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14/06/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0361.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 juin 2017, P.17.0361.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0361.F

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE MONS,

demandeur en cassation,

contre

S.H., J., R., prévenu,

défendeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Jean-Claude Derzelle, avocat au barreau deCharleroi.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 février 2017 par la courd'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Le demandeur fait valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conf

orme.

A l'audience du 31 mai 2017, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapportet l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a ...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0361.F

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE MONS,

demandeur en cassation,

contre

S.H., J., R., prévenu,

défendeur en cassation,

ayant pour conseil Maître Jean-Claude Derzelle, avocat au barreau deCharleroi.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 février 2017 par la courd'appel de Mons, chambre correctionnelle.

Le demandeur fait valoir trois moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

A l'audience du 31 mai 2017, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapportet l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

Le demandeur a déposé, le 8 juin 2017, une note en réponse en applicationde l'article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

II. la décision de la cour

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, déduite de son imprécision,de sa méconnaissance de l'article 147 de la Constitution et de son absencede pertinence et d'intérêt :

Le défendeur reproche d'abord au moyen, tiré de la violation de l'article149 de la Constitution, de critiquer, sous ce couvert, l'arrêt attaqué aumotif qu'il violerait la foi due aux actes et déduirait une conclusionerronée de sa motivation. Il fait ensuite grief au moyen de se référer àdes éléments de fait qui étaient contenus dans les conclusions d'appel dudemandeur.

En matière répressive, il n'est pas requis que le moyen de cassationmentionne la disposition légale, au sens de l'article 608 du Codejudiciaire, qui, selon le demandeur, est violée par la décision attaquée.Il s'ensuit qu'il n'est tenu ni de motiver ni de justifier la dispositionqu'il vise. Le demandeur n'est pas davantage obligé de diviser son moyenen branches, pour distinguer les différents griefs qu'il entend élever àl'appui de l'allégation de la violation d'une norme.

Par ailleurs, les griefs contenus dans le moyen font reproche aux jugesd'appel de n'avoir pas régulièrement motivé leur décision d'écarter lespréventions, notamment en laissant sans réponse des éléments de fait dontil tirait des conséquences juridiques. Un tel moyen peut être examiné dansl'instance en cassation.

Enfin, l'allégation du demandeur, selon laquelle « en constatant que laprévention ne lui permettait pas d'identifier précisément les actes arguésde faux, la cour aurait dû déclarer les poursuites irrecevables en lieu etplace de prononcer une décision d'acquittement » n'enlève pas au moyen sonintérêt dès lors que le demandeur, en raison des autres griefs qu'iladresse à l'arrêt, en conserve un à la cassation.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyenreproche à l'arrêt de ne pas répondre autrement que par des considérationsgénérales aux conclusions du demandeur, qui indiquaient les pièces dudossier dont découlait la preuve de l'infraction de faux par fonctionnairepublic et d'usage de ces faux visés à la prévention I.B. Le demandeur faitencore grief aux juges d'appel de ne pas avoir motivé l'absence d'élémentsconstitutifs de cette infraction, notamment lors de l'attribution desmarchés publics mentionnés à la prévention, de sorte qu'ils placent laCour dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de légalité qui luiincombe.

À la page 12 de ses conclusions déposées le 8 septembre 2016 devant lacour d'appel, à propos de la prévention I.B, le demandeur renvoyait, en lacitant, à la décision entreprise, qui avait souligné « que l'appel à lasous-traitance n'[avait] pas été mentionné dans les offres formulées parles bureaux privés alors que dans le cadre de marchés publics, [il aurait]dû l'être » ; le jugement indiquait encore la localisation dans le dossierde la pièce relative à ce fait, ce que relevaient les conclusions dudemandeur. Dans ces mêmes conclusions, ce dernier précisait ensuite enquoi consistait l'intention frauduleuse du défendeur et d'un coprévenu,soit l'élément moral ayant, selon lui, présidé à l'établissement despièces mensongères, ainsi que le risque de préjudice en découlant pour laVille de Charleroi.

En décidant, après avoir examiné et écarté une offre, que « les actes depoursuites, même rapprochés des éléments qui figurent au dossierrépressif, ne permettent pas […] d'identifier de manière univoque etsuffisamment précise les autres pièces et documents qui comporteraient unealtération de la vérité […] » et que « l'instruction de la cause faitedevant la cour, les débats qui s'y sont tenus ainsi que les réquisitionsdu [demandeur] n'ont pas davantage permis de les identifier », les jugesd'appel n'ont pas répondu aux conclusions du demandeur qui visaientprécisément, en les décrivant au regard des faits de la prévention I.B,certaines pièces déjà mentionnées, entre autres, à cette prévention.

Le moyen est fondé.

Sur le deuxième moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, déduite de sa méconnaissancede l'article 147 de la Constitution :

Le défendeur reproche au moyen d'exiger, pour son examen, une appréciationdes éléments de fait de la cause.

Mais nonobstant la circonstance que le juge du fond appréciesouverainement en fait l'existence d'éléments tels que l'identité entrel'infraction dont il est saisi et celle reprise sous une qualificationdifférente, il appartient à la Cour de vérifier s'il a pu légalementdéduire de ses constatations en fait l'absence de saisine et s'il arégulièrement motivé sa décision à cet égard.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Pris de la violation des articles 130 et 182 du Code d'instructioncriminelle, le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir illégalementlimité leur saisine aux faits strictement circonscrits dans laqualification initiale donnée à la prévention III.22 - un détournement parfonctionnaire - alors que, sur l'initiative du demandeur, ils avaientinvité le prévenu à se défendre de cette prévention requalifiée en uneinfraction à l'article 496 du Code pénal, commise entre les mêmes dates,selon le même mode opératoire et relative aux mêmes sommes d'argentpayées.

En matière correctionnelle ou de police, l'ordonnance de renvoi ou lacitation à comparaître saisissent la juridiction de jugement non de laqualification qui y figure, mais des faits tels qu'ils ressortent despièces de l'instruction et qui fondent l'ordonnance de renvoi ou lacitation.

Le juge du fond n'est pas lié par la qualification que ces actes ontdonnée aux faits. Cette première qualification est provisoire et lajuridiction de jugement, même en degré d'appel, a le droit et le devoir,moyennant le respect des droits de la défense, de donner aux faits leurqualification exacte.

En vue de la requalification, il n'est pas requis que les éléments del'infraction initialement qualifiée et de celle requalifiée soient lesmêmes. Il faut néanmoins que la nouvelle qualification ait pour objet lemême fait que celui qui est à l'origine des poursuites ou qu'il s'y trouvecompris.

Si l'appréciation du juge du fond à cet égard est souveraine, il luiappartient cependant d'exposer de manière concrète pourquoi il estime quela nouvelle qualification proposée par une partie s'identifie ou non aufait dont il est saisi.

Après avoir invité le prévenu à se défendre de la prévention III.22requalifiée en une escroquerie, commise entre les mêmes dates, selon lemême mode opératoire et relative aux mêmes sommes d'argent, conformément àla demande formulée par le demandeur aux termes de ses conclusions, lesjuges d'appel se sont bornés à décider qu'ils n'étaient pas saisis de cesfaits au motif que, tels que requalifiés par le ministère public, ils nesont pas les mêmes que ceux qui fondaient la poursuite originaire et nesont pas compris dans ceux qui la fondaient.

Cette seule considération ne permet pas à la Cour de déterminer lesraisons ayant amené la juridiction d'appel à conclure à son incompétencepour connaître des faits sous la qualification proposée, de sorte que laCour est dans l'impossibilité d'exercer le contrôle de légalité qui luiest confié.

Ce faisant, les juges d'appel n'ont ni régulièrement motivé ni légalementjustifié leur décision.

Le moyen est fondé.

Sur le troisième moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, déduite de son imprécision,de sa méconnaissance de l'article 147 de la Constitution, de sa nouveautéet de son absence de pertinence et d'intérêt :

En matière pénale, la circonstance que le demandeur identifierait demanière en partie erronée la disposition légale dont l'arrêt est accusé dela violation ne contrevient à aucune règle de forme susceptibled'entraîner l'irrecevabilité du moyen.

Le moyen ne soutient pas que les juges d'appel auraient dû faireapplication de l'article 247, § 2, du Code pénal. En outre, n'est pasnouveau le moyen qui critique une motivation dont le demandeur n'a prisconnaissance qu'à la lecture de l'arrêt attaqué.

Critiquant la décision des juges d'appel d'« écarter un fait de corruptionpour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 10 février1999 », le moyen n'est pas affecté de l'imprécision que le défendeurdénonce.

La circonstance qu'à l'appui du moyen pris de la violation des règlesconcernant l'application de la loi pénale dans le temps, le demandeursouligne un élément de fait relatif à l'éventuelle existence d'uneinfraction sous l'empire de la loi qui a été modifiée, est de nature àjustifier l'intérêt à la cassation.

Eu égard à la décision rendue sur les premier et deuxième moyens, relatifsà des infractions qui auraient respectivement été commises jusqu'au 14septembre 2010 et jusqu'au 13 avril 2010, le moyen n'est pas dépourvud'intérêt.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Le moyen est pris de la violation des articles 66 et 247, §§ 2 et 4, duCode pénal. Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir limité lapériode durant laquelle les faits de la prévention XI.1 auraient étécommis en excluant qu'ils aient pu l'être avant le 2 avril 1999, date del'entrée en vigueur de la loi du 10 février 1999 relative à la répressionde la corruption, qui a introduit l'infraction de trafic d'influence.

Selon le demandeur, lorsque, comme en l'espèce, il relevait de la fonctionde la personne corrompue, ce fait était déjà réprimé avant l'entrée envigueur de cette loi ; cette condition est remplie notamment dansl'hypothèse où l'auteur, qui exerce une fonction publique, agit selon l'undes modes de la participation criminelle, dans le cadre de son activité etmême s'il n'exerce qu'une partie du pouvoir de décider.

L'incrimination de corruption publique ayant pour objet un traficd'influence est une forme de corruption qui ne vise pas l'accomplissementd'un acte ou une omission, mais l'exercice par la personne corrompue deson influence en vue d'obtenir un acte d'une autorité ou d'uneadministration publiques ou l'abstention d'un tel acte.

Toutefois, avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 février 1999, l'actede la fonction, visé aux articles 246 et suivants du Code pénal dans leurversion applicable au moment des faits, est l'acte qui entre dans le cadrede l'activité du fonctionnaire, sans qu'il soit requis que celui-cidispose d'un pouvoir de décision. À cet égard, l'usage d'une influenceréelle ou supposée en lien avec l'exercice, par le fonctionnaire, de safonction même s'il ne dispose pas du pouvoir de décision, du moment qu'ilparticipe d'une manière ou d'une autre au processus décisionnel ou à sapréparation, était déjà incriminé avant l'entrée en vigueur de la loi du10 février 1999.

Aux termes de la prévention XI.1, il est reproché au défendeur d'avoir uséde l'influence dont il disposait du fait de sa fonction au sein de laVille de Charleroi en faveur de deux sociétés commerciales, pour se faireproposer divers contrats de sous-traitance.

Ainsi, en décidant que les faits de cette prévention n'étaient paspénalement répréhensibles avant le 2 avril 1999, l'arrêt ne justifie paslégalement la décision de déclarer irrecevable l'action publique yafférente.

Le moyen est fondé.

Le contrôle d'office

Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine denullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les faits des préventionsI.B, III.22 et sur les faits de la prévention XI.1 en ce qu'ils auraientété commis avant le 2 avril 1999 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;

Laisse la moitié des frais à charge de l'Etat et réserve le surplus pourqu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Liège.

Lesdits frais taxés à la somme de deux cent quinze euros dix-sept centimesdus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze juin deux milledix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistancede Fabienne Gobert, greffier.

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| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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14 JUIN 2017 P.17.0361.F/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0361.F
Date de la décision : 14/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-14;p.17.0361.f ?
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