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10/05/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0165.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mai 2017, P.17.0165.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.0165.F

O. M.

accusé, détenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maîtres Marie Jadoul et Thierry Moreau, avocats aubarreau du Brabant wallon, dont le cabinet est établi à Rixensart, BeauSite, 1^ère avenue, 52, où il est fait élection de domicile,

contre

 1. J. A.,

 2. M. P.,

 3. M. J.,

 4. M. P.,

 5. M. Q.,

 6. M. C.,

parties civiles,

défendeurs en cassation.

* I. la procédure devant la cour

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Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt avant dire droit rendu le 16 janvier2017 par la cour d'assises de la province de Hainaut, contre les arrêts demotivation et de conda...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° P.17.0165.F

O. M.

accusé, détenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maîtres Marie Jadoul et Thierry Moreau, avocats aubarreau du Brabant wallon, dont le cabinet est établi à Rixensart, BeauSite, 1^ère avenue, 52, où il est fait élection de domicile,

contre

 1. J. A.,

 2. M. P.,

 3. M. J.,

 4. M. P.,

 5. M. Q.,

 6. M. C.,

parties civiles,

défendeurs en cassation.

* I. la procédure devant la cour

Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt avant dire droit rendu le 16 janvier2017 par la cour d'assises de la province de Hainaut, contre les arrêts demotivation et de condamnation rendus le 25 janvier 2017 par la mêmejuridiction ainsi que contre l'arrêt rendu à la même date par cette coursur les actions civiles exercées par les défendeurs contre le demandeur.

Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présentarrêt, en copie certifiée conforme.

A l'audience du 10 mai 2017, le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapportet l'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

Le demandeur a déposé, le 31 mai 2017, une note en réponse par applicationde l'article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

* II. la décision de la cour

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt avant dire droit :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 14 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10, 11 et149 de la Constitution, 664 du Code judiciaire, 1^er de l'arrêtéministériel du 16 février 2016 fixant la nomenclature des points pour lesprestations effectuées par les avocats chargés de l'aide juridique dedeuxième ligne partiellement ou complètement gratuite, et des principesgénéraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et del'égalité des armes.

Quant à la première branche :

Le demandeur allègue que l'arrêt ne répond pas à ses conclusions tendant àfaire déclarer la poursuite irrecevable et soutenant en substance qu'enraison de son sous-financement, le dispositif d'aide juridique légale nepermettait pas de lui assurer une défense concrète et effective,comparable à celle dont peut bénéficier, dans une société démocratique,tout citoyen qui est en mesure d'honorer son avocat.

Selon ces conclusions, le respect des droits de la défense d'un accusé nepeut pas dépendre de la générosité ou du sens de l'honneur de son avocatet, en raison de son indigence, le demandeur ne pouvait bénéficier d'unedéfense effective au sens de l'article 6 de la Convention, à défaut deréglementation en mesure d'assurer une rémunération décente à son conseil.

L'obligation de motiver les jugements et arrêts et de répondre auxconclusions d'une partie est remplie lorsque la décision comportel'énonciation des éléments de fait ou de droit à l'appui desquels unedemande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées.

L'arrêt considère que, depuis sa première audition, le demandeur abénéficié de l'intervention gratuite d'un avocat désigné par le bureaud'aide juridique, qu'il a pu exercer effectivement tout au long de laprocédure ses droits (accès au dossier, demande de devoirscomplémentaires, possibilité de contredire les éléments de la cause, etc.)et qu'il lui est toujours loisible de le faire, comme le montre le dépôtde ses conclusions, bénéficiant ainsi de l'effectivité de ses droits. Ilajoute que la rétribution ou le montant des honoraires d'un avocat estétranger à l'exercice effectif des droits de la défense de l'accusé, afortiori lorsque, comme en l'espèce, la défense est assurée volontairementet en toute connaissance du cadre dans lequel elle s'inscrit.

Ces motifs répondent à la défense proposée, la cour d'assises n'étant pastenue de rencontrer les arguments qui n'étaient pas distincts du moyenécarté.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen soutient qu'en considérant que la rétribution ou le montant deshonoraires d'un avocat est étranger à l'exercice effectif des droits de ladéfense de l'accusé, a fortiori lorsque, comme en l'espèce, la défense estassurée volontairement et en toute connaissance du cadre dans lequel elles'inscrit, l'arrêt viole l'article 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'article 6.3, c, prévoit que, s'il n'a pas les moyens de rémunérer undéfenseur, l'accusé a le droit à pouvoir être assisté gratuitement par unavocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent. Selon ledemandeur, en réglant de manière spécifique la situation de l'accusé quin'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, cette disposition relie lerespect des droits de la défense et la rétribution du défenseur. Il ajouteque l'annexe à l'arrêté ministériel du 16 février 2016 ne prévoit qu'unenomenclature limitée de prestations, n'incluant pas les nombreux autresdevoirs indispensables à l'exercice effectif de la défense d'unjusticiable, laquelle ne peut pas reposer sur la conception que l'avocatou son Ordre se fait de l'honneur ou du dévouement de la profession.

Le demandeur ne soutient toutefois pas que, dans la présente cause, il n'apas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat ayant assuré de manièreconcrète et effective l'exercice de sa défense, nonobstant les limitationslégales invoquées en matière d'honoraires.

A le supposer fondé, le moyen ne saurait entraîner la cassation et est,partant, irrecevable à défaut d'intérêt.

Quant à la troisième branche :

Le moyen soutient que l'arrêt viole l'article 6.3, c, de la Convention,combiné avec l'article 14 qui prohibe toute discrimination. Il allègue quel'égalité des armes n'est pas respectée dès lors que l'avocat qui défendun accusé indigent ne dispose pas d'une rémunération lui permettantd'assurer sa mission, contrairement aux magistrats.

Pour les motifs mentionnés en réponse à la deuxième branche du moyen, lemoyen est irrecevable.

Quant à la quatrième branche :

Le demandeur soutient qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable dèslors que l'article 664, alinéa 2, du Code judiciaire permet seulement àl'accusé indigent d'obtenir l'assistance judiciaire lors de l'expertisejudiciaire, mais non, contrairement à ce que l'arrêt énonce, lorsqu'ildoit faire appel à un conseil technique pour faire vérifier l'exactitudede certains éléments figurant au dossier.

Le demandeur ne soutient toutefois pas que, dans la présente cause, il n'apas pu bénéficier de l'assistance d'un conseil technique pour contrôlercertaines données produites par l'accusation.

A le supposer fondé, le moyen ne saurait entraîner la cassation et est,partant, irrecevable à défaut d'intérêt.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de motivation :

Sur le deuxième moyen :

Pris de la violation de la foi due aux actes, le moyen reproche à l'arrêtd'énoncer que « les documents déposés par la défense [du demandeur]émanant de Monsieur [C.] doivent être examinés avec la plus grande réserves'agissant d'un avis émis sur base d'éléments qui n'ont pas été soumis àla contradiction des parties et qui se réfère notamment à un témoignage àla cour d'assises auquel il n'a pas participé (page 7 du courrier de M.[C.]) ».

Selon le demandeur, tous les éléments figurant dans cet avis se trouvaientdans le dossier de la procédure avant d'être transmis au professeur C. desorte qu'ils étaient connus de toutes les parties et qu'ils ont été soumisà la contradiction de chacune d'elles. Par ailleurs, en ce qui concerne letémoignage précité, il soutient que le professeur C. s'est uniquementréféré à la présentation du powerpoint d'un expert à l'audience,présentation dont ledit professeur avait eu connaissance.

Le moyen ne reproche ainsi pas au collège visé à l'article 334, alinéa1^er, du Code d'instruction criminelle d'avoir considéré que les piècesémanant de Monsieur C. contiendraient une affirmation qui ne s'y trouvepas ou qu'elles ne contiendraient pas une énonciation qui y figure, maisde les avoir contextualisées dans le déroulement du procès d'une manièreque le demandeur critique.

Un tel grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.

Le moyen manque en droit.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10, 11 et149 de la Constitution, 320, 327 et 334 du Code d'instruction criminelleainsi que de la méconnaissance du principe de l'oralité des débats devantla cour d'assises.

Quant aux deux premières branches réunies :

Le demandeur reproche à l'arrêt de ne pas motiver suffisamment saculpabilité dans le cadre de sa participation au meurtre pour faciliter levol, l'article 320 du Code d'instruction criminelle prévoyant seulementque l'accusé et son conseil sont entendus et l'article 334 n'imposant pasà la cour d'assises de répondre aux arguments présentés par voie deconclusions.

Il en résulterait une violation de l'article 149 de la Constitution quiimpose au juge de motiver sa décision en répondant aux moyens de défenseproposés par les parties (première branche), ainsi que des principesd'égalité et de non-discrimination garantis par les articles 10 et 11 dela Constitution, l'accusé comparaissant devant la cour d'assises étantsoumis à un traitement différent de celui du prévenu comparaissant devantle tribunal correctionnel (deuxième branche).

C'est l'article 150 de la Constitution qui établit la cour d'assises enmatière criminelle.

Le constituant a ainsi manifesté sa volonté de distinguer le juryd'assises des autres juridictions qu'il créait, visées aux autresdispositions du chapitre VI de la Constitution, consacré au pouvoirjudiciaire. Par ledit article 150, il a ainsi permis que la loi instauredes règles particulières de procédure applicables au jury d'assises, dontcelle prévue à l'article 334, alinéa 1^er, du Code d'instructioncriminelle concernant la motivation, par le collège, de la décision dujury relative à la culpabilité ou à l'innocence de l'accusé.

Il en résulte qu'à supposer établie l'inconstitutionnalité invoquée par ledemandeur, celle-ci résulterait d'une contradiction éventuelle entre deuxdispositions constitutionnelles, que ni la Cour de cassation ni aucuneautre juridiction de droit belge n'ont la compétence de trancher.

Ne pouvant entraîner la cassation, le moyen est irrecevable à défautd'intérêt.

Quant à la troisième branche :

Le demandeur allègue qu'il a soutenu devant la cour d'assises qu'il neressortait pas des débats qu'il était établi de manière certaine qu'ilétait présent au moment du meurtre ni qu'il avait connaissance del'intention meurtrière ou pouvait déduire cette intention d'un élémentquelconque. Le moyen soutient que l'arrêt ne répond pas à cette défense,que cette décision « n'établit pas à suffisance l'imputabilité physiqueentre le meurtre et le demandeur » et qu'elle « ne démontre pas que, sansdoute raisonnable, le demandeur a participé au meurtre ».

L'article 334, alinéa 1^er, du Code d'instruction criminelle dispose :« Sans devoir répondre à l'ensemble des conclusions déposées, le collègeformule les principales raisons de la décision du jury ».

Cette obligation satisfait aux garanties procédurales prévues parl'article 6.1 de la Convention.

A cet égard, le moyen manque en droit.

Pour déclarer le demandeur coupable, au-delà de tout doute raisonnable, demeurtre pour faciliter le vol, l'arrêt fait notamment état de l'enquête detéléphonie et de la chronologie des faits. Il considère également que, lanuit des faits, le demandeur a opéré des retraits bancaires avec la cartedérobée à la victime, que des traces de son profil génétique ont étéretrouvées sur la batte de baseball découverte dans la chambre où ellegisait, dans le véhicule volé à celle-ci et sur le sweat-shirt qu'ilportait devant l'agence bancaire où il été reconnu par des témoins, etqu'un tiers interpellé le jour des perquisitions l'a impliqué dans lacommission des faits. L'arrêt fait enfin état de l'invraisemblance desmultiples déclarations du demandeur par rapport aux constatationsmatérielles objectives relevées au cours des débats.

Par ces considérations qui ne violent pas l'article 334, alinéa 1^er,précité, l'arrêt justifie légalement sa décision.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la décision est conforme à la loi.

C. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de condamnation :

Sur le quatrième moyen :

Condamné à la réclusion à perpétuité, le demandeur invoque la violationdes articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, 10, 11 et 149 de la Constitution, et 341 du Coded'instruction criminelle ainsi que la méconnaissance du principe del'oralité des débats devant la cour d'assises.

Le moyen reproche à l'arrêt de ne retenir aucune circonstance atténuantedans le chef du demandeur au motif qu'il « n'en a d'ailleurs avancé aucunedans le cadre de sa défense ».

Selon lui, ce motif est inexact, mais il ne peut l'établir puisquel'oralité des débats implique qu'il ne subsiste pas dans le procès-verbalde l'audience de traces des paroles qu'il a prononcées, de sorte quel'arrêt viole le droit à l'équité du procès.

Le principe de l'oralité des débats devant la cour d'assises ne fait pasobstacle au dépôt de conclusions par la défense de l'accusé.

A cet égard, le moyen manque en droit.

Pour décider qu'il n'y a pas lieu de retenir des circonstancesatténuantes, l'arrêt se réfère d'abord à l'entière responsabilité mentaledu demandeur et à son profil psychologique, au danger qu'il présente pourla société en raison de ses traits antisociaux, ainsi qu'à son absencetotale de volonté d'amendement et d'empathie pour la victime et sonentourage. La cour d'assises a également relevé que le demandeur n'avaittiré aucun enseignement des nombreux rappels socio-professionnels etjudiciaires qui lui avaient été adressés et qu'il n'avait pas saisi lespossibilités qui lui avaient été offertes à plusieurs reprises de seréinsérer dans la société.

Ces motifs justifient légalement la décision relative au degré de lapeine.

Dans la mesure où il est dirigé contre une considération surabondante del'arrêt, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont étéobservées et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarésconstants par le jury.

D. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt statuant sur lesactions civiles exercées par les défendeurs contre le demandeur :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Lesdits frais taxés en totalité à la somme de six cent quarante-troiseuros dix centimes dont cent trente-sept euros un centime dus et cinq centsix euros neuf centimes payés par ce demandeur.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz,conseillers, et prononcé en audience publique du sept juin deux milledix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président,en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance deTatiana Fenaux, greffier.

+------------------------------------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Lugentz | T. Konsek |
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| E. de Formanoir | F. Roggen | B. Dejemeppe |
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10 MAI 2017 P.17.0165.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0165.F
Date de la décision : 10/05/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-05-10;p.17.0165.f ?
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