Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.17.0461.F
LE PROCUREUR DU ROI DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
H. O., condamne, detenu,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un jugement rendu le 11 avril 2017 par letribunal de l'application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.
L'avocat general Damien Vandermeersch a depose des conclusions rec,ues augreffe le 8 mai 2017.
A l'audience du 10 mai 2017, le conseiller Eric de Formanoir a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.
II. les faits
Le jugement constate que le defendeur subit une peine de cinq ansd'emprisonnement prononcee le 12 mai 2016 par le tribunal correctionnel duHainaut, division Charleroi, du chef de vol à l'aide de violences avecarme et de vol à l'aide d'effraction. Cette condamnation constate que lesfaits ont ete commis en etat de recidive legale.
Le defendeur a ete ecroue le 22 decembre 2015 et aura subi la totalite deses peines le 20 decembre 2020. Il a introduit une demande de surveillanceelectronique le 26 octobre 2016.
Le jugement decide qu'il est admissible à cette modalite à partir du 23fevrier 2017, et à la liberation conditionnelle à partir du 22 aout2017.
Il refuse d'accorder la surveillance electronique et fixe au 10 octobre2017 la date à partir de laquelle le defendeur pourra introduire unenouvelle demande.
III. la decision de la cour
1. Pris de la violation de l'article 25 de la loi du 17 mai 2006 relativeau statut juridique externe des personnes condamnees à une peineprivative de liberte, le moyen reproche au jugement de fixer la dated'admissibilite à la liberation conditionnelle sans appliquer le S: 2, b,de cette disposition, qui en subordonne l'octroi au condamne en etat derecidive à la condition d'avoir subi les deux tiers de ses peines.
Se referant à une circulaire du College des procureurs generaux, ledemandeur soutient que l'objet de l'arret nDEG 185/2014 de la Courconstitutionnelle du 18 decembre 2014, sur lequel le jugement se fonde,est limite aux crimes dont peuvent etre saisis, dans la pratique, tant lejuge correctionnel que la cour d'assises, c'est-à-dire selon lui lescrimes pour lesquels la loi du 21 decembre 2009 relative à la reforme dela cour d'assises a elargi la possibilite de correctionnalisation.
Il fait valoir que lorsque le crime est punissable d'une peine, comme dansle cas du defendeur, de reclusion de quinze ans à vingt ans ou d'unepeine criminelle inferieure, l'inegalite de traitement denoncee par laCour constitutionnelle est ineffective et theorique, des lors que toutsuspect n'encourant pas une reclusion d'au moins vingt à trente ans, dansles faits et sans exception, a toujours ete soustrait à la cour d'assisesen raison de l'admission systematique de circonstances attenuantes.
Le moyen soutient egalement qu'il resulte explicitement des articles 56,alinea 3, et 80 du Code penal, tels que modifies par la loi du 5 fevrier2016 modifiant le droit penal et la procedure penale et portant desdispositions diverses en matiere de justice, qu'apres avoir admis descirconstances attenuantes, la cour d'assises peut prononcer une peinecorrectionnelle d'emprisonnement et constater l'etat de recidive legale.Le moyen en deduit que les personnes condamnees à une peinecorrectionnelle apres l'entree en vigueur de ces dispositions modifiees nesont pas traitees differemment.
2. En vertu de l'article 25, S: 2, a et b, de la loi du 17 mai 2006, laliberation conditionnelle est octroyee à tout condamne à une ouplusieurs peines privatives de liberte dont la partie à executer s'eleveà plus de trois ans, pour autant que le condamne ait soit, subi un tiersde ces peines soit, si le jugement ou l'arret de condamnation a constateque le condamne se trouvait en etat de recidive, subi les deux tiers deces peines sans que la duree des peines dejà subies excede quatorze ans,et qu'il reponde aux conditions visees aux articles 47, S: 1er, et 48 dela loi.
Il resulte de cette disposition que, condamne à une peined'emprisonnement de cinq ans du chef d'un crime punissable de la reclusionde quinze ans à vingt ans, commis en etat de recidive et qui a etecorrectionnalise, le defendeur est admissible à la liberationconditionnelle, en vertu de l'article 25, S: 2, b, precite, apres avoirsubi les deux tiers de cette peine d'emprisonnement.
La personne qui est condamnee par la cour d'assises du chef d'un tel crimecommis dans la meme circonstance, apres admission de circonstancesattenuantes par cette cour, à une peine de reclusion de cinq ans, estadmissible à la liberation conditionnelle, en vertu de l'article 25, S:2, a, precite, apres avoir subi un tiers de cette peine de reclusion.
Il s'ensuit que s'il avait ete juge par la cour d'assises et que celle-cil'avait condamne à une peine de reclusion d'une duree egale à celle dela peine d'emprisonnement à laquelle l'a condamne le tribunalcorrectionnel, c'est-à-dire à une peine de reclusion de cinq ans, ledefendeur aurait ete exclu moins longtemps de la possibilite d'uneliberation conditionnelle.
3. Une personne condamnee par le tribunal correctionnel à une peineprivative de liberte dont la partie à executer s'eleve à plus de troisans, du chef d'un crime commis en etat de recidive, punissable de lareclusion de quinze à vingt ans et qui a ete correctionnalise, pourra deslors etre exclue plus longtemps de la possibilite d'une liberationconditionnelle que la personne qui, du chef du meme crime commis dans lameme circonstance, est condamnee par la cour d'assises, apres admission decirconstances attenuantes, à une peine criminelle.
4. Par l'arret nDEG185/2014 du 18 decembre 2014, precite, repondant à unequestion prejudicielle, la Cour constitutionnelle a dit pour droit :
« - L'article 56, alinea 2, du Code penal, lu en combinaison avecl'article 25 du meme Code, avec l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867sur les circonstances attenuantes et avec l'article 25, S: 2, b), de laloi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnescondamnees à une peine privative de liberte, viole les articles 10 et 11de la Constitution, mais uniquement en ce qu'il a pour consequenced'exclure plus longtemps une personne qui, pour une tentatived'assassinat, a ete condamnee par le tribunal correctionnel du chef d'uncrime correctionnalise commis moins de cinq ans apres qu'elle a subi ouprescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, de la possibilited'une liberation conditionnelle, que la personne qui est condamnee à unepeine criminelle par la cour d'assises du chef du meme crime commis dansla meme circonstance.
- Les effets de cette disposition legislative sont maintenus jusqu'àl'entree en vigueur d'une loi qui met fin à cette discrimination et auplus tard jusqu'au 31 juillet 2015 ».
Aucune modification legislative n'est intervenue au jour du present arret.
5. La question dont la Cour constitutionnelle etait saisie portait sur lasituation d'une personne condamnee du chef d'un crime correctionnalise detentative d'assassinat. Ce crime, s'il n'est pas correctionnalise, estpunissable de la peine de la reclusion de vingt à trente ans.
La Cour constitutionnelle ne s'est pas prononcee sur la situation d'unepersonne qui, comme le defendeur, a ete condamnee du chef d'un crimecorrectionnalise punissable de la peine de la reclusion de quinze à vingtans.
Il y a lieu, des lors, d'interroger la Cour constitutionnelle à titreprejudiciel sur la question enoncee au dispositif de l'arret.
En raison des particularites de la cause, il y aurait lieu d'abreger lesdelais fixes aux articles 85, 87 et 89 de la loi speciale du 6 janvier1989 sur la Cour constitutionnelle.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
* Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que la Courconstitutionnelle ait repondu à la question prejudicielle suivante :
« L'article 25, S: 2, b, de la loi du 17 mai 2006 relative au statutjuridique externe des personnes condamnees, lu en combinaison avec lesarticles 25, 56, alinea 2, et 80 du Code penal et 2 de la loi du 4 octobre1867 sur les circonstances attenuantes, viole-t-il les articles 10 et 11de la Constitution, en tant qu'il a pour effet qu'une personne qui setrouve en etat de recidive legale au sens de l'article 56, alinea 2, duCode penal et qui est condamnee par le tribunal correctionnel du chef d'uncrime punissable de la peine de la reclusion de quinze à vingt ans qui aete correctionnalise, ne peut pretendre à une liberation conditionnellequ'apres avoir subi les deux tiers de sa peine, alors qu'une personne quia ete renvoyee devant la cour d'assises du chef du meme crime commis dansla meme circonstance et qui est condamnee à une peine criminelle peutdejà pretendre à une liberation conditionnelle apres avoir subi un tiersde sa peine ? ».
Reserve les frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,Franc,oise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frederic Lugentz,conseillers, et prononce en audience publique du dix mai deux milledix-sept par Benoit Dejemeppe, conseiller faisant fonction de president,en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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* 10 MAI 2017 P.17.0461.F/7
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