou qu'elle aurait informé l'Officenational des pensions qu'elle avait effectivement pris la décision deprendre sa retraite anticipée à soixante ans.

Il en ressort uniquement que la défenderesse a adressé par courriel du 4décembre 2010 au demandeur une demande d'information quant à l'impactd'une retraite anticipée, la défenderesse y utilisant le conditionnel(« si je désire prendre ma pension à soixante ans »), demanded'information à laquelle le demandeur a répondu par lettre du 25 janvier2011 que, suivant la réglementation en vigueur, elle pourrait bénéficierd'une pension de retraite à l'âge de soixante ans étant donné qu'ellejustifiait de trente-cinq ans de carrière et qu'une demande devrait êtreintroduite auprès de l'administration communale du lieu de résidenceprincipale au plus tôt douze mois avant le soixantième anniversaire.

Une telle demande d'information, qui ne fait état d'aucune décision de lapart de la défenderesse de prendre effectivement sa retraite anticipée àsoixante ans, ne peut nullement être considérée comme une demanded'obtention de la pension anticipée.

Il ne ressort pas davantage des constatations de l'arrêt qu'à la suite decette lettre la défenderesse aurait informé le demandeur qu'elle avaiteffectivement décidé de prendre sa retraite anticipée en 2013.

Partant, en décidant que les articles 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril2012 et 108 de la loi du 28 décembre 2011 doivent « être interprétéscomme visant toute démarche effectuée de manière certaine auprès del'Office national des pensions avant le 28 novembre 2011 dans le cadred'un processus de départ anticipé impliquant une pension anticipée àsoixante ans en 2013 » et qu' « une démarche effectuée de manièrecertaine, en période non suspecte », suffit pour pouvoir bénéficier d'unepension anticipée à soixante ans, sans qu'il soit nécessaire que lapersonne concernée ait introduit une demande en vue de l'obtention d'unepension anticipée auprès de l'Office national des pensions, l'arrêt nejustifie pas légalement sa décision (violation des articles 9 de l'arrêtéroyal du 21 décembre 1967, 2, §§ 1^er et 3, avant sa modification par laloi du 10 août 2015, et 4, avant sa modification par la loi du 28 décembre2011, de l'arrêté royal du 23 décembre 1996, 108 de la loi du 28 décembre2011 portant des dispositions diverses, tant avant sa modification par laloi du 20 juillet 2012 et avant sa modification par la loi du 24 juin 2013qu'en sa version actuelle, et 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012).

Par ailleurs, en considérant que la défenderesse remplissait lesconditions pour pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée à soixante anssous le couvert de l'ancienne règlementation, au motif qu'« une démarcheeffectuée de manière certaine, en période non suspecte », suffit pourpouvoir en bénéficier, alors qu'il ne ressort nullement des constatationsde l'arrêt qu'après s'être informée auprès du demandeur de l'impact d'uneéventuelle retraite anticipée, elle l'aurait par après informé de cequ'elle avait effectivement adhéré au programme de départ volontaireproposé par son employeur et qu'elle avait décidé de prendre sa retraiteanticipée en 2013, l'arrêt ne justifie pas davantage légalement sadécision (violation des dispositions précitées).

III. La décision de la Cour

VI. 

VII. Aux termes de l'article 9, § 1^er, de l'arrêté royal du 21 décembre1967 portant règlement général du régime de pension de retraite etde survie des travailleurs salariés, toute prestation prévue par lalégislation en matière de pension, à l'exception du pécule devacances et de l'allocation de chômage, doit faire l'objet d'unedemande.

VIII. Le paragraphe 2 de cet article dispose que, sans préjudice desdispositions de l'article 2, §§ 1^er et 2, de la loi du 20 juillet1990 et des articles 2, 3 et 4 de l'arrêté royal du 23 décembre1996 portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loi du 26juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale etassurant la viabilité des régimes légaux des pensions, la demandede pension de retraite peut être introduite au plus tôt le premierjour du mois précédant d'une année la date de prise de courschoisie par le demandeur.

IX. L'article 107 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositionsdiverses a modifié, pour les pensions qui prennent courseffectivement et pour la première fois au plus tôt le 1^er janvier2013, les conditions d'accès à la pension anticipée énoncées àl'article 4 de l'arrêté royal du 23 décembre 1996.

X. L'article 108, 3°, de cette loi prévoit que le Roi prend, par arrêtédélibéré en conseil des ministres, des mesures transitoires pour lestravailleurs salariés qui ont introduit une demande de pensionanticipée avant le 28 novembre 2011.

XI. Suivant l'article 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012 portantexécution, en matière de pension des travailleurs salariés, de la loidu 28 novembre 2011 portant des dispositions diverses, lestravailleurs salariés qui ont introduit avant le 28 novembre 2011auprès de l'Office national des pensions une demande visant à obtenirune pension de retraite anticipée en 2013 peuvent l'obtenir s'ilsremplissent à la date de prise de cours demandée les conditions d'âgeet de carrière prévues à l'article 4, §§ 1^er et 2, de l'arrêté royaldu 23 décembre 1996, avant leur modification par l'article 107 de laloi du 28 décembre 2011.

XII. Les articles 108, 3°, de la loi du 28 décembre 2011 et 3/1 del'arrêté royal du 26 avril 2012 ne définissent pas ce qu'il y alieu, pour leur application, d'entendre par demande.

XIII. Le moyen admet que, comme le décide l'arrêt, cette demande nes'identifie pas avec celle qui est visée à l'article 9, §§ 1^er et2, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967.

XIV. L'arrêt constate que, après que son employeur eut annoncé le 9novembre 2010 « l'ouverture d'un programme de départ volontaire » etlui eut fait connaître le 16 novembre 2010 que, « compte tenu de sonancienneté, son départ pourrait se faire contre paiement d'une sommecorrespondant à trente mois de rémunération », la défenderesse,« alors âgée de cinquante-sept ans et trois mois », a demandé le 4décembre 2010 à l'Office national des pensions si, dans l'hypothèseoù elle souscrirait à la proposition de son employeur, elle pourraitbénéficier d'une pension de retraite à soixante ans, que, ayant reçude cet office une réponse positive, elle a adhéré le 28 janvier 2011au programme de départ volontaire qui lui était proposé, et qu'ellea introduit le 21 février 2013 une demande de pension à partir du1^er septembre 2013.

XV. En considérant que « l'objectif [des articles 108, 3°, de la loi du28 décembre 2011 et 3/1 de l'arrêté royal du 26 avril 2012] est depermettre aux personnes qui, avant l'annonce des mesures en matièrede pension anticipée, soit avant le 28 novembre 2011, ont expriméleur volonté de bénéficier en 2013 de leur pension anticipée àsoixante ans de concrétiser cette intention » en « valid[ant] lesdémarches effectuées de manière certaine en période non suspecte » ;que ces dispositions « doivent être interprétées comme visant toutedémarche effectuée de manière certaine auprès de l'Office nationaldes pensions dans le cadre d'un processus de départ anticipéimpliquant une pension anticipée à soixante ans en 2013 », et, sur labase d'une appréciation qui gît en fait, qu'« en l'espèce, lecaractère certain de la démarche résulte à suffisance de la réponseécrite de [cet office] du 25 janvier 2011 [au courriel de ladéfenderesse du 4 décembre 2010] et [qu']il est de même certain quecette démarche s'inscrit dans le processus de départ volontaireproposé par [l']employeur [de celle-ci, qui] a attendu la réponse del'Office pour répondre favorablement à [cette] proposition [et]démissionner à une date qui lui permettrait au terme de la périodecouverte par l'indemnité de départ de bénéficier d'une pensionanticipée à soixante ans », l'arrêt justifie légalement sa décisionque la défenderesse peut bénéficier du régime transitoire prévu auxarticles 108, 3°, de la loi du 28 décembre 2011 et 3/1 de l'arrêtéroyal du 26 avril 2012.

XVI. Le moyen ne peut être accueilli.

XVII. 

Par ces motifs,

* La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de six cent quarante-neuf euros nonante-cinqcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers KoenMestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Éric de Formanoir, etprononcé en audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-sept par leprésident de section Christian Storck, en présence de l'avocat généralJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

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| L. Body | É. de Formanoir | A. Lievens |
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| M. Delange | K. Mestdagh | Chr. Storck |
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19 JUIN 2017 S.16.0011.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.16.0011.F
Date de la décision : 19/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-19;s.16.0011.f ?
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