La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0179.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mai 2017, P.17.0179.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0179.F

PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,

demandeur en cassation,

contre

 1. TAXQUET Richard, François, Guillaume, né à Liège le 28 décembre 1957,y domicilié, rue du Vallon, 15/63,

ayant pour conseils Maîtres Philippe Leloup et Sandrine Thirion, avocatsau barreau de Namur,

 2. CASTELLINO Domenico, né à Palma di Montechiaro (Italie) le 11 janvier1956, domicilié à Seraing (Ougrée), rue Gutenberg, 23,

accusés,

défendeurs en cassation.

* I. la

procédure devant la cour











Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 janvier 2017 par la courd'assises de la provin...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° P.17.0179.F

PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,

demandeur en cassation,

contre

 1. TAXQUET Richard, François, Guillaume, né à Liège le 28 décembre 1957,y domicilié, rue du Vallon, 15/63,

ayant pour conseils Maîtres Philippe Leloup et Sandrine Thirion, avocatsau barreau de Namur,

 2. CASTELLINO Domenico, né à Palma di Montechiaro (Italie) le 11 janvier1956, domicilié à Seraing (Ougrée), rue Gutenberg, 23,

accusés,

défendeurs en cassation.

* I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 janvier 2017 par la courd'assises de la province de Namur, statuant comme juridiction de renvoiensuite des arrêts de la Cour des 18 octobre 2011 et 19 mars 2014.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

Le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport.

L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

* II. la décision de la cour

 A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue surl'action publique :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 12 et 149 de laConstitution, 195 du Code d'instruction criminelle ainsi que des principesgénéraux du droit exigeant la mention, dans la décision judiciaire, del'identité des parties, de l'objet des poursuites et des élémentspermettant à la Cour de contrôler sa légalité et l'accomplissement durespect des formes qui la constituent.

Quant à la première branche :

Le moyen critique l'absence d'indication, dans l'arrêt, du ministèrepublic en tant que partie à la cause et de la date de naissance, dudomicile et de tout autre élément permettant l'identification certaine etnon équivoque des accusés.

L'article 195 du Code d'instruction criminelle s'applique à la décision decondamnation et non à celle déclarant les poursuites irrecevables.

Il n'existe pas de principes généraux du droit tels qu'énoncés par ledemandeur.

En matière répressive, aucune disposition légale n'impose, à peine denullité, l'énonciation dans la décision du nom, de la date de naissance oudu domicile des parties. Il suffit que celles-ci y soient désignées demanière à déterminer à qui la décision s'applique.

L'arrêt mentionne qu'il est rendu dans l'affaire à charge des défendeursRichard Taxquet et Domenico Castellino et vise les conclusions déposéespar ceux-ci, mentionnant leur identité complète.

La cour d'assises a également indiqué avoir entendu l'avocat général,nommément désigné, en ses réquisitions, précisant que ce magistrat avaitété délégué par le procureur général pour exercer les fonctions deministère public dans la cause.

Ces indications suffisent pour déterminer à qui la décision s'applique.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant aux deuxième et troisième branches réunies :

Le demandeur reproche à l'arrêt de ne pas énoncer les faits infractionnelsarticulés en cause des défendeurs, ni leur qualification pénale, ni ladate ou le lieu de leur commission (deuxième branche), ni les antécédentsde la procédure et notamment l'acte ou la base légale fondant la saisinede la cour d'assises (troisième branche).

Ni les articles invoqués à l'appui du moyen ni aucune autre dispositionlégale n'imposent de mentionner, dans une décision pénale qui statue surla recevabilité de la poursuite, les éléments que le moyen dit manquerdans l'arrêt.

Le moyen manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

Selon le moyen, l'arrêt n'identifie pas la procédure à propos de laquelleil est rendu et ne mentionne pas que la cour d'assises était saisie dedeux procédures distinctes, chacune en cause d'un des défendeurs, à lasuite des arrêts de la Cour ordonnant la réouverture de la procédure etrenvoyant la cause à la cour d'assises de la province de Namur, de tellesorte que, à supposer que les deux procédures aient fait l'objet d'unedécision de jonction, celle-ci n'est pas mentionnée dans l'arrêt et nesemble ressortir d'aucune autre pièce.

En tant qu'il est déduit des griefs vainement invoqués dans les autresbranches du moyen, le moyen est irrecevable.

Pour le surplus, l'arrêt de la cour d'assises du 1^er décembre 2016,relatif à l'audience préliminaire, fait référence non seulement aux arrêtsde renvoi des défendeurs devant la cour d'assises de la province de Liège,mais également aux arrêts de la Cour ordonnant la réouverture de laprocédure à charge des défendeurs et renvoyant la cause à la courd'assises de la province de Namur.

Saisie par les arrêts de renvoi de la Cour, la cour d'assises qui seprononce par une seule et même décision sur les causes relatives à desaccusés différents, poursuivis du chef de mêmes faits, admet ainsiimplicitement l'existence, entre ceux-ci, d'un lien de connexité.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.3, d, de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales, et 149 de la Constitution.

Quant à la première branche :

Le demandeur soutient que l'arrêt ne procède pas à une appréciationindividualisée, concrète et à la lumière de l'ensemble de la procédure, dudépassement du délai raisonnable et de ses conséquences sur la régularitéde la procédure.

Dans la mesure où, sous le visa de l'article 149 de la Constitution, ilcritique la légalité de la motivation de l'arrêt, le moyen manque endroit.

L'irrecevabilité de la poursuite sanctionne le caractère déraisonnable dela durée de la procédure si cette longueur excessive a entraîné unedéperdition des preuves ou rendu impossible l'exercice normal des droitsde la défense.

Le juge constate souverainement les faits relatifs au caractèredéraisonnable du délai d'une procédure et à ses conséquences, la Courvérifiant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire sadécision.

L'arrêt énonce qu'un délai de plus de quatorze ans sépare la décision derenvoi du premier défendeur de la présente session de la cour d'assises etque ce délai est de près de quinze ans pour le second.

Il considère que ce délai dépasse manifestement le délai raisonnable danslequel chacun des défendeurs pouvait s'attendre à être jugé. En précisantensuite que cette période n'est justifiée par aucune « raison particulièreet légitime », l'arrêt donne à connaître qu'il ne déduit pas la violationdu droit à être jugé dans un délai raisonnable du seul écoulement dutemps.

Selon la cour d'assises, le dépassement du délai raisonnable compromet, defaçon décisive, l'exercice des droits de la défense et rend impossiblel'administration contradictoire de la preuve dès lors que les défendeursn'ont plus la possibilité de faire valoir, de manière réelle et effective,des moyens de défense et de présenter toutes demandes utiles au jugementde la cause, et plus spécialement des éléments de preuve à décharge àpropos d'une enquête clôturée il y a plus de dix-sept ans.

L'arrêt ajoute que si les défendeurs ont pu, pendant l'instruction,demander l'exécution de tous les devoirs qu'ils estimaient utiles, comptetenu de certains éléments de preuve qu'il précise, recueillis de manièreirrégulière ou qui ne sont plus susceptibles d'un débat contradictoiredans le respect de l'oralité des débats, de nouveaux devoirs pourraients'avérer nécessaires et les défendeurs pourraient estimer utile d'ensolliciter, dès lors notamment que l'irrégularité de certaines preuves estconstatée plus de vingt ans après qu'elles ont été recueillies, nouveauxdevoirs qui seraient vains vu le temps écoulé.

Il relève également qu'en raison de l'écoulement du temps, vingt-troistémoins sont décédés parmi ceux qui apparaissent relatifs aux faits et àla question de la culpabilité, dont cinq, cités nommément à titred'exemple, sont qualifiés de déterminants, de sorte que leurs déclarationsne sont plus susceptibles d'être soumises à la contradiction dans lerespect de l'oralité des débats.

Par ces considérations, l'arrêt a pu légalement justifier sa décision quele délai raisonnable est dépassé et que l'exercice normal des droits de ladéfense des défendeurs est irrémédiablement compromis.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Le demandeur soutient que l'arrêt ne procède pas à une analyse complètedes éléments dont il déduit l'irrégularité de la poursuite dès lors qu'ilne constate pas que les défendeurs placés en garde en vue n'ont pasrenoncé à l'assistance d'un avocat ni été informés de leur droit ausilence. Selon le moyen, en l'absence de toute législation spécifique àl'époque, l'arrêt aurait dû examiner les questions suivantes : si lesdéfendeurs avaient bénéficié, avant leurs premières déclarationsqualifiées d'auto-incriminantes, du temps nécessaire pour organiser leurdéfense par une concertation confidentielle avec un avocat ; si, aprèsavoir consulté un avocat, ils avaient demandé à être assistés decelui-ci ; s'ils avaient modifié leurs déclarations après avoir bénéficiéd'une telle assistance et si la nature des preuves recueillies ensuite deces auditions présentait avec celles-ci un lien tel que ces preuvesdevraient également être écartées.

L'arrêt constate qu'à la suite d'informations anonymes, les défendeurs ontété interpellés, privés de liberté et auditionnés par la police et le juged'instruction sans avoir été informés de leur droit au silence et de nepas contribuer à leur propre incrimination, et sans être assistés d'unavocat. Il ajoute qu'indépendamment de l'état de la législation àl'époque, il n'est pas démontré, à la lumière des circonstancesparticulières de l'espèce, qu'il existait des raisons impérieuses derestreindre le droit des défendeurs à l'assistance d'un avocat.

La cour d'assises n'était pas tenue de s'interroger sur l'éventuellerenonciation à la consultation d'un avocat pendant la garde à vue dès lorsqu'à la date constatée par l'arrêt, le 5 septembre 1996, la loi neprévoyait aucune possibilité d'assistance au moment de la privation deliberté du suspect.

L'arrêt précise que les défendeurs ont fait pendant les premièresvingt-quatre heures de leur privation de liberté des déclarationsauto-incriminantes, que le second défendeur a également incriminé lepremier et fait des déclarations matérielles relatives à la localisationd'armes. Il ajoute que ces déclarations ont été utilisées pour fonder, àtout le moins en partie, les charges suffisantes justifiant leur renvoidevant la cour d'assises.

L'arrêt considère ensuite que, même si les défendeurs ont pu, dans lecours de l'enquête, être conseillés par des avocats, ces circonstances onteu un impact irréparable sur leur défense puisque les preuves irrégulièresont déterminé dans une mesure substantielle les suites de l'enquête et sonorientation.

Il relève enfin que l'écartement des débats des déclarations précitéesainsi que des éléments matériels qui en sont la conséquence ou leurnon-prise en considération pour fonder une éventuelle culpabilitéconstitueraient des remèdes théoriques compte tenu du dépassement du délairaisonnable et ne permettraient pas de conclure à la restaurationeffective des droits de la défense.

Ces motifs ne violent pas l'article 6 de la Convention.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen soutient que l'arrêt ne décide pas légalement de la violation del'article 6.3, d, de la Convention qui prévoit que l'accusé a le droitd'interroger ou faire interroger les témoins à charge et d'obtenir laconvocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmesconditions que les témoins à charge.

Le demandeur reproche à la cour d'assises d'avoir pris position de manièreabstraite, avant les débats, sur le caractère déterminant et le nombre detémoins manquants, et d'avoir présumé de la consistance des preuves àprésenter au jury, alors qu'elle ne pouvait prendre une telle décisionqu'à l'issue de la procédure au fond.

Prévu par l'article 13 de la Convention, le droit à un recours effectif encas de violation des droits protégés par celle-ci autorise notammentl'accusé à invoquer cet élément dès la comparution devant la juridictionsaisie de la cause en vue de faire constater cette violation et d'obtenir,le cas échéant, une réparation adéquate, et implique la possibilité pourle juge de statuer avant les débats au fond. Même si elle a pour effet dese projeter dans l'avenir, une telle appréciation des éventuellesirrégularités et de leur réparation n'est pas nécessairement hypothétique,sous peine d'interdire, en violation de cette disposition conventionnelle,le contrôle effectif requis.

Lorsqu'il constate que le dépassement du délai raisonnable a pour effetque l'exercice des droits de la défense ou l'administration de la preuvesont devenus, entre-temps, impossibles et qu'il en résulte une atteinteirrémédiable au droit à un procès équitable, le juge doit, dans ce cas,déclarer les poursuites irrecevables.

Ainsi en est-il lorsque l'accusé ne peut plus exercer pleinement devant lacour d'assises ses droits de défense, notamment parce qu'il n'a plus lapossibilité de contester le bien-fondé de la prévention, de faire valoirtout moyen de défense et de présenter toute demande utile au jugement dela cause et plus spécialement des éléments de preuve à décharge, dont desauditions de témoins.

Par une appréciation en fait qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer,l'arrêt énonce qu'en raison de l'écoulement du temps, vingt-trois témoinssont décédés parmi ceux qui apparaissent relatifs aux faits et à laquestion de la culpabilité, dont cinq, cités nommément à titre d'exemple,sont qualifiés de déterminants.

La cour d'assises a ensuite énoncé que, dans les circonstances propres àla cause, il n'existait pas d'éléments compensateurs suffisants dont lamise en œuvre était encore possible à ce stade de la procédure et denature à contrebalancer les difficultés causées à la défense ainsi quepour assurer l'équité de la procédure dans son ensemble.

Par ces considérations, la cour d'assises a pu légalement déciderqu'aucune compensation n'était possible.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant aux trois branches réunies :

Le moyen est pris de la violation des articles 150 de la Constitution,291, 235bis, 329 et 329quater du Code d'instruction criminelle et duprincipe de l'oralité des débats.

En tant qu'il revient à soutenir qu'il appartient au collège composé desmagistrats et du jury de statuer sur la recevabilité des poursuites dontla cour d'assises est saisie, le moyen manque en droit.

Pour le surplus, le demandeur allègue que, pour apprécier le dépassementdu délai raisonnable, la violation du droit au silence, du droit àl'assistance de l'avocat, du droit d'interroger ou de faire interroger destémoins à l'audience et l'absence d'éléments compensateurs, l'arrêt sefonde sur une appréciation a priori d'éléments de preuve appelés àapparaître le cas échéant dans le cadre de débats organisés sur leprincipe d'oralité, en préjugeant de leur contenu et de leur caractèreprobant, dont l'appréciation appartient au jury.

Entièrement déduit des griefs vainement invoqués dans le deuxième moyen,le moyen est, dans cette mesure, irrecevable.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

 B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt en tant qu'il nestatue pas sur les intérêts civils en application de l'article442septies, § 2, du Code d'instruction criminelle :

Chargé de l'exercice de l'action publique, le demandeur est sans qualitépour se pourvoir en cassation quant au sort des intérêts civils.

Le pourvoi est irrecevable.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au quatrième moyen invoqué par ledemandeur, étranger à la recevabilité du pourvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Laisse les frais à charge de l'Etat.

Lesdits frais taxés à la somme de cent euros quatre-vingt-quatre centimesdus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du dix mai deux milledix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance deFabienne Gobert, greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Lugentz | T. Konsek |
|------------------------+----------------------+------------------------|
| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
+------------------------------------------------------------------------+

10 MAI 2017 P.17.0179.F/7


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0179.F
Date de la décision : 10/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-10;p.17.0179.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award