Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0059.N
M. S.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
INSPECTEUR URBANISTE RÉGIONAL compétent pour le territoire du Brabantflamand,
demandeur en réparation,
défendeur en cassation.
I. la procédure devant la cour
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 23 décembre 2016 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle, statuant en tant quejuridiction de renvoi ensuite d'un arrêt de la Cour du 16 février 2016.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, encopie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.Â
II. la décision de la cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, 1^er du Protocole additionnel n° 1 à cette convention, 159de la Constitution et 6.1.41 du Code flamand de l'aménagement duterritoire : par la décision rendue sur la mesure de réparation requisepar le défendeur, l'arrêt ne tient nullement compte de la circonstance enfait invoquée par le demandeur selon laquelle, ainsi qu'il ressort du pland'exécution spatial communal et du plan d'exécution spatial - habitationsétrangères à la zone, certains travaux de construction sont autorisés, pardérogation au Code flamand de l'aménagement du territoire, parce qu'ils setrouvent en marge de la zone vulnérable et que l'impact de ces travaux deconstruction sur l'affectation du plan de secteur est, par conséquent,extrêmement limité, de sorte que la mesure de réparation la plus sévèrerequise est manifestement déraisonnable et disproportionnée ; ainsi, ladécision rendue sur l'action en réparation n'est pas légalement justifiée.
2. L'article 6.1.41 du Code flamand de l'aménagement du territoiredispose :
« Outre la peine, le tribunal peut ordonner de remettre le lieu en sonétat initial ou de cesser l'utilisation contraire, et/ou d'exécuter destravaux de construction ou d'adaptation et/ou de payer une amende égale à la plus-value acquise par le bien suite à l'infraction. Ceci se fait, sanspréjudice de l'article 6.1.7 et de l'article 6.1.8, à la requête del'inspecteur urbaniste, ou du Collège des bourgmestre et échevins de lacommune sur le territoire de laquelle les travaux, les actes ou lesmodifications visés à l'article 6.1.1 ont été exécutés. L'action enréparation est engagée dans le respect des modalités suivantes :
1° pour les délits constitués, ou constitués entre autres, d'actescontraires à un ordre de cessation ou contraires aux prescriptionsurbanistiques relatives aux affectations autorisées pour la zone, pourautant qu'il n'en ait pas été dérogé de manière valable, les actionssuivantes sont requises :
a) soit la restauration de l'endroit dans son état initial ou la cessationde l'utilisation contraire,
b) soit l'exécution de travaux de construction ou d'adaptation, s'il a étéclairement établi que cela suffit pour rétablir l'aménagement local ;
c) soit, si la conséquence de l'infraction est manifestement compatibleavec un bon aménagement du territoire, le paiement d'une somme égale à laplus-value du bien résultant de l'infraction ;
2° pour les autres délits que ceux mentionnés au point 1°, le paiementd'une plus-value est requis, sauf si l'autorité instituant cette action enréparation démontre que cela porterait manifestement et de façondisproportionnée préjudice à l'aménagement local, auquel cas l'applicationd'une des mesures visées au point 1° est requise. »
3. Il résulte de l'ordre de priorités établi par cette disposition et desexceptions qui y figurent que, plus encore que la nature de lacontravention, l'atteinte portée à un bon aménagement du territoire estdéterminante dans le choix de la mesure de réparation, tant dans le casvisé à l'article 6.1.41, § 1^er, 1°, que dans le cas visé à l'article6.1.41, § 1^er, 2°. Pour ordonner une mesure de réparation, il est requisque l'infraction porte atteinte à l'aménagement local du territoire et quela mesure vise à le rétablir.
4. En vertu de l'article 1^er du Protocole additionnel n° 1 à laConvention et de l'article 159 de la Constitution, le juge est tenu devérifier si la décision de l'autorité demanderesse en réparation derequérir une certaine mesure de réparation a été prise dans le seul butd'un bon aménagement du territoire. Le juge ne doit donner aucune suite à une action fondée sur des motifs étrangers à l'aménagement du territoireou à une conception d'un bon aménagement du territoire qui estmanifestement déraisonnable.
5. Pour apprécier le caractère manifestement déraisonnable du choix parl'autorité demanderesse en réparation de la restauration de l'endroit dansson état initial, le juge ne peut tenir compte uniquement desprescriptions d'affectation en vigueur selon le plan de secteur, mais ildoit également, s'il y est invité par la personne condamnée à réparer,examiner l'impact sur l'aménagement local du territoire des prescriptionsd'un plan d'exécution spatial applicables aux travaux de constructionlitigieux.
6. Le demandeur a invoqué devant les juges d'appel que, compte tenu desdispositions applicables du plan d'exécution spatial communal et du pland'exécution spatial - habitations étrangères à la zone phase 2, il existeune compatibilité manifeste avec un bon aménagement du territoire, desorte que le paiement d'une somme égale à la plus-value doit être requiset non la restauration de l'endroit dans son état initial.
7. Les juges d'appel qui, dans leur appréciation de l'allégation ducaractère manifestement déraisonnable de la mesure requise par ledéfendeur, à savoir la restauration des lieux dans leur état initial, ontrefusé de tenir compte des dispositions du plan d'exécution spatialcommunal et du plan d'exécution spatial - habitations étrangères à la zonephase 2, n'ont pas justifié légalement leur décision rendue sur l'actionen réparation.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la seconde branche :
8. Il n'y a pas lieu de répondre au moyen, en cette branche, qui nesaurait entraîner une cassation plus étendue.
Sur l'étendue de la cassation :
9. La cassation porte uniquement sur la suite favorable accordée à lademande en réparation parce qu'elle est nécessaire pour rétablir lalégalité. Elle ne change rien à la décision rendue sur l'inapplicabilitédu permis de régularisation et sur la décision de ne pas soumettre lacause à l'avis du Conseil supérieur de la Politique de Maintien.
Le contrôle d'office pour le surplus
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, hormis en ce qu'il laisse inapplicables les permisde régularisation des 10 juin 2013 et 31 mars 2014, en application del'article 159 de la Constitution, et en tant qu'il décide de ne passoumettre la cause à l'avis du Conseil supérieur de la Politique deMaintien ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêtpartiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à un tiers des frais ;
Réserve la décision sur le surplus des frais afin qu'il soit statué surcelui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président,Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, etprononcé en audience publique du trente mai deux mille dix-sept par leconseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence del'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffierFrank Adriaensen.
Traduction établie sous le contrôle du président de section BenoîtDejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le président de section,
30 mai 2017 P.17.0059.N/1