Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.16.0187.F
FONDS COMMUN DE GARANTIE BELGE, dont le siege est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, rue de la Charite, 33,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
1. A. D.,
2. S. D.,
3. K. D.,
4. N. D.,
defenderesses en cassation,
representees par Maitre Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ou il est faitelection de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 13 octobre2015 par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant en degred'appel.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.
III. La decision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la premiere branche :
L'autorite de la chose jugee en matiere repressive ne s'attache qu'à cequi a ete certainement et necessairement juge par le juge penal concernantl'existence des faits mis à charge du prevenu, en prenant enconsideration les motifs qui sont le soutien necessaire de la decisionrepressive.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que par unjugement rendu le 7 janvier 2004 le tribunal de police de Charleroi :
- statuant au penal, a declare etablies à charge de l'auteur desdefenderesses la prevention, visee à l'article 23.1.1 du code de laroute, de ne pas avoir, etant conducteur d'un vehicule sur la voiepublique, range celui-ci à l'arret ou en stationnement à droite parrapport au sens de sa marche, et celle, visee à l'article 12.4 du memecode, d'avoir, etant conducteur d'un vehicule sur la voie publique etvoulant executer une manoeuvre, neglige de ceder le passage aux autresusagers ;
- statuant au civil, a declare les reclamations des parties civilesrelatives au dommage corporel de la victime A. D. M. irrecevables en cequ'elles sont dirigees contre l'auteur des defenderesses, « celui-cin'etant pas poursuivi du chef de coups et blessures involontaires ».
Il ne peut etre deduit de ce jugement que le tribunal de police aconsidere, fut-ce implicitement, que l'auteur des defenderesses n'a pascommis l'infraction de coups et blessures involontaires visee aux articles418 et 420 du Code penal.
En considerant qu'en vertu de l'autorite de la chose jugee au penal sur lecivil, « le tribunal ne peut adopter des motifs inconciliables avec lesmotifs du juge penal qui constituent le fondement necessaire de sadecision, laquelle a, eu egard à l'obligation du juge penal d'examinerles faits dont il est saisi sous toutes leurs qualifications possibles etde retenir la veritable qualification que ces faits comportent,implicitement exclu la qualification de coups et blessures involontairesconcernant les faits reproches à [l'auteur des defenderesses] », lejugement attaque meconnait l'autorite de la chose jugee qui s'attache aujugement du tribunal de police.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Namur,siegeant en degre d'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, les presidents de section Albert Fettweis et Martine Regout et leconseiller Ariane Jacquemin, et prononce en audience publique du quatremai deux mille dix-sept par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | A. Jacquemin | M. Regout |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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Requete
Requete en cassation
Pour
Fonds Commun de Garantie belge, anciennement denomme Fonds Commun deGarantie Automobile, association d'assurance mutuelle agreee par arreteroyal du 12 avril 2004, dont le siege social est à 1210 Bruxelles, rue dela Charite, 33,
demandeur en cassation,
assiste et represente par Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 6000 Charleroi, rue del'Athenee, 9, ou il est elu domicile.
Contre
D. A.,
D. S.,
D. C.,
D. N.,
defenderesses en cassation.
A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers qui composent la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure le jugementcontradictoirement rendu en cause des parties le 13 octobre 2015 par latroisieme chambre du tribunal de premiere instance du Hainaut - divisionCharleroi, section civile, statuant sur l'appel, par le demandeur, dujugement du tribunal de police de Charleroi du 19 avril 2013 (role general13 2521 A).
Un accident de la circulation est survenu à G. le 5 juillet 2002.
Ont notamment ete poursuivis devant le tribunal de police de Charleroi lesdeux conducteurs impliques, etant W. D. et D. G..
Condamnation a ete prononcee le 7 janvier 2004 à l'encontre de D. G.exclusivement, pour ne pas avoir range son vehicule à droite dans le sensde sa marche (infraction visee à l'article 23.1.1DEG de l'arrete royal du1er decembre 1975 et pour avoir neglige de ceder le passage aux autresusagers (infraction visee notamment à l'article 12.4 du meme arreteroyal).
W. D. a ete poursuivi pour avoir, par defaut de prevoyance ou deprecaution, involontairement cause des coups ou des blessures à D. M. A.,passagere du vehicule conduit par W. D., blessee dans l'accident (articles418 et 420 du Code penal), pour defaut d'assurance (infraction viseenotamment aux articles 1er, 2, 20 et 22 de la loi du 21 novembre 1989relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite civile en matierede vehicules automoteurs) ainsi que du chef de diverses autrespreventions, et notamment pour ne pas avoir ete « constamment en mesured'effectuer toutes les manoeuvres qui lui incombaient et ne pas avoir euconstamment le controle de son vehicule » (infraction visee à l'article8.3, alinea 2, du meme arrete royal cite) et ne pas avoir regle sa vitessedans la mesure requise (infraction visee à l'article 10.1.1DEG, du memearrete).
Les parents de D. M. A. (alors mineure) se sont constitues partiesciviles, en nom personnel et qualitate qua, contre les deux prevenus et ledemandeur, intervenus volontairement à la cause en raison du defautd'assurance du prevenu W. D..
D. G. et son assureur responsabilite civile se sont constitues partiesciviles contre W. D. et le demandeur.
V. B. N., proprietaire de la voiture conduite par W. D. (et elle-memepoursuivie pour defaut d'assurance), s'est constituee partie civile contreD. G. (apres avoir donne citation directe contre ce dernier, la secondeprevention citee ci-avant retenue à sa charge etant l'objet de cettecitation directe).
Statuant sur les actions civiles, le tribunal decide « que les fautesrespectives des premier et deuxieme prevenus ont ete d'egale importancedans la genese de l'accident et qu'il y a donc lieu de partager lesresponsabilite de celui-ci, entre eux, par moitie ».
S'agissant des constitutions de parties civiles de D. M. A. (qui avaitentre-temps repris l'instance, devenue majeure) et de ses parents, letribunal prononce condamnation in solidum de W. D. et du demandeur aupaiement de sommes provisionnelles.
Mais il dit « irrecevables » ces constitutions de parties civiles « ence qu'elles sont dirigees » contre D. G., « (à) defaut de poursuite à(son) encontre (...) du chef d'infraction aux articles 418, 420 du Codepenal. »
Le jugement n'a pas ete frappe d'appel et est coule en force de chosejugee.
Ulterieurement, et eu egard à la condamnation de principe prononcee parla juridiction penale, le demandeur a verse aux parents de D. M. A. et àcelle-ci (ainsi qu'à sa mutuelle et une compagnie d'assurances, subrogeesdans leurs droits) la somme totale de 9.071,16 euros.
Subroge dans les droits de W. D., il a demande, dans l'instance dontappel, condamnation de D. G. à lui payer la moitie de cette somme, surbase du partage des responsabilites reenu par la juridiction penale,augmentee d'interets.
Les defenderesses, qui sont les heritieres de D. G. decede le 17 juin2008, ont repris l'instance dirigee contre ce dernier.
Apres un jugement interlocutoire du 8 juin 2012, le jugement dont appeldit la demande recevable mais non fondee.
Sur appel du demandeur, et apres un jugement interlocutoire du 22 janvier2015, le jugement attaque confirme le premier jugement.
A l'encontre du jugement, le demandeur croit pouvoir vous proposer lemoyen unique de cassation suivant.
Moyen unique de cassation
Dispositions legales violees
Articles 2 et 23 à 27 du Code judiciaire ;
article 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre preliminaire duCode de procedure penale ;
articles 19bis-14 et 19bis-16 de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere de vehiculesautomoteurs ;
principe general du droit relatif à l'autorite de la chose jugee aupenal.
Decision attaquee et motifs critiques
Le jugement attaque, par confirmation du jugement dont appel rendu le 19avril 2013 par la deuxieme chambre du tribunal de police de Charleroi,siegeant en matiere civile, disant non fonde l'appel du demandeur contrecette decision, dit recevable mais non fondee la demande du demandeur decondamnation des defenderesses au paiement de la moitie des montants qu'ila debourses en faveur de D. M. A., de ses parents, de sa mutuelle et d'unecompagnie d'assurances à la suite d'un accident de la circulation dont D.M. A. a ete victime à G. le 5 juillet 2002, par les motifs suivants :
« Les faits du litige, lequel trouve son origine dans un accident de lacirculation qui s'est produit à G., le 5 juillet 2002, furentadequatement synthetises par le premier juge.
G. D. quitte un emplacement de stationnement à contre sens lorsque sonvehicule heurte celui conduit par D. W., lequel circule en sens inverse.
A. D. M., mineure d'age au moment des faits, passagere du vehiculeconduit par D. W., est blessee.
G. D., D. W. et N. V. B., proprietaire du vehicule pilote par D. W.,sont poursuivis devant le tribunal de police de Charleroi, section penale,du chef de :
D. W. :
A. Coups et blessures involontaires à A. D. M. ;
B. Conducteur non assure ;
C. Conducteur non titulaire d'un permis de conduire ;
D. Defaut d'immatriculation ;
E. 8.3. al.2 AR 1/12/1975 ;
F. 10.1.1 AR 1/12/1975 ;
G. Non port de la ceinture de securite.
G. D. :
H. ne pas avoir range son vehicule à l'arret ou en stationnement àdroite par rapport au sens de sa marche ;
et sur citation directe ;
L. article 12.4 de l'AR 1/15/1975.
(...)
Le (demandeur) a fait intervention à la procedure.
Dans le cadre de l'instance penale, se sont constitues parties civiles :
* La SMAP, assureur RC de G. D. contre D. W. et le (demandeur) ;
* G. D. contre D. W. et le (demandeur) ;
* A. D. M. et C. F. en nom personnel et au nom de leur fille A. D. M.contre W. D., le (demandeur) et G. D..
Par jugement du 7 janvier 2004, contradictoirement rendu, le tribunal depolice de Charleroi :
Au penal,
Dit les preventions etablies et condamne les diverses parties de ce chef.
Au civil,
Rec,oit l'intervention volontaire en la cause du (demandeur) ;
Dit pour droit que les responsabilites doivent etre partagees par moitieentre G. D. et D. W. ;
Donne acte à A. D. M. de ce que devenue majeure en cours d'instance,elle poursuit l'instance initiee en son nom par ses parents ;
Et `A defaut de poursuites à l'encontre du Sieur D. G. du chefd'infraction aux articles 418 et 420 du Code penal, dit irrecevables lesreclamations des parties civiles D. M. et F. en nom personnel et de lademoiselle A. D. M. en ce qu'elles sont dirigees contre le prevenu ; lesen deboute et leur delaisse les frais quant à ce'.
Concernant les reclamations d'A. D. M. et de ses parents, le tribunal acondamne in solidum D. W. et le (demandeur) à payer à titreprovisionnel, à la premiere, 1 euro et aux seconds, 500 euros et a, avantde faire droit sur le surplus de la demande d'A. D. M., designe un expertmedecin.
Par citation signifiee le 19 mai 2004, le (demandeur) a sollicite pardevant le tribunal de police de Charleroi, section civile, la condamnationde Monsieur G. D. à lui payer la moitie des decaissements effectues auprofit d'A. D. M. et de ses parents, soit la somme provisionnelle de 250euros sur un montant principal evalue sous toutes reserves à 1250 euros,portee en cours d'instance à la somme provisionnelle de 4.535,58 euros,à majorer des interets compensatoires au taux legal à dater desdifferents versements, suite à l'accident.
Par jugement contradictoire du 8 juin 2012, la deuxieme chambre civile dutribunal de premiere instance a ordonne, avant dire droit quant à larecevabilite et au fondement de la demande, la reouverture des debats afinque les parties s'expliquent `sur l'autorite que peut avoir sur [cette]instance la decision rendue le 7 janvier 2004 par le tribunal de police deCharleroi laquelle, statuant au penal, a decide que `'à defaut depoursuites à l'encontre du sieur D. G. du chef d'infraction aux articles418, 420 du Code penal, dit irrecevables les reclamations des partiesciviles D. M. et F. en nom personnel et de la demoiselle A. D. M. en cequ'elles sont dirigees contre ce prevenu ; les en deboute et leur delaisseleurs frais quant à ce'' et s'il doit etre deduit ou non de celle-ci quel'existence d'une infraction de coups et blessures involontaires resultantd'un accident de roulage doit etre exclue dans le chef de G. D.'.
Le 7 septembre 2012, (les defenderesses) ont depose un acte de reprise del'instance initialement dirigee contre Monsieur G. D. [dont elles sontles heritieres], decede le 17 juin 2008.
Par jugement contradictoire du 19 avril 2013, la deuxieme chambre civiledu tribunal de police a donne acte aux precitees de leur reprised'instance et a dit la demande du (demandeur) recevable mais non fondee.
(...)
Par jugement contradictoire du 22 janvier 2015, le tribunal de ceans,autrement compose, a rec,u l'appel et invite les parties à produire lejugement rendu le 7 janvier 2004 par le tribunal de police de Charleroi,section penale, ainsi que le dossier repressif relatif à l'accidentlitigieux.
DISCUSSION
Le (demandeur) sollicite la condamnation des (defenderesses) à lui payerla moitie des debours qu'il a effectues en faveur de A. D. M., blesseelors du sinistre, des parentes de cette derniere, de la mutuelle et del'assureur.
En l'espece, le jugement du tribunal de police, section penale, du 7janvier 2004 a condamne G. D. exclusivement du chef de preventions deroulage.
Ainsi que l'a rappele à juste titre le premier juge, l'autorite de lachose jugee au repressif sur le proces civil ulterieur est un principegeneral de droit selon lequel la jurisprudence civile ne peut remettre enquestion ce qui a ete juge definitivement, certainement et necessairementpar le juge repressif sur l'existence d'un fait qui forme la base communede l'action civile et de l'action publique (...).
Le droit à un proces equitable consacre par la Convention europeenne desdroits de l'homme tempere le principe de l'autorite erga omnes de la chosejugee au penal. Ainsi, lors d'un proces civil ulterieur, une partie a lapossibilite de contester les elements deduits du proces penal, lorsqu'ellen'a pas ete partie à l'instance penale ou dans la mesure ou elle n'a pulibrement y faire valoir ses interets (...).
On relevera egalement, à l'instar du premier juge, que l'autorite de lachose jugee au repressif sur le proces civil ulterieur n'est passubordonnee à la condition que la decision soit indemne de touteillegalite (...).
Enfin, le juge penal a l'obligation d'examiner les faits dont il est saisisous toutes leurs qualifications possibles et de retenir la veritablequalification que ces faits comportent (...).
La qualification des faits lie le juge civil en tant qu'elle etablit leselements constitutifs de l'infraction. Elle exclut ainsi toute autrequalification dans la mesure ou le juge penal en retenant unequalification exclut implicitement toutes les autres (...).
Des lors, la decision passee en force de chose jugee par laquelle lajuridiction correctionnelle ou de police condamne l'auteur d'un accidentde roulage du chef d'infraction à la police du roulage a l'autorite dechose jugee et lie notamment le juge civil saisi d'une action fondee surle meme fait qualifie de blessures involontaires (...).
Le tribunal statuant au penal qui se declare incompetent pour connaitre del'action de la partie civile ne tranche pas seulement une question decompetence mais declare aussi que les faits dont il est saisi ne sont pasconstitutifs de coups et blessures involontaires.
A defaut d'appel du prejudicie, cette decision acquiert definitivementl'autorite de la chose jugee et s'oppose à ce que l'action civile soitportee devant les juridictions civiles (...).
L'article 19bis-14, S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative àl'assurance obligatoire de la responsabilite civile en matiere devehicules automoteurs, sur lequel se fonde l'action du (demandeur),stipule que ce dernier `est subroge, dans la mesure ou il a repare ledommage, aux droits de la personne lesee contre les personnes responsableset eventuellement leur assureur'.
A bon droit, le premier juge note qu'en vertu de cette subrogation, le(demandeur) ne dispose pas de plus de droits que les victimes qu'il aindemnisees, lesquelles, tout comme le (demandeur) etaient parties àl'instance penale.
Le jugement du tribunal de police, section penale, du 7 janvier 2004 a ditirrecevables les reclamations des parties civiles D. M. et F. en nompersonnel et de la demoiselle A. D. M. en ce qu'elles sont dirigeescontre G. D., à defaut de poursuites à l'encontre de ce dernier du chefd'infraction aux articles 418 et 420 du Code penal.
Le tribunal fait siens les justes motifs du premier juge selon lesquelsdans le cadre de la presente instance civile, le tribunal ne peut adopterdes motifs inconciliables avec les motifs du juge penal qui constituent lefondement necessaire de sa decision, laquelle a, eu egard à l'obligationdu juge penal d'examiner les faits dont il est saisi sous toutes leursqualifications possibles et de retenir la veritable qualification que cesfaits comportent, implicitement exclu la qualification de coups etblessures involontaires concernant les faits reproches à G. D..
Il en resulte qu'ainsi que l'a considere le premier juge, le (demandeur)ne peut actuellement plus agir au civil contre les heritiers de G. D. surla base d'une faute civile dont le fondement serait une infraction decoups et blessures involontaires que le juge penal a necessairementexclue. »
Et le premier jugement contenait notamment les motifs suivants, que lejugement attaque s'approprie :
« Le principe general du droit relatif à l'autorite de la chose jugee enmatiere penale interdit au juge saisi de l'action civile ulterieure deremettre en question ce qui a ete definitivement, certainement etnecessaire juge par le juge penal sur l'existence d'un fait qui forme labase commune de l'action civile et de l'action publique (...).
Toutefois, cette regle doit etre lue conjointement avec le principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense et l'article6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales qui garantit le droit au proces equitable.
Aussi, l'autorite de la chose jugee au penal ne fait pas obstacle à ceque, lors d'un proces civil ulterieur, une partie ait la possibilite decontester les elements deduits du proces penal dans la mesure ou soit ellen'etait pas partie à l'instance penale, soit elle n'a pu librement yfaire valoir ses interets.
Enfin, l'autorite de la chose jugee au repressif sur le proces civilulterieur n'est pas subordonne à la condition que la decision revetue del'autorite de la chose jugee soit indemne de toute illegalite (...).
Sont considerees comme necessairement jugees les dispositions relatives àl'existence du fait incrimine et de ses elements constitutifs - elementsmateriel et moral -, à sa qualification et à son imputabilite ou non àla personne poursuivie. Des lors, la qualification des faits retenue parle juge penal lie le juge civil en tant qu'elle etablit les elementsconstitutifs de l'infraction. Elle exclut aussi toute qualification dansla mesure ou le juge penal en retenant une qualification exclutimplicitement toutes les autres (...).
En application de ces principes, la decision passee en force de chosejugee par laquelle la juridiction de police condamne l'auteur d'unaccident de roulage du chef uniquement d'infractions au Reglement generalsur la police de la circulation routiere a l'autorite de la chose jugee etlie le juge civil saisi d'une action ulterieure fondee sur le meme faitmais qualifie de blessures involontaires (...). Des lors que le juge depolice statuant au penal avait l'obligation de donner au fait dont iletait saisi toutes les qualifications que celui-ci etait susceptible derecevoir, la decision rendue a implicitement exclu la qualification decoups et blessures involontaires.
(...)
Il en resulte que le tribunal statuant au penal qui se declare incompetentpour connaitre de l'action de la partie civile ne tranche pas seulementune question de competence mais declare aussi que les faits declaresetablis ne sont pas constitutifs de coups et blessures involontaires. Adefaut d'appel du prejudicie, cette decision acquiert definitivementl'autorite de la chose jugee et s'oppose à ce que l'action civile soitportee ulterieurement devant les juridictions civiles (...).
En application de l'article 19bis-14, S: 1er, de la loi du 21 novembre1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matierede vehicules automoteurs, le (demandeur) est subroge, dans la mesure ou ila repare le dommage, aux droits de la personne lesee contre les personnesresponsables.
En vertu de cette subrogation, le (demandeur) ne dispose pas plus dedroits que la victime qu'il a indemnisee.
(...)
Mademoiselle A. D. M. etait partie à l'instance penale en sorte que lesdispositions de la decision rendue le 7 janvier 2004 par le tribunal depolice de Charleroi lui sont opposables.
Cette decision partage les responsabilites de l'accident entre lesprevenus W. et D. : `les fautes respectives des premier et deuxiemeprevenus ont ete d'egale importance dans la genese de l'accident et qu'ily a donc lieu de partager les responsabilites de celui-ci, entre eux, parmoitie'.
Statuant sur la constitution de partie civile de mademoiselle D. M. et deses parents en nom personnel, la meme decision porte que : `A. defaut depoursuites à l'encontre du sieur D. G. du chef d'infraction aux articles418, 420 du Code penal, dit irrecevables les reclamations des partiesciviles D. M. et F. en nom personnel et de la demoiselle A. D. M. en cequ'elles sont dirigees contre ce prevenu ; les en deboute et leur delaisseleurs frais quant à ce'.
Dans le cadre de la presente instance civile, le tribunal ne peut adopterdes motifs inconciliables avec les motifs du juge penal qui constituent lefondement necessaire de sa decision. Des lors que ce dernier avaitl'obligation de donner au fait dont il etait saisi toutes lesqualifications que celui-ci etait susceptible de recevoir, la decisionrendue le 7 janvier 2004 a implicitement exclu la qualification de coupset blessures involontaires concernant les faits reproches au prevenu D..
Subroge aux droits de la demoiselle A. D. M. et des parents de cettederniere, le (demandeur) ne dispose pas plus de droits que les victimesqu'il a indemnisees.
Le (demandeur) ne peut actuellement agir au civil contre les heritiers deMonsieur G. D. sur la base d'une faute civile dont le fondement seraitune infraction de coups et blessures involontaires que le juge penal anecessairement exclue. »
Griefs allegues
Premiere branche
L'autorite de chose jugee en matiere repressive ne s'attache qu'à ce quia ete certainement et necessairement juge par le juge penal, concernantl'existence des faits mis à charge du prevenu, et en prenant enconsideration les motifs qui sont le soutien necessaire de la decisionrepressive.
En prononc,ant condamnation du prevenu D. du chef des preventions retenuesà sa charge, etant selon constatations du jugement attaque : « H. ne pasavoir range son vehicule à l'arret ou en stationnement à droite parrapport au sens de sa marche ; et sur citation directe : L. article 12.4de l'AR 1/12/1975 », le jugement du tribunal de police de Charleroi du 7janvier 2004 dit pour droit, avec l'autorite de la chose jugee, que lesfaits constitutifs de ces infractions à l'arrete royal du 1er decembre1975 sont etablis.
Mais, n'etant pas saisi de poursuites à charge du meme prevenu du chef decoups et blessures involontaires causes à la partie civile, le memejugement, qui « dit irrecevables les reclamations » des parents de D.M. A. et de cette derniere, ne s'est pas prononce sur les faits -distincts et subsequents - que constituent ces coups et blessures. Et,meme si ces coups et blessures ont pu etre la consequence des faitsinfractionnels retenus par le jugement à charge du prevenu D., encore letribunal ne se prononce-t-il pas à cet egard, jugeant irrecevable lesconstitutions de partie civile.
Il s'ensuit qu'en deboutant le demandeur de son action contre lesheritiers du prevenu D. par les motifs critiques, etant en substance quele tribunal de police de Charleroi, section penale, par son jugement du 7janvier 2004 avait necessairement decide que les faits, pour lesquels leprevenu D. etait poursuivi, excluaient toute autre qualification - et,singulierement, la qualification de coups et blessures involontaires viseeaux articles 318 et 320 du Code penal - et, en consequence, que l'autoritede chose jugee au penal par ce jugement faisait obstacle à l'actioncivile actuelle du demandeur, lequel etait partie au jugement penal, lejugement attaque ne justifie pas legalement sa decision : l'action dontetait saisi le jugement attaque etait fondee sur d'autres faits que lesfaits dont etait saisi le jugement rendu le 7 janvier 2004 (violation detoutes les dispositions legales et du principe general du droit vises àl'exception des dispositions de la loi du 21 novembre 1989).
Deuxieme branche
En tout etat de cause, et à supposer meme que les faits infractionnelspour lesquels D. a ete condamne par le jugement du 4 juillet 2004constituent, autant, les coups et blessures dont a pu etre victime D. M.,rien n'obligeait le tribunal à qualifier differemment ces faitsinfractionnels, en retenant, à charge du prevenu D., la prevention viseeaux articles 418 et 420 du Code penal.
Un fait infractionnel peut etre susceptible de diverses qualifications. Iln'incombe pas au juge penal de les retenir toutes.
Il s'ensuit que, meme s'il ne retient pas la qualification de coups etblessures involontaires dans le chef du prevenu D. - des lors qu'iln'etait pas saisi d'une infraction aux articles 418 et 420 du Code penal-, le tribunal n'a pu necessairement exclure ces coups et blessures.
Il s'ensuit que le jugement cite n'a pas, s'agissant de la condamnationpenale prononcee à charge de D., autorite de chose jugee en tant qu'ilferait obstacle à toute action civile ulterieure de la victime (ou dudemandeur qui est subroge dans ses droits) fondee sur cette qualification(violation des memes dispositions legales et du principe general du droitvises à l'exception des dispositions de la loi du 21 novembre 1989).
Et il en est singulierement ainsi des lors qu'il se deduit desconstatations du jugement attaque que, jugeant irrecevable la constitutionde partie civile des parents de D. M. A. et de cette derniere àl'encontre du prevenu D., le jugement du 4 juillet 2004 du tribunal depolice de Charleroi, section penale, n'a pu se prononcer sur le lien decausalite entre ces coups et blessures et les faits infractionnels retenusà charge du prevenu, se refusant expressement à prendre en considerationles coups et blessures allegues et, par voie de consequence, à fonder sadecision sur l'infraction visee aux articles 418 et 420 du Code penal.
Troisieme branche
L'autorite de chose jugee attachee à une decision penale ne fait pasobstacle à ce que, lors d'un proces civil ulterieur, une partie ait lapossibilite de contester tous elements deduits du proces penal lorsqu'ellen'a pas ete partie à l'instance penale ou dans la mesure ou elle n'a pulibrement y faire valoir ses interets.
Or, si, aux termes de l'article 19bis-14 de la loi du 21 novembre 1989, ledemandeur « est subroge, dans la mesure ou il a repare le dommage, auxdroits de la personne lesee contre les personnes responsables, notammentlorsqu'il est intervenu en faveur de la victime d'un accident de lacirculation « lorsqu'aucune entreprise d'assurance n'est obligee àladite reparation » - ce qui etait le cas lors de l'accident litigieux(le prevenu W. D. ayant ete condamne pour defaut d'assurance ainsi que lereleve le jugement attaque), et qu'aux termes de l'article 19bis-16 de lameme loi, le jugement penal rendu sur une contestation nee d'un prejudicecause, notamment dans l'hypothese visee ici, n'est opposable au demandeurque s'il a ete present à la cause - ce qui etait le cas -, encore, bienque partie au jugement, le demandeur, intervenu à l'instance penale aucours de laquelle le prevenu est poursuivi notamment pour defautd'assurance, est sans droit à l'encontre de ce dernier, n'ayant pasinstance liee avec lui mais, seulement, avec la victime qui s'estconstituee partie civile.
Il s'ensuit que le demandeur etait, necessairement, sans droit, au coursde l'instance penale, pour contester la qualification des faits pourlesquels le prevenu etait poursuivi, en sus du defaut d'assurance, et, lecas echeant, pour soumettre de ces faits une autre qualification au jugepenal.
Par voie de consequence, le demandeur n'ayant pas eu la possibilited'elever une contestation s'agissant de la qualification du ou des faitsinfractionnels au cours de l'instance penale, il s'ensuit que le jugementpenal ne lui est pas opposable, n'ayant pas à son egard autorite de lachose jugee (violation de toutes les dispositions legales et du principegeneral du droit vises).
Quatrieme branche
Il se deduit du jugement attaque que le jugement du 7 janvier 2004 a« (d)it pour droit que les responsabilites doivent etre partagees parmoitie entre G. D. et D. W. ».
Il s'ensuit que le tribunal n'a pu legalement dire recevable mais nonfondee l'action du demandeur, subroge dans les droits de la victime D. M.A., de ses parents, de sa mutuelle et de son assureur - demande quin'avait pour objet que la moitie des debours du demandeur eu egard à ladecision intervenue - sans meconnaitre l'autorite de chose jugee attacheeau jugement (violation de toutes les dispositions et du principe generaldu droit vises à l'exception des dispositions de la loi du 21 novembre1989).
Developpement
Il est vrai que, dans leur ouvrage Manuel de procedure penale (Larcier, 4eed., 2012, p. 1116), M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset ecrivent :« (...) la decision passee en force de chose jugee par laquelle lajuridiction correctionnelle ou de police condamne l'auteur d'un accidentde roulage du chef d'infraction à la police du roulage a l'autorite de lachose jugee et lie notamment le juge civil saisi d'une action fondee surle meme fait qualifie de blessures involontaires ». Ces auteurs citent,à l'appui de leur assertion, un arret de la cour d'appel de Gand du 23mars 1967 (Pas., II, p. 253). Mais, à la page suivante, les memes auteursecrivent : « Du point de vue du lien causal, le juge civil ne sera lieque si la decision penale porte sur des coups et blessures ou un homicidepuisque ceux-ci supposent un dommage en lien causal avec le comportementfautif. En revanche, une condamnation pour coups et blessuresinvolontaires n'empecherait pas le juge civil de contester le lien decausalite entre la faute et les degats au vehicule de la victime. »
Il se deduit du second passage cite que les faits constitutifsd'infractions à l'arrete royal du 1er decembre 1975 (Code de la route)sont distincts des coups et blessures qui ont pu en etre la consequence.La condamnation du chef des premiers par le juge penal n'exclut doncnullement une action ulterieure de la victime (ou, comme en l'espece,d'une partie qui lui est subrogee) fondee sur ces coups et blessures.
Et il en est singulierement ainsi des lors qu'il se deduit desconstatations du jugement attaque que, jugeant irrecevable la constitutionde partie civile des parents de D. M. A. à l'encontre du prevenu D., lejugement du 4 juillet 2004 du tribunal de police de Charleroi, sectionpenale, n'a pu se prononcer sur le lien de causalite entre ces coups etblessures et les faits infractionnels retenus à charge du prevenu, serefusant expressement à prendre en consideration les coups et blessuresallegues et, par voie de consequence à fonder sa decision surl'infraction visee aux articles 418 et 420 du Code penal.
En ce qui concerne la troisieme branche, le demandeur croit pouvoir sereferer à l'ouvrage de M.-A. Beernaert, H.-D. Bosly et D. Vandermeersch(Droit de la procedure penale, t. I, La Charte, 7e ed., 2014, spec. p. 280et ref. cit.), aussi M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset (Manuel deprocedure penale, op. cit., p. 1108). Ces auteurs ecrivent : « (...) ladecision penale continue à s'imposer vis-à-vis des parties au procescivil qui etaient parties au proces penal quant aux elements de ladecision à l'egard desquels ces parties ont pu faire valoir leurs moyensde defense ».
Ces auteurs citent plusieurs references de votre Cour dont lajurisprudence, sur le principe, est actuellement acquise.
En tout etat de cause, la decision sur l'action civile du jugement du 7janvier 2004, selon laquelle la responsabilite des deux conducteurs doitetre partagee par moitie a autorite de la chose jugee et le jugementattaque n'a pu, sans meconnaitre celle-ci, dire recevable mais non fondeel'action du demandeur, lequel ne demandait, en raison de cette decision dujugement du 7 janvier 2004, que remboursement de la moitie de ses debours.
PAR CES CONSIDERATIONS,
L'avocat à la Cour de cassation soussigne vous prie, Messieurs, Mesdames,casser le jugement attaque, ordonner que mention de votre decision serainscrite en marge du jugement casse, renvoyer la cause et les partiesdevant un autre tribunal de premiere instance siegeant en degre d'appel etstatuer comme de droit sur les depens.
Charleroi, le 23 mei 2017
Annexes :
1. Copie certifiee conforme du jugement du 7 janvier 2004 du tribunal depolice de Charleroi
2. Declaration pro fisco conforme à l'arrete royal du 12 mai 2015
Franc,ois T'Kint
Avocat à la Cour de cassation
4 MAI 2017 C.16.0187.F/4
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