La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2017 | BELGIQUE | N°P.15.0807.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mai 2017, P.15.0807.N


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.15.0807.N

M. G.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Philip Van Caeneghem, avocat au barreau de Gand,

contre

1. L. D. P.,

2. A. V. C.,

parties civiles,

défendeurs en cassation,

Me Emily De Ceuninck, avocat au barreau de Gand.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 mai 2015 par la courd'appel de Gand, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt

,en copie certifiée conforme.

Le conseiller Alain Bloch a fait rapport.

L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. la décision de la cou...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.15.0807.N

M. G.,

prévenu,

demandeur en cassation,

Me Philip Van Caeneghem, avocat au barreau de Gand,

contre

1. L. D. P.,

2. A. V. C.,

parties civiles,

défendeurs en cassation,

Me Emily De Ceuninck, avocat au barreau de Gand.

I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 mai 2015 par la courd'appel de Gand, chambre correctionnelle.

Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt,en copie certifiée conforme.

Le conseiller Alain Bloch a fait rapport.

L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. la décision de la cour

Sur la recevabilité du pourvoi :

1. L'arrêt prononce partiellement le non-lieu à l'égard du demandeur duchef de la prévention unique.

Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, lepourvoi est irrecevable, à défaut d'intérêt.

(…)

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

5. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 12, §1^er, du décret de la Région flamande du 23 décembre 2011 relatif à lagestion durable de cycles de matériaux et de déchets et 16.6.3, § 1^er, dudécret de la Région flamande du 5 avril 1995 contenant des dispositionsgénérales concernant la politique de l'environnement : l'arrêt viole lapremière disposition, en ce qu'il admet l'infraction alors qu'un élémentconstitutif de l'infraction fait défaut ; il viole la seconde dispositionen infligeant une peine pour un fait qui n'est pas qualifié infraction ;l'interdiction prévue à la première disposition n'est pas absolue mais estseulement qualifiée comme telle ; l'interdiction vaut uniquement pourl'abandon ou la gestion contraire à une disposition spécifique du décretou de ses arrêtés d'exécution, donnant lieu à la qualificationd'infraction ; les notions de déchets et de gestion des déchets sontlarges, à tel point que quiconque est un gestionnaire de déchets ; lavolonté du pouvoir décrétal n'a pu être de sanctionner ce que tout lemonde fait.

6. L'article 12, § 1^er, du décret de la Région flamande du 23 décembre2011 prévoit : « Il est interdit d'abandonner ou de gérer des déchetscontraire aux prescriptions du présent arrêté ou de ses arrêtésd'exécution. »

7. Il ressort de la genèse légale que cet article comporte deuxinterdictions qui peuvent exister indépendamment l'une de l'autre :

- il est interdit d'abandonner des déchets ;

- il est interdit de gérer des déchets en violation des dispositions duditdécret ou de ses arrêtés d'exécution.

8. L'article 3 du décret de la Région flamande du 23 décembre 2011 prévoitqu'il est entendu par déchet, chaque matière ou chaque objet dont lepropriétaire se défait, a l'intention de se défaire ou doit se défaire.Cet article détermine également les substances et objets qui ne sont pasconsidérés comme des déchets.

À défaut de définition plus précise dans le décret, la notion d'abandonrevêt son acception usuelle, à savoir non seulement le fait de laisser unobjet dont on se défait, mais également le fait de causer ou de faireperdurer la situation ainsi créée après que l'action génératrice a cessé ;ainsi, le l'abandon vise non seulement le déversement, mais égalementl'omission d'élimination des déchets déposés.

9. Tout abandon de déchets est interdit. Dans le décret de la Régionflamande du 23 décembre 2011 et ses arrêtés d'exécution, il est donclogique qu'aucune disposition ne régit l'abandon de déchets. Son caractèrerépréhensible ressort exclusivement des dispositions de l'article 12, §1^er du décret de la Région flamande du 23 décembre 2011 et de l'article16.6.3, § 1^er, du décret de la Région flamande du 5 avril 1995. Le jugequi condamne un prévenu du chef d'une telle infraction ne doit, parconséquent, pas mentionner d'autres dispositions du décret de la Régionflamande du 23 décembre 2011 ou de ses arrêtés d'exécution.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

10. L'arrêt décide, sur la base d'une série de constatations factuellesqu'il énonce, que le demandeur a abandonné des déchets. La décision selonlaquelle le demandeur s'est rendu coupable, en abandonnant des déchets, del'infraction prévue à l'article 12, § 1^er, du décret de la Régionflamande du 23 décembre 2011 et à l'article 16.6.3, § 1^er, du décret dela Région flamande du 5 avril 1995, dont l'arrêt fait mention, est ainsilégalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

11. Il résulte de ce qui précède que la peine infligée au demandeur estlégalement justifiée par la déclaration de culpabilité du chef d'abandonde déchets dont il fait l'objet et qu'il critique vainement.

Dans la mesure où il est dirigé contre la condamnation du demandeur duchef de gestion de déchets en violation des dispositions du décret de laRégion flamande du 23 décembre 2011 ou de ses arrêtés d'exécution, lemoyen, en cette branche, ne peut entraîner une cassation et est, parconséquent, irrecevable.

Quant à la seconde branche :

12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 7, §1^er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, 15, § 1^er, du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, 12, alinéa 2, 14 de la Constitution et 2, alinéa 2,du Code pénal, ainsi que la méconnaissance du principe de légalité et duprincipe lex certa : si aucune autre disposition du décret de la Régionflamande du 23 décembre 2011 ne doit être indiquée pour constater uneinfraction à l'article 12, § 1^er, dudit décret, il y a un vide qui donneau juge toute latitude pour déterminer quand une activité à laquellepersonne ne peut se soustraire, à savoir l'abandon et la gestion dedéchets, doit être considérée comme une infraction.

À titre subsidiaire, le moyen, en cette branche, demande à la Cour deposer à la Cour constitutionnelle la question suivante : « L'article 12, §1^er, du décret de la Région flamande du 23 décembre 2011 relatif à lagestion durable de cycles de matériaux et de déchets, interprété en cesens que l'infraction qu'il décrit peut exister sans qu'il y ait lieud'établir la moindre infraction à une autre disposition du décret précitéou à ses arrêtés d'exécution, viole-t-il les articles 7, § 1^er, de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales et 15, § 1^er, du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques et les articles 12, alinéa 2, et 14 de laConstitution ? »

13. Le principe de légalité en matière répressive est un droit fondamentalgaranti de manière totalement ou partiellement analogue par les articles12, alinéa 2, et 14 de la Constitution et par les articles 7, § 1^er, dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales et 15, § 1^er, du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques. Dans ce cas, la Cour est, en principe, tenue,conformément à l'article 26, § 4, alinéa 1^er, de la loi spéciale du 6janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de poser à la Courconstitutionnelle une question préjudicielle sur la compatibilité desdispositions légales litigieuses avec les droits fondamentaux garantis autitre II de la Constitution. En vertu de l'article 26, § 4, alinéa 2, 2°,de la loi spéciale du 6 janvier 1989, cette obligation ne s'appliquetoutefois pas lorsque la Cour estime que les dispositions précitées dutitre II de la Constitution ne sont manifestement pas violées.

14. La légalité d'une disposition pénale requiert qu'elle soitsuffisamment accessible et que, lue isolément ou en combinaison avecd'autres dispositions, elle qualifie de manière suffisamment précise lecomportement considéré comme étant punissable, de sorte que sa portée soitraisonnablement prévisible.

15. Le fait que le juge dispose d'un certain pouvoir d'appréciation n'estpas, en soi, contradictoire avec cette exigence d'une prévisibilitéraisonnable. En effet, il y a lieu de tenir compte du caractère généraldes lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent etde l'évolution des comportements qu'elles punissent. Le principe même dela généralité de la loi implique que, souvent, ses formulations nesauraient avoir une précision absolue. Le pouvoir d'appréciation du jugeest notamment déterminé par la complexité de la matière à régler et lecaractère fondamental de la valeur juridique à protéger qui peut justifierune plus grande marge pour le juge.

16. La condition de la prévisibilité raisonnable est remplie lorsque lapersonne à laquelle s'applique la disposition pénale a la possibilité deconnaître sur la base de cette disposition légale les actes et manquementsentraînant sa responsabilité pénale. À cet égard, il y a notamment lieu detenir compte de l'interprétation de la disposition pénale à la lumière desobjectifs du législateur et de la genèse de la loi et de l'interprétationdonnée par les juridictions quant à la disposition pénale.

17. Ainsi qu'il est indiqué en réponse au moyen, en sa première branche :

- en vertu de l'article 3, 1°, du décret de la Région flamande du 23décembre 2011, il est entendu par déchet, chaque matière ou chaque objetdont le propriétaire se défait, a l'intention de se défaire ou doit sedéfaire ;

- à défaut de définition plus précise dans le décret, la notion d'abandonrevêt son acception usuelle, à savoir non seulement le fait de laisser unobjet dont on se défait, mais également le fait de causer ou de faireperdurer la situation ainsi créée après que l'action génératrice a cessé ;ainsi, le dépôt vise non seulement le déversement, mais égalementl'omission d'élimination des déchets déposés ;

- tout abandon de déchets est interdit.

18. Il en résulte que le juge n'a pas toute latitude pour compléter lesnotions de déchets et d'abandon d'après son point de vue et que quiconqueabandonne des déchets, selon la définition prévue à l'article 3, 1°, dudécret du Conseil flamand du 23 décembre 2011, à savoir qu'il s'en défaitet omet de les éliminer, peut savoir quand son comportement estpunissable. La condition de la prévisibilité raisonnable d'un comportementpunissable n'implique pas que le pouvoir décrétal prescrive en outre quecet abandon de déchets constitue une infraction à toute autre dispositiondu décret du Conseil flamand du 23 décembre 2011 ou à ses arrêtésd'exécution.

19. Par conséquent, le caractère répréhensible donné à l'abandon dedéchets par l'article 12, § 1^er, du décret du Conseil flamand du 23décembre 2011 et par l'article 16.6.3, § 1^er, du décret de la Régionflamande du 5 avril 1995 ne viole manifestement pas les articles 12,alinéa 2, et 14 de la Constitution, ni les articles 7, § 1^er, de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales et 15, § 1^er, du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

20. Il résulte de cette réponse et de la réponse apportée au moyen, en sapremière branche, que la peine infligée au demandeur est légalementjustifiée par sa déclaration de culpabilité du chef d'abandon de déchetsvainement critiquée.

Dans la mesure où il est également dirigé contre la condamnation dudemandeur du chef de gestion de déchets contraire aux prescriptions dudécret du Conseil flamand du 23 décembre 2011 ou à ses arrêtésd'exécution, le moyen, en cette branche, ne peut ainsi entraîner unecassation et est, par conséquent, irrecevable.

Il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle.

(…)

Le contrôle d'office

23. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch,Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audiencepublique du seize mai deux mille dix-sept par le président PaulMaffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.

* Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

* Le greffier, Le conseiller,

16 MAI 2017 P.15.0807.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.15.0807.N
Date de la décision : 16/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-16;p.15.0807.n ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award